
Mercredi 20 juin 2012 :
Décrivons la situation globale :
1) Le rapport Duchesneau est le grand responsable de l’existence de la commission d’enquête publique Charbonneau.
2) La commission Charbonneau est en à ses premiers jours « publics ».
3) La déposition de M. Duchesneau consiste en une simple mise en place des « pistes » que traitera la commission d’enquête au départ.
4) Personne ne prend conscience que M. Duchesneau n’est pas convoqué comme « témoin à charge » sur la collusion/corruption mais bien comme témoin nécessaire pour « expliquer » et donner certaines « précisions » pour la bonne compréhension de son rapport fourni par son équipe de l’UAC. Le rapport lui-même, résultat d’un travail d’équipe, est le « témoin à charge ».
5) Certains avocats, en contre interrogatoire, ne posent pas de questions pour mieux comprendre le rapport, mais visent très clairement à discréditer M. Duchesneau. Entre autre maître Denis Houle, qui s’embourbe continuellement dans ses références et ses questions, qu’il parsème continuellement de commentaires discriminatoires, agrémentés de « grimaces ». Lors de son premier contre-interrogatoire, il fut mis à l’ordre au moins trois fois par la juge Charbonneau. Sa présentation n’est pas très convaincante sauf qu’elle pourrait démontrer qu’il est coincé dans un enchevêtrement de magouilles à travers lequel il doit naviguer sans laisser de possibilité d’ouverture sur quelque magouille que ce soit. Ce qui n’est certainement pas facile, on en convient. Voici un exemple de ses interventions :
-«Vous arrivez dans presque tous les cas avec un seul exemple, une citation. Des fois, on ne sait pas d’où ça vient. Mais de là à généraliser pour parler de corruption, je trouve que vous y allez fort.»
«Et moi, de vous entendre banaliser une situation, je pourrais aussi vous répondre que vous y allez fort», a répliqué Jacques Duchesneau du tac au tac.
6) L’avocate Me Tremblay, du Parti Québécois, s’est extrêmement bien préparée pour son contre interrogatoire. Elle pose des questions pour faire ressortir des points qu’elle juge ne pas être assez précis et fait, au départ, un très bon travail. On ne sait pas encore où elle ira avec ce contre interrogatoire. Pour l’instant, elle ne s’attaque pas à la crédibilité du rapport. En fait s’attaquer à la crédibilité du rapport est inutile puisque si le rapport perd sa crédibilité, la commission d’enquête Charbonneau devient obsolète. C’est peut-être le but visé par ceux qui s’attaque à la crédibilité du rapport en question.
La fin de son contre-interrogatoire est comme une explosion de fiel qui vise un but très précis : Discréditer M. Duchesneau et mettre la main sur les informations au sujet du 70% d’argent sale dans le financement des partis politiques. Houle et Tremblay l’appuient dans sa démarche et visent le même but.
7) L’avocat du Ministère des transports est arrivé, quant à lui, « enragé bin noir » pour poser des questions à M. Morin, lui demandant s’il avait vérifié lui-même, personnellement, une affirmation contenue dans un des tableaux « explicatifs » du rapport. M. Morin lui a répondu qu’il était là pour représenter la quinzaine d’enquêteurs de l’UAC et qu’on ne pouvait pas lui demander d’avoir vérifié toutes les données fournies par ces enquêteurs. Lorsqu’il a répondu, M.Morin a dit : « Je présume que la vérification a été faite. ». L’avocat à tout de suite rétorqué : « Vous présumez. Donc est-ce que tout ce qui est dit dans le rapport sont des présomptions et dois-je comprendre que rien n’a été vérifié? » Sans le vouloir, il venait de démontrer qu’il sait très bien qu’il existe des « collusions » au MTQ.
Sa question-piège portait sur un total de factures payées par le MTQ. Il informa M. Morin : « Savez-vous que ces paiements furent fait pour payer la fourniture de…( matériaux), factures acceptées par une municipalité? » M. Morin a alors manqué une belle occasion de lui remémorer que la nature de ce qui se trouve sur la facturation n’a aucune importance puisqu’il peut très bien être question de « fausse facturation » et que dans ce cas, le MTQ n’est pas en cause d’avoir payé ces factures. L’avocat aurait peut-être « pris son trou ». De toute façon il doit revenir questionner M. Duchesneau duquel il a exigé, sur le moment, qu’il ne réponde pas à la place de M.Morin. Ce contre-interrogatoire sera certainement intéressant. Cet avocat du MTQ s’installe dans le même panier de crabe que l’avocat des grandes entreprises M. Houle et celui du Parti Québécois Me Tremblay.
