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What about me?

C’est aujourd’hui la fin.

Je suis devant mon écran, et je ne parviens pas à trouver un sujet d’article. C’est comme si je n’avais plus rien à dire. Je n’en reviens absolument pas!!!

J’ai donc relu les articles que je vous ai présentés depuis le début et j’ai peut-être compris pourquoi je suis vidé.

Mon premier article dévoilait que notre système est esclavagiste, malgré sa promesse d’amélioration de notre qualité de vie. Promesse qui s’est avérée fausse, à cause d’un manque de vision de nos dirigeants. La solution que j’ai proposée est de taxer la production (PIB) au lieu de taxer les revenus.

J’ai, ensuite, abordé la puissance de manipulation de nos systèmes politiques et leur propension à éliminer graduellement nos droits fondamentaux au nom du « bien de l’ensemble ». Le résultat est que, chacun de nous, remettons nos propres responsabilités dans les mains des dirigeants, concrétisant peu à peu notre « position » d’esclaves consentants. J’annonçais également l’existence d’une soif de liberté sous-jacente, actuellement, dans l’esprit d’une majorité grandissante de la population mondiale, aucunement décelée par nos autorités. Aujourd’hui, les « indignés » sont là.

J’ai tout de suite enchainé avec le maquillage recouvrant ce que nous appelons faussement « La Démocratie » que l’on dit « représentative ». Encore une fois, la question fut de savoir si nous devions continuer d’être seulement des moutons dirigés par un ou des « bergers » (la plupart du temps des « ham-bergers »), ou si nous devions prendre nos responsabilités en tant qu’êtres qui sommes parvenus à devenir « humains ».

L’article suivant présentait les acquis technologiques actuels qui nous permettraient de procéder à une refonte de notre démocratie indiscutablement défectueuse. Ce qui nous obligerait à prendre nos responsabilités individuelles face aux besoins de la société. Malheureusement, je n’ai pas souligné « qu’avoir raison » dans nos décisions futures n’avait aucune importance. L’important était de participer aux décisions, bonnes ou mauvaises, en acceptant d’en être responsables. Actuellement, les décisions sont plutôt toujours mauvaises et nous acceptons,  comme des imbéciles, d’en subir les contrecoups sans en être aucunement responsables.

L’article qui a suivi démontrait la nécessité de rectifier notre optique sociale, en nous basant sur l’histoire à partir du « primitif », en corrigeant ce qui nous semblerait « erroné » dans le développement de notre vision des choses. Corrections qui résulteraient en l’installation  d’une vraie « sécurité  sociale » pour chacun d’entre nous.

J’ai ensuite « réagi » au sujet de ceux qui « croient tout savoir » sans pouvoir « rien expliquer ». Ce n’était qu’une réaction personnelle face à l’habitude conditionnée, chez certain, de « croire aveuglément » ce qui est dit par des supposées « sommités ». Conditionnement débile, incrusté par la philosophie de croire à « l’omniscient » et à la « toute puissance », suite à des évènements préhistoriques responsables de créations de « dogmes ». Ce conditionnement nous porte, encore aujourd’hui, à créer et établir des dogmes dans notre société. Le dogme est le plus puissant instigateur de l’esclavage. On l’a malheureusement oublié.

L’article suivant voulait vous démontrer la réalité d’évènements préhistoriques responsables des dogmes dont je parlais plus haut.

J’ai ensuite souligné l’un de ces « dogmes » qui, actuellement, est directement responsable  d’affrontements sanglants. J’ai voulu démontrer la nécessité d’éliminer tout dogme de nos esprits pour adopter une vision basée sur le raisonnement objectif en évitant l’objectivité raisonnée prônée actuellement.

La suite immédiate fut une présentation des conséquences de notre vision actuelle de notre politique élitiste. Le constat est effarant.

J’ai ensuite parlé des manipulations dont fut l’objet notre propre Histoire du Québec. Il va sans dire que des manipulations semblables furent faites sur les histoires de tous les peuples de la terre. Selon moi, nous devons en être conscients et nous devons tenter de rectifier l’histoire pour parvenir à y voir un peu plus clair.

J’ai ensuite tenté de jeter la lumière sur la « vraie réalité » sous-jacente à ce que nous pouvons observer concrètement. J’ai démontré, du mieux possible, une vision scientifique raisonnable basée sur l’ouverture totale de l’objectivité. C’est la seule porte de sortie qui soit encore à notre disposition. Il nous faut absolument rectifier le tir de notre « jugeote ».

L’article suivant a voulu souligner l’importance du plaisir, des sourires, de l’amitié et de la manifestation de satisfaction de l’ensemble d’une société, pour le bonheur de chacun des individus qui la compose. Aussi curieux que cela soit, au départ, ce n’est qu’une question de comportement. C’est d’une facilité déconcertante.

J’ai ensuite mis sur la sellette l’inconsistance crasse de l’optique adoptée par la majorité de nos études scientifiques qui ne tiennent aucunement compte des individus et qui ne tendent pas du tout à améliorer la situation. Leur position est celle d’observateurs aucunement impliqués. Des sortes d’études faites par des extra-terrestres. L’objectivité raisonnée au lieu du raisonnement objectif; le summum de l’élitisme humain divinisé.

Un voyage vacancier m’a permit de faire ressortir la non-indispensabilité d’un agenda pour vivre les plaisirs de la vie. En fait, j’ai même suggéré qu’un agenda était un obstacle à la perception du plaisir dans le déroulement des évènements. La conclusion fut qu’il faut avoir confiance en l’inconnu au lieu d’en avoir peur. C’est une prise de conscience des plus importantes à mon point de vue.

J’ai voulu ensuite ressusciter les vraies raisons qui définissent notre identité nationale en tant que peuple Nord-Américain. J’ai fait ressortir ces caractéristiques, assez uniques dans le monde, auxquelles nous devons nous identifier pour ne pas perdre notre valeur intrinsèque en tant que peuple. Ces caractéristiques réelles qui furent effacées, sinon déviées, par les « besoins politiques » de nos dirigeants.

L’article suivant démontra le même processus qui a dénaturé la réalité historique de la Palestine vs Israël. Le résultat est qu’il est devenu plus important de « parler pour parler » que « d’agir pour régler les problèmes ». « Parler pour parler » ou « écrire pour écrire » est exactement la même chose. Heureusement qu’il est possible que tout ce remue ménage intellectuel soit peut-être la cause de l’action des « indignés » que nous observons actuellement. Sinon, cela ne sert absolument à rien.

Dans les articles suivants j’ai tenté de faire ressortir la nécessité de recouvrer une franchise inconditionnelle pour aborder les solutions aux problèmes. Tout ce qui est « dogmes », « préjugés » ou « convictions » ne sont que des écueils pour les solutions possibles. Le principe des « apparences » ne sert absolument pas le bien-être des peuples. Les articles subséquents ont abordé ce sujet de différentes façons, avec un petit détour vers la structure universelle fondée sur le « Je », c’est-à-dire : sur  » l’état fondamental absolu ». C’est, encore une fois, le point de départ de toutes les prises de conscience subséquentes.

Une partie des articles suivants n’ont été que du rabâchage d’évènements à la UNE qui confirment, plus ou moins, l’état de décrépitude où nous pataugeons actuellement. Je ne vois vraiment pas ce que je pourrais apporter de plus pour aider ma communauté à ce sujet. Par contre, l’histoire et le caractère de nos ancêtres que j’ai pu essayer de vous faire découvrir est un sujet qui m’est très important.

Les articles qui ont suivi ont été pour expliquer le plus clairement possible la solution que j’entrevois pour échapper à l’oligarchie développée au cour de notre histoire.

Finalement, les derniers articles ont tenté de redorer le nom et l’honneur de nos ancêtres canayens qui ont fait beaucoup plus que ce qui nous est rapporté par l’histoire officielle.

Cette révision de mon travail sera donc le dernier article que je fournirai pour l’instant. Je me sens complètement vidé de nouveauté et je ne pourrais, dorénavant, que de me répéter sans apporter  d’améliorations sur le sujet humanitaire.

Je prends quelque vacance et peut-être vais-je prendre la décision d’agir de façon plus définie dans quelque temps. Je verrai bien.

Mes futurs « soubresauts » pourront être lus sur centpapiers, évidemment.

Entretemps, ce fut un plaisir et surtout un honneur que vous me laissiez exprimer mes petites opinions devant vous, sur les 7 du Québec et je vous en remercie sincèrement.

Bonheur à tous.

Amicalement

André Lefebvre

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Les amours illicites!!!

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-Mes chers enfants, en ce jour du 24 janvier 1694, nous sommes réunis ici pour consacrer Jacques-François, né d’hier, au service de notre Dieu, le père tout-puissant dans sa sainte Église Catholique…

La grande Catherine Rivard âgée de 20 ans, marraine, fille de Nicolas Rivard, toujours capitaine de milice malgré son âge de 77 ans, tient dans ses bras le poupon bien emmitouflé qui ne réagit pas et regarde intensément le prêtre lorsqu’il lui verse de l’eau sur le front. Près d’elle se tient Jacques-François de Bourgchemin, lieutenant confirmé au service de sa majesté, commandant au fort St-François et manifestement heureux que ses amis Gabriel-Nicolas et Marie-Louise, l’aient choisi comme parrain de leur premier fils.

La cérémonie terminée, le prêtre emboîte le pas à la famille pour participer à la réception chez les Lefebvre de Batiscan. Le trajet se fait en raquettes et traînes sauvages; et la forêt résonne des chansons canayennes qui donnent le rythme à la marche.

Une bonne flambée brûle dans l’âtre où un ragout mijote dans un gros chaudron de fonte tiré en retrait du feu. Les femmes préparent la grande table pour nourrir la maisonnée.

-Mon cher Lefebvre, je dois dire que je suis quelque peu étonné que tu n’aies pas d’eau de vie dans ta maison.

-C’est une loi établie par ma femme. Elle ne supporte pas l’ivrognerie difficile à éviter si on a plein de boisson dans la maison. Et je suis pleinement de son avis, monsieur le curé.

-Par contre, interrompit le parrain, j’ai ici, avec la permission de la maîtresse de la maison, une bouteille de cognac qui nous permettra de boire un verre à la santé de mon filleul. Vous m’en donnerai des nouvelles mes amis.

Bourgchemin se lève, va demander des verres à Louise Duclos et sert le cognac à chacun des hommes présents. Le curé n’a pas quitté des yeux la bouteille, depuis que Jacques-François s’est levé. Il accepte avec un sourire entendu, le verre que lui présente Bourgchemin et en hume le nectar.

-Vous serez béni de Dieu jusqu’à la fin de vos jours mon cher commandant; merci beaucoup.

-J’espère que ce sera le cas, monsieur le curé. C’est vraiment ce que je m’efforce de mériter à tous les jours; soit avec du cognac, du rhum ou du madère. À votre santé messieurs.

Le Capitaine Rivard, Brouillet, Cadotte et tous les Duclos choquent les verres.-«  À la santé du jeune Jacques-François et à sa mère qui comprends si bien les hommes! » Dirent-ils en cœur.

Et leur curé! ajouta le prêtre.

C’est ainsi qu’est reçu officiellement dans sa famille, le premier fils de Gabriel Lefebvre et Louise Duclos. Les murs de la maison parviennent difficilement à étouffer les rires et les chants qui durent une bonne partie de la soirée.

Il n’est pas du tout assuré que le parrain du bébé, baptisé Jacques-François Lefebvre dit Lataille, fut béni jusqu’à la fin de ses jours. Car quelques semaines plus tard, des évènements hors de son contrôle, l’obligent à se lever contre le représentant officiel de Dieu lui-même, en Nouvelle France.

On se rappellera que, deux ans auparavant, nous avions tous remarqué, vous et moi, l’empressement que mettait François Desjordy de Cabanac à tourner autour de Marguerite Disy dit Montplaisir, lors du baptême de Marie Marguerite Lefebvre.

Le chat venait de sortir du sac officiellement et l’Évêque de Québec, Monseigneur de Saint-Vallier, venait de faire lire en chaire, un amendement condamnant les deux amants à ne plus se présenter aux offices religieux dans les deux Églises; c’est à dire celle de Batiscan et celle de Champlain.

Pour les amis « canayens » des amoureux, bien au fait de cette relation que ceux-ci ne cachaient aucunement, l’Église n’a rien à voir dans ce que tous considérent comme la « vie personnelle ».

Quant à Marguerite Disy dit Montplaisir, elle est aussi furieuse contre les deux curés et l’Évêque, que son amant Joseph Desjordy de Cabanac. De Bourgchemin appuit sans restriction la position de son frère d’arme. À leur avis, personne, même l’Église, n’a à se mêler de la vie personnelle d’un officier de l’armée faisant partie de la noblesse. Même l’Église de France n’ose se lever contre les us et coutumes de la noblesse française; et ce n’est pas parce que nous sommes dans les forêts du Canada que l’Évêque peut se permettre un tel manque de savoir vivre.

