L’histoire de la Papauté contemporaine est aussi « mystérieuse » et « politique » qu’à l’époque des Borgia. Mais j’adore faire des articles où c’est vous qui êtes obligés de trancher. 🙂
Pape Pie XII et la suite.
Eugenio Maria Giuseppe Giovanni Pacelli (Rome, 2 mars 1876 – Castel Gandolfo, 9 octobre 1958), élu pape le 2 mars 1939 sous le nom de Pie XII
Avant le règne de Pie XII
11 février 1915 : Vladimir Ledóchowski, jésuite de 49 ans, est élu 26e Supérieur général de la Compagnie de Jésus. Il sera très proche du Pape Pie XI et, plus tard, du Pape Pie XII. Durant son généralat, les Jésuites augmentent énormément leur pouvoir. Ce supérieur des Jésuites est un patriote polonais anti communiste très impliqué.
Il fut le principal responsable des mesures disciplinaires prises à l’encontre de Tailhard de Chardin qu’il enjoint de renier son ouvrage théologique controversé sur le péché originel.
6 février 1922 : Décès de Benoit XV. Au quatorzième tour, le conclave élit Pie XI (Cardinal Ratti). Il garde avec lui son secrétaire le cardinal Mgr Carlo Confalonieri.
1929 : Accords de Latran qui crée l’État du Vatican sous le règne de Pie XI.
Les accords comprennent trois conventions distinctes :
- un traité politique qui règle la « question romaine » ;
- une convention financière qui dédommage le Saint-Siège ; Mussolini propose cette même somme augmentée de ses intérêts, portant le montant total à 4 milliards de lires. Cette somme n’est pas versée directement au Vatican. Le Saint-Siège reçoit en fait 750 millions de lires en argent comptant et des titres à 5 % d’une valeur nominale d’un milliard de lires, confiés par Pie XI à l’Administration spéciale des biens du Saint-Siège.
- un concordat qui statue sur la position de l’Église en Italie. Les juridictions ecclésiastiques sont reconnues en matière spirituelle et disciplinaire, un prêtre apostat pouvant ainsi se voir refuser un emploi public.
1933 : Le parti Nazi arrive au pouvoir et un accord (le concorda du 20 juillet 1933) est rapidement signé entre le Saint-Siège, représenté par le futur Pie XII (Cardinal Pacelli), qui est secrétaire d’État et le Reich Allemand représenté par le vice-chancelier Franz Von Papen. Cet accord fut revalidé en 1957 et est toujours en vigueur. Par contre l’accord n’est pas respecté par les nazis.
10 mars 1937 : Pie XI publie l’encyclique Mit brennender Sorge (Avec une brulante quiétude) qui condamne le national-nazisme de Hitler. Cet encyclique fut le travail d’un groupe de cardinaux et d’évêques parrainés par le cardinal Eugenio Pacelli (futur Pie XII) alors secrétaire d’état.
19 mars 1937 : Préparé par Vladimir Ledóchowski, supérieur des Jésuites, Pie XI publie l’encyclique Divini Redemptoris affirmant que le communisme athée est « intrinsèquement pervers » et qu’aucun Chrétien ne doit collaborer avec eux. Pie XII expliquera au Américains qu’il fallait distinguer entre « régime soviétique » et le « peuple russe » pour les justifier de collaborer pour battre les nazis.
Mai 1938 : Hitler visite Rome mais le Pape Pie XI et Eugenio Pacelli (futur Pie XII), s’absentent avant l’arrivée du Fuhrer pour ne pas le rencontrer. La même année, Il ordonne aux universités catholiques d’organiser un enseignement contre l’antisémitisme et le racisme. Il demande également au supérieur des Jésuites, Vladimir Ledóchowski, de lui préparer une autre encyclique (Humani generis unitas) contre le nazisme ainsi qu’un discours dénonçant les écoutes et les déformations des propos de l’église par les fascistes.
10 février 1939 : Pie XI décède. Il avait 82 ans. Le soir de son décès son encyclique était probablement sur son bureau.
Cette encyclique ne sera jamais publicisée. Était-ce parce qu’il prenait position contre les nazis de Hitler et les fascistes de Mussolini?
