Les cerf-volants de Kaboul. Un seul péché : le vol!

 
 
 

 

Permettez-moi de me perdre dans les méandres du très beau film «Les cerf-volants de Kaboul» tiré du livre de l’auteur afghan Khaled Hosseini et de vous partager l’ineffable impression qu’il m’a laissée.

Au commencement, une histoire simple qui se situe à Kaboul en Afghanistan, une amitié entre deux enfants du même âge, d’à peu près dix ans, au début des années ’70.

Il y a Hassan, le Hazara, au cœur pur comme un diamant, qui dit à son seul ami Amir, le Pachtoun, pour qui il voue une vénération sans bornes, que «pour lui il courrait des milliers de fois.».

 Les deux garçons passaient leurs moments libres à déambuler dans les rues animées de Kaboul, à voir des western américains principalement par John Wayne et Charles Bronson, à manger des friandises, et à jouer des tours aux vieilles personnes qui paraissaient sans danger de représailles.

Les deux enfants vivaient dans le même environnement, Amir, dans la maison de son père, homme d’affaires important et prospère de la ville, et Hassan, le fils du domestique de la maison, dans une cabane à côté de luxueuse demeure aux quinze pièces. En réalité, ils ne le savaient pas, mais les deux garçons étaient frères de lait, nés du même père, à une année d’intervalle. Ils avaient appris à faire leurs premiers pas sur la même pelouse, avaient été allaités par la même nourrice.

Frères de lait, mais vivant sur deux planètes différentes, parce que Hassan était analphabète et le resterait parce qu’on refusait cette catégorie sociale à l’école. Il n’était pas du même niveau. Si Hassan n’avait pas la beauté et l’éducation d’Amir, avait du courage. C’était lui qui défendait Amir. Quand Amir allait à l’école, c’était Hassan qui préparait son petit-déjeuner, qui rangeait ses vêtements, écoutait ses complaintes.

Le père d’Amir avait de l’affection pour Hassan. Souvent il disait à son cousin qu’il le trouvait brave, beaucoup plus que son fils Amir. Ce dernier entendait ces mots car il écoutait souvent aux portes. Il souffrait de la froideur de son père. Malgré lui il était jaloux de l’amour que son père portait à Hassan.

Un jour, alors qu’ils se promenaient dans des ruelles sombres, ils furent cernés par la bande d’Assef – un grand adolescent méchant de quinze ans qui ne pensait qu’à frapper, et ne sortait jamais sans ses acolytes. Assef menaça Amir de le frapper s’il ne reniait pas Hassan qui n’était qu’un foutu d’Hazara, tout juste bon à torcher les autres. Ce n’est pas qu’Amir vouait une grande fidélité à Hassan, il trouvait injuste c’est vrai qu’on le traite aussi mal, mais en même temps il avait honte d’être perçu comme son ami. Il n’était pas son ami, pensait-il, car Hassan était son domestique! Mais il n’osait le dire tout haut afin de ne pas blesser Hassan, et il savait que son père ne l’aurait pas toléré.

Assef continuait à invectiver les deux enfants des pires insultes. Il considérait qu’Amir et son père  déshonoraient l’Afghanistan en accueillant des Hazaras. C’était indigne et méritait une sévère punition.

Tout à coup, Hassan se baissa et se redressa rapidement. Assef et les autres marquèrent leur surprise en le voyant tenir un lance-pierre, l’élastique tiré au maximum, qui n’attendait que d’être relâché pour catapulter directement sur Assef le caillou de la taille d’une noix. Hassan ne sortait jamais sans son lance-pierre et il le maniait avec une grande dextérité.

Assef ricana et fit remarquer à Hassan qu’il toisait avec mépris qu’ils étaient trois contre deux.

–       Vous avez raison, agha, dit courtoisement Hassan. Sauf que, au cas où vous ne l’auriez pas remarqué vous non plus, c’est moi qui tiens le lance-pierre. Si vous bougez, on vous nommera Assef le Borgne à la place d’Assef le Mangeur d’oreilles. C’est votre œil gauche que je vise.

Assef n’eut pas d’autre choix que de reculer, mais il lui jura qu’un jour il le regretterait amèrement.

Cet incident fit très peur aux deux garçons.

Souvent, Amir qui aimait la littérature et rêvait d’écrire des histoires, lisait à Hassan les passages d’un livre que celui-ci écoutait avec le plus grand intérêt. Jusqu’au jour où il lui lut une histoire qu’il avait lui-même écrite. Quand Hassan le sut, loin d’être envieux, il le félicita et le regarda avec une admiration encore plus grande. Amir se mirait dans ses yeux, et ne pouvait s’empêcher de se sentir plus fort et beau. Lorsque Hassan, cependant, osa lui suggérer un changement dans son scénario, il se rembrunit, car il se disait qu’il n’y comprenait absolument rien, lui qui ne savait même pas lire.