Par contre, pour le peuple, les lois sur l’infidélité sont très sévères en France. La coupable est recluse dans un monastère pendant « seulement » deux ans, si son mari accepte de la reprendre par la suite. Sinon elle a la tête rasée et reste au couvent avec les religieuses.

L’homme coupable d’adultère doit payer une grosse somme à l’époux lésé et est banni de la région qu’il habite. Mais on n’ose pas vraiment appliquer ces lois drastiques en Nouvelle France; car les colons se rebelleraient ou disparaîtraient tous dans la forêt.

Le dimanche suivant la lecture de l’amendement, De Cabanac en compagnie de De Bourgchemin entrent dans l’Église de Champlain avec quelques soldats. Le curé cesse sa messe et ne la reprend que lorsque les « pécheurs » sont sortis. Mgr de St-Valier porte également une accusation à Frontenac, disant que Desjordy et Bourgchemin n’ont pas assisté à la messe le Dimanche où l’amendement a été lu. C’est ce qui oblige Frontenac à s’occuper du scandale. L’accusation est déboutée par des témoins.

Mais ce n’est pas le seul cas de bisbilles relatifs à l’Évêque de Nouvelle France. Il s’oppose à ce que Frontenac fasse jouer la Pièce de Molière : « Le Tartuffe ». Il accuse le Sieur Mareuil d’avoir proféré des paroles impies au sujet de Dieu, de Jésus et de Marie, de sorte que celui-ci passe quelques mois en prison. Quatre jeunes nobles, un soir de fête, se manifestent dans les rues de Québec en criant et vociférant des injures envers Mgr de Saint-Valier et brisent les fenêtres de deux marchands de la ville. Un peu plus tard, deux individus enfoncent la fenêtre de la chambre de l’Évêque de Québec, ce pourquoi on porte d’autres accusations envers Mareuil mais on ne trouve aucune preuve.

L’Évêque parvient même à se chicaner avec le Chevalier de Callières au sujet de son prie-Dieu qui, selon lui, est placé là où le prie-Dieu de l’Évêque doit être installé; et il le fait déplacer. Ce voyant, le Chevalier de Callières le fait remettre à sa place et y place une sentinelle pour le protéger. Comme vous le voyez, l’Église doit jouer du coude assez violemment pour se tailler une place dans la vie des Canayens et les riposte ne sont pas moins violentes.

Frontenac fait rapport de tous ces problèmes sociaux inutiles, au roi et Mgr Saint-Valier doit traverser en France pour se justifier. C’est ainsi que l’amendement contre nos deux amants de Batiscan tombe et le train-train quotidien reprend son cour.

La même année Jacques-François de Bourgchemin est accusé de vouloir empoisonner son épouse. Ce qui n’aide pas du tout à leur relation conjugale déjà tumultueuse. Frontenac sera obligé de renvoyer Bourgchemin en France l’année suivante, après lui avoir octroyé une seigneurie qui sera ratifiée par le roi en 1696. Il est cependant indéniable que l’affaire se résous puisque Bourgchemin est de retour au plus tard en 1697.

Il possède maintenant un fief sur le Richelieu. Il décède cette même année, on ne sait comment. Il a soudainement disparu; pfouitt!!! Sa veuve, Élisabeth Disy dit Montplaisir se remarie le 26 janvier 1698.  Constat : Il est faux de croire que le Cognac, le Rhum et le Madère sont des incitations à la bénédiction divine. « Ça ne marche pas!!! »

Les deux Hertel, que l’on croyait mort aux mains des Iroquois depuis deux ans, réapparaissent en compagnie d’un chef Iroquois qui veut une entente de paix avec Frontenac. Le chef emmène avec lui 11 autres prisonniers qu’il a également délivré. Par contre, la majorité des Iroquois ne veulent pas la paix et le vieil intendant le sait très bien. Frontenac dit donc au chef de répandre la nouvelle que si les Iroquois ne font pas la paix rapidement, il se rendra chez eux pour les exterminer.

Il décide, finalement, de frapper plutôt les gens de la Nouvelle Angleterre, sachant très bien qu’ils sont les vrais responsables du retard de la paix iroquoise. En juin, c’est le massacre de Oyster river, au New Hampshire, où Mercy Adams, entre autres, est fait prisonnière et ensuite adoptée par le commandant Charles Plagnol qui la fait baptisée du nom d’Ursule. Celle-ci épouse alors Charles Dubois dit Brisebois. Ce sera leur fille, Marie-Ursule Dubois, qui épousera Louis-Alexis Lefebvre, fils de Gabriel et Louise Duclos. Ce qui permettra que je puisse écrire un jour, le récit que vous lisez actuellement. Sans le massacre de Oyster river, vous n’auriez qu’une page blanche, ou encore, peut-être, un autre article sur une histoire complètement différente de la vie des Canayens.

À suivre

André Lefebvre

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Encore des combats contre les Iroquois!!!

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Jacques-François de Bourchemin accoste aux pieds de la terre de son ami Lataille. Son épouse Élisabeth Disy saute du canot, ramasse un paquet qui se trouve dans la pointe de l’embarcation et prend le sentier vers la maison. Bourgchemin tire le canot sur la plage et lui emboîte le pas.

La maison est vide.

-Ils ne sont pas là? Demande Bourgchemin.

-Ils doivent être au champ; vas les chercher, je te prie.

Bourgchemin sort son pistolet de sa ceinture et tire un coup en l’air. Sa femme qui lui tournait le dos, fait volte-face et rouge de colère rugit :

-Espèce de sans cervelle! Tu va me faire mourir d’apoplexie! Ne peux-tu donc pas te servir de ton cerveau, sinon de tes jambes? C’est trop te demander de te déplacer au lieu de me tirer un coup de feu dans les oreilles?

-Madame! Contenez-vous! Vous ne devez pas employer ce langage qui ne sied pas du tout à une femme de la noblesse. Vous allez m’obliger de vous corriger et j’en serais marri.

– -De un, nous sommes seuls; et lorsque nous somme seuls, tu n’as pas l’habitude de faire tellement preuve de cette fameuse noblesse, toi-même . Et de deux, ne t’avise jamais de me « corriger »  parce que lorsque tu dormiras, je t’assomme, je te tranche les couilles et je te scalpe. Tiens toi-le pour dit!

Bourgchemin éclate de rire et rengaine son pistolet.

 -Bien dit, ma douce hirondelle; je vais chercher Lataille.

Il n’eut pas à aller très loin, le couple Lefebvre-Duclos arrivait des champs, Gabriel tenant son fusil armé et Louise portant son bébé dans un panier indien, sur son dos.

-C’est bien comme ce que je t’avais dit Louise. C’est bien Bourgchemin; et il n’aime pas marcher pour rien.

Louise ne semblait pas très contente; elle fit presqu’une génuflexion devant le jeune noble en disant :

-Votre Seigneurie nous excusera de ne pas passer nos journées près de la rivière en attendant votre visite, messire;… mais si tu t’avises encore une fois de tirer du pistolet pour signifier ton arrivée, je te fous une bastonnade que ton épée ne saura jamais parer. Tu m’as bien compris Jacques-François Hamelin de Bourgchemin… et de l’Hermitière!

-Toi, tu es bien l’amie de l’autre. Viens ici que je t’embrasse; je te promets de ne jamais répéter cela lorsque tu es enceinte. Il prend Louise dans ses bras, la soulève du sol et lui plaque deux baisers résonnants sur les joues.  

Quant à toi, Lataille, si tu avais marché comme je l’ai fait les quatre derniers mois, tu ne dirais pas un mot. J’ai apporté à boire et je te raconte tout ça lorsque nous aurons des verres. Louise, Élisabeth est à l’intérieur. Elle a très hâte de te raconter les ragots de Québec.

-Ne t’avise surtout pas de t’enivrer chez moi Monsieur de Bourgchemin; car alors, tu sais ce qui t’attend.

-Ma chère Louise!  Élisabeth surgit de l’entrée de la maison. Quel plaisir d’enfin te revoir! Les deux femmes se sautent au cou et se font la bise. Distraitement Élisabeth laisse deux verres et une bouteille sur le sol, attrape la petite Catherine dans son panier, prend Louise par le bras et les deux amies retournent dans la  maison. Il faut que je te raconte ce que Monsieur de Frontenac a fait lors de….

On ne saura jamais ce qu’a fait Frontenac, ni à quelle occasion, car la porte se referme sur les deux femmes.

Bourgchemin ramasse les deux verres et la bouteille.

-Quant on pense que cette femme sait parfaitement bien recevoir les grands de l’aristocratie française et qu’aussitôt arrivée chez des Canayens, elle redevient instantanément celle que j’adore. Viens Lataille, on va s’assoir au pied de l’arbre; j’ai un tas d’aventures à te raconter.

Jacques-François sort son épée, fait sauter le goulot de la bouteille et s’assoit après avoir rempli les deux verres.

-Je vois que tu es devenu Lieutenant. Félicitation mon ami.

-Ouais; le vieux est très satisfait de mes actions de l’hiver dernier. Ça augmente un peu ce qui tombe dans mon escarcelle; ce qui n’est pas à dédaigner.

-As-tu des difficultés financières?

-Non; pas du tout. Les pelleteries rapportent très bien et je tire mon épingle du jeu lors de mes missions.

-Dans ce cas, santé! Mon cher Jacques-François. Gabriel leva son verre et le porta à sa bouche.

– Santé Gabriel. Tu as ouï-dire de notre expédition chez les Iroquois au mois de février dernier?

-Pas vraiment; vous êtes allé dans quel coin?

-Dans la région d’Albany.

-J’ai un frère Mohawk qui vit dans cette région; j’espère qu’il n’a pas été tué.

-Toi? Un frère Mohawk? Qu’est-ce que tu me racontes là?

Et Gabriel-Nicolas lui raconte son aventure de l’année précédente avec Loup gris.

-Je n’ai pas entendu parler d’un dénommé Loup gris qui soit mort et je crois bien connaître tous les noms des chefs que nous avons tué. D’ailleurs, nos « sauvages » qui avaient promis à Frontenac de ne faire aucun quartier des Iroquois mâles durant le combat, n’ont pas voulu tenir parole et on s’est retrouvé avec un trop grand nombre  de prisonniers. Ce qui nous a causé un tas de problèmes; mais laisse-moi te raconter l’histoire à partir du début.

Le vingt-cinq janvier dernier, nous sommes parti avec 625 hommes sous les ordres de Nicolas  d’Ailleboust de Manthet, de Zacharie Robutel de La Noue et d’Augustin Le Gardeur de Courtemanche. De fameux commandants, je dois te dire.

– Oui; je les connais. Il vaut mieux être de leurs amis.

– La troupe se compose de 100 soldats, d’un bon groupe de Canayens et surtout de nos sauvages dont, entre autres, nos Iroquois du Sault St-Louis. Comme je te le disais, Frontenac avait fait promettre aux chefs sauvages de ne pas faire de quartier et de tuer tous les Iroquois ennemis, en âge de porter les armes. Ils devaient faire prisonniers les femmes et enfants pour regarnir leurs deux bourgades du Sault St-Louis.

Partis de Chambly en raquettes, nous avons fait des bivouacs, toutes les nuits, par groupes de douze ou quinze. Nous creusions la neige jusqu’au sol,  y placions des branches de sapins pour, finalement, fumer nos pipes autour d’un petit feu central. C’était un peu macabre de voir nos Canayens, le capuchon de leur capot cachant leur visage, en train de parler de choses et d’autres, la pipe  au coin de la bouche, sortant du capuchon .

Nous sommes arrivés dans le pays des Iroquois le 16 février. Personne ne s’est rendu compte de notre présence. Il y a, en tout, quatre villages Iroquois. Trois d’entre eux seulement sont près, les uns des autres. C’est ceux-là que nous visions les premiers.

Un prisonnier hollandais, nommé Jean Baptiste Van Eps, que nous avions amené avec nous de Montréal, s’est enfui pour aller prévenir les Anglais d’Albany, de notre expédition. Nous ne pouvions plus retarder et devions passer à l’action au plus vite.

Sous les ordres de De La Noue, mon groupe se charge du premier village sans rencontrer de résistance. Un quart de lieu plus loin, De Courtemanche et De Manthet réussissent également à s’emparer du deuxième retranchement. Nous avons, maintenant, tellement de prisonnier que nous les rassemblons dans l’un des deux villages et laissons De Courtemanche en prendre la garde. Nous brûlons, ensuite, l’autre village avec tous ses vivres.

