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Un canot d’écorce, venant du Nord, s’approche du rivage de la rivière Batiscan, donnant sur la Terre de Gabriel Lefebvre. Le menton appuyé sur sa fourche de bois, Gabriel le regarde accoster. Le canot plein de ballots de fourrures tangue dangereusement lorsque l’occupant descend dans l’eau jusqu’aux genoux, pour ensuite tirer l’embarcation sur le sable. Il décharge le canot et le porte à sa cachette habituelle.
Près de lui, sur une des grosses souches qu’il n’a pu encore enlever de son champ, Gabriel ramasse son fusil et y appuie sa fourche.
– Salut Cadotte. Tu ne devais pas aller vendre tes fourrures avant de revenir?
– Salut Lataille. Tu ferais mieux de te préparer à recevoir des Iroquois. Ils seront ici dans « pas longtemps ».
– Quels Iroquois?
– Une bande que j’ai rencontré en montant. J’ai viré de bord aussitôt et ils me poursuivent depuis trois jours.
– Ils sont combien?
– Il en reste une dizaine. J’ai dû tuer les deux qui m’avaient rejoint hier matin. Allez! Ramasse un ballot et allons chez moi.
– Ta femme et ta fille sont avec Louise; viens.
Les deux hommes, chacun chargés d’environ 90 livres de pelleteries, arrivent chez Gabriel, laissent tomber leur charge près de la porte et entrent dans la maison.
– Louise; prend le canot et rends-toi chez ton père avec Catherine et son bébé. Y’a des Iroquois qui seront ici dans une demi-heure. Je reste avec Cadotte. On va les arrêter.
– Vous êtes seulement deux.
– Si on en tue deux ou trois, les autres vont détaler. Vite; fais comme je te dis et attend que j’aille te chercher.
– Faites attention à vous autres.
– T’inquiète pas, femme. Tu me le répètes assez souvent, « on a une famille à bâtir ». File au canot vers le village!
Louise attrape un châle, l’attache sous son menton, ramasse une hache et courre jusqu’au canot, déjà orienté vers le bas de la rivière. La femme de Cadotte, son bébé dans les bras, la suit de près. Quelques minutes plus tard Gabriel voit les deux femmes avironner avec autant d’adresse que de vrais « coureur de bois ». Rassuré, de son intonation toujours calme il dit:
Viens-t’en Cadotte. On va s’installer au-dessus de l’endroit où tu as accosté. T’as des munitions?
– J’suis bien garni; t’inquiète pas.
Gabriel décroche sa rapière d’une cheville de bois au mur et l’agrafe à sa ceinture où il passe une hachette. Il ouvre un coffre de bois ferré, près du foyer, en tire un pistolet qu’il charge et passe aussi à sa ceinture.
– Je ne savais pas que tu avais un pistolet!
– C’est un cadeau de Bourgchemin et tu vas l’oublier. Personne ne le sait et je veux que ça reste ainsi.
Attrapant son fusil, il pousse la porte pour laisser sortir Cadotte.
– J’ai pas vu d’Iroquois avec une épée parmi le groupe.
Sans dire un mot Gabriel ferme la porte et retourne d’où il était venu quelques minutes plus tôt. Cadotte lui emboîte le pas sans rien ajouter. Arrivés sur la hauteur près de la rivière Gabriel murmure :
– Tu t’installes ici et tu me laisses tirer le premier. Si celui que j’ai tiré n’est que blessé tu ne l’achèves pas. Tu serais probablement mieux de viser pour blesser au lieu de tuer. Si celui que tu vises est droitier tu tires l’épaule droite sinon, c’est la gauche.
– Cré- moé, Lataille; si j’tire un Iroquois, y va tomber… pour pas se relever… jamais.
– Comme tu veux; mais ne t’avise pas d’achever un de mes blessés. Allez; je serai derrière l’abattis que tu vois là. N’oublie pas, je tire le premier.
Gabriel, allongé près d’un tronc d’arbre renversé, charge son fusil et s’installe à son aise. Il jette un œil vers Cadotte et constate qu’il est, lui aussi, très bien posté, à l’abri. Les deux sont prêts à recevoir les Iroquois.