« En janvier 1972, le cardinal Eugène Tisserant, que Pie XI avait fait cardinal en 1936, affirma à la presse française que le Saint-Père aurait été assassiné à l’instigation de Mussolini. Le professeur Francesco Petacci, médecin du Vatican, qui était aussi le père de Clara Petacci, la maîtresse du Duce, lui aurait fait une injection mortelle débarrassant le régime d’un souverain pontife encombrant. »
Certain ont reproché à Pie XII de faire disparaître ce discours avant même d’être élu Pape. Après son élection, le Pape Pie XII prendra une position beaucoup plus « prudente » que celle de Pie XI. Une chose est certaine; c’est qu’Eugenio Pacelli, secrétaire d’État du Vatican et futur Pie XII, était très proche du supérieur des Jésuites Ledochowski. Ce dernier considérait le communisme beaucoup plus dangereux que le nazisme et ne voulait pas couper les ponts trop radicalement avec Hitler. D’autant plus que ce supérieur des Jésuites, quand il choisira un relecteur pour le texte Humani generis unitas, ce sera Enrico Rosa auteur le plus violemment antisémite.
Des sources secondaires — comme le Cardinal Tisserant doyen du collège des cardinaux — rapportent que Humani Generis Unitas était littéralement sur le bureau de Pie XI quand il mourut d’une attaque cardiaque le 10 février 1939.
2 mars 1939 : Le cardinal Eugenio Pacelli est élu Pape et prend le nom de Pie XII.
Le règne de Pie XII
Depuis 1914, Eugenio Pacelli est l’un des diplomates du Saint Siège. Le 20 avril 1917 le Pape Benoit XV le nomme nonce apostolique, c’est-à-dire ambassadeur du Vatican. Lors de ses vacances d’été à Rorschach, au lac de Constance, il prend à son service l’allemande sœur Pasqualina, âgée de 23 ans, qui reste sa gouvernante jusqu’à la fin de sa vie.
Sa nomination, en 1930, comme successeur du cardinal Gasparri au poste de cardinal secrétaire d’État, crée la « stupeur » dans la curie, où elle apparaît comme la promotion d’un homme nouveau au service exclusif du pape et « une figure au dessus des partis. Il devient le principal collaborateur de Pie XI qu’il voit au moins deux fois par semaine.
2 mars 1939 Eugenio Pacelli, 63 ans, est élu Pape et choisit le nom de Pie XII. En passant devant sa gouvernante sœur Pasqualina, il lui dit « Regardez ce qu’ils m’ont fait ! » Je n’ai pas pu trouver ce qu’elle lui a répondu.
Pie XII et les nazis :
Radio Vatican déclare en date du 26 juin 1943 que « Quiconque établit une distinction entre les Juifs et les autres hommes est un infidèle et se trouve en contradiction avec les commandements de Dieu. La paix dans le monde, l’ordre et la justice seront toujours compromis tant que les hommes pratiqueront des discriminations entre les membres de la famille humaine. »
Le New York Times cite et acte ce message dans son tirage du jour suivant.
Pie XII n’avait pas attendu ce jour-là pour agir en faveur des Juifs. Il organisait, avec l’aide du clergé de Rome et d’ailleurs, des réseaux pour faire échapper les Juifs aux griffes des Nazis. Par diverses filières, ils pouvaient ensuite gagner des pays neutres ou faisant partie de la conférence des Alliés.
Peu après la guerre, Albert Einstein, savant de renommée mondiale, mêle sa voix au concert de louanges et d’hommages qui montent vers le Vatican en déclarant que « l’Église catholique a été la seule à élever la voix contre l’assaut mené par Hitler contre la liberté ».
Le 9 octobre 1958, Pie XII décède et les messages de condoléances affluent vers le Vatican. On y relève celui de Golda Meïr, ministre des affaires étrangères d’Israël, qui souligne en cette occasion que « pendant la décennie de terreur nazie, quand notre peuple a subi un martyre terrible, la voix du pape s’est élevée pour condamner les persécuteurs et pour invoquer la pitié envers leurs victimes ».
Tiré de Humanis generis de Pie XII :
Car Dieu a donné à son Eglise, en même temps que les sources sacrées, un magistère vivant pour éclairer et pour dégager ce qui n’est contenu qu’obscurément et comme implicitement dans le dépôt de la foi. Et ce dépôt, ce n’est ni à chaque fidèle, ni même aux théologiens que le Christ l’a confié pour en assurer l’interprétation authentique, mais au seul magistère de l’Eglise. (On jurerait Jean Charest).
Cette encyclique est surtout dédiée à défendre les dogmes de l’Église face à la recherche objective. Elle ne s’applique que très peu à la recherche rationnelle. Par contre, certainement sans le vouloir, l’encyclique défend quand même la recherche rationnelle :
Tout ce que l’esprit humain, adonne à la recherche sincère, peut découvrir de vrai ne peut absolument pas s’opposer à une vérité déjà acquise; Dieu, Souveraine Vérité a créé l’intelligence humaine et la dirige, il faut le dire, non point pour qu’elle puisse opposer chaque jour des nouveautés à ce qui est solidement acquis, mais pour que, ayant rejeté les erreurs qui se seraient insinuées en elle, elle élève progressivement le vrai sur le vrai selon l’ordre et la complexion même que nous discernons dans la nature des choses d’où nous tirons la vérité.