La nuit du dix-huit, nous approchons du troisième village, la capitale des Iroquois. On les entend chanter la guerre, inconscients que nous sommes autour d’eux. Un de nos indiens franchit la palissade et vient nous ouvrir le portail. La bataille est intense mais très courte.  Une trentaine de Mohawks sont tués et près de 300, faits prisonniers incluant femmes et enfants. Parmi eux restent 40 Mohawks qui envisageaient de rejoindre, le lendemain, une troupe d’Onneyouths et deux cents anglais qui se proposent tous, de venir vous attaquer, ici, sur le fleuve St-Laurent.

C’est alors qu’on se rend compte que nos sauvages refusent d’exterminer les Iroquois comme ils l’ont promis. Nous avons maintenant beaucoup trop de prisonniers pour effectuer une retraite rapide. Et tous savent qu’on se lancera rapidement à notre poursuite, après ces trois coups.

Au bout de deux jours de retraite, on rencontre des éclaireurs Mohawks qui nous apprennent que les anglais sont à nos trousses, mais pas pour se battre. Ils nous affirment que la guerre contre l’Angleterre est terminée et que les Anglais veulent négocier.  Nos Iroquois du Sault St-Louis, apparentés à ceux de la région, décident de se retrancher pour attendre nos poursuivants. Ne pouvant pas nous y opposer on s’installe dans un fort en abattis.

Nous avons attendu deux jours avant qu’ils n’arrivent. Ils étaient les Onneyouths dont je t’ai parlé plus haut. Heureusement qu’ils n’avaient pas attendu les Anglais avant d’entreprendre la poursuite. Nous les avons chargé trois fois de suite avant de parvenir à percer leur ligne. Huit de nos Canayens sont tués ainsi que huit de nos sauvages. Nous avons douze blessés, dont le lieutenant Robutel de la Noue, mon commandant. L’ennemi n’a pas plus de pertes que nous, mais prend la fuite. Ils se sont contentés, ensuite, de nous suivre pendant trois jours.

Par la suite nous avons appris qu’il y avait bien une troupe de  miliciens d’Albany avec eux, sous les ordres de Peter Schuyler, mais on ne leur a jamais vu le bout du nez. Il parait qu’ils n’étaient pas assez nourris et trop faibles pour se battre.

Lorsqu’on est arrivé à la rivière Hudson, la glace ne nous supportait plus. Heureusement, nous avons pu traverser sur un embâcle un peu plus bas. Arrivés au lac Champlain on découvre que nos provisions, dans les caches, sont gâtées. Nous avons mangé du « mocassin à la sauce de lac » et quelques noisettes qu’on trouvait en grattant la neige. Certains ne peuvent aller plus loin et les autres leur font parvenir du secours dès leur arrivée à Montréal avec les prisonniers. Par la suite, après s’être nourris un peu, les retardataires retournent chacun chez eux, par petits groupes.

Nous avons, évidemment, perdu un grand nombre de prisonniers durant le trajet du retour. Nous n’en avions plus que 64 à notre arrivé à Montréal. Les prisonniers apprennent à Frontenac que les Bostonnais se préparent à attaquer Québec à l’été; mais c’est la troisième fois qu’on entend la même rengaine depuis deux ans. Ce n’est pas très inquiétant. Il semble plutôt, que les Anglais répandent ces rumeurs pour encourager les Iroquois à venir nous défier, sous la fausse impression de leur appui. Les Bostonnais ne pourront pas leurrer leurs sauvages de cette façon bien longtemps, je pense.

-Et toi, Bourgchemin; tu t’en es tiré dans quelles conditions?

-Pas trop mal. J’ai ramené Robutel de la Noue à Montréal sans trop de difficultés, mais nous étions à la limite de nos forces. Je ne pense pas qu’il restera longtemps avec les Montréaliens. Il préfère, et de loin, vivre parmi les sauvages.

Après deux semaines de repos, j’étais prêt à recommencer. Il faut dire qu’Élisabeth s’est occupée de moi et que, déjà, après une semaine de ses soins, j’aspirais à sortir de la maison pour échapper aux « remarques » d’affection de mon épouse. Juste Dieu! La bouteille est vide!  

-Viens à la maison, on va terminer avec une bonne bière d’épinette.

-Toi et ton foutu jus d’épinette!!!

Les deux amis prennent la direction de la maison.

À suivre

André Lefebvre

 

 

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La richesse du pays en 1692!!!

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Batiscan fait partie du gouvernement de Trois-Rivières. En 1692 cette région gouvernementale comprend 1142 maisons, 24 églises, 23 moulins, 13,768 arpents en culture, 1856 arpents en pâturage, 316 chevaux, 4539 bêtes à corne, 294 moutons et 2,234 cochons. C’est là, beaucoup plus que tous ce qui se retrouve dans les gouvernements de Montréal et Québec réunis. Par exemple, dans le gouvernement de Montréal on dénombre 586 maisons,  7,109 arpents en culture et 46 chevaux; dans celui de Québec 201 maisons,  5,792 arpents en culture et 38 chevaux. Cela n’a rien de comparable à la région de Trois Rivières.

Par contre, nous découvrons dans le gouvernement de Trois Rivières, 260 hommes mariés, 281 femmes mariées, 555 hommes non mariés et 425 femmes non mariées. Cela représente deux fois moins que la population du gouvernement de Montréal et cinq fois moins que la population du gouvernement de Québec (Statistique Canada de 1692).

Comment cela peut-il être possible? La réponse est assez simple. Plusieurs individus de Québec et de Montréal sont des Canayens « de passage ». Ce sont des Français affectés en Nouvelle France et qui retournent éventuellement dans leur pays. Ils viennent ici comme soldats ou pour le commerce, faire un magot et repartent ensuite dans leur pays. Chaque année un va et viens constant de ces individus se fait entre l’Europe et la Nouvelle France. Ces personnes s’installent temporairement à Québec ou à Montréal; aucun ne s’établit dans le gouvernement de Trois-Rivières où les amérindiens pullulent et où les défenses sont pour le moins déficientes. Donc, les vrais Canayens des gouvernements de Québec et de Montréal sont un peu moins nombreux que leur population statistique. Pour les Canayens de ces deux gouvernements, une majorité de ceux de Montréal se livrent exclusivement à la traite des fourrures et la majorité de ceux de Québec vivent principalement de leur participation au commerce venant de France. Il ne faut pas oublier également qu’une bonne portion d’ecclésiastiques habite à Québec et à Montréal.

Il est donc évident que la prospérité réelle et autonome du pays se retrouve dans le gouvernement de Trois Rivières. Il est également indéniable que les autorités officielles du pays, qui font surtout partie des « Canayens de passage », résident à Montréal et à Québec. Il devient maintenant facile de comprendre pourquoi l’histoire des « Canayens » n’est pas reconnue officiellement, puisque ce sont ces « Canayens de passage » qui ont écrit l’histoire officielle du Canada.

Pour récupérer une partie de notre histoire réelle, il faut se pencher sur la population du gouvernement de Trois-Rivières. C’est elle qui nous peint la force, la détermination et le courage de tous les Canayens de l’histoire réelle du Canada. Le gouvernement de Trois Rivière est celui où les « Canayens de passage » se sont le moins exprimés pour « recouvrir notre histoire de leur propre histoire ». Les vrais Canayens de Montréal subsistent comme ceux de Trois-Rivières; mais ne parviennent à ressortir que très peu dans l’histoire officielle. Les vrais Canayens de Québec vivent  plutôt dans l’entourage des autorités françaises; ce qui développent chez eux des caractéristiques un peu différentes des autres « Canayens », mais qui sont loin à être dédaignées dans l’histoire réelle du pays. C’est derniers sont cependant beaucoup mieux intégrés dans l’histoire officielle. Ce qui les marginalise un peu de notre histoire réelle.

Pour déterminer un dernier point, ce sont surtout les jeunes Canayens du gouvernement de Trois Rivières et quelques autres de Montréal qui essaimeront pour s’installer dans tout l’Amérique du Nord. Ce sont eux qui sont les vrais explorateurs et les vrais découvreurs de territoires inconnus. Ce sont eux qui établiront les villages, futures villes du centre et de l’Ouest Canadien et Américains. Ce sont, malheureusement, eux également qui passeront sous le radar de l’histoire officielle de ces deux grands pays nord-américains. À mes yeux de Canayens, c’est tout à fait révoltant!

-Louise; allons nous reposer un peu à l’ombre sous les arbres. On travaille au jardin depuis ce matin; on a bien mérité une petite relâche.

Gabriel-Nicolas Lefebvre travaille le jardin avec la houe, puisqu’il a laissé la binette à sa femme enceinte qui ne peut  pas tellement se pencher pour travailler. Les deux déposent leur outil et se dirigent vers les arbres où ils s’assoient cote à cote. Gabriel passe la gourde à Louise qui boit une lampée.

Mon père m’a apprit que sa truie va mettre bas sous peu. Il me propose un couple de cochon. Il va falloir leur bâtir un enclos.

-C’est une excellente idée. J’ai même le bois nécessaire. Je vais m’y mettre cet après-midi.

-Le bébé va arriver dans quelques semaines; j’aimerais bien que tu m’amènes à Québec avant. J’ai l’impression que l’accouchement ne sera pas facile et je voudrais aller à l’hôpital, chez les sœurs, pour accoucher.

-Tu m’alarmes ma femme. Pourquoi l’accouchement ne serait pas comme d’habitude?

-Je ne sais pas; mais je me sens comme « pas normale ». Y’a quelque chose de différent avec ce bébé. C’est une impression de femme. Tu ne comprendrais pas.

-Ce que je comprends c’est que ça m’inquiète en joual-vert. Quand penses-tu que nous pourrions nous rendre à Québec? On devra faire le voyage en canot. Seras-tu assez en forme?

-La semaine prochaine devrait aller. Tu sais que j’aime le canot; mais je ne pourrai certainement pas avironner.

-Pas question pour toi d’avironner. Je vais demander à ton frère Nicolas ou François de nous accompagner. Ils ne refuseront pas d’aller quelques jours à Québec. Pour l’instant, c’est fini le travail de jardin pour toi. Tu vas te reposer. Je vais aller chez tes parents demander si Madeleine ou Marguerite ne peut pas venir rester chez nous jusqu’à ce qu’on parte pour Québec.

-Demande Marguerite; elle est plus jeune et elle m’écoute mieux que Madeleine.

-C’est l’inconvénient d’avoir des femmes de caractère dans une famille; mais je préfère Madeleine; elle pourra t’obliger à te reposer. Ce que tu ne feras pas avec la jeune Marguerite.

Tout se passa comme prévu et Louise accoucha à l’hôpital de Québec. Elle avait eu raison de s’inquiéter; parce que le bébé s’était présenté avec le cordon ombilical autour du cou. Quoiqu’un peu plus difficile, la naissance s’était bien déroulée et la maman revenait chez elle en pleine forme avec sa nouvelle petite fille qu’elle appelle Catherine comme sa voisine, son amie Cadotte.

C’est durant cette période à Québec que les Lefebvre/Duclos apprirent « l’exploit » de Madelon de Verchère. Celle-ci avait tenu tête pendant huit jours, avec un vieux soldat et quelques enfants,  à des Iroquois qui voulaient razzier le fortin de son père. Louise Duclos et Gabriel Lefebvre étaient heureux que la famille de Madeleine ait survécu; mais ne trouvaient pas tellement « hors de l’ordinaire » ce supposé « exploit ».

Madelon n’était plus une « petite fille » comme le disaient les gens de Québec; c’était une femme célibataire de 14 ans qui maniait le fusil aussi bien que n’importe lequel des Canayens. Le bruit courrait même qu’elle « s’amusait » à pratiquer  l’escrime avec la rapière de son père le Sieur François Jarret. Le fait est que la plupart des femmes auraient agit de la même façon qu’elle et plusieurs se retrouvaient dans la même situation assez souvent. Évidemment, pour les gens vivant à l’intérieur de la forteresse de Québec, l’évènement paraissait assez extraordinaire. Il va sans dire que lorsque le roi de France entendit ce récit, la noblesse en fit une montagne. L’heureux dénouement fut que Madeleine eut finalement droit à une petite pension royale qui aida sa famille.

Madeleine de Verchère épouse, plus tard, Pierre Thomas Tarieu de Lanaudière et vient vivre à La Pérade où elle fait la manchette à plusieurs reprises en sauvant son époux deux fois des Iroquois et en s’attaquant au curé Gervais Lefebvre de Batiscan dans un procès qui fit l’histoire. Une vie, finalement, assez ordinaire pour une Canayenne; mais pratiquement impossible pour les femmes d’une autre nationalité que la nôtre; on doit l’admettre.