Ils n’ont pas à attendre très longtemps avant que Cadotte signale des branches qui bougent sans raison, au bord de la rivière. Les deux Canayens épaulent lentement leurs fusils. Un renard roux surgit brusquement des fourrés et grimpe vers les hommes embusqués. Aucun d’eux ne réagit, ils gardent les yeux fixés sur les broussailles.
Deux indiens apparaissent sur la grève sans le moindre bruit. Gabriel observe les deux Iroquois inspecter les lieux. Ceux-ci remarquent tout de suite l’entrée de la cachette du canot, là où les herbes sont quelque peu écrasées. Ils s’en approchent et trouvent tout de suite l’embarcation. L’un des deux rebrousse chemin et retourne vers sa bande qui l’attend au détour de la rivière, pendant que l’autre se cache derrière « le canot à Cadotte ».
Les deux Canayens restent de marbre. Quelques minutes plus tard, neuf indiens, peints pour la guerre, dans trois canots se pointent au tournant de la rivière. Ils avironnent doucement, sans éclaboussures, et s’approchent de l’endroit où Cadotte avait déchargé ses ballots. L’éclaireur qui connait l’endroit, indique aux autres braves où accoster. Gabriel apprécie l’expertise dans tout ce mouvement qui se fait sans le moindre bruit.
Lorsque la première embarcation touche à la grève, il laisse à l’éclaireur le temps de descendre et d’en empoigner la pointe. Voyant que l’indien est droitier, Gabriel lui loge une balle dans l’épaule droite. L’indien bascule et tombe à l’eau tête première sur une roche, sans plus bouger. Au même moment, Cadotte tue le deuxième indien, qui se préparait à débarquer, d’une balle entre les deux yeux. Celui-ci retombe dans le canot. Éclate encore un autre coup de feu, tiré par celui qui s’était caché dans les branchages. La balle vient se loger dans le tronc d’arbre à deux pouces du visage de Gabriel. Aussitôt, Lataille dégaine son pistolet, saute du haut du taillis sur la grève et se précipite là où l’indien accroupi recharge son arme. Les trois canots d’indiens refoulent promptement sur la rivière pour échapper à l’embuscade.
L’Iroquois voit Gabriel foncer sur lui, il lâche son fusil et sort son tomahawk de sa ceinture. Gabriel s’arrête à cinq pas de l’Iroquois. Apercevant le pistolet, celui-ci hésite. Les deux hommes se dévisagent. Lentement, Gabriel repasse son pistolet à sa ceinture, tire sa rapière et pique la pointe sur le sable du rivage. L’indien se redresse doucement, impassible. Le reste de la troupe tourne le coude de la rivière et poursuit sa fuite. Gabriel pointe de son doigt l’indien, blessé à l’épaule au bord de la rivière, la tête dans l’eau. Les deux hommes se comprennent. L’iroquois se dirige vers son comparse. Gabriel lui emboîte le pas et l’aide à retirer le blessé de l’eau. L’homme est inconscient et ne semble plus respirer.
Cadotte! Arrive ici; j’ai un noyé qu’il me faut ranimer. Surveille l’indien.
– T’inquiète pas Lataille; s’il bouge y’est mort.
L’Iroquois se retourne pour regarder Cadotte s’approcher, le fusil armé. Gabriel rengaine sa rapière, dépose son fusil, ouvre la bouche du noyé, vérifie s’il n’a pas avalé sa langue et le retourne sur le ventre. Il lui relève les bras et lui place les mains sous le visage. Ensuite, s’installant à la tête de l’Iroquois inanimé, il pousse énergiquement dans le dos du noyé et relâche, puis lui tire les coudes vers le haut. À la onzième pression, un flot d’eau jaillit de la bouche du blessé qui se met à tousser. Gabriel se relève. L’indien, jusque là attentif aux gestes de Gabriel, se penche pour s’occuper de son ami.
– Où as-tu appris à faire ça? Lui demande Cadotte.
