Archives quotidiennes : 8 mai 2012

Joual-vert! Je suis certain que celui-ci, vous ne le connaissez pas!!!



Héros légendaire Canayen: Jean Baptiste Levreau de Langis!!!

Une petite question au départ :

Quel est, selon vous, le plus grand honneur que l’on peut faire à son plus important ennemi?

La réponse, pour moi, est évidente : c’est d’effacer toute trace de son existence.

Et c’est exactement ce qu’ont fait les autorités Anglaises après la Conquête. Ils ont détruit toutes traces de l’existence de Jean Baptiste Levreau de Langis, sauf celles que les Canayens ont pu cacher.

Levreau de Langis fut une épine constante, avant et durant toute la guerre de sept ans, dans le talon de l’armée Anglaise.

Il est né à Batiscan le 11 octobre 1723, fils du lieutenant d’une compagnie de la marine Léon Levreau de Langis (veuf de Marguerite Trottier) et de Marguerite Jarret de Verchère. La famille Levreau a certains liens avec celle de mes propres ancêtres les Lefebvre/Duclos qui habitent Batiscan eux aussi, à l’époque.

Son parrain est Francois St-Georges de Cabanac et sa marraine : Marie-Anne Nodière de La Pérade. Il est baptisé par le curé Gervais Lefebvre qui eut maille à partir avec Madeleine de Verchères; celle qui, âgée de 14 ans, avait foutu toute une raclée aux Iroquois et qui, plus tard, avait cassé les reins de l’un des deux « sauvages » qui attaquaient son mari, dans son salon, à La Pérade.

En 1744 Il est parrain de son neveu Joseph Levreau. Il est alors écuyer âgé de 21 ans.

Le 29 juillet 1749, il est témoin au mariage de Denis Laronde Thibaudière et de Marguerite Suzanne Decelles Duclos à Montréal.

Il épouse Madeleine Maranda à Batiscan le 8 février 1749. Il est âgé de 26 ans et Madeleine de 21 ans. Elle décède en donnant naissance à un fils qu’ils appellent Louis. Lorsque celui-ci prend épouse, il est dit de « père inconnu » et il n’est pas mentionné dans le testament de Jean Baptiste Levreau de Langis. Voilà suffisamment d’informations qui peuvent servir à ceux qui adorent les cancans.

La carrière militaire de Jean Baptiste commence au fort Beauséjour en 1755. Il est âgé de 32 ans. Celui en charge du fort est notre bon ami de l’Anse des mères : Monsieur de Vergor. Celui qui sera fait prisonnier pendant son sommeil lorsque les Anglais iront s’installer sur les plaines d’Abraham, le 13 septembre  1759.

Jean Baptiste Levreau fait partie des 150 soldats des compagnies franches de la marine accompagnées de 290 Acadiens et quelques Micmacs qui défendent le fort Beauséjour. L’armée anglaise compte 2000 miliciens et 270 soldats réguliers. Ils sont menés par le lieutenant-colonel Robert Monckton.  Les Acadiens se disaient « neutres » dans les combats entre Français et Anglais. Lorsque Monckton trouve des combattants Acadiens au fort Beauséjour, il obtient l’excuse parfaite pour justifier la déportation des Acadiens qui se fait la même année.

Levreau de Langis est fait prisonnier par les Anglais. Ils ont la malheureuse idée de le relâcher et il revient tout de suite à Québec.

À son retour, sa renommée est déjà faite et il est qualifié « d’officier au courage extraordinaire ». Personnellement, je ne vois rien encore qui puisse justifier cette réputation. Louis de Courville dit le lui : « …un officier qui se distingue par sa bravoure. Il agit, il est vigilant et est toujours prêt à aller en campagne ».

Bof! Moi aussi j’aime la campagne et ça ne me donne pas un « courage extraordinaire ».

Mais là où cela se corse, c’est que le lieutenant-général Louis-Joseph de Montcalm, qui n’aime pas du tout les Canayens, écrit à Vaudreuil : «  Le Sieur de Langis de Montegron est régulièrement affecté aux tâches d’éclaireur les plus importantes et les plus difficiles et il s’y distingue constamment ». Il dira, plus tard, au ministre Français de la guerre que Langis « …comprenait mieux la petite guerre que quiconque ». Il semble bien que les Anglais aient réussit à effacer une partie des exploits de ce Canayen. Du moins celles d’avant 1755.

Donc, je suis bien obligé de me pencher sur ses faits d’arme qui nous sont connus.