La jalousie et la frustration couvaient dans le cœur d’Amir de plus en plus souvent. Jusqu’au jour fatidique où avait lieu la fête des cerfs-volants, célèbre dans le pays. Amir se présenta à la joute, et demanda l’assistance d’Hassan. Les gens de la ville assistaient à cette fête, les uns assis sur leurs terrasses, devant la porte de leur maison, les autres entassés dans une aire d’observation.

Amir l’emporta, et se sentit très fier de lui. Hassan était aussi heureux que lui. Comme ils étaient sur le chemin du retour à la maison, très joyeux, anticipant le repas qui leur serait servi et pour Amir la joie de recevoir les félicitations de son père,  le cerf-volant qu’Amir tenait dans sa main s’échappa et s’envola à travers les dédales des ruelles. Hassan tout de suite se mit à courir de toutes ses jambes. Au détour d’une ruelle, il fut pris par Assef et sa bande qui sautèrent sur lui et le traînèrent dans un coin sombre. Assef exigea qu’il lui remette le cerf-volant mais Hassan refusa, parce que c’était, disait-il, le prix d’Amir.

Amir qui s’approchait entendit ces mots et en eut le cœur bouleversé. Figé sur place, se demandant comment il pourrait l’aider, il vit ce qu’Assef et ses amis firent à Hassan : ils le violèrent à plusieurs reprises, crachèrent sur lui, et le traitèrent de tous les noms.

Quand Assef et sa bande se retirèrent, Amir n’alla pas voir Hassan. Il resta caché sous un escalier. Mais il le vit marchant péniblement, la tête baissée, tenant solidement le cerf-volant dans sa main.

À partir de ce jour-là, plus jamais les deux enfants ne jouèrent ensemble. Hassan continuait à remplir ses tâches, mais n’avait pas l’air bien. Il gardait la tête baissée. Amir se mit à le détester, à se sentir très mal devant lui.

Un jour, en revenant de l’école, il demanda à son père qui se préparait un whisky s’il était un pécheur car selon les enseignements du mollah, il était en train de commettre un péché.

Son père le regarda très sérieusement et consentit à l’éclairer.

–       Je vais te parler d’homme à homme, mon fils. Tu penses être à la hauteur?

Le fils acquiesça.

–       Peu importe ce que prétendent le mollah et tous ces barbus, il n’existe qu’un seul et unique péché : le vol. Tous les autres en sont une variation.

1) lorsqu’on tue un homme, on vole une vie. On vole le droit de sa femme à un mari, on prive ses enfants de leur père.

2) lorsqu’on raconte un mensonge, on dépossède quelqu’un de son droit à la vérité.

3) lorsqu’on triche, on vole le droit d’un autre à l’équité.

–       Un homme qui s’empare de ce qui ne lui appartient pas, termina le père, que ce soit une vie ou du pain, n’est pas un homme intègre.  Et si Dieu existe, alors j’espère qu’il a mieux à faire que de s’occuper de savoir si je mange du porc ou si je bois de l’alcool.

Ce qu’Amir comprit, c’est que le vol était impardonnable.

Comme il ne savait comment se délivrer de sa jalousie et de sa culpabilité envers Hassan, il créa un scénario qui ferait passer ce dernier comme un voleur. Ainsi, son père cesserait de l’aimer et peut-être même de le préférer à lui.

Il s’organisa pour cacher sous le matelas d’Hassan la montre en or qu’il avait reçue en cadeau à son anniversaire. Puis, il alla voir son père et lui dit qu’il avait perdu sa montre. Son père lui conseilla de bien regarder dans sa chambre. Amir revint voir son père et lui dit qu’il soupçonnait Hassan. Son père le regarda étrangement, très longuement, mais pour la forme, accéda à son soupçon et devant le père adoptif d’Hassan, demanda qu’on fouille sous le matelas. La montre était là.

Mais le père d’Amir s’empressa de dire à Hassan qu’il lui pardonnait, ce qui épouvanta encore plus Amir. Néanmoins, Hassan et son père décidèrent de partir au Pakistan, ne pouvant plus tolérer cette situation.

Cette histoire allait rester comme une écharde dans le cœur d’Amir, et longtemps plus tard, alors que son père et lui se réfugieraient en Californie pour fuir le pays envahi par les Communistes, il comprendrait que dans son attitude même résidait la semence des troubles qui déchireraient son pays pendant des années.

LA SUITE LA SEMAINE PROCHAINE

Carolle Anne Dessureault

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