Ajoutons que la commissaire en chef, la juge Charbonneau, a averti tout le monde qu’elle ne permettrait pas que les contre-interrogatoires suivants soient fait avec autant d’agressivité qu’avait démontré maître Boucher. Sans s’imposer de façon péremptoire, on sent que la juge Charbonneau est en maîtrise de sa commission; mais elle laisse la corde nécessaire aux intervenants pour qu’ils puissent se pendre, s’ils le désirent. Cela est très « démocratique », sinon très intelligent de sa part. Il est clair que si elle le veut, elle parviendra à démolir ce système « mafieu » qui contrôle notre société.
La question est : Est-ce que les autorités lui mettront des bâtons dans les roues seulement en envoyant l’UPAC faire des arrestations pour placer les coupables sous le « parapluie » des « enquête en cours » pour bloquer les enquête à ce niveau, ou vont-elles agir avec plus de détermination?
Pour revenir à l’avocate du Parti Québécois, sa dernière demande regardait les informations que M. Duchesneau avait reçu après avoir quitté l’UPAC. Elle voulait mettre la main sur ces infos qui avait de grandes chances d’impliquer le PQ. Elle a donc tenté d’annuler la validité de M. Duchesneau au niveau de sa direction de l’UAC ainsi qu’à la valeur recevable de son dernier rapport « bénévole » en essayant de le rendre « illégal ». Par contre, ce rapport ne contient que ce qui a été mentionné à M. Duchesneau par des personnes qui ont demandé à le rencontrer et non des dossiers de résultats d’enquêtes sur des gens désignés par les 13 personnes qui l’ont approché. Ce rapport « bénévole » devient donc partie de ce que la juge Charbonneau appelle des « ouïe-dires » et peut être parfaitement remis à ses enquêteurs pour qu’ils enquêtent sur ces informations.
D’un autre côté, ce « rapport bénévole» sur le financement des partis politiques a énormément d’importance aux yeux des gens « impliqués ». Pourquoi? Tout simplement parce que M. Duchesneau, lorsqu’il l’a commenté, a affirmé que suite aux travaux de l’UAC, tous étaient sous l’impression de l’existence d’un empire dirigé par certains mafiosi de la construction, mais que ce dernier rapport « bénévole » démontrait que l’empire mafieu en question était sous la coupe du financement des partis politiques. Ses paroles exactes sont : « «Dans notre premier rapport, on a parlé d’un empire insoupçonné. Mais en fait, l’ampleur insoupçonnée, c’est le financement illégal des partis politiques». Il a ensuite complété son affirmation en expliquant que le financement des partis politiques ne viennent pas du « système de contrôle » des entreprises de construction et des firmes de génie civil, ce qui serait un mouvement de « push »; mais est plutôt « exigé » par les financiers de partis politiques; ce qui devient un mouvement de « Pull » de leur part. Résultat : Les vrais chefs « mafieux » sont dans la politique. On comprend mieux, alors, la réaction agressive des différents avocats en contre-interrogatoire. Une autre assertion de M. Duchesneau qui n’est pas vraiment mise en valeur, est que ce 70% d’argent « sale » sert à « enrichir certains « élus« . Ce qui semble en inquiéter plusieurs d’après les réactions.
Si jamais ce « rapport bénévole » avait été reconnu comme « non valide » en tant que source d’information à la commission, ce que voulait Me Tremblay appuyée par les autres avocats présents, il devenait impossible à la juge Charbonneau, d’accepter toute « dénonciation » faite par M.Tout-le-monde pour justifier une enquête. Le but visé par l’avocate Tremblay semble d’avoir voulu « édenter » la commission Charbonneau et lui enlever toute sa raison d’être. Son attaque sur la crédibilité de M. Duchesneau s’avérait d’une ampleur encore plus « large » que ce qui avait été tenté jusqu’à ce moment-là. Mais peut-être ne l’avait-elle pas perçu elle-même? Il est permis d’en douter.
Après délibération en privé, la juge Charbonneau est revenu pour expliquer les raisons qui justifiaient sa décision de ne pas donner l’accès aux informations aussi longtemps que la commission n’aura pas enquêté et décidé de la pertinence de l’information fournie par M. Duchesneau. Par la suite, les avocats pourront contre-interroger les témoins qui se présenteront à ce sujet. Décision, de la juge commissaire en chef, qui était parfaitement facile à prévoir.
