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Parfois je manque de persévérance. Heureusement IL est là…. Amen

Nos premiers ministres et les fins de mois

Jean-Pierre Bonhomme

Image Flickr par Leandro2009

C’était dans les années 60. J’étais devenu journaliste à La Presse. Cela était facile car il fallait bien des scribes pour nourrir la «révolution tranquille». En certains moments j’étais responsable des quatre pages que le journal remplissait avec des correspondances de la région du Saguenay. Un certain Lucien Bouchard m’en envoyait plusieurs, de ces relations; elles étaient de facture provinciale, naturellement, mais elles avaient le mérite de la constance.

Depuis ce temps, vu de mes divers pupitres, ce fut une longue ascension de M. Bouchard vers les sommets de la bourgeoisie montréalaise, de la bourgeoisie montréalaise-canadienne plus précisément; avec des passages intermittents dans les hautes sphères des deux parlements du Canada : ceux d’Ottawa et de Québec.

Ces jours derniers M. Bouchard a gravi un autre pic de ces Himalayas, Il est devenu le principal porte-parole de la Quebec Oil and Gas Association. Or cela pose un certain problème de bienséance politique étant donné la dichotomie qui existe entre les fonctions de premier ministre (qu’il a exercées au Québec), celle de ministre de l’environnement – conservateur – dans le gouvernement fédéral d’une part… et les autres fonctions ordinaires subséquentes d’autre part.

Les fonctions de premier ministre, équivalentes, chez nous, à celles d’un président de la République, ont une valeur symbolique pour l’opinion publique. Elles sont des guides pour les collectivités nationales.  Elles sont donc glorieuses en un certain sens. Oui mais elles ont des contraintes et le titulaire doit en tenir compte dans l’exercice de ses fonctions ultérieures.

Le président De Gaulle, par exemple, ne se permettait pas, ainsi que l’a fait un  premier ministre du Québec d’aller signer des autographes en Alberta, pour le plaisir d’un éditeur. Il se tenait au haut de la scène, distant, comme un dépositaire des projets et des rêves collectifs. Pas plus qu’il ne se permettait, comme un autre premier ministre, d’aller donner des cours dans une université privée anglaise, pour faire plaisir à chacun, surtout quand cette université est de trop! Il y a des clôtures à ne pas franchir si l’on veut donner aux citoyens l’impression qu’il existe une certaine distance objective par rapport aux pressions faites par les intérêts privés.

 

 

Dans le cas présent l’ancien premier ministre du Québec, M. Bouchard, est nouvellement employé par l’industrie du pétrole. Elle qui cherche à obtenir le droit de perforer le territoire pour y extraire du gaz, mais sans que le gouvernement n’ait établi de réglementation pour protéger les citoyens et les paysages. Un tel personnage qui a détenu le pouvoir à Québec, à un moment où les citoyens lui confiaient leurs émotions et lui cédaient leur raison peut-il légitimement se transformer en lobbyiste du pétrole et du gaz sans faire naître, chez chacun, un sentiment de cynisme et de démobilisation?

Mais c’est l’ancien ministre de l’environnement qui pose le plus de  problèmes. En effet, il n’est pas exagéré de dire que le pétrole et le gaz sont de grands pollueurs. C’est eux qu’un ministre de l’environnement doit affronter ou cajoler pour mettre de l’ordre sur la planète. Or les protecteurs de l’environnement – pas tous barbus – les plus sensés n’ont eu de cesse de vouloir protéger le milieu urbain contre les agressions industrielles. Une des bibles à cet égard est celle de Ian McHarg qui propose de construire ‘avec la nature’. Il s’agirait donc, pour simplifier, de créer des zones industrielles, loin des villes et des villages où des systèmes de traitement de l’eau et de l’air seraient mis en commun pour protéger les citoyens et la nature. Le contraire de ce qui se fait en Gaspésie, justement, où l’industrie installe ses éoliennes pratiquement à côté des clochers.

Les ministres de l’environnement ne nous parlent pas beaucoup de ces solutions rationnelles. Ont-ils la distance qu’il faut par rapport à l’industrie pour veiller au bien commun? Peut-être. Mais pour éviter les tentations et… sauver les apparences ne faudrait-il pas que les anciens ministres de l’environnement et les anciens premiers ministres se tiennent au dessus de la mêlée et respectent ainsi les craintes et les espoirs d’une population qui a longtemps été laissée à elle-même lorsqu’il s’est agi de créer des milieux de vie urbain raisonnablement accueillants?

Cet avis peut paraître dur. Oui mais nous ne pouvons nous empêcher de penser qu’il y a, dans l’exercice du pouvoir, surtout du pouvoir suprême, quelque chose qui relève de l’esprit communautaire, celui qui relie les êtres entre eux et qui ne perd jamais de vue ce principe : ce qui est bon pour chacun est, en définitive, ce qui est bon pour tous! Le pouvoir élu n’est pas un travail comme un autre; il n’est pas un escalier pour gravir le sommet d’une carrière.

Et c’est pourquoi il serait préférable que les premiers ministres, après avoir exécuté leurs fonctions, restent un peu dans l’ombre et n’acceptent que des mandats discrets, d’esprit communautaire par exemple, tels ceux relatifs à la défense des coopératives!

Et qu’ils passent plus de temps à la pêche à la truite.

Nota bene. Un excellent article de The Gazette de Henry Aubin ( 27 janvier) jette de la lumière sur ces propos.

