Waterloo, Trafalgar, Austerlitz…. Les grandes batailles qui changent des choses peuvent avoir lieu dans les endroits les plus inattendus. Peut-on s’imaginer qu’une décision cruciale pour l’avenir du Québec soit prise dans la circonscription de Westmount-St-Louis ? Et pourtant, ce que vont faire le 4 septembre les électeurs de ce qui est en fait le centre-ville de Montréal va apporter un message d’une extrême importance. De quoi s’agit-il ?
D’une fracture et d’une resoudure. Pensez à un os qu’il va falloir remettre en place, si on veut enfin marcher droit. Une opération qui tôt ou tard se fera, mais dont il faut voir si elle se fera maintenant ou sera remise à plus tard…. au risque de claudiquer encore péniblement pendant des années. Laissez-moi expliquer.
Il y a des lustres qu’on fait chambre à part, au Québec, entre Francophones et Anglophones, avec un partenaire qui a sa valise tout prête pour aller vivre ailleurs. Mais il n’y a pas que le partage du patrimoine qui inquiète. Il y a aussi les chats, le canari, le jardin qu’on a sarclé ensemble, les vieilles photos et quelques bons souvenirs. Il y a l’odeur du café pris avec l’autre avec plaisir…
Alors on se chamaille, on se tolère un jour de plus et, après cinquante ans de cette valise qui s’empoussière dans un coin du salon, il y a même des jours où l’on se demander si, après tout, on ne pourrait pas arrêter de faire semblant de se détester et même se laisser aller à s’aimer un peu….
Il n’y a pas de signe plus clair du clivage entre Francophones et Anglophones au Québec que l’attachement inconditionnel de ces derniers au Parti Libéral du Québec. Se sentant menacés, ceux-ci en ont fait le bastion de la résistance à une possible sécession. Pas bête… Mais, avec le temps, ils sont devenus les otages de ce Parti. Ils se sont retrouvés à défendre par inadvertance d’autres « valeurs » qu’on y a hypocritement glissées, précisément pour tirer avantage de cette clientèle captive que constituait l’électorat anglophone. Des valeurs qui NE SONT PAS les valeurs traditionnelles dominantes de cette communauté.
Historiquement, la communauté anglophone a été laïque et à gauche bien AVANT que la communauté francophone ne le devienne. Je me souviens du temps où le CCF puis le NPD, le RCM et les premières lueurs dans la “grande noirceur” brillaient à NDG avant Hochelaga-Maisonneuve… Il aurait été logique que Anglos et Francos se rejoignent à la Révolution Tranquille, dans une volonté commune de progrès social.
Il a fallu que ceux qui profitent de la zizanie montrent alors une géniale malfaisance, pour empêcher que cette évolution ne culmine pas dans une fusion plus étroite des communautés culturelles du Québec, mais conduise plutôt à une querelle ethnocentrée réactionnaire… et sans issue. Nous avons été manipulés.
La scission politique soigneusement entretenue au Québec atteint aujourd’hui un nouveau sommet dans la perversité, alors que 18% seulement des Francophones soutiennent encore le Parti Libéral du Québec…. tandis que 82% des Anglophones persistent à le faire. Ces derniers le font, aujourd’hui, au risque de se percevoir eux-mêmes comme complices après le fait – ou au moins comme témoins passifs bien complaisants – de ce qui pourrait se révéler cet automne comme la plus grande affaire de corruption de l’histoire de ce pays.
Pourtant, fermer les yeux sur la gabégie, le favoritisme, la corruption et l’infiltration de l’appareil de l’État par le crime organisé ne fait pas partie des habitudes notoires de la culture anglo-saxonne. Dans la mesure où cette culture à imprégné la population anglophone du Québec, on peut raisonnablement s’attendre à ce que celle-ci se dissocie des gestes contestables posés par le régime Charest… et manifeste son désaccord en ne VOTANT PAS pour le Parti Libéral du Québec le 4 septembre.
Ne pas voter pour le PLQ, mais encore faut-il qu’elle puisse ne pas le faire sans renier ses autres attentes et autrement qu’en s’abstenant de voter. Que peut faire aujourd’hui l’électeur qui ne veut pas accorder un vote de confiance au Parti de Jean Charest, mais ne veut pas non plus donner son aval à une option indépendantiste et reste sceptique quant aux intention réelles des uns comme des autres ?
C’est le but de ma candidature dans Westmount-St-Louis. Je propose à cet électeur en errance un candidat sans affiliation partisane, m’engageant solennellement à ne voter à l’Assemblée nationale qu’après avoir consulté mes électeurs sur chaque vote significatif et en votant alors dans chaque cas SELON LES PRÉFÉRENCES QUE CEUX-CI AURONT EXPRIMÉES
En élisant un candidat qui n’obéit aux directives d’aucun parti – mais suit les instructions de ses seuls commettants – on crée un petits îlot de vraie démocratie dans notre vaste espace politique où celle-ci n’est plus qu’une parodie. La grande bataille de Westmount-St-Louis, elle va se passer dans la tête de chaque électeur, lequel devra décider s’il va cautionner par simple habitude un Parti qui ne représente plus en aucune façon ses valeurs… ou s’il va mandater à Québec un député qui l’informera régulièrement et lui permettra de choisir pas à pas le meilleur chemin vers l’avenir que lui l’électeur veut suivre.
De la fracture du lien qu’on croit a tort obligé entre lui et le Parti Libéral, l’électeur va tirer une nouvelle liberté. C’est beaucoup pour la démocratie, mais il y a plus. Si électeurs anglophones comme francophones font front commun contre la corruption, ils se souviendront du même coup qu’il partagent des valeurs profondes et peuvent se faire confiance.
On verra que cette valise qui amasse la poussière dans un coin ne répond plus à une véritable volonté de partir, laquelle à été surtout celle d’une autre génération. On verra, aussi, que la peur d’une sécession a été cultivée et instrumentée depuis des décennies, par le PLQ et ses commanditaires, pour imposer à la population anglophone de soutenir de fausses valeurs qui ne sont pas les siennes.
J’ai recueilli des centaines de signatures pendant des jours dans Westmount-St-Louis. Ce faisant, je n’ai rencontré que CINQ (5) personnes qui ne parlaient pas français. On est très, très loin des mythes d’intolérance qui ont été trop longtemps véhiculés. On pourrait peut-être recommencer à aimer nos chats et à sarcler le jardin ensemble.
Pierre JC Allard