Au sujet de l’ancien testament :
Et en particulier, il Nous faut déplorer une manière vraiment trop libre d’interpréter les livres historiques de l’Ancien Testament, dont les tenants invoquent à tort, pour se justifier, la lettre récente de la Commission Pontificale biblique à l’Archevêque de Paris (13), Cette lettre, en effet, avertit clairement que les onze premiers chapitres de la Genèse, quoiqu’ils ne répondent pas exactement aux règles de la composition historique, telles que les ont suivies les grands historiens grecs et latins et que les suivent les savants d’aujourd’hui, appartient néanmoins au genre historique en un sens vrai, que des exégètes devront étudier encore et déterminer: cette Lettre dit encore que les mêmes chapitres, dans le style simple et figuré, bien approprié à l’état des esprits d’un peuple peu cultivé, rapportent les vérités essentielles sur lesquelles repose la poursuite de notre salut éternel, ainsi qu’une description populaire de l’origine du genre humain et du peuple élu. Si par ailleurs, les anciens hagiographes ont puisé quelque chose dans les narrations populaires (ce qu’on peut assurément concéder), on ne doit jamais oublier qu’ils l’ont fait sous l’inspiration divine qui les a préservés de toute erreur dans le choix et l’appréciation de ces documents.
À contrario au sujet de Pie XII :
En 1999, Jean-Paul II crée une commission internationale de six historiens juifs et catholiques. Il affirme : « L’Église ne craint certainement pas la vérité qui émerge de l’Histoire. » Mais la partie juive se retire en 2001, faute d’avoir obtenu l’ouverture totale des archives. Depuis, la bibliographie sur le sujet n’a cessé de s’étendre, plus marquée par la passion que par la rigueur historique, des auteurs juifs soutenant Pie XII aussi bien que des catholiques stigmatisant ses silences.
Benoit XVI a décidé de béatifier Pie XII et a signé le décret en décembre 2009. Mais il y a des objections. L’attitude de Pie XII (1939-1958) est fortement controversée par de nombreux historiens. Il est accusé d’avoir gardé le silence pendant la Shoah, alors que plus d’un millier de juifs de Rome étaient déportés, raflés dans le ghetto situé à quelques encablures du Vatican, de l’autre côté du Tibre.
On a donc ouvert quelques dossiers secrets du Vatican pour clarifier la situation.
« La recherche sur la période Pie XII a généré plus de deux millions de documents et d’informations sur les prisonniers de guerre », a affirmé le numéro deux du Vatican, le cardinal Tarcisio Bertone ».
Mais la réalité est qu’il n’y a que très peu de documents relatifs à la période de Pie XII.
« On y découvre une lettre, envoyée en 1942, où les détenus remercient le pape pour la fourniture de vêtements et son « intérêt pour (leur) bien-être physique, spirituel et moral ».
La publication de l’intégralité des archives sur cette période, réclamées avec force notamment par la communauté juive de Rome, est prévue pour « dans un an ou deux », a promis le chef des archives vaticanes, Sergio Pagano, ajoutant toutefois : « La décision finale appartient au pape. » (Publié le 29/02/2012 )
Voir :
Résultats des recherches selon Benoit XVI :
« Et voilà qu’une autre catégorie de gens plus malins que les autres affirme aujourd’hui qu’il a certes sauvé beaucoup de personnes, mais qu’il avait sur les juifs des conceptions démodées et qu’il n’était pas à la hauteur de Vatican II. Mais là n’est pas la question. Ce qui compte, c’est qu’il a fait et tenté de faire ; et sur ce point, je crois qu’il faut réellement reconnaître qu’il a été un des grands Justes et qu’il a sauvé plus de juifs que quiconque. »
« Là n’est pas la question »… mais, cette remarque confirme qu’il avait tout de même une conception démodée sur les juifs. Cela signifie quoi exactement??? D’ailleurs « beaucoup de personnes » ne signifie pas « beaucoup de juifs ». Benoit XVI n’est pas fortiche pour effacer des « calomnies ».