En 1755, il participe en tant qu’éclaireur à la campagne du Lac Georges. Il est continuellement envoyé pour effectuer des raids et recueillir du renseignement. Il avance tellement loin en territoire ennemi qu’un journal anglais de l’époque fait état de la terreur qu’il inspire. Les soldats anglais détestent dorénavant entrer dans les bois se sentant constamment épiés par Langis, ses canayens et ses « sauvages ». Washington, encore jeune, déplore que : …Il est impossible de décrire la situation dans la quelle se trouve ce malheureux pays et les dangers auxquels il est exposé. Il y a toujours un si grand nombre de « Français » et d’Amérindiens qu’aucune route n’est sûre ». Un colonel britannique déclare : «  J’ai honte qu’ils (Les Canayens) aient réussi toutes les missions confiés à leurs éclaireurs alors que les nôtres ont toutes échoué ».  Il doit donc y avoir quelque chose de vrai, dans cette histoire, à propos de Jean Baptiste Levreau de Langis.

Le 14 février 1756, il épouse, âgé de 31 ans, la veuve de son oncle Jean Baptiste Jarret de Verchères, Madeleine d’Aillebout de Manthet. Elle est âgée de 51 ans. Cette fois-ci, ce qui est assez exceptionnel dans notre histoire, c’est l’épouse qui eut un regain de jeunesse le soir de ce  14 février. Le mariage est parrainé par le lieutenant-gouverneur  Marquis de Vaudreuil et l’Évêque Monseigneur de Pontbriand accorde une dispense d’affinité  et une dispense des trois bans aux époux. Il ne devait plus y avoir beaucoup de monde opposés au mariage.

La même année au Fort Oswego (Chouagen) du lac Ontario :

Le gouverneur-général Marquis de Vaudreuil parvient à annuler les réticences de Montcalm et le décide d’attaquer le fort Chouagen. En fait, il s’y trouve 3 forts, mais seul celui de Chouagen peut supporter un siège. Leur garnison est formée de 1800 des meilleurs soldats anglais.

En juin 1756, Langis est envoyé en mission de reconnaissance à Chouagen. Il en rapporte un prisonnier. Il y retourne le mois suivant en préparation d’une attaque d’envergure. Au début d’août, Langis et Drouet de Richerville mènent des troupes en reconnaissance; une semaine plus tard, Chouagen est pris. Voyons l’évènement :

3000 soldats « Français » attaquent les 3 forts. Tous les soldats anglais se réfugient au fort Chouagen.  Le 14 août, le colonel James Mercer se fait décapiter par un boulet de canon (Je lui avais dit de se baisser; mais il ne comprenait pas mon accent canayen) et une heure plus tard, le fort capitule. Les forts anglais sont rasés et nivelés immédiatement. Les forces « Françaises » font 1700 prisonniers et saisissent les 121 canons du fort.

C’est la première victoire de Montcalm au Canada. Dire qu’on a été obligé de l’y traîner presque malgré lui.

En octobre de la même année, Langis pénètre à l’intérieur de la colonie de New York avec des Népissingues et des Potéoutamis. Il est accompagné de Marin de la Malgue dont nous avons déjà lu l’histoire.  Lui et Langis sont reconnus comme les meilleurs à « la petite guerre ».  Remarquez que Charles de Langlade est tout aussi efficace; mais l’histoire du Canada ne peut pas tous les nommer parce qu’on ne pourrait plus expliquer la conquête.

Au printemps suivant (1757) avec une centaine d’indiens, il tombe sur un groupe de 50 anglais en train de couper des arbres. Ce n’est évidemment pas pour ses convictions écologiques qu’il en tue près de 20 et en capture une demi-douzaine. Il a lui-même été vu à couper des arbres de temps à autre.

Pendant les mois qui suivent, Langis patrouille la région du fort Georges.

Un chroniqueur contemporain de l’époque écrit : « Les avant-postes ont été réduits à néant sur une superficie de plus de trois cent miles de longueur et généralement d’environ trente miles de largeur ».

En juillet 1757, Lévis l’envoie reconnaître une route de terre entre Carillon et le fort Georges. Il réussit à surprendre 2 groupes ennemis qu’il écrase. Plus tard, en juillet toujours, Joseph Marin de la Malgue prend la tête de 400 canayens et indiens pour aller vérifier la rivière du chicot. Langis et son frère Alexis sont à la tête du contingent indien.  Marin de la Malgue sera fait prisonnier et ne sera relâché que 8 ans plus tard. Langis ramènera ses hommes au Canada.

Le 7 octobre 1757, «  le sieur de Langy Montegron est parti par le fond de la Baye pour la petite guerre avec un détachement de 40 hommes dont douze Sauvages. «  raconte Bougainville.