On n’a qu’à se remémorer les aventures des débuts de Montréal où Mme Closse, Mme Daulac et Catherine Mercier se défendent contre les Iroquois avec des haches, semant l’épouvante dans les rangs Iroquois. Sans oublier la bonne femme Primot de Québec qui assaillie, pas très loin des murs,  par trois Iroquois, se défend des pieds et des mains, mais fut assommée par un tomahawk. Lorsqu’un des indiens se penche sur elle pour lui lever la chevelure elle reprend conscience et l’attrape à pleine main par ses bijoux de famille.  L’indien se met à crier de douleur et finit par l’assommer. Oubliant de la scalper, il réussit à fuir, le souffle très court, avant que les secours venus de la ville ne mette la main sur lui.

À l’arrivé des secours, les hommes relèvent la bonne femme, et l’un d’eux l’embrasse tellement il est heureux qu’elle soit encore vivante. La bonne femme se réveille au même instant et lui assène une gifle qui fait tomber le bienheureux sur le dos.

– Mais que faites-vous là madame? Cet homme est simplement heureux que vous soyez vivante!

Parmanda,! dit-elle; je croyais qu’il voulait me baiser.

L’histoire couru pendant des années dans la population qui ne cessait d’en rire.

L’enclos pour le couple de porcins donné par François Duclos, s’avère efficace et Gabriel doit consacrer une partie de son jardin à la culture de pommes de terre, considérée à l’époque comme de la « pitance pour les cochons ».

Il construit également un poulailler, rattaché à la maison, pour abriter les quatre poules et le coq qu’il avait rapporté de Québec avec sa fille  Catherine.  Il envisage de « greiller » sa terre d’une vache et même d’un bœuf, si possible, avec ses gains de traite de l’année suivante. Il lui faudra se rendre à Albany pour en tirer les profits suffisants; mais il n’y voit là aucun problème. Il ne lui suffit que  d’opérer avec sa discrétion habituelle. Son voisin Cadotte  et son beau-frère Nicolas accepteront bien de venir avec lui.

Un autre projet commence à poindre dans son esprit, mais ce n’est pas pour tout de suite. Nous aurons l’occasion d’en reparler plus tard.

À suivre

André Lefebvre

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La nouvelle famille!!!

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Au lever du jour, Nicolas s’affaire à allumer le feu de l’âtre.  Louise s’habille et se rend à la porte qu’elle ouvre. Elle y reste figée sur place.

Neuf Mohawks, assis en cercle devant la maison, discutent par signes autour d’un petit feu. Loup gris leur présente sa main pansée et démontre que même en bougeant les doigts, le pansement tient bon. Lorsqu’il voit la femme, dans l’ouverture de la porte, il se lève et la salut d’un poing sur le cœur. Les autres indiens émettent des petits cris aigus, leur poing sur leur cœur, comme Loup gris.

Alarmé par les cris, Gabriel surgit derrière sa femme.

-Qu’est-ce qui se passe?

-Rien. Répond Louise. Le reste de la « famille » est arrivée durant la nuit. As-tu préparé le feu? Il semble que je vais avoir du monde à déjeuner.

Sur ce, elle s’avance, toujours de son pas décidé, et se dirige vers son nouveau « neveu ». Elle le prend par son bras valide et l’amène s’assoir sur la galerie, sur un des ballots de Cadotte qu’il avait laissé là. Assise sur l’autre, elle  commence à défaire le pansement. Après avoir inspecté la plaie, elle rentre dans la maison pour ressortir avec son bol d’eau, du savon et d’autres tissus propres. Les Iroquois la regardent faire. C’est le silence complet.

Loup gris se contente de se rassoir en faisant signe à Gabriel de venir le rejoindre. Celui-ci saisit sa pipe et son tabac, ramasse quelques branches qui servent à allumer le feu et vient s’installer près du chef, après avoir alimenté le feu des indiens avec ses bouts de bois. Gabriel laisse ensuite, son tabac faire le tour du groupe et allume sa pipe.

Louise, ayant terminé le pansement de son neveu, retourne dans la maison préparer le repas.

Le jeune indien revient s’assoir près des autres qui veulent tous, toucher et vérifier le pansement, et surtout, l’écharpe passé autour du cou. Le blessé, un peu agacé, repousse ceux qui sont trop brusques dans leur « vérification » et vient s’assoir près de Gabriel qui lui, se retrouve installé entre le père et le fils. Plusieurs « Hughs » se font entendre.

Vingt minutes plus tard, Marie-Louise sort de sa cabane avec un gros chaudron de fonte et plusieurs écuelles, qu’elle place sur la table improvisée de la veille.  Au moyen d’une grosse louche fabriquée par Gabriel, elle rempli les écuelles et les dispose sur la table.

-Venez manger messieurs, le café viendra à la fin du repas.

-Hugh! Dit l’un des nouveaux venus. Ma sœur blanche commande comme un chef.

-Ne m’dis pas qu’on va pouvoir se comprendre? Gabriel, y’a un des « frères » qui parle français.

-Ça fait déjà 15 bonnes minutes qu’on discute, ma femme. Il y en a deux qui parle assez bien notre langue. Bon! Je commence à avoir faim. Venez messieurs; venez goûter à la nourriture du « chef ».

Toute la troupe s’approcha de la table et s’appropria d’une écuelle.

-Non! Non! Chez moi, on s’assoit pour manger. Allez, ouste! Tout le monde assis à la table!

Louise pointa du doigt une bûche et y fait assoir son « neveu ». Lorsqu’elle regarde les autres indiens, elle leur fait signe de suivre l’exemple. Loup gris et Gabriel prennent place, et le reste des Iroquois, se regardant les uns les autres, s’installent sur chacun leur bûche, ce qu’ils trouvent très amusant. Surtout lorsque l’un d’eux perd l’équilibre et se retrouve sur le derrière. Alors là, les fous rires et les claques sur les cuisses ne dérougissent plus. Ce qui, évidemment, en fait tomber quelques autres.

Le chaudron de fonte est vidé beaucoup plus vite qu’il n’avait été rempli. Par contre, Louise n’accepte pas que les indiens se servent eux-mêmes. Elle s’assure que l’écuelle de chacun soit toujours garnie. De cette façon elle garde le contrôle de la situation. À chaque fois qu’elle remplit l’écuelle d’un Iroquois, elle se fait un plus grand ami, appuyé d’un « Hugh » bien senti.

Le café fait fureur chez les indiens; ils en vident plusieurs écuelles de sorte que la réserve de Marie Louise y passe presque complètement.

À la fin du repas, quatre Iroquois partent dans la forêt. Les autres continuent de palabrer avec Gabriel qui accumule des mots de la langue Iroquoise assez rapidement.

Un peu plus tard, dans l’avant-midi, les cinq Iroquois, restés sur place, s’agitent un peu lorsqu’ils voient sur la rivière venant du village, quatre canots pleins de Canayens. C’est la famille Duclos avec les Cadottes qui viennent « en visite », voir si tout se passe bien. La doyenne de la famille Duclos, Jeanne Cerisier, âgée de 54 ans et  mère de Louise est du voyage. D’un caractère beaucoup plus nerveux que sa fille aînée, elle saute du canot et courre vers Louise qu’elle empoigne dans ses bras vigoureux en disant :

-J’espère que tout va bien ma fille. Les Iroquois ne t’ont pas maltraité? J’étais tellement inquiète que j’ne me possédais plus!

-Tout va bien mère; ces Iroquois sont maintenant tous mes frères. Viens que je te présente.

Jeanne parue réticente au début mais très rapidement reprend ses aises et commence à démontrer d’où Louise a tiré son sens d’organisatrice. La doyenne prend la barre et, à l’aide de ses filles, établit rapidement et naturellement les règles à suivre. Les Iroquois, flegmatiques, sont un peu perdus au début, mais peu à peu, se plient avec amusement, à ces nouvelles normes.

Les enfants Duclos présents sont les plus jeunes de la famille. François 16 ans, Madeleine 15 ans, Marguerite 12 ans et Charles 9 ans. Les filles Duclos attirent l’attention des indiens mais ne semblent pas vraiment impressionnées par l’apparence plutôt barbare des braves. Celle qui fait vraiment sensation, chez les Iroquois, c’est le bébé Cadotte appelée Marie-Louise, âgée d’un an et demi. Tous les Iroquois veulent l’examiner dans son enveloppe de tissu. Sa mère Catherine est rapidement entourée de guerriers Iroquois qui veulent tous voir la petite. Celle-ci leur sourit et trouve leur visage peinturé, amusant. Elle tente d’attraper les huppes sur la tête des guerriers tous réjouit de ses jeux. Catherine dû accepter que les indiens prennent la petite et jouent avec elle dans l’herbe.

-Je ne savais pas que les Iroquois aimaient autant les enfants dit-elle à François Duclos.

-Tous les indiens adorent les enfants. Ils leur laissent faire tout ce qu’ils veulent sans jamais les punir physiquement. Peu d’adultes sont aussi patients avec des enfants.

-Mais comment peuvent-ils les éduquer de cette façon?

-Aucun problème.  Lorsqu’un enfant agit à l’encontre du bien-être d’un autre enfant ou du groupe, tous les membres de la tribu cessent de lui parler et font comme s’il n’existe pas. L’enfant comprend rapidement ce que demande la vie en communauté et adopte le comportement adéquat très tôt dans sa vie.

-Mouais. Bin moi, je vais garder l’œil sur ma fille quand même. Répond la femme de Mathurin Cadotte.

Au milieu de l’après-midi, les quatre indiens reviennent du bois. Ils transportent sur des perches un chevreuil et un ours, qu’ils ont déjà vidé. Ils donnent deux quartiers à Louise et s’installent un peu plus loin pour faire cuire leur venaison.

Voyant cela, Louise aidée de sa mère, prend les choses en main encore une fois.  Elle demande à Gabriel de fabriquer des supports pour tenir deux tiges de métal sur lesquelles elle embroche tous les quartiers de viande qu’elle place au-dessus de deux feux. La mère Jeanne attitre ses deux plus jeunes filles à tourner les broches. François et Charles sont chargés de s’occuper des feux. Évidemment Nicolas, l’aîné, reste avec les hommes. De temps à autre, Jeanne ou Louise verse une sauce, qu’elles ont préparé, sur la viande qui dégage une arôme à faire saliver des roches.  Les Mohawks sont bien obligés de les laisser prendre les commandes. Ils se contentent de continuer à jouer avec le bébé Cadotte ou de s’assoir un peu à l’écart pour regarder travailler les femmes Duclos en fumant une pipée.

Il est évident que lorsque viendra le temps du repas, on va manquer d’écuelles. Jeanne Cerisier va choisir une grosse bûche d’érable d’un diamètre de vingt pouces et demande à son époux, François Duclos, de lui couper des tranches de deux pouces d’épais avec la scie. Ayant enlevé l’écorche de ces plaques rondes en bois, elle dispose maintenant de 18 grandes assiettes additionnelles  avec lesquelles elle pourra faire son « service ». Louise fait installer deux autres tables temporaires, incluant les sièges-bûches nécessaires à sa loi : « Chez moi on mange assis à la table! ».

Le repas se transforme finalement en fête gastronomique, avec soupe aux légumes, pièces de chevreuils, rôtis de cuisse d’ours, purée de citrouille, choux bouilli, concombres, le tout arrosé de sauce aux mûres ou aux pommes. Les femmes reçoivent la consigne de la part de Louise, de s’assurer que les assiettes soient toujours pleines pour éviter que les hommes se servent eux-mêmes dans les plats. Pas question qu’on mette ses doigts dans sa nourriture avant qu’elle fut sur les assiettes.

Les Iroquois, peu habitués à être traités ainsi par les blancs de Nouvelle Angleterre, sont maintenant subjugués et complètement gagnés à la famille des Canayens. Ils rient à chaque fois que le bébé Cadotte attrape une poignée de purée de citrouille pour s‘en barbouiller la frimousse.  La soirée se termine avec des danses Canayennes suivies rapidement de démonstration de danses indiennes. Les jeunes garçons Duclos sautent gaiement dans ces danses sauvages; par contre les filles ne sont vraiment, mais pas du tout, tentées. La bière coule à flot; « bière d’épinette » parce que chez Louise Duclos/Lefebvre, on ne boit pas d’alcool. On laisse ça aux curés.

Loup gris et ses Mohawks partent deux semaines plus tard. Le jeune « neveu » de Louise est pratiquement guéri. Avant de partir, les Iroquois font une chasse pour regarnir le garde-manger de la famille. Ils creusent également un caveau, où Gabriel pourra entasser des blocs de glaces l’hiver suivant. Les Lefebvre se rendent compte que les Iroquois sont beaucoup plus « sédentaires » qu’ils ne le croyaient.