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Quand les gouvernements ne sont plus aimés

Jean-Pierre Bonhomme

Image Flickr par AaronBBrown

Nos voisins des États-Unis n’aiment pas leur gouvernement central. Une récente étude Gallup a montré récemment que 72 p. cent des ‘américains’ ont une perception négative du gouvernement fédéral; le contraire de ce qui se passait en cette époque Kennedy pas si lointaine que ca.
Les intellectuels États-Uniens – il en existe quelques uns; notamment ceux de la revue Harper’s – expliquent cela par la puissance des idéologues traditionnels qui ont favorisé la ploutocratie au détriment des bonnes mœurs sociales, celles du partage et de la compassion. Aux États-Unis il faut choyer les élites possédantes, les laisser accumuler des fortunes afin que celles-ci finissent par retomber sur les pauvres et sur les musées. Ne pas trop taxer les plus riches est devenu une sorte de crédo et même le président Obama – on l’a vu récemment – n’a pu changer cet ordre des choses, cet ordre vertical de l’économie. Autrement dit la sécurité sociale des années Eisenhower n’est qu’un accroc dans la toile de nos voisins. La norme c’est de laisser Andrew Carnegie, le baron de l’acier, et ses semblables s’enrichir et ceux-ci s’arrangeront bien pour donner leurs surplus aux moins nantis et aux institutions indispensables.
Au Québec ce n’est pas très différent, cela ressemble au syndrome Chagnon, ce système en vertu duquel un riche, après avoir vendu un monopole de la communication, peut se permettre de redistribuer son argent aux bonnes œuvres, mais à sa guise et selon son bon vouloir. L’État, après tout, n’est pas le meilleur déversoir, le meilleur lieu pour déterminer comment faire le partage de la richesse! Il faut laisser la ploutocratie décider.

Oui mais il y a un hic. La revue Harper’s laisse entendre qu’il n’est pas si bon que ça, pour la classe moyenne, de se comporter en serviteur des possédants. Il se pourrait, laisse-t-elle entendre, que certains riches n’aient pas le sens du partage bien aiguisé et que leurs vues n’embrassent pas un horizon bien large. S’il était bon, par exemple, que les États-Unis aient un nouveau réseau de trains rapides, est-ce que les industriels de l’automobile n’auraient pas la tentation de tergiverser et de conserver leurs profits pour eux-mêmes? Ne faudrait-il pas les taxer un peu pour ‘le bien de la nation’?
L’auteur de ces lignes, quant à lui, n’est pas loin de penser que les «inégalités sociales» d’Haiti et la misère du lieu ont un lien direct avec la ploutocratie locale et internationale qui n’a pas vu que «ce qui est bon pour tous, en définitive, est ce qui est bon pour chacun». Et de penser qu’un gouvernement réellement démocratique, saurait, mieux que les possédants mener la barque sociale à bon port…
Ce même auteur a vu comment, à Bangkok, par exemple, les ploutocrates ont failli à la tâche de bien planifier certaines villes et de laisser le domaine social dans un état de délabrement spectaculaire. En maints lieux, c’est un combat acharné de l’automobile contre le piéton que les possédants mènent actuellement. Un combat contre la beauté et contre l’équilibre des formes. Il n’y a pas d’autre explication : les commerçants puissants, ont, là, une ascendance évidente, au point où il n’y a pas de limite à l’intrusion de la publicité. Certains panneaux publicitaires, (comme ceux que le gouvernement du Québec autorise le long des autoroutes) prennent, là des proportions gigantesques; c’est au point où les paysages disparaissent complètement.
N’est-il pas utile, ainsi, que les classes moins possédantes aient une voix dans les affaires d’aménagement urbain, une voix par la voie des ministères appropriés et dont la liberté est relativement bien assurée? Évidemment un gouvernement n’est pas bon parce qu’il est un gouvernement; mais c’est un instrument. Et si un instrument brise on le répare; on ne le jette pas en en faisant un démon!

La «démonisation» de l’appareil gouvernemental américain, qui se poursuit actuellement et qui touche le territoire québécois est dangereuse car elle est contraire à tous les principes démocratiques. Elle a pour objet de donner à des intérêts particuliers le contrôle sur la chose commune.
Si un gouvernement Charest, par exemple, devait céder ses droits politiques à des Carnegies, il ne serait pas intelligent de vouer l’institution parlementaire aux gémonies; il vaudrait mieux réparer l’instrument afin que celui-ci réponde mieux aux intérêts nationaux.

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La grande décision des chinois

Par Jean-Pierre Bonhomme

Image Flickr par chribou

La semaine dernière les Chinois ont pris une décision qui constitue un tournant dans l’histoire du monde moderne. Ils viennent de limiter à 250,000 le nombre de voitures particulières que les citoyens de Péking peuvent acheter (ou vendre) dans  l’année.

C’est le premier pays à affronter ainsi le complexe industriel de l’automobile (qui mène le monde ou à peu près).

Ce n’est pas que le chiffre est apaisant. L’arrivée annuelle d’un pareil parc automobile dans une ville ne peut passer inaperçu. Mais c’était davantage auparavant; l’auteur ne se rappelle plus des chiffres exacts à cet égard; mais il se souvient d’avoir été victime d’embouteillages monstres dans la capitale de l’Empire du milieu;  les autoroutes de huit voies –suspendues – ne suffisaient déjà plus il y a cinq ans. On se souviendra du fameux embouteillage – de dizaines de kilomètres sur la route qui mène au Tibet – blocage qui a fait souffrir les automobilistes et les camionneurs et qui a coûté cher à la nation. Il se souvient aussi des longs embouteillages sur la route qui mène de Boston à Cape Cod par ces beaux weekends d’été.

La décision chinoise vient défier les lois du marché. Elle désespère les commerçants garagistes dont certains – on le  craint – feront faillite. C’est un geste louable et que les États dits riches ne pourront poser car, chez eux, les lois du marché sont plus inflexibles que les décrets gouvernementaux. Soit. Mais ne félicitons pas trop les Chinois. Il est vrai que la Chine, contrairement à ce qui se passe aux États-Unis est en train – le mot est juste – de construire divers réseaux de trains rapides et que cela pourra décongestionner la cité; un peu. Mais c’est dans la conception même de la ville que la Chine aurait pu donner l’exemple. Au lieu d’imiter en tous points les Américains et de laisser le marché privé concevoir exclusivement l’urbain en fonction de l’automobile, elle aurait pu aménager la cité un peu plus pour les piétons et pour les véhicules à deux roues.

Dans l’état actuel des choses les piétons, à Péking, ont l’impression de marcher sous un chapelet d’ «échangeurs» Turcot. Et cela s’avère partout… à commencer par la ville de Bangkok qui vient de se donner des «échangeurs» gigantesques tout bétonnés qu’ils sont en plein dans le centre ville. Cela juste au moment où Boston, avec son Big Dig, vient, à coups de milliards et pour des raisons esthétiques, a éliminé ses voies suspendues au cœur de la cité.

Il n’est pas dit que les aménagistes, les architectes et les urbanistes régleront tout cela.