Finalement, le 29 juillet 2011 on nous promet des révélations sur Pie XII, d’après les archives secrètes de Vatican, d’ici deux ou trois ans. Je trouve que c’est plutôt long (on y travaille depuis déjà 4 ans) et je pense qu’il doit y avoir une raison importante de ne pas ouvrir tous les dossiers et qu’on doive, finalement, trouver seuls, ceux qui ne touchent pas le sujet délicat qu’on veut garder secret. Cependant, je ne pense pas que cette partie secrète se rattache au juif ou nazis sauf pour la partie des « coûts financiers » de l’aide apportée à chacun. Le gros problème pourrait fort bien être les « finances » du Vatican.
« Mais avant tout, a ajouté Mgr Pagano, j’espère et je crois qu’elle apportera une lumière plus complète sur le pontificat d’un homme qui a vécu beaucoup de tribulations, et a fait énormément pour défendre qui souffrait pendant et après la guerre ».
« Pendant » seraient les juifs et « après » seraient les nazis???
Le cardinal Raffaele Farina, archiviste bibliothécaire, a pour sa part précisé : « Nous sommes en train d’organiser les documents, en vue de la consultation, et donc, nos collaborateurs en respirent le “parfum” mais ils ne mangent pas le “plat”, parce que les documents sont secrets pour tous et donc aussi pour eux ». Ce qui n’est pas pour aider à leur travail, on le conçoit facilement.
« La volonté vaticane de sauver les juifs est un fait », déclare l’ambassadeur d’Israël près le Saint-Siège, M. Mordechai Levy. « Ce serait une erreur de penser que l’aide apportée aux juifs pendant la guerre à Rome est venue des couvents et des instituts religieux comme si c’était de leur initiative, sans le soutien du Vatican », a déclaré le 23 juin à Rome M. Levy. Il a ajouté : « Le Saint-Siège a agi. Il n’a pas pu empêcher le départ du train pour Auschwitz le 18 octobre 1943, trois jours après la rafle du ghetto. Certes, les juifs de Rome s’attendaient à la protection du pape à ce moment-là. Mais c’est un fait que ce 18 octobre, c’est le seul convoi qui soit parti pour Auschwitz ».
Actuellement, la majorité du monde considère un Pape comme un « saint » en contact avec Dieu; ils oublient tous qu’il est beaucoup plus un chef d’État en contact avec les évènements politique de son époque et qu’il doit « jouer sa pièce sur l’échiquier politique.
Pie XII et la Shoah (Michel Viot + trois auteurs)
Le 7 novembre 2010, Michel Viot, président de l’association Écouter avec l’Église, organisa une rencontre autour de Pie XII, que nous avions annoncée sur le blog. Il faut remercier les éditions Téqui de publier les contributions des participants.
Le livre s’ouvre avec une présentation synthétique et claire de Mgr Le Tourneau, suivie par une introduction de Michel Viot. Celui-ci rappelle combien son père, socialiste et franc-maçon, aimait Pie XII et détestait François Mauriac qui relayait les attaques venues d’URSS contre le pape, confirmant au passage le rôle des catholiques dans le procès intenté au pape.
Trois auteurs participent à la réflexion : l’historien Philippe Chesnaux, le président de l’association juive Pave the way Gary Krupp et l’avocat chasseur de nazis Serge Klarsfeld.
Dans son texte, Mgr Le Tourneau relève le caractère irrationnel de la polémique Pie XII. Certes, il est stupéfiant de voir comment on est passé de la louange à l’accusation ad hitlerum, du sauveur des juifs persécutés au complice antisémite. Pourtant, on peut avancer quelques explications : l’habileté des services de désinformation de l’URSS et de ses relais en Occident, l’hostilité du monde anglo-saxon et protestant à l’encontre de la papauté et du catholicisme, mais aussi la volonté actuelle de groupes de pensée et de médias d’attaquer l’Église catholique et ses chefs à travers de violentes campagnes de presse pour la salir d’une tâche dont elle ne pourrait se laver.
Le livre contient en outre une série de témoignages de juifs, contemporains de Pie XII ou historiens, qui rappellent la ferveur que ce pape suscita et continuer à susciter dans le monde juif, ainsi qu’une chronologie et une bibliographie précises. Tout pour faire de ce livre un très utile outil.
Au milieu des documents retrouvés dans les archives américaines, figure la correspondance entre le représentant britannique près du Saint-Siège, sir D’Arcy Osborne, et Myron Taylor, représentant du président américain Franklin D. Roosevelt près du Saint-Siège.
Dans le texte, portant la signature de Franklin C. Gowen, l’assistant de Myron Taylor, et daté du 7 novembre 1944, à 12h45, il est expliqué que D’Arcy Osborne « appela et dit qu’il avait peur que le Saint-Père lance un appel radio pour les juifs de Hongrie et se mette à critiquer ce que les russes faisaient dans les territoires occupés ».