Le départ des Iroquois se fait sans cérémonie; en fait Loup gris avertit la famille qu’ils partaient tous le lendemain; et lorsque Gabriel se leva, au petit matin, les Mohawks étaient partis. La veille, le chef Loup gris avait dit à Gabriel que, jamais, les Mohawks n’attaqueraient Batiscan dorénavant. Il lui apprit également que les Bostonnais s’apprêtaient à attaquer Québec avec une armée importante; mais que lui, Loup gris, retournait chez lui parce qu’il ne voulait plus combattre pour les Anglais.

Ce matin-là, Louise se demande si elle reverra un jour, cette branche de sa « famille ». Gabriel envoie à Montréal, Nicolas Duclos avertir son ami François Desjordy de Cabanac de l’attaque planifiée sur Québec par la Nouvelle Angleterre. C’est là l’origine de cette rumeur, qui a circulé, voulant qu’un prisonnier Iroquois ait annoncé l’attaque de Phipps à Frontenac. Avertissement que le vieux Gouverneur n’a pas, tout de suite, pris au sérieux. Il faudra qu’un Abénaqui arrive de l’Acadie lui annoncer l’arrivée des Anglais pour qu’il réagisse.

La famille Duclos ainsi que Gabriel, Cadotte et son autre voisin, Brouillette, se préparent à défendre leur pays. Ils rejoignent de Cabanac et, obligent finalement les 1,500 Bostonnais du Major Walley à rembarquer précipitamment sur leurs bateaux. On alla jusqu’à charger trois balles par fusil lors du premier contact avec les troupes Anglaises. On avait perdu le jeune Daniel Pézard de La Touche ainsi que Dubord dit Lafontaine, chevalier de Clermont, au début des combats.

Il va sans dire que la rapière de Lataille et celle de François Desjordy s’expriment au moment où Walley  a de la difficulté à rembarquer ses hommes qui détalent dans les eaux du  fleuve. Les Canayens les assaillent au corps à corps pour encourager l’embarquement. Cet encouragement, cependant, ne fait que semer la pagaille partout.  Ce qui n’indique pas que les Canayens ne sont pas capable d’organiser un travail bien coordonné quand ces nécessaire; mais là, le but est de faire vite, avant la prise des glaces sur le fleuve.

Les Bostonnais ont même la délicatesse de nous laisser leurs cinq canons en appréciation de notre assistance à leur embarquement. Qui peut maintenant prétendre que les Bostonnais ne savent pas vivre?

Un échange de prisonniers est fait par la suite, et les Anglais de Boston repartent chez eux sous les saluts d’adieu des Canayens de chaque côté du fleuve. Phipps accuse réception de la réponse précise du bonhomme Frontenac et la fera connaître, à son retour, aux gens de Nouvelle Angleterre.

L’année suivante, Gabriel et Louise découvre dans un choux, une belle petite fille qu’ils appellent Marie Marguerite. Louise avait certainement prévu cette trouvaille parce qu’elle avait exigé de Gabriel qu’il lui fabrique un berceau pour bébé, quelques semaines auparavant. Le jour du baptême, Nicolas Duclos, parrain de la petite, ne cesse de se pavaner devant l’assemblée qui assiste à l’évènement. La marraine Marguerite Disy de Montplaisir, amie de Louise et Gabriel, ne se lasse pas de porter la petite dans ses bras. Chose un peu curieuse, Desjordy de Cabanac, un homme de guerre, semble constamment empressé de faire des risettes au bébé dans les bras de Marguerite.

Au mois de septembre, Brouillette le voisin de Gabriel, arrive chez lui blessé à la cuisse. Il raconte à Lataille ce qui lui est arrivé quelques semaines auparavant.

« Comme tu sais, j’étais allé vendre mes peaux à Albany. Sur mon retour, j’arrive au fort Chambly et j’ai décidé d’y passer la nuit. Durant l’avant-midi suivant, on entend des coups de feu venant de Laprairie. Le commandant Du Vault de Valrenne, rassemble ses hommes pour aller voir ce qui se passe, et j’accepte de les accompagner avec d’autres canayens dont Le Ber qui étaient là. On servait d’éclaireurs lorsqu’on aperçoit 700 Bostonnais qui se dirigent vers nous. Ils arrivaient de Laprairie où ils avaient fait un « bon coup ».

 On retourne, tout de suite, avertir Valrenne, qui installe ses hommes en trois rangées derrière deux souches d’arbres renversés. Il leur ordonne d’attendre que l’ennemi soit à portée avant de tirer. Peux-tu comprendre ça, toi, Gabriel, qu’on soit obligé de dire à des soldats de ne pas tirer avant que l’ennemi soit à portée de fusil? C’est vraiment pas croyable! Ces soldats-là ne savent pas tirer pantoute; ils s’installent cote à cote, épaulent dans la direction générale de l’ennemi et tirent sur la gâchette sans viser personne en particulier. Ç’est pas comprenable d’agir comme ça! Quant à moi et les autres coureurs de bois, on s’est postés derrière les arbres pour pouvoir canarder les Anglais copieusement.

-Et t’as été blessé comment?

-Simple malchance; un maudit Bostonnais m’a planté son couteau dans la cuisse avant que j’lui fende la tête avec mon tomahawk. Dans la fusillade, plusieurs Anglais sont tombés mais au nombre qu’ils étaient, les autres ont foncé sur les lignes des soldats de Valrenne. Quant nous, on a vu qu’on ne pouvait plus tirer sans blesser les nôtres, on a tous sauté dans le tas avec nos tomahawks et nos couteaux. Si t’avais entendus les cris de mort qu’on poussait pendant le corps à corps, tes cheveux en auraient blanchis. Les Bostonnais, deux fois plus nombreux que nous, ont prit leur jambes à leur cou et aujourd’hui, doivent encore être essoufflés sur les balcons de Boston. Ils ont eu 43 morts et plus de vingt blessés. J’pense pas qu’y reviennent de sitôt.

-Y’a-t-il quelque chose que je puisse faire sur ta terre que tu ne peux pas avec ta patte folle?

-Bin là, si tu pouvais « désarter » cinq ou six arpents, enlever les « chousses » pis labourer tout ça, je pourrais m’arranger pour semer mon blé à volée, même avec ma patte folle.

-Salut Brouillette; faut que j’retourne à Louise. Si t’as besoin, tu sais où me trouver.

-Te gêne pas pour venir fumer une pipée de temps en temps Lefebvre. T’es toujours le bienvenu.

À suivre

André Lefebvre

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Printemps 1690, Batiscan!!!

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Un canot d’écorce, venant du Nord, s’approche du rivage de la rivière Batiscan, donnant sur la Terre de Gabriel Lefebvre. Le menton appuyé sur sa fourche de bois, Gabriel  le regarde accoster. Le canot plein de ballots de fourrures tangue dangereusement lorsque l’occupant descend dans l’eau jusqu’aux genoux, pour ensuite tirer l’embarcation sur le sable. Il décharge le canot et le porte à sa cachette habituelle.

Près de lui, sur une des grosses souches qu’il n’a pu encore enlever de son champ, Gabriel ramasse son fusil et y appuie sa fourche.

–          Salut Cadotte. Tu ne devais pas aller vendre tes fourrures avant de revenir?

–          Salut Lataille. Tu ferais mieux de te préparer à recevoir des Iroquois. Ils seront ici dans « pas longtemps ».

–          Quels Iroquois?

–          Une bande que j’ai rencontré en montant. J’ai viré de bord aussitôt et ils me poursuivent depuis trois jours.

–          Ils sont combien?

–          Il en reste une dizaine. J’ai dû tuer les deux qui m’avaient rejoint hier matin.  Allez! Ramasse un ballot et allons chez moi.

–          Ta femme et ta fille sont avec Louise; viens.

Les deux hommes, chacun chargés d’environ 90 livres de pelleteries, arrivent chez Gabriel, laissent tomber leur charge près de la porte et entrent dans la maison.

–          Louise; prend le canot et rends-toi chez ton père avec Catherine et son bébé. Y’a des Iroquois qui seront ici dans une demi-heure. Je reste avec Cadotte. On va les arrêter.

–          Vous êtes seulement deux.

–          Si on en tue deux ou trois, les autres vont détaler. Vite; fais comme je te dis et attend que j’aille te chercher.

–          Faites attention à vous autres.

–          T’inquiète pas, femme. Tu me le répètes assez souvent, « on a une famille à bâtir ». File au canot vers le village!

Louise attrape un châle, l’attache sous son menton, ramasse une hache et courre jusqu’au canot, déjà orienté vers le bas de la rivière. La femme de Cadotte, son bébé dans les bras, la suit de près. Quelques minutes plus tard Gabriel voit les deux femmes avironner avec autant d’adresse que de vrais « coureur de bois ». Rassuré, de son intonation toujours calme il dit:

Viens-t’en Cadotte. On va s’installer au-dessus de l’endroit où tu as accosté. T’as des munitions?

–          J’suis bien garni; t’inquiète pas.

Gabriel décroche sa rapière d’une cheville de bois au mur et l’agrafe à sa ceinture où il passe une hachette. Il ouvre un coffre de bois ferré, près du foyer, en tire un pistolet qu’il charge et passe aussi à sa ceinture.

–          Je ne savais pas que tu avais un pistolet!

–          C’est un cadeau de Bourgchemin et tu vas l’oublier. Personne ne le sait et je veux que ça reste ainsi.

Attrapant son fusil, il pousse la porte pour laisser sortir Cadotte.

–          J’ai pas vu d’Iroquois avec une épée parmi le groupe.

Sans dire un mot Gabriel ferme la porte et retourne d’où il était venu quelques minutes plus tôt. Cadotte lui emboîte le pas sans rien ajouter. Arrivés sur la hauteur près de la rivière Gabriel murmure :

–          Tu t’installes ici et tu me laisses tirer le premier. Si celui que j’ai tiré n’est que blessé tu ne l’achèves pas. Tu serais probablement mieux de viser pour blesser au lieu de tuer. Si celui que tu vises est droitier tu tires l’épaule droite sinon, c’est la gauche.

–          Cré- moé, Lataille; si j’tire un Iroquois, y va tomber…  pour pas se relever…  jamais.

–          Comme tu veux; mais ne t’avise pas d’achever un de mes blessés. Allez; je serai derrière l’abattis que tu vois là. N’oublie pas, je tire le premier.

Gabriel, allongé près d’un tronc d’arbre renversé, charge son fusil et s’installe à son aise. Il jette un œil vers Cadotte et constate qu’il est, lui aussi, très bien posté, à l’abri. Les deux sont prêts à recevoir les Iroquois.

Ils n’ont pas à attendre très longtemps avant que Cadotte signale des branches qui bougent sans raison, au bord de la rivière. Les deux Canayens épaulent lentement leurs fusils. Un renard roux surgit brusquement des fourrés et grimpe vers les hommes embusqués. Aucun d’eux ne réagit, ils gardent les yeux fixés sur les broussailles.

Deux indiens apparaissent sur la grève sans le moindre bruit. Gabriel observe les deux Iroquois inspecter les lieux. Ceux-ci remarquent tout de suite l’entrée de la cachette du canot, là où les herbes sont quelque peu écrasées. Ils s’en approchent et trouvent tout de suite l’embarcation. L’un des deux rebrousse chemin et retourne vers sa bande qui l’attend au détour de la rivière, pendant que l’autre se cache derrière « le canot à Cadotte ».

Les deux Canayens restent de marbre. Quelques minutes plus tard, neuf indiens, peints pour la guerre, dans trois canots se pointent au tournant de la rivière. Ils avironnent doucement, sans éclaboussures, et s’approchent de l’endroit où Cadotte avait déchargé ses ballots. L’éclaireur qui connait l’endroit, indique aux autres braves où accoster. Gabriel apprécie l’expertise dans tout ce mouvement qui se fait sans le moindre bruit.

Lorsque la première embarcation touche à la grève, il laisse à l’éclaireur le temps de descendre et d’en empoigner la pointe. Voyant que l’indien est droitier, Gabriel lui loge une balle dans l’épaule droite. L’indien bascule et tombe à l’eau tête première sur une roche, sans plus bouger. Au même moment, Cadotte tue le deuxième indien, qui se préparait à débarquer, d’une balle entre les deux yeux. Celui-ci retombe dans le canot. Éclate encore un autre coup de feu, tiré par celui qui s’était caché dans les branchages. La balle vient se loger dans le tronc d’arbre à deux pouces du visage de Gabriel. Aussitôt, Lataille dégaine son pistolet, saute du haut du taillis sur la grève et se précipite là où l’indien accroupi recharge son arme. Les trois canots d’indiens refoulent promptement sur la rivière pour échapper à l’embuscade.