Il se trouve, parmi eux, des banlieusards qui ne pensent qu’à se rendre rapidement à la maison de périphérie pour aller couper du gazon. Mais si nous voulons devenir heureux dans la vie et ne pas pourrir dans les embouteillages il faudra bien, un jour, faire agir la raison. Le raisonnable se trouve certes – au moins un peu – dans les universités.

Choisir les bons universitaires, les laisser libres, paraît être mieux que de laisser toutes les décisions aux mains des promoteurs privés.

N’est-il pas évident que la popularité de la maison particulière – y compris celle des «monster houses» – tient au fait qu’en périphérie les terrains, les terres sont sous-évalués?

Rappelons à nouveau que, pour régler cela, l’ancien premier ministre René Lévesque, dans son premier programme, avait proposé la municipalisation des sols. Il en aurait ainsi coûté plus cher d’aller s’installer dans les champs de patate et moins cher pour rester en ville. Pour cela les politiques, conseillés par les aménagistes et les architectes, auraient usé d’imagination pour construire des appartements (en copropriété de préférence) plus amènes pour les familles et où la qualité de vie aurait été au moins aussi intéressante qu’en banlieue. Il est évident qu’il se crée, en périphérie, de riches réseaux vitaux intéressants. Mais le coût social d’une fuite généralisée des familles vers l’excentricité parait trop lourd à porter. Il peut paraître snob de le dire, mais dans une majorité de cas urbains, la civilisation se développe dans les murs de la cité. Cela est facile à voir. Les interactions interpersonnelles sont plus faciles à établir. L’auteur de ces lignes, en tout cas, a, depuis 60 ans choisi de vivre dans les murs et, pour lui, les avantages dépassent les inconvénients.

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De l’avenir de la nation

Jean-Pierre Bonhomme

Votre serviteur est inquiet. Il se dit que l’anglicisation de Montréal empêche le Québec de s’épanouir vraiment et que la fuite en banlieue de la plupart des familles françaises de la métropole est problématique pour l’avenir national. (L’emploi du mot national est volontaire et il est employé dans le sens de la société québécoise; ce qui semble autorisé!).

Il se dit aussi que le gouvernement responsable de cet épanouissement, celui de Québec ne paraît pas intéressé à considérer cet aspect ‘national’ de ses actions. Il subventionne même cette intégration à la société anglo-américaine en  couvrant de son aide financière  ses institutions déjà puissantes. On pourrait craindre ainsi que le rêve d’une société française bien identifiée et bien humaniste soit en train de s’écraser dans le magma impersonnel de l’Amérique du nord anglo-américaine;  le diction selon lequel le Québec serait ‘un film américain avec des sous-titres français’ s’avérerait.

Plusieurs des amis de ce même serviteur font valoir pour leur  part que le diagnostic est trop sévère. Tu ne vois que la petite bête noire lui disent-ils; les journalistes ne voient que les gros nuages; que l’ombre de la vie, pas sa lumière; et que, malgré tout, la société québécoise est plus riche qu’il n’y paraît; elle se débrouille bien dans bien des domaines. Et n’est-il pas vrai qu’en banlieue il y a des bouillons de culture prêts à éclater et à résonner dans le monde. Il se pourrait même, indique-t-on, que le Québec soit un exemple de bonne conduite sociale pour l’humanité entière.

Alors que reste-t-il à faire pour ce serviteur déprimé? Prendre acte, oui, du ciel bleu,  des grands humoristes et des bons moments de notre Assemblée nationale? Il est vrai que, du point de vue individuel l’humanité d’ici n’a rien à envier à celle du reste du monde. Mais est-il si évident que, collectivement, les choses soient si brillantes?

L’auteur de ces lignes s’oblige à penser, pour voir la lumière, que les Québécois sont en train de s’inventer une nouvelle spiritualité ‘humaniste’ – après avoir sabordé le vaisseau ecclésial – et que cela produira bientôt une vague de splendeurs philosophiques.

Et puis, se dit-il maintenant, il y a des signes qui montrent que le milieu scolaire fera disparaître nos hordes d’analphabètes fonctionnels; au point où il ne sera plus nécessaire d’expliquer à chacun ce que peut bien être le traité de Paris!

Peut-être bien; et ce serait tant mieux.

Le serviteur est même prêt à accepter que la ville centrale du Québec, sa soi-disant métropole, soit une collection d’ethnies anglicisées et que des choses nouvelles soient en train de se préparer dans le fond de Laval et de Repentigny. Cela se peut et il l’espère.

Mais il y a quand même des mises en garde à faire, des nuances à apporter. Les civilisations se construisent, se bâtissent en ville. Le rêve écologique d’une société pure et belle à la campagne n’est que cela un rêve. La culture s’enrichit dans la pierre de la ville, pourvu que les pierres soient bien posées et que leur agencement soit harmonieux.

Dans cette perspective le serviteur est bien prêt à donner leur chance aux banlieues et à faire son deuil de la ville actuelle proprement dite. Un gros deuil. Mais encore faudrait-il que la raison et la spiritualité y trouve leur compte.

Montréal, dans l’état actuel des choses et à bien des égards la capitale Québec aussi, sont des villes où il n’est pas fréquent de rencontrer des enfants et des adolescents. Ceux-ci vivent en périphérie. C’est comme cela en Amérique du Nord (au nord du Mexique). Mais une ville sans enfants n’est pas une vraie ville, c’est une sorte de lieu de commerce.

Votre serviteur, en tout cas, est prêt à changer d’idée, à se débarrasser de son intérêt immémorial pour l’urbain central de la métropole et de la capitale. Mais à une condition.

A la condition que les banlieues deviennent des villes, de vraies villes. Pas des dortoirs comme ceux qui tapissent l’île Jésus autour de deux stations de métro, elles-mêmes enfermées dans des parkings désertiques.

Pour cela il faudrait que la raison et l’humanisme surgissent du gouvernement à Québec. Il faudrait que notre État se donne des instruments pour créer de l’urbain véritable. Dans l’état actuel des choses les pavillons individuels de banlieue encerclent des centres commerciaux et c’est cela la vie en périphérie. Vivre en banlieue, oui, pourvu que le centre de ces sociétés nouvelles soit le centre de la collectivité, pas celui du commerce.

