En 1759, Pouchot, commandant au fort Niagara, envoie une lettre à Vaudreuil annonçant que Charles Mouet de Langlade avec ses « sauvages », accompagné du chevalier de la Vérendrye avec les siens, descendent l’Outaouais à la tête de 1200 amérindiens.
Sauf que Langlade force les étapes et arrive, à la tête d’une avant-garde de 230 « Outaouais » le 29 juin 1759, vers 7hre du soir, à la ville de Québec. La Vérendrye, quant à lui, s’arrête à Montréal.
Habillé comme ses compagnons indiens, enseigne de la marine depuis 1755, Langlade est âgé de 30 ans. Fils du « canayen » Augustin Mouet Sieur de Langlade et de Domitilde, fille du chef outaouais Nissowaquet, Charles-Michel de Langlade est à demi-sauvage, malgré son instruction assez bonne. Son arrière-grand-père, Pierre Mouet sieur de Moras, était enseigne dans le régiment de Carignan, à son arrivée au canada, en 1665.
Charles-Michel subit son baptême du feu à l’âge de 10 ans avec ses « frères » Outaouais. Les Amérindiens avaient demandé à son père la permission d’amener l’enfant avec eux, lors d’un « coup » chez des ennemis. Le « coup » ayant réussit, depuis ce jour, les indiens croient Charles Langlade indestructible. En fait, il le fut, d’une certaine façon, puisqu’il décède très âgé, dans son lit, après avoir participé à 99 combats au cours de sa vie.
Il est également un des héros méconnus de l’histoire de la guerre de sept ans. « Méconnu de l’histoire », d’accord; mais très loin d’être méconnu des « canayens » de son époque.
À la bataille de la Monongahéla de 1755, celle de la « Malengueulée » comme disaient les « canayens », il commande l’embuscade qui écrase le général Braddock, pendant que Jean-Daniel Dumas attaque de front. De Beaujeu venait d’être tué au début du combat. Il est très possible que lui-même se croit indestructible, tellement il reste de glace durant un combat. Lors de la bataille de Carillon, ayant tiré de son fusil au point d’en faire chauffer le canon, il l’appuie à un arbre, près de lui, pour le laisser refroidir. Il s’assoit, le dos appuyé contre ce même arbre, sort tranquillement sa pipe et l’allume. Pendant qu’il fume tranquillement en regardant le combat, les balles sifflent partout autour de lui et ne semblent pas le déranger plus que des moustiques. L’un de ses compagnons, Amable de Gere dit Larose, racontera encore cette histoire 20 ans plus tard, tellement il en avait été impressionné. Personnellement, j’aurai réagi exactement comme lui. Eh oui! J’aurais eu le même sang-froid; sauf que j’aurais été assis et appuyé…derrière l’arbre.
Le 21 janvier 1757, il est encore de la partie lors de l’embuscade où tombe Robert Rogers près du fort Carillon. On comprend, ici, que lui et ses indiens accompagnent ceux de Levreau de Langis à qui nous avons déjà crédité cet exploit.
À l’été 1757, il sert sous les ordres de Montcalm lors de la prise du fort William Henry (fort George).
Au cours du même été il capture une flottille britannique sur les Grands Lacs.
En septembre 1757 Vaudreuil le nomme commandant en second au fort Michilimakinac.
C’est donc, cet homme-là qui vient de débarquer, ce soir, sur la grève de Québec. La population l’accueille chaleureusement et les indiens sont heureux de se dégourdir les jambes en sautant de joie avec les Québécois.
Le jour du 26 juillet 1759, un détachement d’environ 2000 soldats anglais, commandé par Wolf, fait une reconnaissance en amont de la rivière Montmorency. Langlade et ses « sauvages » les aperçoivent. Ils se placent en embuscade et Langlade envoie le message à Repentigny d’avertir Lévis de lui envoyer la milice canayenne en renfort. Il lui fait savoir que les Anglais sont tombés dans un piège et que leur défaite est inévitable si on attaque tout de suite après leur avoir coupé toutes possibilités de retraite.
Repentigny accourt chez Lévis qui hésite et tergiverse malgré qu’il sait très bien que les soldats anglais ne font jamais le poids, en forêt, devant les canayens et les indiens. Lévis demande des ordres à Vaudreuil qui se trouve alors à 5 kilomètres de là. Vaudreuil répond d’attendre son arrivée, car il veut juger par lui-même des risques de l’attaque.
Se demandant quel était la cause du retard des miliciens, Langlade se rend lui-même auprès de Lévis pour appuyez sa demande et insister sur l’opportunité qui se présente. Lévis ne veut pas prendre le risque et attend Vaudreuil. Langlade revient faire sa demande à Lévis deux fois de suite.
Finalement sous l’insistance du chevalier Johnstone, aide de camp de Lévis, qui lui fait remarquer que « Lorsque la chance se présente, il faut la saisir avidement ! » celui-ci fait semblant d’accepter et dépêche un mot à Repentigny lui disant d’attaquer avec ses 1,100 miliciens, à la condition qu’il croit vraiment à la certitude du succès. Autrement dit, il remet la responsabilité du succès sur les épaules de Repentigny. Celui-ci lui retourne une demande pour des ordres clairs et précis. Lévis se décide enfin et donne l’ordre à Repentigny d’aller supporter Langlade.
Au moment où ses miliciens approchent de l’embuscade, Repentigny entend une volée de coup de feu. Les « sauvages », après cinq heures de camouflage étendus dans les herbes longues, en ont assez d’attendre et attaquent pour « lever des scalps ». Les Anglais prennent la fuite et Wolf n’est pas vraiment menacé à aucun moment. Il retraite avec la majeure partie de son armée vers la Pointe Lévis.
Les indiens reviennent avec trente-six scalps après avoir tué plus de 150 Anglais; mais la chance de couper la retraite aux anglais s’était envolé. Les « sauvages » de Langlade sont loins d’être heureux que les « Français » aient refusé de les seconder pour récolter plus de scalps. À partir de cet évènement, les amérindiens et même plusieurs « canayens » seront moins portés à risquer leur peau pour des « soldats » qui ne les appuient pas lorsqu’il est temps de combattre. On s’était déjà rendu compte, depuis un bon moment, que les « soldats » avaient tendance à rester en retrait et laisser combattre les miliciens et les Améridiens à leur place.
Lors de cet « engagement », Wolf était dans l’impossibilité de recevoir du renfort de l’autre côté du Fleuve. Si Lévis n’avait pas tant hésité, Langlade, ses « sauvages » et les miliciens « canayens », écrasaient le quart de l’armée Anglaise et tuaient, ou faisaient prisonnier, le général James Wolf lui-même. C’en aurait été terminé de la « conquête » anglaise et les « Canayens » ne seraient jamais devenus des « Québécois ». De plus la langue française serait répandue à partir du St-Laurent jusqu’à la Louisiane, dans un immense « croissant fertile » traversant l’Ouest américain.
C’est incroyable comme une simple petite hésitation peut changer le cours de l’histoire; vous ne trouvez pas?
Amicalement
André Lefebvre