L’Iroquois voit Gabriel foncer sur lui, il lâche son fusil et sort son tomahawk de sa ceinture. Gabriel s’arrête à cinq pas de l’Iroquois. Apercevant le pistolet, celui-ci hésite. Les deux hommes se dévisagent. Lentement, Gabriel repasse son pistolet à sa ceinture, tire sa rapière et pique la pointe sur le sable du rivage. L’indien se redresse doucement, impassible. Le reste de la troupe tourne le coude de la rivière et poursuit sa fuite. Gabriel pointe de son doigt l’indien, blessé à l’épaule au bord de la rivière, la tête dans l’eau. Les deux hommes se comprennent. L’iroquois se dirige vers son comparse. Gabriel lui emboîte le pas et l’aide à retirer le blessé de l’eau. L’homme est inconscient et ne semble plus respirer.

Cadotte! Arrive ici; j’ai un noyé qu’il me faut ranimer. Surveille l’indien.

–          T’inquiète pas Lataille; s’il bouge y’est mort.

L’Iroquois  se retourne pour regarder Cadotte s’approcher, le fusil armé. Gabriel rengaine sa rapière, dépose son fusil, ouvre la bouche du noyé, vérifie s’il n’a pas avalé sa langue et le retourne sur le ventre. Il lui relève les bras et lui place les mains sous le visage. Ensuite, s’installant à la tête de l’Iroquois inanimé, il pousse énergiquement dans le dos du noyé et relâche, puis lui tire les coudes vers le haut. À la onzième pression, un flot d’eau jaillit de la bouche du blessé qui se met à tousser. Gabriel se relève. L’indien, jusque là attentif aux gestes de Gabriel, se penche pour s’occuper de son ami.

–          Où as-tu appris à faire ça? Lui demande Cadotte.

–          En Jamaïque, quand j’étais jeune, dans la marine.

Lataille ramasse son arme, la place au creux de son coude et attend que les deux indiens reprennent contact. L’iroquois du canot explore la gravité de la blessure de son ami. Gabriel lui fait signe de l’aider à se relever et de le suivre. Sur ce, il se retourne et se dirige vers sa maison. Cadotte, hochant la tête, lui emboîte le pas.

–          Tu as une drôle de façon de traiter tes ennemis,  Lataille.

–          Ils ne sont pas mes ennemis; du moins pas encore. Et je veux m’en faire des amis.

–          Te faire amis avec des Iroquois? Non mais ça va pas dans ta caboche? C’est impossible! Ce sont des barbares sanguinaires!

–          Ce n’est pas ce que m’a dit le vieux Desgroseillers de Trois-Rivières. De toute façon je ne suis pas intéressé à les voir apparaître ici à chaque année pour me piller. C’est ce qui va arriver si j’en tue un; sa famille voudra le venger et on n’en verra jamais la fin. Je te conseille de tenter de te faire ami avec eux toi aussi. S’ils viennent piller chez mon voisin, c’est comme s’ils venaient chez moi.

Cadotte sans répondre jette un coup d’œil derrière lui. Les deux indiens les suivent.

Un demi-heure plus tard, le blessé, assis sur les planches de la galerie, devant la cabane, a maintenant le bras en écharpe et boit un boc remplie de bière d’épinette. Mathurin Cadotte dit Poitevin garde l’œil sur lui tout en buvant sa bière. L’autre Iroquois, un peu plus loin, parle par signe avec Gabriel Lefebvre qui répond de la même façon. Tous les deux mâchouillent une tranche de viande fumée tiré d’une écuelle de bois que Gabriel avait sorti de la maison. Chacun tient un couteau, place un coin de sa tranche de viande entre les dents et le coupe près des lèvres. C’est ce à quoi servait le plus petit couteau, qui pendait au coup de Gabriel. L’indien, quant à lui, se sert de son couteau de chasse, semblable à ceux que Gabriel porte, l’un à sa ceinture et l’autre, dans un étui attaché au bas de son genou droit. À cet instant, les couteaux ne sont plus des armes, mais simplement des ustensiles; et aucun des deux hommes ne les considèrent comme arme lorsqu’ils mangent.

Il est bon de comprendre que le Canayen de cette époque, comme les « sauvages » d’ailleurs, ne vit pas dans sa cabane. Celle-ci ne lui sert qu’à dormir et à s’abriter du mauvais temps. Le Canayen vit continuellement  à l’extérieur. Souvent,  lorsqu’il fait trop chaud dans la maison, toute la famille sort pour dormir à la belle étoile. Évidemment, parfois les époux font comme les lièvres les soirs de pleine Lune… sans trop s’occuper de la Lune.

L’intérieur de la maison est le royaume incontesté de la Canayenne qui, elle aussi, ne s’y confine que pour faire la cuisine et pour dormir. La plupart du temps, la maîtresse de la « maison » travaille dehors avec son mari. Elle s’occupe du jardin et des animaux avec lui. Et lorsqu’il est absent, c’est à elle que revient toutes ces tâches. Ajoutons que la Canayenne manie la hache, la faux et la fourche tout comme son mari. De plus, elle tire du fusil avec la même virtuosité. Au printemps, la famille consacre une semaine à fabriquer du savon et des chandelles de suif pour l’année.

L’indien blessé fait entendre un « Hugh » en pointant vers la rivière. Un canot chargé de trois occupants, s’approche du rivage. Ils avaient bien vu Gabriel, Cadotte et les deux indiens, assis sur la galerie. À genou au centre du canot, Louise, parait calme. Son père François Duclos, au gouvernail, dirige le canot vers la plage de sable. Avant de toucher, Nicolas, frère de Louise, saute dans l’eau et empêche le canot de heurter le rivage. Louise débarque et se dirige vers la maison pendant que les deux hommes montent l’embarcation sur la grève.

Sans un mot, la femme se dirige vers l’indien blessé qui ne bronche pas lorsqu’elle se penche pour inspecter le pansement de l’épaule.

       -T’inquiète pas ma femme, j’ai récupéré ma balle.

       -Ça ne me surprend pas!       

Cadotte demande à Louise : -Ma femme est où?

-Ma mère l’a gardé à la maison avec la petite. Ils t’attendent ce soir. Vous coucher chez mes parents.

Elle entre dans la maison et revient avec un vieux châle et refait une meilleure écharpe sur le bras blessé. L’indien la regarde comme hypnotisé. Il est vrai que l’épouse de Gabriel est belle femme; mais c’est probablement son aplomb face à un Iroquois peinturluré qui étonne, beaucoup plus, le jeune indien.

François et Nicolas se tiennent debout près de Lefebvre.

-Tu t’es fait de nouveaux amis, garçon? Demande François Duclos.

C’est bien ce que je voudrais le beau-père. J’espère réussir.

François Duclos s’adresse à l’Iroquois dans sa langue et la conversation s’engage. Gabriel les laisse et rejoint sa femme.

-Je t’avais dit d’attendre que j’aille te chercher. Lui dit-il.

-Oui puis après? Tu n’es pas venu assez vite; c’est tout. Je dois préparer le souper pour tout ce monde-là. Allume le foyer. Nicolas! Donne un coup de main à mon mari et apporte du bois pour le feu. Après, préparez-moi une table, ce soir on mange dehors.

Elle pivote sur ses talons et retourne dans la maison.

-Moé, Gabriel, je sais pas comment tu fais pour supporter une femme aussi soumise que ma sœur, dans ta cabane. Tu aurais dû choisir une femme de caractère. Remarque Nicolas.

-C’est facile à supporter Nico; je fais ce qu’elle demande. Viens on prépare le feu. Quand tu vas manger, tu vas comprendre.

-Ça je le sais déjà; pour préparer la nourriture mes sœurs ne donnent pas leur place.

Les deux hommes s’affèrent à leur nouvelle tâche. Cadotte reste près du jeune indien blessé.

45 minutes plus tard, les hommes, assis sur des bûches autour de la table improvisée, se  concentrent à boire la soupe aux pois que Louise leur a servi, à chacun, dans des écuelles de bois. Un gros « pain de ménage », déjà entamé de moitié, trône au centre de la table appuyé sur une « tine » de beurre. Marie-Louise arrive ensuite avec une grande assiette pleine de tranches de cuissot de chevreuil qu’elle place près du pain. Elle y ajoute une grosse écuelle remplie d’une purée de citrouille dont les femmes Duclos gardent le secret. La table bien garnie, elle s’assoie entre son père et son mari.

-Et puis, père; les Iroquois vont-il nous attaquer comme aujourd’hui, à chaque année?

-Ça, ça me surprendrait. Tout dépend de ton mari. L’indien blessé est le fils du chef Loup gris qui est là, en train de tout dévorer ce qu’il y a sur la table. Il m’a raconté comment ton mari a tiré pour ne pas tuer son fils et comment il l’a ensuite ranimé de la noyade. Loup gris considère Gabriel comme « bonne médecine ». Il demande à être son frère de sang.

-« Frère de sang », ça veut dire quoi?

-Tu verras après le repas. Tu n’as rien apporté à boire?

-Dans ma maison, on boit après le repas.

-Mais là, on est dehors!

-Bon! Ça va; mais c’est parce que tu es mon père et que je t’aime.

Louise embrasse son père sur le front et retourne à la cabane.

– Pis garçon? Vas-tu accepter d’être le frère de sang de Loup gris?

-Tout dépend de ce que cela implique,  le beau-père.

-Ça implique que tu deviennes son frère, que ta famille soit sa famille et vice-versa. Si quelqu’un fait du mal à ta famille il la vengera et tu dois prendre le même engagement. Si tu as besoin de lui, il viendra et s’il a besoin de toi, tu devras y aller. Ça implique également qu’aucun Iroquois ne viendra toucher à un seul cheveu de ceux de ta famille. C’est une décision importante à prendre; mais elle te donne de grands avantages dans la situation actuelle de la colonie.

-Je suis d’accord, à la condition que je ne participe jamais à aucun raid contre des Canayens.

François Duclos donna la réponse de Gabriel à Loup gris qui ajouta une remarque.

-Loup gris accepte à la condition que jamais tu lui demandes de participer à un raid contre les Mohawks.

Gabriel approuva d’un signe de tête et les deux hommes se lèvent pour se tenir face à face. Loup gris sort son couteau de chasse et s’entaille la paume de la main gauche. Gabriel fait le même geste. Louise, debout dans l’ouverture de la porte de la cabane, reste figée et regarde l’Iroquois prendre la main blessée de son mari dans la sienne et la serrer pendant qu’un peu de sang dégouline sur le sol. L’indien met l’autre main sur l’épaule de Lataille et ce fut tout; ils étaient dorénavant « frères de sang ».

-Bon! Me v’là rendue avec un beau-frère qui porte une houppette sur la tête. Et Louise s’approche des deux hommes de son pas décidé. Elle prend les mains blessées dans chacune des siennes et regarde les plaies. « Vous avez l’air intelligent maintenant. Vous êtes blessés tous les deux. Assoyez-vous à la table, je reviens ».

Trois minutes plus tard elle arrive avec un plat rempli d’eau et deux linges propres. Elle commence par nettoyer la plaie de Loup gris qui, étonné du cran de la Canayenne, regarde Gabriel qui lui fait un air en haussant les épaules. Lorsqu’elle a pansé l’indien, elle s’occupe de son mari. L’indien lève la main en fermant et ouvrant les doigts plusieurs fois, content que le pansement tienne en place.

-Hugh!

-Dis-moi, mon homme; maintenant que ton « frère » est ici, quand penses-tu qu’il va repartir?

– J’imagine qu’il partira quand il voudra, ton neveu est blessé à l’épaule; tu ne vas sûrement pas le chasser de chez toi, femme?

-Certainement pas avant que le reste de la bande d’Iroquois ne soit revenue pour venger leurs morts. On va avoir besoin de la « famille » pour ne pas se faire scalper, je pense.

– Tu as tout compris. Tu es bien digne d’être ma femme, ma belle Louise.

-Tout ce que je demande est que tu n’oublies jamais qui tu es, Gabriel-Nicolas Lefebvre. Nous allons fonder une famille et c’est elle qui devra être digne de porter ton nom; n’oublie jamais ça en éduquant tes fils, sinon je ne te le pardonnerai jamais.

Sur ce, tournant les talons, Louise retourne dans sa maison avec son plat d’eau qu’elle déverse sur l’herbe avant d’entrer.

Gabriel reste figé sur place en regardant sa femme s’éloigner. François Duclos, assis à la table, observe son gendre en se demandant si celui-ci sait exactement quel genre de femme il a épousé. Il allume sa pipe avec un petit sourire en coin, et passe son tabac aux deux indiens qui n’avaient rien saisi de ce qui se déroulait. François paraissait très fier de sa fille.