Pour cela il faudrait que notre société se donne un lieu de réflexion; un lieu qui se nomme le ministère de la Ville, comme il y en a en certains pays développés, par exemple. Qu’elle se donne au moins des structures d’aménagement où le pouvoir est donné aux aménagistes, aux architectes, aux urbanistes, pas aux ingénieurs de la Voirie.

La civilisation n’est pas une affaire de circulation automobile; c’est un lieu où les individus interagissent facilement, souvent à pied, afin que l’âme commun s’enrichisse.

C’est la grâce que votre serviteur souhaite dans ce ciel bleu de notre société.

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Nos deux chums hospitaliers

Jean-Pierre Bonhomme

Juste avant Noel un ministre québécois est venu dire à la population que le gouvernement du Québec consentirait à ce que le nouvel hôpital national – un méga hôpital  communément appelé un «chum» – coûte 2 milliards $, c’est-à-dire deux fois plus que prévu au début. Le tout «en partenariat» avec l’entreprise privée.

Les journalistes, tout socio-démocrates qu’ils sont, se sont demandé s’il n’aurait pas été mieux de réaliser cette œuvre dans le domaine public comme cela se faisait autrefois et comme cela se fait encore. Et ils se sont demandé pourquoi la construction ne semble pas lever plus tôt. Les palabres, disent-ils, n’en finissent pas… Malgré tout cela l’opinion journalistique convient que l’affaire n’est pas si mauvaise et le ministre, lui, laisse entendre que le milliard supplémentaire est en quelque sorte un cadeau de Noel.

Le problème, pourtant, est ailleurs et l’opinion de presse, tout autant que l’opinion en général, font semblant de ne pas s’en rendre compte. Le problème c’est qu’il n’y a pas UN chum, il y en a DEUX.

Le deuxième chum, (centre hospitalier universitaire de Montréal ou «de McGill» comme on le dit), lui, est en train de lever de terre «en partenariat» avec l’entreprise privée – on le savait depuis longtemps – dans la partie centrale de la ville (près de Westmount). Et la gauche québécoise fait semblant de ne pas le savoir; elle n’a pas levé le petit doigt pour dénoncer cette «collusion» avec le capital et elle ne voit pas, en cette affaire, une injustice sociale flagrante, comme elle le fait pour le premier «chum».

Car injustice et problématique il y a! Injustice culturelle au moins.

Le deuxième «chum», n’est pas l’hôpital de l’Université McGill, comme on le dit. C’est  un hôpital anglais d’envergure pan-québécoise et… canadienne payé par l’État québécois et par les nombreux possédants privés et publics reliés à l’État fédéral. En ce cas particulier les journaux n’ont pas suivi la trace des augmentations de coûts. C’est comme si l’argent, pour lui, tombait du ciel. Les augmentations de coûts ne se produisent pas que dans le monde français. Silence sur cette question. C’est comme si le chum anglais se construisait en Sibérie! Pourtant, en définitive, le méga hôpital anglais sera d’envergure «nationale». Il desservira le Québec en son entier; mais en anglais; ce qui consacrera le Québec en son entier comme un État bilingue. Est-ce bien cela que notre gouvernement «national», à Québec veut? Les faits montrent en tout cas que le chum anglais devait desservir les huit pour cent d’anglos de souche à Montréal et les immigrants anglicisés – une majorité – et vivant à Montréal. Que voilà un équipement de luxe pour ces communautés somme toute restreintes auxquelles nous versons un milliard et demi, peut être plus!

Le premier chum, le français, lui, nous a dit le ministre, juste avant Noel – le chum de la minorité française d’Amérique – ne sera prêt à accueillir les malades que cinq (5) ans après le chum anglais. Comme les chiffres doublent souvent, il faut se préparer à ouvrir «notre» méga hôpital que dans 10 ans après l’autre, celui de la majorité canadienne. L’auteur de ces lignes l’avait craint il y a cinq ans lorsque les décisions furent prises. Il considérait alors que si ces choses s’avéraient cela serait rien moins qu’un scandale.

Il est certain que les Québécois sont une race forte; mais il est certain aussi qu’ils ont un aussi grand besoin d’être traités en milieu hospitalier que les autres citoyens du Canada et que 10 ans, dans l’histoire d’une vie c’est assez long merci.

Il ne faut jamais oublier que le méga hôpital français, dont la construction devrait commencer bientôt, n’est pas le «chum», l’hôpital de l’Université de Montréal, comme on le dit. C’est le grand hôpital national du Québec, devant desservir toute la nation. N’aurait-il pas été normal, vue la situation minoritaire de cette nation en Amérique, que sa construction se fasse en priorité et qu’il soit ouvert longtemps avant l’autre, celui des minorités vivant au Québec? Et que l’hôpital des minorités anglaises soit beaucoup plus modeste que l’autre?

Je le répète. Cette aventure, au total, rend le Québec bilingue – officieusement au moins – et elle contribue, comme d’autres institutions anglaises privilégiées, à l’anglicisation fulgurante de la ville de Montréal. Il en découle que le Québec est maintenant divisé en deux. Tout cela, faut-il le signaler, est la responsabilité de gouvernements, à Québec, qui n’ont qu’une vue courte de la situation culturelle du territoire et qui se laissent guider par de puissantes forces économiques et politiques étrangères aux intérêts du Québec proprement dit.

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La mésaventure des «railroads» USA

Image Flickr par Ciccio Pizzettaro

Jean-Pierre Bonhomme

Les autorités américaines ont annoncé, la semaine dernière, que les projets de construction de trains rapides,- les TGV – pour transporter les personnes, sont abandonnés sur tout le territoire. Que voilà une décision décevante; que voilà une décision qui peut annoncer le début d’un vrai déclin de l’Empire des USA

Dans les circonstances présentes l’économie américaine est fondée sur l’automobile. Cela représente au moins le tiers des activités économiques du pays voisin. C’est ce qui est convenu dans la plupart des discours informés. Ceci sans tenir compte des autoroutes américaines, dévoreuses d’argent et de territoire. Lorsque nous visitons les USA nous avons souvent l’impression que la démesure du réseau routier n’a pas de cesse de s’élargir; cela dépasse le bon sens, il devrait y avoir moyen, nous disons nous, de transporter les personnes à meilleur compte : les autoroutes à douze voies sont effectivement déraisonnables.

