Archives quotidiennes : 2 avril 2012

Vers la « postbourgeoisie »

 

 

J’ai écrit récemment sur Avox, comme sur d’autres sites, un petit article sur YHA qui en a  étonné plusieurs.

« Comment quelqu’un de votre maturité peut-il s’abaisser.… »  «  YHA ? Du tourisme  a bon marché pour adolescents… »  etc, etc..

Le  non-dit derrière la quasi-totalité des commentaires  que j’ai reçus a été qu’au moment où se joue le sort de la France éternelle et donc sans doute de l’humanité – et pourquoi pas celui du cosmos ? – dans une lutte titanesque entre François et Nicolas, il est irresponsable et un peu pervers de parler d’autre chose…

Pour ne pas heurter inutilement les idées reçues, je vais répondre ici selon le modèle des thèses traditionnelles en Sorbonne : une (1) introduction et deux (2) parties. Mais rassurez vous, ce sera plus court  🙂

Introduction :

La démocratie capitaliste néo-libérale, qui a gagné le derby-démolition idéologique du XXe siècle en éliminant monarchies,, dictatures, fascisme, communisme et autres modèles de gouvernance concurrents, se retrouve maintenant seule maîtresse du terrain.  Bravo. Mais elle est maintenant copieusement sifflée par la foule !

A peu près tout le monde a vu en même temps, que la démocratie actuelle n’était qu’un leurre permettant aux citoyens de choisir le visage de ceux qui portent le baldaquin du vrai pouvoir.  On a compris que, médias et corruption  aidant, élus de gauche comme de droite dînent au Siècle et sont aux ordres de ce vrai pouvoir, lesquel est financier, n’a rien de démocratique et se renouvelle par cooptation. On est mécontent.

Maintenant que l’argent apparaît pour l’illusion qu’il a toujours été, que notre civilisation occidentale, qui s’est recroquevillée depuis un siècle, est a disparaître par plaques comme une flaque d’eau au soleil et qu’on n’a même plus de véritable projet crédible de société,  on compte tous ces pouces vers le bas et on se dit qu’on va bientôt lyncher les vedettes et prendre la voie du désordre. Que faire ?

Partie I   Les vrais croyants.

Il y a ceux qui croient que, si la démocratie actuelle ne convainc plus, il faudrait en mettre plus.   On va faire voter les Libyens, les Irakiens, les autochtones de Nouvelle Guinée… Mais surtout, on va faire voter encore les Français puis les Américains : ça les tient tranquilles.

Il devrait pourtant être bien évident que la politique de la France est déjà établie par d’autres depuis longtemps et que ces élections ne la changeront pas. Croire autre chose est bien naïf et voter est donc bien ridicule… à moins que l’on n’ait un avantage tangible bien précis à en retirer.  On vote parce qu’on veut croire qu’on en retirera quelque chose.

Ce qui n’est pas très joli. Car la distribution du butin étant une opération à somme nulle et les riches étant hors-concours, une campagne électorale devient ainsi uniquement une série de promesses d’avantager Pierre ou Paul – personnellement ou par le biais d’un groupe auquel il appartient – au détriment des autres groupes ou de l’ensemble de la nation. « A nous les vieux …et non aux jeunes; à nous les malades… et non aux pauvres; à nous les syndiqués… et non aux sans-travail. »

Ce maquignonnage inique pour tirer à soi la couverture serait assez dégoûtant, si l’on ne savait pas que ce ne sont que des bobards.  On ne prendra vraiment des uns pour donner aux autres que dans la mesure où le Système l’aura jugé conforme à ses intérêts… en se fichant comme d’une guigne de la façon dont vous aller voter

On vote pour rien.  La « lutte titanesque » entre Hollo  et Sarko  n’est que querelle entre deux canards dans un étang … Si le peuple, visant le noir tue le blanc, il pleurera pour rien, car ces élections ne peuvent rien changer.

Il FAUT parler d’autre chose, car ce n’est pas un homme ou un parti qu’il faut remettre en question, c’est la démocratie capitaliste néo-libérale elle-même avec le mode de pensée qui la sous-tend, car  si le Système ne nous satisfait plus, c’est qu’il a été conçu pour répondre à un paradigme qui a changé.  Il faut penser autrement.

Hier, il fallait passer de la pénurie à l’abondance.  On ne pouvait faire mieux qu’une société néolibérale, tout-entière tournée vers la compétition.  Une société dite « bourgeoise », avec la richesse possédée comme signe distinctif et comme trophée. La caste gagnante était celle des bourgeois. Le pouvoir venait en prime, discrètement.