-Eh bien le beau-frère; tu fais une drôle de face. Commences-tu à comprendre la femme que t’as marié? S’esclaffe Nicolas qui, lui aussi, charge sa pipe.

-Je commence à comprendre à quel point je suis chanceux; mais cela ne me rendra pas la vie très facile; j’ai l’impression.

-Bin non voyons, tu l’as dit plus tôt. T’as qu’à faire ce qu’elle te dit. Et Nicolas lui lance sa blague à tabac pour qu’il charge sa pipe comme les autres.

Le reste de la soirée se passe à enseigner quelques rudiments d’Iroquois à Gabriel et Nicolas. Marie-Louise s’occupe dans la maison.

Au crépuscule, le père et le fils Duclos retournent chez eux en canot avec Cadotte. Les indiens ne voulant pas dormir dans la cabane, Louise leur donne deux peaux de chevreuil pour dormir sur la galerie. Le couple Lefebvre-Duclos se réfugient dans leur lit de plume.

À suivre

André Lefebvre

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Classé dans Actualité, André Lefebvre

Les Canayens d’antan!!!

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L’année 1692 souligne un petit accroc dans la vie usuelle du couple Gabriel et Marie-Louise. Une fille leur est née à Québec. Est-ce qu’ils étaient en voyage ou est-ce que Marie-Louise a eut besoin de soins médicaux spéciaux, on ne le sait pas; mais leur fille Marie-Catherine fut baptisée à Québec.

Cette année-là, est celle où Madeleine de Verchère défend le fortin de son père contre des Iroquois qui veulent s’emparer de la place. Elle est seule avec un vieux soldat et des enfants. Quand je dis que les « Canayens » sont des héros, cela n’exclu pas du tout les « Canayennes ».  Ce fait d’arme passera à l’histoire officielle parce qu’il se rendit jusqu’aux oreilles du roi Louis XIV; mais il est loin d’être le seul de notre histoire.

L’année suivante Jacques-François de Bourgchemin; notre officier un peu- beaucoup « soupe au lait », participe à une attaque contre les Agniers, pendant laquelle plusieurs de leurs villages au nord d’Albany, sont rasés. Le 1er mars il est confirmé lieutenant réformé. Ce sera l’année suivante, en 1694, alors commandant au Fort St-François, qu’il deviendra le parrain de Jacques-François Lefebvre, premier fils de Gabriel-Nicolas et de Marie-Louise Duclos. La marraine choisie sera Catherine Rivard.

Ce sera également cette année-là que Bourgchemin s’attaque à Monseigneur de Saint-Vallier, Évêque de Nouvelle France. Un scandale à l’échelle du pays, au sujet de son ami Desjordy de Cabanac, l’oblige à prendre position contre l’évêque.

Le scandale:

Marguerite Disy dit Montplaisir, âgée de 14 ans, avait épousé Jean Desbroyeux en 1677. Celui-ci consacrait la plus grande partie de son temps à ses voyages de traite  vers les pays des Outaouais et des Népissingues. Il était donc assez rarement à la maison. Sa résidence servait également d’établissement où les gens allaient boire « un pot ». C’est d’ailleurs là où la femme de Bourgchemin, Élisabeth Disy,  aide de sa sœur pour le service aux clients, s’était confrontée à un habitant que Bourgchemin avait proprement châtié contre la modique somme de 200 livres.

Esseulée, Marguerite n’est pas insensible aux avances de François Desjordy de Cabanac, ami de son beau-frère, capitaine réformé d’un détachement de la marine, stationné près de Batiscan. Ils finissent bientôt par cohabiter, en l’absence de Desbroyeux. Le 9 février 1694, comme le scandale dure « depuis plusieurs années », les curés de Batiscan et de Champlain, sieurs Foucault et Bouquin, lisent en chaire un mandement de Mgr de Saint-Vallier interdisant l’entrée de ces deux églises aux amants Desjordy et Desbroyeux. À un certain moment la morgue des jeunes hommes envenime la situation lorsqu’ils pénètrent de force dans l’Église avec leurs hommes pour assister à la messe. L’affaire se complique rapidement lorsque Frontenac entre dans la mêlée pour défendre l’honneur de ses jeunes officiers. Notons que Frontenac et Mgr de Saint-Vallier sont, la plupart du temps, à couteaux tirés.

François Desjordy de Cabanac, de son mariage avec Anne Nolan, aura une fille appelée Catherine qui deviendra la tante d’Augustin Mouet de Langlade, dont le fils, Charles Michel de Langlade fut nommé : Le père du Wisconsin par les Américains.

Dès le mois de mars, Marguerite Dizy présente une première requête au Conseil souverain, exigeant l’annulation du mandement et réparation de l’offense qu’elle dit avoir été portée à sa réputation. Frontenac y voyant un empiétement possible de l’Église sur le domaine de l’État, auquel Mgr de Saint-Valier ne se gêne pas souvent d’éviter, le litige est porté devant le Conseil privé du roi et Mgr de Saint-Valier doit se rendre en France pour se justifier. L’interdit est alors levé et bientôt l’affaire est bientôt oubliée. La preuve en est que j’en parle encore aujourd’hui.

Par contre lorsque Marguerite devient veuve en 1699, elle règle les affaires de son mari décédé à Montréal et continue sagement son métier de chirurgienne dans la région de Batiscan. En quoi pouvait consister ce métier de « chirurgienne » à l’époque? Je n’en ai aucune idée; mais je suis convaincu que cette Canayenne devait avoir le cœur bien accroché pour pratiquer son métier. Notons qu’elle ne s’entend toujours pas mieux avec son curé l’abbé Foucault. Plus tard en 1704, Marguerite Disy dit Montplaisir est accusée d’avoir calomnié le curé Boy de Batiscan et l’intendant Beauharnois la juge coupable. Avouons que notre famille Lefebvre fréquente de vraies « grenouilles de bénitier », y’a pas à dire !

Pour ajouter un peu plus de piquant à l’histoire, cette même année de 1694, Jacques-François de Bourgchemin est accusé de vouloir empoisonner sa femme. Si l’accusation est prise au sérieux, c’est que la chose devait être soupçonnée de se faire de temps à autre, ailleurs; mais je ne crois pas que cela puisse signifier que c’est Bourgchemin qui préparait les repas à la maison; je n’oserais pas aller jusque là. Par contre, il est évident que les Canayennes possédaient énormément de connaissances sur les plantes médicinales. D’ailleurs, ma propre grand-mère, tous les printemps, allait faire sa tournée dans les bois pour cueillir ces plantes, que l’Apothicaire du village (pharmacien) venait lui acheter chaque année.

Le massacre:

En juillet se déroule un évènement, très loin de Batiscan, d’une importance capitale pour notre lignée des Lefebvre. Sans cet évènement, plusieurs lignées de cette famille Lefebvre issue de Louis-Alexis, n’aurait vu le jour à partir de 1734.

Le 18 juillet 1694, Claude-Sébastien de Villieu, aidé du missionnaire jésuite le père Thury, mènent 250 Abénakis à l’attaque du village de Oyster River au New Hampshire. Ils y tuent, sous la bénédiction de Thury, 104 villageois et font 27 prisonniers qu’ils ramènent avec eux après avoir tout brûlé. Parmi les prisonniers des indiens, se trouve une jeune femme de 22 ans nommée Mercy Adams. Arrivée à Montréal, elle est rachetée aux indiens par le commandant du fort St-François, Charles Antoine Plagnol qui l’adopte et la fait baptiser Ursule.

On se souvient, encore aujourd’hui, de cette attaque des Canayens aux USA.

Mercy Adams est née le 13 mars 1672. Elle est la fille de Charles Adams et Rébecca Smith. À l’âge de 32 ans, elle épouse Charles-René Dubois dit Brisebois le 3 août 1704 à St-François du Lac. Ils auront plusieurs enfants dont Marie Ursule Dubois dit Brisebois qui épousera Louis-Alexis Lefebvre fils de Gabriel-Nicolas et de Marie Louise Duclos le 4 mars 1733. Donc si nous sommes ici aujourd’hui, c’est grâce à un massacre de 104 personnes. Sans ce massacre, huit générations de plusieurs lignées de Lefebvre, jusqu’à mes enfants, n’existeraient pas. Je ferai donc comme le Pape et je demande pardon aux innocentes victimes; mais…

La vie continue:

L’année suivante notre ami Bourgchemin reçoit une concession de Frontenac plus une seigneurie sur la rivière Yamaska. Le tout sera ratifié le 19 mai 1696 par le roi de France. Le 20 juillet la famille Lefebvre-Duclos baptise, à Batiscan, une autre fille appelée cette fois-ci Marie Madeleine Lefebvre. Son parrain est François Desbroyeux, 16 ans, fils de la « chirurgienne » Marguerite Dizy (Comme quoi, les scandales d’alcôves n’impressionnent pas tellement Gabriel-Nicolas, ni Marie-Louise Duclos). Sa marraine est Marie Madeleine Duclos, 19 ans, future épouse de Jean-Baptiste Papilleau dit Perigny.

Durant tout ce temps, Gabriel-Nicolas travaille sur sa terre et traite avec les Amérindiens qui passent chez lui en route vers le village.  Il fait certainement quelques expéditions de traite avec son beau-frère Nicolas Duclos qui deviendra juge et notaire en 1725, mais rien, dans les données officielles ne les indique. Ce qui est compréhensible puisque la traite est strictement réglementée depuis 1681 et qu’on risque la pendaison ou les galères si on s’y fait prendre. Il n’attire donc pas l’attention sur lui d’aucune façon. C’est assez facile pour lui, puisqu’il n’a qu’à partir de chez lui « vers la gauche » sur la rivière Batiscan et personne n’est au courant de son départ (vous pouvez vérifier sur la carte des cadastres plus haut). Il peut se rendre ainsi jusqu’au Témiscamingue. Une chose est certaine; il affine ses aptitudes de « coureurs de bois » de plus en plus. Il est également assuré qu’il participe à certaines des expéditions punitives contre les Iroquois ennemis; mais s’il le fait, on n’en a aucune mention.

Frontenac, en 1696 est âgé de 74 ans. Ce qui n’empêche pas le bonhomme de mener 2000 combattants à une attaque contre les Iroquois Onontagés qui laissera impression. Les Iroquois signeront un traité de paix en 1701.

Antoine Lefebvre dit Du Sablon dit Despins, fils de Gabriel-Nicolas, voit le jour à Batiscan en 1697. Son parrain est Antoine Rousselet (ou Rousselot) et sa marraine, Marie Morand (17ans) épouse de Jean-Baptiste Papilleau dit Périgny.

On ne sait trop ce qui est advenu de Jacques-François Hamelin de Bourgchemin. Ce qui est assuré est qu’il meurt (peut-être empoisonné, qui sait?) durant l’année 1697. De sorte que le 26 janvier 1698, sa veuve, Élisabeth Disy dit Montplaisir, pas empoisonnée du tout, se remarie avec Alexis Guay dit Leguay. Elle décède le14 février 1703 et il semble que la seigneurie dont elle aurait dû hériter passe aux mains du Marquis de Vaudreuil par le biais de sa sœur Marie-Anne à Paris, pour le prix de 320 livres en 1724. Curieusement le document porte la signature de Louis de Buade, mais ne peut-être Frontenac puisque celui-ci est mort en 1698. Du moins, Vaudreuil vendit-il le domaine à Mgr l’Évêque de Samos P.H. Dosquet au plus tard en 1723? Voilà qui serait tout aussi curieux puisque Vaudreuil l’aurait officiellement acheté en 1724. Ce dossier doit se trouver dans les « cas non résolus » des archives canadiennes. Plusieurs familles de chez nous possèdent des archives de ce genre. dans leur histoire familiales

Chez les Lefebvre-Duclos le moïse ne chôme pas; le 13 octobre s’ajoute à la famille le petit Joseph Lefebvre qui adoptera le surnom « dit Villemure ». Son parrain est Noël-Joseph Trottier de la famille Trottier des Ruisseaux, autres « coureurs de bois » renommés et sa marraine est Marguerite Duclos. (Au sujet de ce Joseph Trottier, lisez le lien: http://historiquementlogique.com/category/nouvelle-france/

vous aurez une idée additionnelle de l’étendue des Canayens en Amérique du Nord).

Le 23 novembre Hertel de Rouville, l’un de nos plus efficace commandant pour la « petite guerre » qui passe pour le plus « cruel » en Nouvelle Angleterre, épouse Jeanne Dubois à Trois-Rivières. Cinq jours plus tard, le vieux soldat qu’est Louis de Buade, comte de Frontenac et de Palluau rend l’âme âgé de 76 ans. Il a la décence de faire la paix avec son vieil ennemi l’Évêque de Saint-Vallier qui n’a que des louanges pour son administration après avoir passé sa vie à le confronter.