Comme le dit si bien Richard Bergeron, le conseiller municipal et l’activiste (dans son Dossier noir de l’automobile) : «l’industrie automobile et celle du pétrole, qui lui est intimement liée, sont (également) partout aux commandes des économies nationales».

Le programme des autoroutes, lui, est largement financé par l’État central. Les voitures particulières circulent ainsi sur du terrain gratuit; on ne le dit pas trop aux USA, car le principe capitaliste de base veut que l’État central n’intervienne pas dans les affaires. L’entreprise privée devrait se débrouiller seule….

Mais cela ne vaut pas pour l’automobile. Celle-ci a du reste bénéficié des largesses de l’État américain, lors du dernier crash boursier : des milliards ont été versés par la populace américaine pour dépanner la voiture particulière.

Rappelons ici que le gouvernement du Québec, dans sa mansuétude provinciale, n’avait pas fait autrement lorsqu’il a donné des millions de beaux dollars canadiens à la très mauvaise compagnie General Motors! (pour son usine de Sainte-Thérèse; 25$ millions si nous ne nous abusons pas); donc à une compagnie privée américaine qui a pris la poudre d’escampette sans payer son hypothèque. Nous n’avons pas lu récemment que l’État américain ait remboursé cette dette à la pauvre Nouvelle-France que nous sommes!

Toujours est-il que le président américain, M. Obama avait bien promis, durant sa campagne  électorale récente, dur comme fer, de construire des chemins de fer rapides. Ce n’était pas sa principale promesse, mais c’était bien la promesse la plus prometteuse; l’État central devait ainsi accorder des fonds importants pour lancer quelques projets de TGV modestes, mais qui promettaient de stopper une bonne fois la folle dépense de la voirie. C’est ainsi, par exemple, qu’on devait relier deux villes de la Floride où les embouteillages sont fréquents. Il y avait cinq ou six projets  comme celui-là.

Or ce sont ces «petits» projets ferroviaires qui tombent à l’eau… et dont les subventions tombent dans la besace des routes et de l’industrie automobile. Notons que l’État fédéral américain n’a pas prévu de plan général et rationnel  pour desservir ainsi son territoire. Il n’est pas prévu de relier bientôt New York et Chicago par TGV, par exemple. Rien de transcontinental non plus à cet égard. Cette affaire des TGV s’ajoute aux autres promesses non tenues par le président Obama. Celui-ci semble s’affaisser devant les incursions de la droite républicaine, laquelle estime que le financement des services publics par l’État, pourtant pratique courante et raisonnable partout dans l’univers, est équivalente au péché mortel!

Il est évident pour l’auteur de ces lignes, que le transport des personnes est un service public. Et que l’entreprise privée dans les domaines de l’aviation et de la voiture particulière, est débordée. Rien ne va plus; le train est le soulagement assuré des embouteillages et des inconforts et il faudrait s’en priver pour de folles raisons idéologiques? Cela n’est pas raisonnable. Et cela est plus que dangereux. Car les USA se font ainsi damer le pion par la Chine et par l’Europe.

Est-il nécessaire de signaler que la construction d’un TGV est très «labor intensive» et que la construction des rails et des wagons, destinés à l’univers entier, pourrait intéresser les millions de chômeurs d’Amérique du Nord? Québec compris?

L’annonce faite la semaine dernière d’une reddition américaine aux hurluberlus de la pensée individualiste confine au tragique. Elle polluera le continent entier par la consommation excessive du pétrole; elle consommera trop d’espace territorial; elle augmentera le chômage d’ici et elle fera passer les États-Uniens comme des traînards de l’environnement.

Le président américain n’est-il pas passé à côté du plus beau projet qui soit : celui de mettre les États-Unis au travail par un projet rassembleur; un projet rassembleur du type de celui de la construction des chemins de fer du 19e siècle, mais à la moderne?

La tournure des événements montre que les Américains ont peur de la Ville. Le TGV relie des centre-ville; il est ainsi parfaitement urbain et il conteste la dispersion banlieusarde. Il aurait favorisé la reconstruction de la ville américaine, de la ville en son centre, la ville amochée et vide de sens et cela aurait été civilisateur. Tant pis.

A notre avis l’empire romain s’est effondré quand les riches ont cessé de vouloir contribuer au maintien des infrastructures impériales. Il faut payer pour vivre ensemble!

Avec cette décision de surseoir aux projets de TGV les États-Unis montrent qu’ils rejettent l’esprit communautaire et ils en payeront certes le prix fort.

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Les difficultés urbaines et notre État

Jean-Pierre Bonhomme

Il y a encore des citoyens qui vivent d’illusions. Pas n’importe quelle illusion; une vraie, une gigantesque déconnexion de la réalité. Ils pensent que les Québécois sont devenus intelligents et qu’ils ont recommencé à vivre en ville au lieu d’aller s’installer dans les champs de patate de la périphérie urbaine. Or c’est le contraire qui se produit sans le moindre doute.

Un journaliste spécialisé en économie – la configuration des villes a des répercussions sur l’argent et sur l’environnement – a montré, mardi dernier, jusqu’à quel point la désertion des familles vers le no man’s land lointain est engagée.

On s’en doutait un peu. Contrairement à ce qui se passe en maintes villes d’Europe, on ne voit presque plus d’enfants et d’adolescents dans la vraie ville. Tout ce petit monde là est parti à veau l’eau.

Le journaliste, lui, faisait état d’une recherche faite par des chercheurs de l’agence fédérale de la statistique, recherche publiée dans Tendances sociales canadiennes, une publication de cette même agence.

Le constat qui m’intéresse le plus personnellement c’est celui-ci : 42 % des parents de la classe moyenne ont quitté Montréal en cinq ans. La perte de revenus qui en découle est « énorme» dit le journaliste.

