Archives quotidiennes : 27 avril 2012

Illégal

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« La manifestation est déclarée illégale » titrait pompeusement LaPresse.ca. Mais qu’est-ce que la légalité d’une manifestation ? À la base, le simple fait de bloquer une rue, ou même de s’attrouper, n’est-il pas illégal ? Si on applique la loi à la lettre, je suis sûr qu’on pourrait arrêter à peu près n’importe qui, que ce soit pour avoir craché par terre, traversé au feu rouge, bloqué la circulation… Pourquoi cette fois-ci est-elle différente ?

À la base, une manifestation constitue un geste de défiance. C’est illégal par essence parce qu’on sort du cadre législatif pour entrer dans un pur rapport de force. D’un côté, le gouvernement ; de l’autre, la rue. D’un côté, la loi ; de l’autre, des milliers de manifestations. Alors oui, manifester, c’est faire la lutte à la légalité, c’est cesser d’être un individu pour devenir une collectivité.

Au sein d’une société normale, équilibrée, ce geste de défiance est assimilé, c’est-à-dire qu’il est toléré. On décide d’appliquer une vision élastique de ce qui constitue la légalité parce qu’on a compris que les conséquences d’un tel refus seraient pires que celles d’une entrave temporaire à la circulation. On a compris qu’on a davantage à perdre d’interdire une brève entorse à la légalité que d’appliquer la loi d’une manière plus stricte.

Ce qui se produit aujourd’hui constitue un changement important : de plus en plus rapidement et de plus en plus facilement déclare-t-on une manifestation illégale. Le message lancé est le suivant : on ne veut plus vous entendre, on ne veut plus vous tolérer. Sous prétexte de quelques « casseurs », on pénalise les milliers de citoyens qui font valoir le droit fondamental de toute démocratie : celui de manifester.

Ce geste de fermeture policière suit exactement le geste de fermeture de la ministre, qui a exclu la principale organisation étudiante gréviste de soi-disant négociations où, selon Martine Desjardins de la FEUQ, celle-ci n’a été présente qu’une heure sur quarante. Cette fermeture suit également une intensification de l’utilisation de l’appareil judiciaire par des sous-fifres du Parti Libéral qui considèrent que le fait de ne pas donner un cours serait un geste « illégal ».

La vraie question devrait être : veut-on vivre dans un monde légal ?

Sérieusement, veut-on de ce monde où tous les rapports sociaux se résument à la légalité ? Un monde d’avocailleux et de politichiens qui, plutôt que de gérer les excès propres à toute expression de la volonté collective, se font les serviteurs de l’ordre imposé par une élite individuelle et égoïste ?

J’ai toujours trouvé folklorique le slogan usé lancé dans les manifestations : « La police, au service des riches et des fascistes ! ». Les dernières semaines, et plus spécifiquement les derniers jours, me poussent à voir les choses différemment. L’intransigeance des forces de « l’ordre », l’intransigeance gouvernementale, l’intransigeance des gosses de riches mwa-mwa, tout ceci me laisse un arrière-goût d’une société qui ne me plaît pas du tout.

Légale ou pas, je préfère une manifestation violente, expression de l’exaspération et de la colère légitimes d’une génération méprisée et infantilisée par le gouvernement, à une société de loi et d’ordre où les seuls rapports sociaux sont la résultante des rapports de force individuels et où toute forme de liberté collective est écrasée sous le poids de désirs égoïstes propulsés par le rouleau-compresseur de la droite économique.

Louis Préfontaine

Repris du site http://ledernierquebecois.com/

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