Rien de plus performant qu’une démocratie ostentatoire cachant un pouvoir financier immuable.  On pouvait parler de liberté… puis manipuler tranquille par la promesse et la récompense.  Une manipulation qui n’est  pas plus morale, mais est certes plus EFFICACE, que de brandir la menace et le châtiment. C’est cette approche qui a conduit à la victoire des USA sur l’URSS.

Pour enrichir une société, pas mieux que le néolibéralisme, mais il y a des zones sombres. Le défi du bourgeois est de posséder plus. Indéfiniment. Ce qui crée la misère autour, car le partage inégal qui est l’enjeu de la compétition, créer une infinie pauvreté.  Dommage… Mais l’important est de s’enrichir, n’est-ce pas ?  Le but était d’atteindre l’abondance…

Ce l’était, mais c’était le paradigme d’hier. Aujourd’hui, l’abondance est là.  On fait tout pour le cacher, mais le monde, avec l’industrialisation, peut désormais produire bien plus que pour les besoins de l’humanité. La pauvreté actuelle qui persiste dans un monde devenu d’abondance est donc voulue : c’est une DÉCISION POLITIQUE pour maintenir en place la hiérarchie actuelle du pouvoir.

Mais cette décision est battue en brèche. Dans un monde d’abondance, POSSEDER la richesse ne vaut plus rien : seule la satisfaction compte.  Or la corrélation entre possession et jouissance est si imparfaite, que Bill Gates ou Buffet, entre autres, peuvent trouver leur satisfaction à se départir de dizaines de milliards de dollars! L’abondance a créé un nouveau paradigme. Il faut une nouvelle façon de penser.

Partie II  Les contrariants

Quand ce n’est plus la possession de la richesse, mais la satisfaction qu’elle peut apporter – et dont elle n’est que l’un des facteurs –  qui devient le nouvel objectif social formel, le monde n’est plus unidimensionnel.  On peut penser autrement et avoir raison… sans que les autres aient tort.

Les conséquences sont multiples, mais il y a celle fondamentale que les contacts humains sont adoucis. L’espace où la vie est un jeu « à somme nulle » se rétrécit, aalors que croit celui où il vaut mieux coopérer.

Bonne nouvelles, car depuis quelques temps, je me demandais si l’évolution conduirait nécessairement à l’élimination des humains que nous jugeons aujourd’hui « normaux »  par les psychopathes tels que les décrit Lobaczewski. N’est-ce pas ces derniers qui semblent le mieux armés dans la lutte pour la vie ?

Je ne le crains plus ou, plus prudemment, disons que je ne suis plus résigné à la fatalité du triomphe de la violence et de la cruauté sur le désir d’amour et de paix.   Je pense que le monde en devenir exigera tellement plus de collaboration, qu’il deviendra essentiel de penser d’abord  à s’allier plutôt qu’a se détruire.

L’égoïsme ne cessera pas d’être à la base du comportement humain, mais la NECESSITÉ de la solidarité apparaîtra si clairement que le comportement de tous en société deviendra de plus en plus correct.

C’est dans cette optique que j’ai cherché à identifier les « contrariants ». Ceux dont le comportement n’est PAS de posséder d’avantage, mais d’optimiser leur satisfaction. Je ne suis qu’au début de cette recherche, mais je vois beaucoup de pistes.

Le troc, de plus en plus fréquent, de renoncer à plus de revenus pour avoir plus de loisirs en est une manifestation.  De même, tout le phénomène de la « simplicité volontaire » qui est loin d’être toujours le choix de la pauvreté ! La vie en YHA en est un excellent exemple.

Ce qui ressort du modele YHA est d’une part une tres grande acceptation de l’autre, ayant pour corollaire un effort constant pour être soi-même « acceptable ». On a ainsi des micro-sociétés qui se policent elles-mêmes avec une grande efficacité et où la vie est sereine.  Il y a là des leçons à tirer.

Le YHA, c’est aussi, d’autre part, une optimisation admirable des ressources qui permet à chacun un niveau de vie bien supérieur, au prix de concessions bien tolérables. On peut se demander si le principe d’utilisation en commun des équipements ne pourrait pas être reproduit dans d’autres contextes.  D’autres modèles à chercher.

Pourquoi pas un parc de véhicules qui répondrait aux besoins et même aux caprices de ceux qui le détiendrait en commun … et à un coût moindre que celui d’un véhicule par  famille, ou d’un par personne comme ce peut souvent être le cas en banlieue ? Pourquoi pas des services domestiques partagés ? Des services de garderie partagés ?

Dès qu’on pense « collaboration » et qu’on ne voit plus « posséder » comme une fin en soi, mais comme un moyen, on peut concevoir un nouveau schème de vie mieux adapté à ce qu’est devenue la cohabitation en société.  Les YHA sont un modèle à scruter de près. J’y reviendrai.

Pierre JC Allard

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