Oui en effet! Il faut d’abord présumer que vivre en ville est un bienfait pour l’humanité; la dispersion urbaine gruge sur les terres agricoles, elle coûte cher à cause de la dépendance sur la voiture particulière et sur la grille d’autoroutes et elle coupe les multiples fonctions urbaines, celles qui distinguent les activités civilisées des autres, barbares. Les barbares, dans l’histoire de l’humanité ont toujours été ces personnes qui vivent hors les murs. Des barbares, il commence à y en avoir beaucoup. J’en ai personnellement vu beaucoup en Chine, ou les résidents s’installent dans des champs cultivables; et ce n’est pas parce que les demeures sont monstrueusement cossues que l’adjectif barbare ne s’applique pas. Le barbare est isolé de par sa nature même et ne contribue pas à l’enrichissement collectif. C’est la victoire de l’individu cupide sur la nation.

Le peuple, puisqu’il s’agit bien lui, le peuple avec ses familles, représenté par son gouvernement à Québec, a donc fui la ville au lieu de combattre pour se l’approprier. Cela donne les centre ville mortifères de toute l’Amérique du Nord, sauf ceux du Mexique – pour le moment – mais cela crée un problème particulier à Montréal où c’est tout une nation qui risque de perdre ses caractéristiques, sa culture.

En effet, le départ des familles québécoises pour la banlieue laisse tout le centre-ville de notre métropole

aux vagues d’immigration, et à certains richards de culture anglaise qui ont les moyens de s’installer sur la pente privilégiée du mont Royal, pente qui s’appelle West Mount.

Les immigrants ont tendance à s’intégrer aux mondes anglais «canadian» ou «american» et notre gouvernement finance leurs institutions largement. Il arrive qu’ainsi la nation québécoise, essentiellement française, perd sa métropole et qu’alors elle ne peut plus envisager de se distinguer collectivement. N’oublions pas que le Parti québécois – celui qui est installé dans l’opposition – a été fondé pour affranchir la population française de Montréal!

On nous dit que la population est partie en périphérie «parce que le terrain y coûte moins cher». Oui, certes! Mais qui se souvient du fait que, dans son premier programme électoral, notre cher René Lévesque avait proposé la Municipalisation des sols. Il était scandaleux de laisser les sols périphériques se dévaluer au point d’attirer toutes les familles; Lévesque voulait changer cela pour alléger le fardeau des vrais urbains. Cela ne s’est pas produit et les faux montréalais vivent maintenant dans des faubourgs qui s’étendent loin en direction de Trois-Rivières comme à Saint-Sulpice par exemple.

Comment ne pas penser que les États, celui d’Ottawa qui endosse les prêts, et celui de Québec qui néglige de planifier le territoire, comme c’est son devoir auprès des municipalités, ne sont pas complices de cette situation coûteuse, tant sur le plan de la simple économie des ressources physiques et sur le plan du patrimoine culturel? Moi je crois que nos États ne font rien pour consolider et équilibrer les villes et que cela fait leur affaire, surtout à Montréal, cet ancienne forteresse de la civilisation francaise en Amérique!

Je sais que mes propos ont un air radical. Je veux qu’ils l’aient. Car si nous voulons que les choses changent il faut aller à la racine des choses. A la racine il y a les moyens à prendre, répétons-le : la création d’un ministère de l’aménagement, de l’architecture et de l’urbanisme à Québec, une politique d’immigration favorisant le monde français et le développement de l’amour de la beauté en ville.

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Les dérives de nos Noels

C’était inévitable : plus d’un mois avant Noel les citoyens, commerçants ou simples résidents avaient commencé à «décorer» boutiques ou commerces un peu partout sur le territoire. Mes voisins à moi avaient illuminé balcons et fenêtres avant même que les Américains aient fini de célébrer leur Thanksgiving, leur Action de Grace.

C’est l’annonce de cette grande période d’excitation commerçante qui aboutira au jour du Boxing Day où l’on ira dégurgiter une partie des emplettes.

Le caractère mercantile de la fête s’avère si l’on songe que le Mouvement Desjardins a magnifiquement «décoré» son Complexe pendant le mois de novembre. Même si le Mouvement Desjardins a été fondé dans des sous-sol d’église, par esprit communautaire, jadis, les décorations n’ont pas été montées en majesté par charité chrétienne. On le sait.

C’est au point, ces dernières années, où la Chine utilise tout cet appareil symbolique pour stimuler sa propre consommation. Je l’ai vu à Shenyang, au mois de décembre, dans ces grandes surfaces où les boules de Noel et les barbes blanches avaient l’air de dire : «Nous aussi nous allons utiliser le système occidental et son symbolisme pour mousser la vente des aspirateurs et des bouteilles de champagne»!

Je n’ai rien contre le succès commercial. Mais il me semble que le mélange des genres est rendu un peu trop loin. La fin de l’année, ici, en zone nordique, est sombre et triste. Il me semble qu’il y aurait lieu de vivre cette période de l’année comme un moment de réflexion profonde qui nous renvoie consciemment à nous-mêmes; comme un moment «neutre» qui permet de prendre acte de nos gestes. Pas un moment de pré-célébration ou  de fête allongée comme le commerce veut nous le faire croire.

Le symbolisme religieux l’a compris, lui qui fait des quatre dimanches précédent Noel, un temps de l’«avent», justement, où tout est vécu en noir. C’est le jour de Noel lui-même, son dimanche, où le décor devient lumineux, doré, blanc. Car il s’agit alors de célébrer la naissance, la renaissance en un moment privilégié. Cette naissance, pour trouver un sens, pour éviter la déprime et le goût du suicide, est naturellement celle de l’enfant en soi qui veut prendre l’air.

Ceci a l’air d’un prêchi-prêcha, mais, au fond, l’église romaine – comme l’anglicane – n’ont fait qu’honorer des coutumes antérieures à la vie de Jésus où l’on vivait l’ombre de novembre et de la mi-décembre en attendant le solstice d’hiver…

En Europe, en France notamment, en ce pays que j’appelle encore la mère-patrie – en ai-je le droit? – la période de Noel est commercialisée et décorée. Mais cette illumination est moins frappante, moins étirée.  La veille de Noel au soir, pour ce que j’en ai vu, on allume quelques bougies plus ou moins républicaines et, le lendemain on passe à autre chose. On ne laisse pas les «décorations» allumées sur le balcon pendant un quinzaine, comme pour prolonger le party.