En décembre 1757, Langis attaque le fort Lydius avec ses amérindiens et rapporte 20 « chevelures » et 3 prisonniers. On apprend ainsi que 20 régiments anglais arrivent d’Angleterre pour la campagne d’été.

Autour du 15 mars 1758, Mr de la Durantaye part avec 200 Iroquois du Sault St Louis, suivit de Langis de Montegron.  Les rangers de Rogers leur ont tendu une embuscade et attendent les « Français ». À leur arrivée, ils tirent un feu nourri sur l’avant-garde française commandée par la Durantaye. Sans attendre, les Anglais se mettent à scalper les victimes, pendant que la Durantaye bas en retraite. Croyant à leur victoire, les rangers avancent sur la Durantaye; mais Langis les a aperçu et les contournant,  s’abat sur eux. Devant le spectacle de leurs compagnons scalpés, la troupe de Langis s’enrage. Ils larguent leurs fusils et poursuivent le travail « à la mitaine »  avec tomahawk,  « casse-tête » et couteau de chasse. Comme le raconte Pouchot : « Il s’était joint 11 officiers ou volontaires à ce détachement, dont 4 étaient des régiments venus dernièrement de l’Angleterre ».  Les Anglais perdent énormément de soldats et sont presqu’entièrement exterminés. Le lieutenant Moore, l’enseigne Mac Donald, le capitaine Bulkeley, tous ces officiers sont tués ou blessés. C’est un carnage pour les anglais, tandis que tel des bêtes fauves, les Canado-Amérindiens déciment les rangs britanniques. Il faut dire que les rangers étaient haïs pour leur extrême sauvagerie et massacres inutiles… Rogers fuit vers les hauteurs du Mont-Chauve. Cinquante hommes tombent encore durant la fuite. Langis et la Durantaye, maintiennent la pression sur les restes de la colonne éparpillée se repliant sur les hauteurs. L’obscurité seule sauve quelques survivants de la compagnie de Rogers.

Cent quarante quatre scalps sont levés et 7 prisonniers sont capturés. Rogers parvient à fuir grâce à l’obscurité. Il était le meilleur commandant des miliciens anglais mais n’a jamais pu vaincre Langis, le meilleur commandant des miliciens canayens. Rogers, dans sa fuite, laisse son manteau, « sa commission et ses instructions». Pouchot ajoute : « « Nous eûmes dans cette affaire 5 Iroquois du Saut tués, un Nepissin du Lac et 3 autres Iroquois blessés à mort. C’est encore une action des plus vigoureuses des Sauvages. Ils avaient à faire à un détachement d’élite de volontaires, sous la dénomination de découvreurs. »

« Découvreurs » signifie dans l’esprit de Pouchot: « Éclaireurs » et on sait que les éclaireurs de l’époque étaient tous des « coureurs de bois ».

Le 6 mai 1758, du côté de Carillon, le « Détachement de Mr de Langy à rapporté quatre chevelures », selon Bougainville. À la mi-mai, suite à l’enlèvement de 4 hommes, 2 morts et 17 autres attaqués dans les bois, Langis part avec ses amérindiens en riposte pour obtenir des informations. Il ramène 3 prisonniers… Il repart peu de temps après, le 17, avec 25 guerriers, vers Orange et fort Edouard. « Dans ce mois, M.de Langis brûla 500 berges et la barque des Anglais sur le lac George, et prit ou tua 40 hommes qui les gardaient. »(Pouchot).  Le 31 mai, il est de retour à Montréal, ses guerriers ont pris 3 scalps. Le 13 juin, il part pour Carillon avec 80 guerriers : « Quelques Sauvages ont enlevé un Canadien vers le lac St François.» (Bougainville). Il va y remédier.

Le 27 juin, Il ramène 19 prisonniers qu’il a capturé au lac St-Sacrement. Des rumeurs parlaient d’un établissement anglais au fond du lac St Sacrement, sur les ruines du fort George. Ce n’était que des rumeurs; mais maintenant Langis peut en confirmer la réalité.

Le 4 juillet Montcalm demande des volontaires parmi les officiers Français pour être sous les ordres de Langis. Le nombre de volontaire est si grand qu’il faut en refuser. Langis est le seul commandant canayen dont la réputation n’a jamais été salit par aucun des soldats français.  Un capitaine et 7  lieutenants  acceptent d’être sous les ordres de Langis. Ils reviennent le lendemain pour prévenir Montcalm de l’arrivée de l’armée anglaise.

