Archives quotidiennes : 5 avril 2012

Le pouvoir corrompt … il y a heureusement des exceptions!

 

En ces temps où on parle beaucoup de pouvoir et de corruption, on finit par devenir blasé jusqu’à en avoir la nausée!

Pour me ressourcer, j’ai plongé dans le très beau livre l’Allée du Roi de Françoise Chandernagor sur la vie de Madame de Maintenon, une femme de cœur et d’intelligence qui a su mettre ses talents au service des autres pendant que la plupart des gens de la Cour faisaient courbettes et flatteries au Roi tout puissant Louis XIV.

Madame de Maintenon est née «sans naissance et sans nom» comme on avait coutume de dire dans ce siècle. Petite-fille d’Agrippa d’Aubigné, une grande figure du protestantisme, mais sans argent, elle devient orpheline à quinze ans.

Deux ans plus tard, elle épouse un écrivain, Paul Scarron., qui est vieux et paralytique, et qui tient un salon littéraire. Ce ne fut pas un mariage heureux. L’homme était cynique et vicieux. À cet égard, comme le raconte si bien dans ses mémoires Mme de Maintenon, il lui a enseigné toutes sortes de tours intimes qu’elle aurait préféré ne jamais connaître. Ce fut un mariage de survie, pour la forme. Pour Françoise Scarron, c’était une façon de gagner son pain et de se faire une petite place dans la société.

D’ailleurs, durant les années de son mariage, elle anime le salon littéraire de son mari. Elle y élargit ses connaissances, se cultive, et développe l’art de tourner une conversation. Elle est vite reconnue pour son esprit brillant et ses manières plaisantes.

À la mort de son époux, elle devient gouvernante des bâtards royaux de Madame de Montespan, la favorite du Roi Soleil. Celui-ci au fil du temps remarque cette femme sobre et intelligente avec laquelle il prend plaisir chaque jour à échanger quelques réflexions.

Plusieurs années plus tard, lorsque la reine de France, Marie-Thérèse, meurt, Louis XIV en profite pour se débarrasser de la Montespan qu’il ne peut plus voir, malgré sa grande beauté et les cinq enfants qu’elle lui a donnés, las de ses caprices et de ses crises de jalousie. Il l’expédie dans un couvent expier ses péchés tout comme il l’avait fait avec les précédentes. Il va déclarer son amour à Madame de Maintenon qu’il respecte pour ses capacités intellectuelles et sa sobriété. Il l’épouse morganatiquement, c’est-à-dire, le fruit d’un mariage entre un roi et une femme de classe inférieure. Celle-ci n’aura pas droit aux mêmes privilèges qu’une femme de plus haut rang. Le mariage reste secret.

Ils sont très différents l’un de l’autres, mais s’attirent. Le Roi aime le faste, la gloire, le panache, le pouvoir. Le plaisir. Le soir, à Versailles, c’est la fête perpétuelle. Les femmes de la Cour sont belles dans des robes somptueuses brodées de perles, parées de bijoux scintillants. Les hommes se montrent galants. Les lumières des chandeliers de cristal se reflètent dans les grands miroirs aux riches dorures.

Tout tourne autour du Roi que tout le monde vénère et admire, malgré ses extravagances et son despotisme. Habitué à l’adulation, il s’entoure de courtisans, de flatteurs et s’attend à ce que les femmes lui cèdent facilement.

Madame de Maintenant participe rarement à ces fêtes. Ce soir, encore une fois, elle a décliné sa présence au souper de minuit. Elle a de la tendresse pour son époux le Roi, elle aime le conseiller le jour et échanger avec lui, mais elle méprise les frivolités et les courbettes et le babillage vide.

Allons donc la retrouver dans ses appartements où elle goûte le plaisir de la solitude. Il faut contourner le couloir principal et emprunter l’escalier qui mène à ses appartements royaux, au fond, à droite, dans une aile qui lui a été réservée. Entrons chez elle.

Assise à sa table de travail, elle écrit calmement. Il s’agit d’un journal qu’elle rédige depuis plusieurs années sur les coutumes de la Cour. Ce qui s’y passe, les intrigues, les affaires d’État, les tromperies, les caprices des femmes, l’orgueil des hommes, et cette fameuse étiquette compliquée qui régit la vie de la Cour. La vanité de ce monde qui se pomponne, se poudre, cherche à être bien vu du Roi, à gagner du pouvoir, à avoir de l’influence, à intriguer.

Grâce à ces écrits, on connaît un peu mieux les étranges coutumes de l’époque. Par exemple celle des lavements très à la mode. Pendant que vous faites la conversation avec vos invités, vous pouvez en même temps, derrière un paravent, aidé de votre soubrette, recevoir un lavement! Et il n’est pas rare si vous entrez dans une chambre à l’improviste de surprendre un couple à califourchon, l’un appliquant un lavement à son partenaire. Quant aux odeurs, on essaie de les masquer avec des essences, des fleurs, des plantes.

Madame de Maintenon entretient aussi une correspondance avec des gens de l’État, Frontenac, l’Archevêque de Paris, son directeur de conscience, son frère, et beaucoup d’autres.

Cette femme aime réfléchir et penser. Elle vit dans un siècle de lumière, certes, où littérature, peinture et musique se développent. Toutefois, ces réalisations ne lui font pas oublier les injustices sociales qui pèsent lourdement sur son cœur. Elle se souvient très bien de son enfance où elle a connu la faim et elle n’est pas sans savoir que le peuple de France vit dans une misère noire et une pauvreté d’esprit proche de la bêtise.

Elle conçoit avec le temps le projet d’éduquer des orphelines, soit des jeunes filles nobles, mais démunies. Elle a créé un lieu où elle leur enseigne les bonnes manières, les bases de l’éducation, le développement de l’esprit. Madame de Maintenon réalise son talent de pédagogue. Elle va rédiger une grande quantité de proverbes qui serviront de base à l’éducation de ces jeunes filles.

La maison d’éducation qu’elle vient d’ouvrir s’appelle SAINT-CYR. Pendant trente ans, elle va s’occuper de l’éducation de centaines de jeunes filles venant de toutes les régions de la France et les aidera à trouver une meilleure place dans la société. Elle leur enseignera les valeurs du cœur.

Cette grande dame a su garder un équilibre dans un siècle où le pouvoir prenait la première place, où l’intrigue avait pour objectif de contrôler les autres et de les appauvrir. À la Cour de France, un endroit où l’intimité n’existait pas, elle a su se préserver un espace à elle et se réaliser en développant son esprit et en se consacrant à une œuvre sociale humanitaire. C’est pour cette raison que le Roi la respectait.

Elle vécut jusqu’à l’âge de quatre-vingt-quatre ans.

Carolle Anne Dessureault

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