Votre article, très bien écrit, dans un style coulant, reflète la pensée d’une intelligence vive et d’une culture admirable. Texte riche au verbe fluide comme un fleuve en mouvement, une syntaxe juste. Une habileté aussi à jouer avec les mots, les concepts, les idées.
Ce n’est pas la première fois que je vous le dis; je le souligne de nouveau : j’aime votre plume. Je m’en nourris.
Il est facile d’abattre le dieu dont vous parlez
Cela dit, permettez-moi de le mentionner, Monsieur Laurendeau, il est facile d’abattre le dieu que vous mettez en scène. Ce dieu né des religions, elles-mêmes créées de toutes pièces par les hommes, généralement par les personnes les plus éclairées de la société, qui occupent les premières places sur les balcons, ne tient pas la route. D’ailleurs, je m’étonne que l’on discute encore de l’existence de Dieu en se basant sur les religions et leurs méfaits.
Tout comme vous, je ne crois pas en un dieu paternaliste, dominateur, sans empathie. Il serait plutôt le miroir de l’homme, fait à son image et à sa ressemblance.
Un dieu fait à l’image de l’homme – un super ego chimpanzé
Vous le définissez bien : CE DIEU EST UNE PROJECTION INTELLECTUELLE MAGNIFIANTE DE L’ÊTRE HUMAIN …
Je le définirai moins joliment.
Un super-humain chimpanzé, un gros imbécile de primate assis sur la plus grosse branche dans l’azur de l’éternité, un bâton dans la main, surveillant un match de gladiateurs entre humains. Un super-ego tellement enflé qu’il n’entre pas dans le cadrage des portes. La preuve, il ne peut même pas entrer dans nos cœurs.
Un tel dieu m’apparaît être une projection inconsciente de la psyché humaine qui rêve de déification. Celle-ci est présente tout partout dans notre société. Les idoles, les tyrans, le stars, les politiciens, les jet-sets, les comédies que chacun joue pour être à la hauteur, pour bien paraître.
La religion fut l’opium du peuple, c’est vrai. N’oublions pas que cet opium lui fut vendu par les cerveaux les plus éclairés, ceux qui représentaient la crème de l’intelligence. On peut y voir là un excellent exemple de l’offre et de la demande dans un marché.
De nos jours, la religion serait la cocaïne des extrémistes, dites-vous. On parle ici de certains groupes religieux bien ciblés. J’y vois surtout beaucoup de haine, suscitée par une société en panne économique, incapable de se procurer la richesse que d’autres possèdent. Une façon humaine de se venger de la frustration d’être constamment dans le manque. L’univers violent dans lequel nous vivons est créé par l’homme, l’appât du gain, la corruption.
À mon avis, les religions ne sont pas une finalité, mais un moyen d’atteindre une plus grande maturité humaine, lorsque l’intention de croissance est sincère et active chez une personne. Ce cheminement peut être fait avec ou sans religion. La vérité vit au cœur même d’une personne, et non à l’extérieur.
Difficile de définir Dieu – un alchimiste intérieur?
Baird T. Spalding dans son livre «Les treize leçons sur la vie des Maîtres» écrit que «Dieu est le UN, l’unité.»
J’aime cette définition, parce qu’elle me renvoie à moi-même et m’invite à me responsabiliser. À faire l’unité entre le corps et l’esprit. Mon être, c’est ma propre cathédrale.
Faire l’unité entre mes deux identités, l’intérieure et l’extérieure. Je ne suis pas uniquement une étiquette sociale, un paraître. Il y a aussi une vie intérieure qui bouge et qui possède des ressources insoupçonnées.
C’est sans doute là, selon moi, que se cache Dieu, ou ce qu’on appelle Dieu.
Un alchimisite intérieur. Qui est à découvrir. Dans le laboratoire intérieur de ce que je suis. Plonger dans l’inconnu. M’ouvrir à un processus de transmutation.
Faire des expériences. Par la méditation, la visualisation, la contemplation de la lumière, la réflexion objective, devenir un observateur de moi-même, cultiver l’art de vivre le moment présent, tout ceci afin de rejoindre une paix unifiée, une approche plus globale.