Ici, en Amérique, ne sommes nous pas un peu trop fêtards? Un voisin, près de chez moi, a laissé ses décorations de Noel allumées jusqu’à la fin du mois… d’aout. Ca donne le goût d’aller vivre ailleurs.

Les événements de la vie, le symbolisme des choses, les réjouissances doivent avoir un «sens». A cet égard les manières de faire au Québec ne sont pas encourageantes. Le 24 juin, par exemple, au solstice d’été les manifestations ont perdu leur sens. Le grand feu de la Saint-Jean, à Montréal, par exemple, a été éliminé. Pourtant, ce feu-là vient de la Normandie et de la Scandinavie. Il célébrait la lumière de l’été… en attendant l’avent, justement. Les feux d’artifice, aussi, sont donnés au peuple comme des Jeux romains pendant tout l’été, mais ils ne célèbrent rien. Ils divertissent les citoyens qui s’ennuient et le jour principal, celui de la fête nationale des Québécois il n’y en a pas de feux. Pas de feux de bois, pas de feux d’artifice…. Ce serait trop dangereux; le peuple pourrait se solidariser et se rappeler. Quand nous nous promenons sur les quais de la Seine, le 14 juillet, il y en a un feu d’artifice. Et il est payé par l’État, pas par les commerçants ou les casinos. Les Français savent pourquoi il y a un feu d’artifice – gigantesque – ce jour-là. C’est celui du Peuple.

Ne pourrions nous pas, comme peuple, donner un peu plus de sens à notre vie, un peu plus d’espoir commun à la collectivité? Cette question est du reste reliée au débat qui a cours, présentement, sur l’enseignement de l’histoire. Je me souviens que les enseignants de mon temps m’ont donné beaucoup de cours sur notre passé collectif. J’en ai gardé la marque. L’histoire nationale serait maintenant disparue des cours obligatoires. Ce désintérêt est nourri par une certaine indifférence des formations politiques – celle du Parti québécois tout autant que celle des libéraux.- quand avons-nous vu le PQ monter aux barricades  pour réclamer un enrichissement du parcours scolaire et une amélioration de l’élocution? C’est comme s’il fallait se contenter, ici, d’un vague patois informe!

Cela a-t-il un «sens»? Serions nous devenus de simples américains consommateurs?

Moi je me le demande.

En tout cas le sens de Noel, celui qui nous intéresse pour le moment, c’est le marketing du renouveau de l’âme, pas celui de l’expansion du commerce et de la fête.

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De la beauté du métro de Montréal

Jean-Pierre Bonhomme

Il y a un petit moment un organisme international a donné une bonne note à notre cher réseau métropolitain souterrain montréalais sans doute pour les méthodes administratives de la direction et pour l’efficacité du système roulant. Un bon point pour les ingénieurs donc. Et il est vrai que le réseau ne s’est pas brisé et qu’il n’y a pas eu de gros accidents comme ce fut le cas à Toronto par exemple.

Mais les examinateurs du système ne se sont manifestement pas promenés dans la station Berri, la station centrale, car ils auraient eu un choc. Ce lieu symbolique d’importance a été saccagé par une multiplication éhontée de la publicité, une invasion qui a détruit une œuvre architecturale de belle qualité et qui a jadis donné à Montréal une image prestigieuse. L’architecture elle-même a été attaquée par de multiples interventions de mauvais goût.

La station principale de la ville, donc, a été plastronnée d’affiches publicitaires de toutes sortes, certaines illuminées violemment, et les corridors, les plateformes et les grands murs disparaissent dans ce désordre. Parfois, au gré des publicitaires, ce sont des murs entiers, ou des trains entiers qui sont enveloppés dans les messages des promoteurs de la consommation.

Il y a deux décennies l’auteur de ces lignes s’était plaint, dans les journaux, de cette contamination visuelle. Il avait compté le nombre – astronomique – d’affiches qui déparaient les corridors. Les autorités avaient indiqué, que cet auteur était un empêcheur de tourner en rond et avaient fait fi de ses remarques. Cela en dit long sur le pouvoir de la presse… et des citoyens ordinaires. Le même auteur peut affirmer qu’aujourd’hui le nombre des affiches a doublé, au moins, et que rien n’indique que les choses changeront.

Cela serait un moindre mal si tout ce branle-bas commercial ne s’était pas attaqué au design même des espaces. Car les murs sont maintenant courus de fils électriques – parfois même des murs entiers ont été coupés – pour fournir les panneaux publicitaires en électricité.

Il y a tellement d’affiches dans cette station que la valeur même des messages en est fortement réduite. Qui plus est, certaines entrées principales extérieures ont été cédées à des entreprises privées, de sorte que les clients ne savent plus s’ils entrent dans le métro ou dans une bijouterie.

Les usagers du métro montréalais ne se rendent pas très bien compte du mal qui est fait car cette contamination bien réelle s’est effectuée graduellement, insidieusement. L’auteur de ces mêmes lignes se souvient de l’émotion qui l’avait envahi lorsque la station Berri-de Montigny avait été inaugurée. C’était une belle émotion que l’architecte-chef, le surveillant de toutes les stations, Jean Dumontier, le partageait sans réserve. Nous contemplions ces œuvres; des oeuvres au même titre qu’un tableau ou une sculpture au musée d’art contemporain. Cela touchait l’âme. La station Berri, elle, était l’œuvre des architectes Longpré-Marchand.

Le design de la station Berri a été défait, brisé, déchiqueté; il n’en reste que des traces. Pourquoi cela, parce que les autorités responsables du métro ne font pas une priorité du service public. Elles sont au service de ce qui est privé et qui rapporte de l’argent. Pas beaucoup d’argent du reste car la publicité ne rapporte que 2 p.cent du revenu total.

C’est bien ce que nous a dit récemment une formation politique municipale, Projet Montréal, qui s’est opposée «à la commercialisation du métro».  Elle a noté que le société gérante du système, a créé une filiale qui «gère» la commercialisation justement. Puisque le propre des administrations c’est de se gonfler, de s’agrandir, il arrive que la direction du métro envisage même d’aller jusqu’à  «vendre» les stations à des entreprises privées; et c’est ainsi que nous pourrons, bientôt, nous rendre à destination en empruntant la station Hamburger X ou la station Cola Y au lieu des stations actuelles portant des noms symboliques communautaires. La direction va donc au bout de sa logique commerçante.