– En Jamaïque, quand j’étais jeune, dans la marine.
Lataille ramasse son arme, la place au creux de son coude et attend que les deux indiens reprennent contact. L’iroquois du canot explore la gravité de la blessure de son ami. Gabriel lui fait signe de l’aider à se relever et de le suivre. Sur ce, il se retourne et se dirige vers sa maison. Cadotte, hochant la tête, lui emboîte le pas.
– Tu as une drôle de façon de traiter tes ennemis, Lataille.
– Ils ne sont pas mes ennemis; du moins pas encore. Et je veux m’en faire des amis.
– Te faire amis avec des Iroquois? Non mais ça va pas dans ta caboche? C’est impossible! Ce sont des barbares sanguinaires!
– Ce n’est pas ce que m’a dit le vieux Desgroseillers de Trois-Rivières. De toute façon je ne suis pas intéressé à les voir apparaître ici à chaque année pour me piller. C’est ce qui va arriver si j’en tue un; sa famille voudra le venger et on n’en verra jamais la fin. Je te conseille de tenter de te faire ami avec eux toi aussi. S’ils viennent piller chez mon voisin, c’est comme s’ils venaient chez moi.
Cadotte sans répondre jette un coup d’œil derrière lui. Les deux indiens les suivent.
Un demi-heure plus tard, le blessé, assis sur les planches de la galerie, devant la cabane, a maintenant le bras en écharpe et boit un boc remplie de bière d’épinette. Mathurin Cadotte dit Poitevin garde l’œil sur lui tout en buvant sa bière. L’autre Iroquois, un peu plus loin, parle par signe avec Gabriel Lefebvre qui répond de la même façon. Tous les deux mâchouillent une tranche de viande fumée tiré d’une écuelle de bois que Gabriel avait sorti de la maison. Chacun tient un couteau, place un coin de sa tranche de viande entre les dents et le coupe près des lèvres. C’est ce à quoi servait le plus petit couteau, qui pendait au coup de Gabriel. L’indien, quant à lui, se sert de son couteau de chasse, semblable à ceux que Gabriel porte, l’un à sa ceinture et l’autre, dans un étui attaché au bas de son genou droit. À cet instant, les couteaux ne sont plus des armes, mais simplement des ustensiles; et aucun des deux hommes ne les considèrent comme arme lorsqu’ils mangent.
Il est bon de comprendre que le Canayen de cette époque, comme les « sauvages » d’ailleurs, ne vit pas dans sa cabane. Celle-ci ne lui sert qu’à dormir et à s’abriter du mauvais temps. Le Canayen vit continuellement à l’extérieur. Souvent, lorsqu’il fait trop chaud dans la maison, toute la famille sort pour dormir à la belle étoile. Évidemment, parfois les époux font comme les lièvres les soirs de pleine Lune… sans trop s’occuper de la Lune.
L’intérieur de la maison est le royaume incontesté de la Canayenne qui, elle aussi, ne s’y confine que pour faire la cuisine et pour dormir. La plupart du temps, la maîtresse de la « maison » travaille dehors avec son mari. Elle s’occupe du jardin et des animaux avec lui. Et lorsqu’il est absent, c’est à elle que revient toutes ces tâches. Ajoutons que la Canayenne manie la hache, la faux et la fourche tout comme son mari. De plus, elle tire du fusil avec la même virtuosité. Au printemps, la famille consacre une semaine à fabriquer du savon et des chandelles de suif pour l’année.
L’indien blessé fait entendre un « Hugh » en pointant vers la rivière. Un canot chargé de trois occupants, s’approche du rivage. Ils avaient bien vu Gabriel, Cadotte et les deux indiens, assis sur la galerie. À genou au centre du canot, Louise, parait calme. Son père François Duclos, au gouvernail, dirige le canot vers la plage de sable. Avant de toucher, Nicolas, frère de Louise, saute dans l’eau et empêche le canot de heurter le rivage. Louise débarque et se dirige vers la maison pendant que les deux hommes montent l’embarcation sur la grève.