Toutes ces techniques – c’est maintenant reconnu par la science – peuvent avoir des effets bénéfiques sur nos cellules et notre système immunitaire. Diminuer la pression.
Des mystiques ont vécu sur un plan de conscience unifié qu’ils qualifiaient de divin
Qu’importe le mot? Ce qui compte c’est la finalité, le résultat.
Que des mystiques aient appelé Dieu leur expérience d’un état de conscience unifié n’est pas important – ce qui l’est, c’est l’expérience de l’unité.
Certains diront peut-être ne pas croire aux divers plans de conscience et qu’il n’y a qu’une seule réalité.
Permettez-moi, pourtant, de rappeler que notre société quand elle déresponsabilise un Guy Turcotte qui a poignardé ses enfants 49 fois, ou quelque tueur de série noire, sous le prétexte qu’il n’était pas dans sa réalité, ou hors de la réalité, vient de confirmer qu’il est possible pour une personne d’être là physiquement, mais d’être ailleurs dans une autre réalité de conscience que celle où nous sommes. Où était-ce exactement? En haut, en bas? Dans une réalité inférieure malade? Il semblerait que c’est ce que croient nos pairs, les spécialistes des maladies mentales, et les avocats qui défendent ces personnes.
S’il existe une réalité inférieure, pourquoi n’existerait-il pas une réalité supérieure, autre que notre réalité «objective» habituelle?
Une force supérieure qu’on ne sait pas comment nommer
Tout n’a pas été découvert scientifiquement. C’est ce qu’on entend dire.
Limitée et subjective, je sais que ne possède pas la vérité. Mais je ne veux pas être liée par des vérités absolues qui m’empêcheront d’expérimenter.
Présentement, je crois en une force supérieure qui me dépasse et que je pressens vaguement. À une substance plus large que la mienne.
Je crois que cette force ressemble à la vie. Une force qui m’échappe. CE QUI – l’innommable – fait pousser les fleurs, grandir les enfants, aimer.
C’est ce CE QUI, inconnu et insaisissable, qui m’émerveille et me fait réfléchir sans que j’aie de réponse intellectuelle définitive et finale.
Comme l’amour. Une essence insaisissable, un parfum de béatitude. Qui peut voir l’essence d’un parfum?
L’œuvre insatisfaite de l’artiste
Définir Dieu intellectuellement et rationnellement me fait penser à l’artiste qui commence l’esquisse d’une toile. L’autre jour, je dessinais un paysage à la campagne. Quelqu’un m’a demandé : «Est-ce que je peux voir?» «Non» ai-je répondu. «Pourquoi?»
Parce que le dessin n’est pas fini. On ne peut y voir que le manque, pas la beauté que je pressens et que je cherche à exprimer.
Ainsi, l’artiste ne peut jamais être totalement satisfait de son œuvre, car le moment d’éternité qu’il a capté, qui l’inspire, qu’il tente d’exprimer, ne peut être qu’imparfait parce que statique. L’artiste sait bien qu’il a été incapable de saisir la globalité de la vie. La lumière qui court dans le jardin, il n’a pas le temps de l’attraper, elle est déjà rendue plus loin.
C’est cette lumière et cette beauté qui me restent quand je pense à Dieu.
Dieu serait dans le Très-Bas
Christian Bobin dans son livre «Le Très-Bas» parle de Dieu comme étant dans le Très-Bas, par opposition au Très-Haut dont les représentants des religions se croyaient en être la manifestation.
Il dit dans son livre «Le Très Bas» :
«Dieu est dans l’amour de la mère qui enjambe chaque nuit la fatigue pour aller dans la chambre nourrir son enfant.»
Vous avez bien raison, ne pas militer
À Mère Térésa, à qui on demandait un jour de participer à une marche contre la violence, répondit non. Elle ajouta qu’elle accepterait cependant de participer à une marche POUR la paix. Vous avez raison, mieux vaut ne pas militer pour l’athéisme, ce serait indirectement militer contre les religions. Militons pour la solidarité humaine.
Merci d’avoir pris le temps de me lire jusqu’au bout.
Carolle Anne Dessureault