Repartant en éclaireur avec sa troupe, il rencontre par hasard, le 7 juillet, l’avant-garde ennemie. Celle-ci est menée par le Lord brigadier Howe qui est le plus apte à réussir l’entreprise contre le Canada. Il ne survivra pas au combat sanglant qui résulte de sa rencontre avec Jean Baptiste Levreau de Langis. Paix ait son âme. L’armée qui arrive est celle du major-général James Abercromby. Elle compte 15,000 soldats. L’armée française est forte de 3,600 combattants.

On a très peu de compte rendu précis de cette bataille de Carillon. On vente la bravoure des soldats français, le courage de Montcalm et on ne fait qu’une petite mention du cri du cœur de Lévis lorsque le danger devient trop grand : « En avant Canayen! ».

Ce qui n’est pas mentionné est que 3 groupes de Canayens sont placés sur les ailes de l’armée et leur mission est d’empêcher le gros de l’armée anglaise de débarquer. Ce qu’ils réussirent assez facilement vue la précision de leur fusil. Langis est à la tête de l’un des groupes, Langlade du deuxième et Luc de la Corne en charge du troisième. Canardant les barques anglaises sans merci, ils laissent néanmoins débarquer les Anglais au compte-gouttes. Lorsqu’ils entendent le cri de Lévis « En avant Canayens! », ils se retournent et aspergent de plomb les soldats qui assaillent les fortifications. En un rien de temps, les anglais jonchent le sol, les officiers menant l’attaque sont tués et les survivants se replient comme des « poules pas de têtes » en débâcle vers le bord du lac. Le feu nourri ne leur laisse pas le temps de considérer autre chose que la fuite. Les Anglais laissent sur le terrain 1944 morts dont 1610 soldats réguliers. Les Français subissent 377 pertes. Voila la raison principale de la victoire de Montcalm à Carillon. Mais n’en parlez pas, c’est secret et je ne peux pas vous dire ce qui pourrait arriver si jamais vous le racontiez.  Vous pouvez cependant dire sans crainte que Langis fut blessé à la bataille de carillon; « y’a aucun problème à ça ».

Malgré ou peut-être «  à cause » de cette victoire à Carillon, dépendamment du but visé par lui, Montcalm change complètement de stratégie et décide de combattre « à l’européenne ». Il fait abandonner les forts de l’Ouest pour concentrer ses forces à Québec. C’est là sa nouvelle stratégie; du moins « officiellement » car cela va à l’encontre du fait qu’avant que les Anglais ne deviennent trop pressant sur la ville de Québec, il éloigne Lévis de la ville. Il a probablement peur que celui-ci ne lance encore son fameux cri ; « En avant les Canayens! ». Il a certainement raison car Québec tombe juste avant que Lévis ne revienne sur place.

Par contre Langis, quant à lui, ne cesse de harceler les Anglais. Principalement les rangers de Rogers qui ont commencé à brûler les fermes des Canayens.

Lorsque les 142 rangers lancent un raid sur le village de St-François-du-Lac à partir de baleinières, Langis, après s’être tordu de rire au sujet de leur peur de voyager en canots, se met à leur poursuite. Il en tue 69 et échappe les autres qui s’en tirent in extremis.

Après la chute de Québec, Langis continue ses raids à partir de l’Ile aux noix. En février 1760, il rencontre encore une fois Rogers parti d’Albany pour se rendre à Crown Point. Langis lui tend une embuscade. La première volée de tir tue les chevaux; mais Rogers et 7 des siens parviennent encore une fois à s’échapper. Langis met la main sur 32 mousquets, 100 hachettes, 55 paires de mocassins et 3,961 Livres; la paie complète des troupes de Crown Point.

Six semaines plus tard, il se rend à Crown Point et sans tirer un seul coup de fusil, capture 2 officiers anglais, un officier des rangers et 6 soldats qu’il ramène à Montréal.

La dernière mention de Langy se lit dans le journal de Pierre Pouchot : «Ce fut de là que durant l’hyver on forma des partis qui amenaient toujours quelques prisonniers. Langis en fit encore d’heureux dans ce printems. Cet officier, le meilleur partisan des troupes de la colonie, qui avait si bien servi les deux dernières campagnes, se noya malheureusement en voulant traverser la rivière dans un canot avec deux hommes. Elle n’était pas absolument prise dans les bords ; mais un morceau de glace s’étant détaché tout-à-coup, il tomba sur le canot et le noya. »

Jean Baptiste Levreau de Langis se noie à l’âge de 37 ans, près de l’île des Sœurs au printemps de 1760. Il est inhumé à Longueuil le 1er juin de la même année.

Vous vous cherchez un héros canayen? Il y en a plusieurs de disponibles; mais il n’y en a pas beaucoup d’aussi valeureux que ce Jean Baptiste Levreau de Langis né à Batiscan.

André Lefebvre

 

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