Sans un mot, la femme se dirige vers l’indien blessé qui ne bronche pas lorsqu’elle se penche pour inspecter le pansement de l’épaule.
-T’inquiète pas ma femme, j’ai récupéré ma balle.
-Ça ne me surprend pas!
Cadotte demande à Louise : -Ma femme est où?
-Ma mère l’a gardé à la maison avec la petite. Ils t’attendent ce soir. Vous coucher chez mes parents.
Elle entre dans la maison et revient avec un vieux châle et refait une meilleure écharpe sur le bras blessé. L’indien la regarde comme hypnotisé. Il est vrai que l’épouse de Gabriel est belle femme; mais c’est probablement son aplomb face à un Iroquois peinturluré qui étonne, beaucoup plus, le jeune indien.
François et Nicolas se tiennent debout près de Lefebvre.
-Tu t’es fait de nouveaux amis, garçon? Demande François Duclos.
– C’est bien ce que je voudrais le beau-père. J’espère réussir.
François Duclos s’adresse à l’Iroquois dans sa langue et la conversation s’engage. Gabriel les laisse et rejoint sa femme.
-Je t’avais dit d’attendre que j’aille te chercher. Lui dit-il.
-Oui puis après? Tu n’es pas venu assez vite; c’est tout. Je dois préparer le souper pour tout ce monde-là. Allume le foyer. Nicolas! Donne un coup de main à mon mari et apporte du bois pour le feu. Après, préparez-moi une table, ce soir on mange dehors.
Elle pivote sur ses talons et retourne dans la maison.
-Moé, Gabriel, je sais pas comment tu fais pour supporter une femme aussi soumise que ma sœur, dans ta cabane. Tu aurais dû choisir une femme de caractère. Remarque Nicolas.
-C’est facile à supporter Nico; je fais ce qu’elle demande. Viens on prépare le feu. Quand tu vas manger, tu vas comprendre.
-Ça je le sais déjà; pour préparer la nourriture mes sœurs ne donnent pas leur place.
Les deux hommes s’affèrent à leur nouvelle tâche. Cadotte reste près du jeune indien blessé.
45 minutes plus tard, les hommes, assis sur des bûches autour de la table improvisée, se concentrent à boire la soupe aux pois que Louise leur a servi, à chacun, dans des écuelles de bois. Un gros « pain de ménage », déjà entamé de moitié, trône au centre de la table appuyé sur une « tine » de beurre. Marie-Louise arrive ensuite avec une grande assiette pleine de tranches de cuissot de chevreuil qu’elle place près du pain. Elle y ajoute une grosse écuelle remplie d’une purée de citrouille dont les femmes Duclos gardent le secret. La table bien garnie, elle s’assoie entre son père et son mari.
-Et puis, père; les Iroquois vont-il nous attaquer comme aujourd’hui, à chaque année?
-Ça, ça me surprendrait. Tout dépend de ton mari. L’indien blessé est le fils du chef Loup gris qui est là, en train de tout dévorer ce qu’il y a sur la table. Il m’a raconté comment ton mari a tiré pour ne pas tuer son fils et comment il l’a ensuite ranimé de la noyade. Loup gris considère Gabriel comme « bonne médecine ». Il demande à être son frère de sang.
-« Frère de sang », ça veut dire quoi?
-Tu verras après le repas. Tu n’as rien apporté à boire?
-Dans ma maison, on boit après le repas.
-Mais là, on est dehors!
-Bon! Ça va; mais c’est parce que tu es mon père et que je t’aime.
Louise embrasse son père sur le front et retourne à la cabane.
– Pis garçon? Vas-tu accepter d’être le frère de sang de Loup gris?
-Tout dépend de ce que cela implique, le beau-père.
-Ça implique que tu deviennes son frère, que ta famille soit sa famille et vice-versa. Si quelqu’un fait du mal à ta famille il la vengera et tu dois prendre le même engagement. Si tu as besoin de lui, il viendra et s’il a besoin de toi, tu devras y aller. Ça implique également qu’aucun Iroquois ne viendra toucher à un seul cheveu de ceux de ta famille. C’est une décision importante à prendre; mais elle te donne de grands avantages dans la situation actuelle de la colonie.