Comment ne pas insister pour dire que les espaces réservées aux services publics doivent rester «neutres»; montrer que les lieux publics sont issues de la volonté publique de rendre service et que dans le cas de la station Berri et de quelques autres c’est le contraire qui est affiché. Signalons que les espaces publics de la Poste fédérale, par exemple, sont «neutres» du point de vue publicitaire. Les usagers de la poste sont ainsi respectés comme des correspondants, pas comme des consommateurs. Il devrait en être ainsi du métro qui doit respecter ses usagers comme des voyageurs, pas comme des consommateurs.

Dans cet ordre d’idée il s’impose que l’organisme responsable du métro la STM cesse d’être l’actionnaire principal d’une société particulière, la Transgesco, dont l’objectif est justement de répandre la publicité partout dans l’espace public,  dans l’espace commun.

Et puis, tant qu’à y être,  l’État pourrais s’assurer que la direction de la STM soit élue, ou au moins qu’elle soit composée de membres qui ont assez d’humanisme pour respecter les commettants et les œuvres d’art.

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Notre État et ses municipalités

Je ne sais pas si les choses se passent ainsi en France ou ailleurs dans le monde, mais ici, au Québec, nous avons une petite, – parfois une grosse – méfiance à l’égard des administrateurs municipaux. Les maires, les échevins, les conseillers, les gérants n’emportent pas facilement l’adhésion inconditionnelle des citoyens. En France, explique-t-on parfois, les municipalités doivent montrer patte blanche, se confier même à de multiples institutions de surveillance régionales et nationales lorsqu’elles veulent faire des dépenses importantes. Les municipalités, là, sont en quelque sorte des émanations directes, des courroies de transmission du pouvoir central. Ce n’est pas tout à fait le cas au Québec.

Ces jours derniers, dans cette province, maints maires ont fait l’objet d’«examens» relativement à leurs habitudes dépensières et électorales. Les rumeurs d’irrégularités ont éclaté au grand jour et l’étendue du problème éthique a étonné bien des gens.

Prenons le cas de la ville de Laval. En fait ce n’est pas une ville, c’est une extension démesurée de la vraie ville de Montréal. Elle est située sur une vaste île – qui a déjà appartenu aux Jésuites (sous le régime français) – et dont le sol maraîcher comptait parmi les meilleurs du territoire national québécois. Inutile de dire qu’il ne pousse plus beaucoup de pommes de terre ou d’oignons autour des bungalows, des pavillons uniformes qui tapissent toute cette région. On y dort bien, mais on n’y cultive plus; on y mange maintenant l’ail qui vient de Chine!

Ces jours-ci les citoyens du Québec – encore un peu sujets faut-il le préciser – se sont étonnés d’apprendre, par des rumeurs, que l’administration de Laval n’aurait pas toujours agi d’une manière transparente; le fait n’est pas établi. Mais si cela était il ne faudrait pas se surprendre. Après tout le maire de Laval ne fait pas qu’administrer; les journalistes sont contents de dire de lui qu’il «règne sur Sa ville» depuis 20 ans et que cela est un exploit. Or dans le régime britannique qui est le nôtre c’est presqu’indécent. En Angleterre un gentleman qui se présente au conseil municipal le fait pour «servir»; d’ailleurs on dit de lui qu’il agit «to serve» pas pour faire carrière. Il rend un service momentané à la communauté et il passe la main à d’autres après son terme de plus ou moins quatre ans.

La ville de Laval, rappelons-le pour les jeunes, n’existait pas avant 1963. Sur l’île Jésus, il y avait quatre ou cinq villages bien constitués, dont le Sainte-Rose de mon enfance, entourés qu’ils étaient de belles terres agricoles. Au lieu de consolider ces villages, de maintenir leur cohésion, de protéger leur âme, le conseil des ministres les a carrément fait disparaître dans un programme de «fusion» spectaculaire. L’île, dorénavant, n’aurait plus qu’un conseil municipal et Monsieur le maire unique devenait ainsi une sorte de potentat hors de la portée des citoyens. C’est un  peu comme si Paris décidait de fusionner Bordeaux et La Rochelle! Le nouveau maire serait pour le moins…distant!

Et c’est ainsi qu’il s’est formé, sous le «règne» des maires lavallois, une bureaucratie distributrice de contrats milliardaires hors de la portée des commettants; les maires successifs se sont fait fort de sillonner l’île d’autoroutes et de faciliter ainsi l’accès aux centres commerciaux gigantesques. Ce fut fait sans trop d’égards à l’environnement. Laval c’est l’Amérique jusqu’à son point caricatural.

Ce désordre, parce qu’à mes yeux c’en est un, a pu surgir parce que l’État, le seul souverain en l’instance – celui de Québec – n’a pas assez surveillé. Il a laissé les édiles «régner» alors qu’ils auraient dû se contenter d’administrer comme c’est leur rôle. Cela sous la gouvernance et la surveillance d’un ministère de l’aménagement, de l’architecture et de l’urbanisme, en collaboration avec le ministère des affaires municipales (qui s’est contenté de regarder les trains – et les autoroutes – passer). Un gouvernement c’est fait pour gouverner; une municipalité c’est fait pour administrer. Et une municipalité n’a pas la vocation de favoriser l’émergence de carrières royales pour se tirer d’affaires. En 1963, une confédération de petites villes aurait dû être formée sur l’île Jésus pour sauver l’âme civique. S’il s’avérait que  l’administration de Laval n’est pas aussi transparente qu’on pourrait le souhaiter, ce serait parce que  l’État a créé un système difficile à gouverner; qu’il a abandonné ses responsabilités et qu’il s’est désintéressé de l’aménagement territorial national dont il est responsable. Et si bien d’autres municipalités du territoire, pareillement, volent de leurs propres ailes d’une manière pas toujours élégante c’est parce qu’elles savent bien que l’État surveillant ne surveille pas beaucoup; que la mode n’est pas à l’architecture et au bon aménagement, mais au génie local des ponts et chaussées.  L’efficacité, rien que l’efficacité des ingénieurs mène à la laideur; la beauté, elle, celle des créateurs, devra attendre de nouvelles générations.

Jean-Pierre Bonhomme

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