« Sir D’Arcy dit qu’il fallait faire quelque chose pour s’imposer au pape et faire en sorte qu’il ne s’exprime pas, car cela aurait eu des répercussions politiques très graves », ajoute le diplomate américain.
Dans une lettre d’Arcy Osborne du 20 avril 1944 à Harold Tittman, l’assistant de Myron Taylor, le représentant britannique près le Saint-Siège demande de détruire les documents envoyés pour aider les organisations américaines juives, car ceux-ci auraient pu mettre en danger la vie de ceux qui les avaient remis, et il mentionne concrètement le nom d’un prêtre appelé « Benoît ».
Le 15 janvier 1943, la JTA informait de la réponse du cardinal Pierre-Marie Gerlier, archevêque de Lyon, aux autorités nazies qui avaient proposé de laisser en paix l’Eglise catholique si celle-ci ne disait rien sur le traitement réservé aux juifs. Le cardinal avait répondu au commandant nazi : « Vous ne savez pas que le Saint-Père (Pie XII) a condamné les lois antisémites et toutes les mesures anti-juives ».
La revue juive « Advocate » du 5 février 1943 publia ce titre: « le cardinal hongrois attaque les théories raciales », en référence au dur discours prononcé par le cardinal Jusztinián Györg Serédi, O.S.B., archevêque d’Esztergom-Budapest.
La déclaration répercutée sur les ondes de Radio Vatican, condamnait avec force les théories raciales nazies et demandait que la Hongrie protège « tous ceux qui étaient menacés pour leurs convictions ou leur race ». Sur la même page on peut lire un bref article où il est dit que Mussolini rendait les lois raciales moins dures pour pouvoir reprendre des relations avec le Vatican.
Noël 1942, le New York Times commente : « La voix de Pie XII est bien seule dans le silence et l’obscurité qui enveloppe l’Europe ce Noël… Il est à peu près le seul dirigeant restant sur le Continent européen qui ose tout simplement élever la voix. »
Je pense que des revues publiées de l’époque sont de très bonnes preuves à être appliquées à Pie XII.
Parmi les preuves que Gary Krupp a pu avancer, figure une circulaire datée du 30 novembre 1938, signée du cardinal Pacelli, adressée aux nonciatures, aux délégations apostoliques et à 61 évêques. Cette circulaire demandait de « trouver 200 000 visas pour permettre à des « catholiques non-aryens » (formule codée pour désigner les juifs…) de sortir du territoire du Reich »
On peut y lire la précision suivante : « que l’on veille à ce que des sanctuaires soient mis à disposition pour sauvegarder leur vie spirituelle et protéger leur culte, leurs coutumes et leurs traditions religieuses ».
Peu de temps après, dans une lettre datée de janvier 1939, Pie XII confirmait le contenu de sa circulaire en ces termes : « N’entreprenez pas seulement de sauver les juifs mais aussi les synagogues, les centres culturels et tout ce qui appartient à leur foi : les rouleaux de la Torah, les bibliothèques, etc… »
Par contre, on y apporte l’objection suivante : « La circulaire de novembre 1938, comme la lettre de janvier 1939, c’est le pontificat de Pie XI, avec 11, comme dans onze. Créditer le pape Pie XII de décisions faites par son prédécesseur, quand bien même il les a exécutées en tant que secrétaire d’Etat, n’est pas juste historiquement. » Ce qui est très valable; surtout que le Pape Pie XI est mort (soupçonné assassiné) en mars 1939, c’est-à-dire deux mois après la lettre de janvier. Il est incontestable que le cardinal Eugenio Capelli soutint la position du Pape Pie XI durant son règne; mais il est également certain que Pie XII fut beaucoup plus « délicat » pour le faire officiellement. Il faut se rappeler que la guerre fut déclarée en septembre 1939.
Maintenant : “From the horse’s mouth” :
Le « Jewish Chronicle » de Londres du 9 septembre 1942 informait que Joseph Goebbels, ministre de la Propagande de l’Allemagne nazie, avait imprimé dix millions d’opuscules en plusieurs langues, qui furent distribués en Europe et en Amérique Latine, condamnant Pie XII pour sa position en faveur des juifs.
Si Goebbels condamne le Pape Pie XII, ce n’est sûrement pas qu’ils sont copain-copain, j’imagine. Par contre, le pontificat ne demande-t-il pas d’aider les opprimés? Les nazis, après la guerre, étaient des opprimés tout autant que l’avaient été les juifs avant et pendant la guerre.
(À suivre)
André Lefebvre