La juge Charbonneau semble vouloir laisser les avocats tenter de discréditer M. Duchesneau autant qu’il le veulent (c’est d’ailleurs leur droit); car cela lui démontre (à la juge) à quel point le rapport touche des points très sensibles à chacun; et l’action des avocats ne font qu’identifier ces points sensibles. Ce qui est un avantage pour les travaux de la commission.
D’un autre côté, chez les médias, on veut absolument atténuer l’importance de cette commission d’enquête. À LCN on ne donne plus que quelques reportages assez bien commentés cependant, et on y a éliminé la commission « en direct ». Ce qui leur laisse un certain « contrôle » sur la diffusion de l’information. Chez RDI on a engagé une ex-juge qui semble écouter ce qui se dit à la commission que d’une oreille peu attentive parce que lorsqu’elle commente, elle laisse de côté le fond argumentaire des témoins, tout autant que le fond argumentaire des commentaires de la juge Charbonneau. Je plains les gens qui se sont expliqués devant cette personne à l’époque où elle était juge; mais peut-être qu’à l’époque, son « écoute » n’était pas encore à la retraite. Il est également possible que ses « convictions » la fasse pencher vers le gouvernement et sa « démocratie » qui devient, de plus en plus, la cible à identifier. Heureusement que l’avocate-journaliste Isabelle Richer est souvent présente pour « rectifier le tir » de l’information.
Jeudi le 21 juin :
Dernière session publique de la commission d’enquête Charbonneau.
Il débute avec me Chartrand qui dépose les items demandés lors des contre-interrogatoires. Un seul item est refusé d’être déposé parce que l’UPAC s’y oppose formellement. C’est la liste des 200 entreprises qui sont actuellement sous enquête.
Ensuite vient le contre-interrogatoire de me Boucher qui, la veille, s’était présenté comme un « pitbull déchaîné ». Aujourd’hui, suite à l’avertissement d’hier donné par la commissaire-chef, la juge Charbonneau, on a plutôt eu droit à un contre-interrogatoire du type « chihuahua offusqué ». Autant hier, me Boucher avait l’air sûr de lui, autant, aujourd’hui, il s’est trouvé embarrassé dans certaines de ses questions desquelles il croyait connaître la réponse mais sur les quelles il était mal informé. Notamment sur le contrat de M. Duchesneau, base de tout son argumentaire, qui contenait un « avenant » qu’il ne connaissait pas. À noter que le MTQ lui a fournit cet avenant officiel après son contre-interrogatoire (efficacité ministérielle). Finalement, c’est M. Duchesneau qui a eu le dernier mot lorsqu’il a qualifié que l’interrogatoire de me Boucher ne portait que sur des « peccadilles ». Après avoir demandé à M. Duchesneau :
« –Des peccadilles, vous trouvez? ». M. Duchesneau a répondu : « –Oui! » et le chihuahua s’est retiré complètement débouté, mais satisfait d’avoir montré que les entraves au travail de l’UAC, du début, n’étaient que des « peccadilles ». On a quand même compris pourquoi, la veille, me Boucher ne voulait pas que ce soit M. Duchesneau qui réponde à la place de M.Morin. Il savait que M. Duchesneau n’était pas un débutant dans un contre-interrogatoire.
La position actuelle de la commission d’enquête est, dorénavant, très bien établie au niveau du public. On doit se rappeler que les pouvoirs de M. Duchesneau étaient extrêmement limités, sinon inexistants. Comparativement aux pouvoirs de cette commission d’enquête qui détient tous les pouvoirs possibles, incluant les informations venues de la GRC comprenant des résultats de système d’écoute.
Nous verrons le 17 septembre prochain l’ampleur de la détermination de la juge Charbonneau à démolir le système de collusion et de corruption qui semble exister dans notre société selon ce que laisse voir le rapport Duchesneau. C’était quelque peu « mal parti » au niveau de la compréhension des intervenants; mais « l’enchaînement » des travaux de la commission se démontre extrêmement bien supervisé par la juge Charbonneau qui est maintenant en position de réussir sa mission, si elle le désire réellement.
Voici une entrevue de M. Duchesneau par Isabelle Richer faite après la fin de session de la commission:
http://www.radio-canada.ca/nouvelles/societe/2012/06/22/004-charbonneau-richer-duchesneau.shtml
Amicalement
André Lefebvre