-Je suis d’accord, à la condition que je ne participe jamais à aucun raid contre des Canayens.
François Duclos donna la réponse de Gabriel à Loup gris qui ajouta une remarque.
-Loup gris accepte à la condition que jamais tu lui demandes de participer à un raid contre les Mohawks.
Gabriel approuva d’un signe de tête et les deux hommes se lèvent pour se tenir face à face. Loup gris sort son couteau de chasse et s’entaille la paume de la main gauche. Gabriel fait le même geste. Louise, debout dans l’ouverture de la porte de la cabane, reste figée et regarde l’Iroquois prendre la main blessée de son mari dans la sienne et la serrer pendant qu’un peu de sang dégouline sur le sol. L’indien met l’autre main sur l’épaule de Lataille et ce fut tout; ils étaient dorénavant « frères de sang ».
-Bon! Me v’là rendue avec un beau-frère qui porte une houppette sur la tête. Et Louise s’approche des deux hommes de son pas décidé. Elle prend les mains blessées dans chacune des siennes et regarde les plaies. « Vous avez l’air intelligent maintenant. Vous êtes blessés tous les deux. Assoyez-vous à la table, je reviens ».
Trois minutes plus tard elle arrive avec un plat rempli d’eau et deux linges propres. Elle commence par nettoyer la plaie de Loup gris qui, étonné du cran de la Canayenne, regarde Gabriel qui lui fait un air en haussant les épaules. Lorsqu’elle a pansé l’indien, elle s’occupe de son mari. L’indien lève la main en fermant et ouvrant les doigts plusieurs fois, content que le pansement tienne en place.
-Hugh!
-Dis-moi, mon homme; maintenant que ton « frère » est ici, quand penses-tu qu’il va repartir?
– J’imagine qu’il partira quand il voudra, ton neveu est blessé à l’épaule; tu ne vas sûrement pas le chasser de chez toi, femme?
-Certainement pas avant que le reste de la bande d’Iroquois ne soit revenue pour venger leurs morts. On va avoir besoin de la « famille » pour ne pas se faire scalper, je pense.
– Tu as tout compris. Tu es bien digne d’être ma femme, ma belle Louise.
-Tout ce que je demande est que tu n’oublies jamais qui tu es, Gabriel-Nicolas Lefebvre. Nous allons fonder une famille et c’est elle qui devra être digne de porter ton nom; n’oublie jamais ça en éduquant tes fils, sinon je ne te le pardonnerai jamais.
Sur ce, tournant les talons, Louise retourne dans sa maison avec son plat d’eau qu’elle déverse sur l’herbe avant d’entrer.
Gabriel reste figé sur place en regardant sa femme s’éloigner. François Duclos, assis à la table, observe son gendre en se demandant si celui-ci sait exactement quel genre de femme il a épousé. Il allume sa pipe avec un petit sourire en coin, et passe son tabac aux deux indiens qui n’avaient rien saisi de ce qui se déroulait. François paraissait très fier de sa fille.
-Eh bien le beau-frère; tu fais une drôle de face. Commences-tu à comprendre la femme que t’as marié? S’esclaffe Nicolas qui, lui aussi, charge sa pipe.
-Je commence à comprendre à quel point je suis chanceux; mais cela ne me rendra pas la vie très facile; j’ai l’impression.
-Bin non voyons, tu l’as dit plus tôt. T’as qu’à faire ce qu’elle te dit. Et Nicolas lui lance sa blague à tabac pour qu’il charge sa pipe comme les autres.
Le reste de la soirée se passe à enseigner quelques rudiments d’Iroquois à Gabriel et Nicolas. Marie-Louise s’occupe dans la maison.
Au crépuscule, le père et le fils Duclos retournent chez eux en canot avec Cadotte. Les indiens ne voulant pas dormir dans la cabane, Louise leur donne deux peaux de chevreuil pour dormir sur la galerie. Le couple Lefebvre-Duclos se réfugient dans leur lit de plume.
À suivre
André Lefebvre