Et nous voilà rendu au tournant du siècle de 1700 qui se signale par la création de la « Compagnie de la Colonie » première compagnie créée avec des intérêts canadiens depuis la faillite de  la « Compagnie des Habitants » entre 1650 et 1660.

Les actions de cette compagnie se vendent à prix modique pour permettre aux Canadiens d’en acheter et participer ainsi aux profits. Ce fut le « Plan Nord » de l’époque.  C’est ainsi qu’est fondée la Compagnie de la Colonie. Selon le ministre, cette entreprise  permettrait au Canada d’obtenir l’autonomie d’un pays d’état, comme il en existait en France. L’affaire fut malheureusement vouée à l’échec, en raison des conditions économiques défavorables qui régnaient au début du xviiie siècle. En 1704, le gouverneur Rigaud de Vaudreuil et l’intendant François de Beauharnois  envoient le directeur principal de la compagnie Antoine  Pascaud, pour expliquer au ministre la situation dans laquelle se trouve la compagnie et tenter d’obtenir de l’aide. Celui-ci échoue et, en 1706, la Compagnie de la Colonie est mise en liquidation tandis que le monopole des peaux de castor est cédé à la maison Aubert, Néret et Gayot en France.

Cette histoire pue le « coup fourré » parce que Pascaud ne crée aucun lien au Canada à part ses commerces. Chaque jour, il est en position de pouvoir quitter le pays au moindre signal. Tout l’argent qu’il fait au Canada est constamment placé en France. . En 1710 il s’installe définitivement à Larochelle. Pierre de Lestage dirige ses affaires au pays. Pascaud fut accusé de vouloir « ruiner tous les commerçants de ce pays […] il veut réduire tous les négociants de ce pays a la nécessité de n’adresser a autres qu’a luy les Lettres de change pour avoir les marchandizes dont ils ont besoins pour leurs commerce ».

Pendant tout ce brouhaha, chez les Lefebvre-Duclos de Batiscan, on libère une fois de plus le berceau, pour y installer le nouveau venu nommé Charles-Gabriel. Son parrain est Charles Duclos et sa marraine Geneviève Trottier. Charles-Gabriel assistera au mariage de Louis de la Corne écuyer, aide-major des troupes, seigneur de Terrebonne (où j’habite actuellement) avec Élisabeth de Ramesay. Ce qui confirme encore plus le lien entre Gabriel-Nicolas, son père et Jean-Louis de Chapt de la Corne, père du marié, depuis leur arrivée au pays. Quant au Seigneur de Ramesay, père de la mariée, il avait été gouverneur de Trois-Rivières de 1690 à 1704. C’est lui qui fit bâtir, à Montréal, l’Hôtel du gouvernement qui est ensuite devenu l’École Normale Jacques Cartier. C’est également lui qui rendit la ville de Québec aux Anglais en 1760. Après la conquête il retourne en France et y finit ses jours.

Le moïse des Lefebvre-Duclos de Batiscan restera vide pendant les deux années suivantes. Gabriel-Nicolas doit probablement multiplier ses voyages de traite. Son fils Louis- Alexis verra le jour le 12 janvier 1703.  Le parrain sera Alexis Lemoyne de Monière, l’un des marchands importants de Montréal de l’époque. Il fournit continuellement les « coureurs de bois » pour leurs équipées de traite. La marraine est Marie-Louise Guillet. C’est ce fils de Gabriel et Louise Duclos qui épousera la fille de Mercy Adams dont nous avons parlé plus haut, Marie Ursule Dubois dit Brisebois.

L’année suivante naît celui qui deviendra le marchand voyageur de la famille, dans la traite des fourrures. Il engagera ses frères à chaque fois que ceux-ci voudront gagner des sous. C’est le 28 avril que  Jean Baptiste Lefebvre prend sa place dans le berceau familial. Son parrain est Jean Giasson et sa marraine Marie Madeleine Lepelé, épouse de François Rivard. Jean Baptiste épousera Marie-Josephe Papilleau dit Périgny le 2 mai 1730. Il décède âgé de 51 ans, le 1er décembre 1755 après une vie remplie d’aventures.

Ce n’est que 2 ans plus tard qu’il libère le moïse de la famille, pour le laisser à son nouveau frère Nicolas. Le parrain du bébé est Nicolas Rivard et la marraine, Madeleine Lafond dit Mongrain. Nicolas décède le 23 février 1728 à l’âge de 21 ans. Il est voyageur depuis 2 ans.

L’année suivante 1707, un procès-verbal du 15 mars établi la ligne et les bornes entre la terre de Gabriel-Nicolas  Lefebvre et celle de Mathurin Cadot, son voisin. Le lendemain, un autre procès-verbal établit la ligne entre lui et l’autre voisin, Jean Brouillet.  Vous me demanderez pourquoi ne pas faire ces procès-verbaux la même journée? Mais voyons -donc!!! C’est parce qu’à cette époque, les gens ne sont pas stressés. On prend le temps de « voir venir » et de « discuter » de ce que l’on va faire. On laboure même avec des bœufs au lieu des chevaux, tellement on n’est pas pressé. C’est tout dire!

Une fois les bornes de sa terre bien établies, Gabriel-Nicolas s’oblige à patienter jusqu’au 13 novembre, avant  d’accueillir un autre fils que Marie-Louise décide de nommer Pierre. Le parrain élu est Pierre Rivard dit Lanouette, époux de Catherine Trottier des Ruisseaux et la marraine choisie est Gertrude Perrot de la famille de Nicolas Perrot le « grand voyageur » qui s’est promené partout au pays des Illinois. Pierre épousera, en 1733, la veuve de Jean Coste, Geneviève Trépanier et en deuxièmes noces, Marie-Anne Papilleau dit Périgny, une autre veuve, cette fois de François Tiffault.  C’est d’ailleurs pourquoi je doute un peu que ses voyages dans l’Ouest lui firent découvrir de nouveaux territoires. Il décède le 6 août 1782 à Batiscan âgé de 75 ans.

Détroit:

Ce fils de Gabriel-Nicolas sera lui aussi un « coureur de bois » dès son tout jeune âge. Son premier contrat de « voyageur » est assez significatif. Âgé de 17 ans, il signe un engagement en 1724, pour se rendre au fort Pontchartrain, c’est-à-dire : Détroit. Mais chose curieuse, son contrat est un « aller seulement ». Lorsqu’il arrive à Détroit, son contrat se termine. Ce qui lui laisse le droit d’aller et venir à Détroit comme il le veut, pour faire ce qu’il veut. Il y a certainement quelqu’un de la famille qui l’attend là-bas. Je soupçonne que ce soit son frère Jean Baptiste âgé de 20 ans qui, on le découvrira plus tard, possède une terre à Détroit. On n’entendra plus parler de lui pendant neuf ans, où il reviendra se marier à Batiscan en 1733.

C’est Alphonse de Tonty qui est commandant du fort à cette époque et il a énormément de problèmes avec ce poste qu’il détient seul, depuis 1717. Son administration est très défaillante. Il est relevé de son poste en 1727 lorsque les hurons, venus s’installer dans les environs, demandent qu’il soit renvoyé. Il meurt quelques mois plus tard. Tonty et Lamothe-Cadillac sont les fondateurs du Fort Pontchartrain de Détroit. Ils tentent d’y établir une colonie qu’ils veulent importante. L’établissement ne dépassera jamais une centaine de familles installées sur la rivière Détroit, de chaque côté du fort.  Leurs épouses sont reconnues comme les deux premières européennes à avoir vécu dans l’Ouest. L’épouse de Tonty se nomme Marie-Anne Picote de Belestre. Elle est la fille de Pierre Picote de Belestre, commandant de Montréal, qui avait hérité de la terre de Dollard des Ormeaux. C’est là où Pierre, fils de Gabriel-Nicolas, vivra entre 1724 et 1733.

Le fils suivant de la famille Lefebvre-Duclos, Michel , verra le jour deux ans plus tard en 1709 le 14 décembre. Lorsque les naissances s’espacent de cette façon, chez les familles canayennes, ce n’est pas parce que l’intérêt du canayen envers son épouse diminue d’intensité, loin de là. C’est simplement parce qu’il passe plus de temps assis dans son canot, en voyages. Il est important de le mentionner. Le parrain de Michel sera François Duclos et la marraine, Marie Madeleine Gaillou. Lui aussi épousera, en 1733, une jeune fille de la famille Papilleau dit Périgny nommée Marie-Anne. L’un des témoins au mariage, sera Jean Baptiste Brunsard dit Langevin et un autre, Paul Bertrand dit St-Arnaud.  Ce dernier arrive au pays en 1687 avec la cie de Vaudreuil.  Beaucoup plus tard, lorsqu’il vendra sa terre à son fils Michel Bertrand dit St-Arnaud, Jean Baptiste Lefebvre, frère de Michel, sera témoin sur l’Acte de vente.

Mais là, nous nous retrouvons face à une situation qui déroge des habitudes de la famille Lefebvre. Il semble bien que Gabriel-Nicolas, âgé maintenant de 44 ans passe énormément de temps dans son canot. Car le fils suivant ne voit le jour que 4 1/2 ans plus tard, le 24 juillet 1714. On lui donne quand même un nom : Julien. Son parrain est Antoine Lefebvre, son frère âgé de 17 ans et sa marraine est sa sœur Marie Catherine  âgée de 22 ans. Encore là, une question fait surface : Pourquoi avoir choisi un frère et une sœur? Est-ce que Gabriel-Nicolas commençait à couper certains liens avec le voisinage? Difficile de répondre à cette question. De toute façon, au niveau « voisinage », Gabriel-Nicolas « dit Lataille » ne semble pas avoir créé trop de liens avec beaucoup d’amis hors de sa famille, sauf probablement, ses voisins de gauche et de droite, dont Mathurin Cadot coureurs de bois. Celui-ci accompagne Saint-Lusson et Nicolas perreault en 1671 lors de la prise du territoire des Grands Lacs au nom du roi de France. L’autre voisin, Jean Brouillet dit La Vigueur, je n’en sais qu’il est mort noyé âgé de 40 ans en 1718. Ce qui indique que Gabriel avait un caractère assez bien « défini » et ne se laissait pas contrôler par des « besoins irrésistibles» de socialiser. Ses amis étaient des hommes fiables tout comme lui; amitiés de frères d’armes, développées aux seins des périls traversés. Il ne semble pas s’être embarrassé d’amis  « superficiels ».

Julien Lefebvre épousera, assez jeune, Marie Suzanne Raux le 16 novembre 1734. Il fera un deuxième mariage avec Madeleine Cosset en 1780 et finalement, âgé de 77 ans, un troisième mariage avec Geneviève Carrier en 1791. Il décède le 12 décembre 1801 à Batiscan. Qui sait ce qui serait advenu sans cette « épreuve »?

Deux ans plus tard, François Duclos, 42 ans, beau-frère de Gabriel-Nicolas Lefebvre, 52 ans, est engagé le 2 juin pour l’Ouest, par Jean Baptiste Cuillerier, époux de Marie Trottier, pour la somme de 125 livres payable en peaux de castor. Par contre, on lit une drôle de condition sur son contrat.  Il ne doit pas rencontrer « ni rien donner » à Jacques Larchevesque lors de son passage à Détroit. Son retour est prévu en septembre. On sait qu’il s’agit ici, de Jacques Larchevesque dit Lapromenade né en 1684. Il est peut-être forgeron comme son père, mais il est surtout un marchand de fourrure; donc un concurrent de Jean Baptiste Cuillerier âgé de 46 ans. Une mésentente semble exister entre ces deux marchands; ce qui est assez rare à cette époque. Cette année-là Jacques Larchevesque est âgé de 33 ans. On ne sait où et quand Jacques décède.

L’année suivante François Duclos devient lieutenant de milice à Batiscan. La famille de Gabriel-Nicolas et Marie Louise Duclos est maintenant décrite. Son épopée peut alors commencer et, ainsi, nous pourrons vraiment goûter à la vie quotidienne de nos courageux ancêtres.

Amicalement

André Lefebvre

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Mes propres « Canayens »!!!

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L’histoire de ma famille « canayenne » commence, simultanément, des deux côtés de l’océan Atlantique. Pendant que les Lefebvre vivent à Paris, île de France, les Duclos vivent à Trois-Rivières, en Nouvelle France où les Iroquois rodent constamment autour du village.

François Duclos, futur beau-père de Gabriel-Nicolas Lefebvre achète une maison d’Étienne Lafond, le 18 octobre 1664, près du fort St-François au Cap de la Madeleine et quitte Trois-Rivières. En 1681 il habite Batiscan depuis déjà un bon moment. Durant toute cette époque ce n’est qu’une bataille après l’autre avec les Iroquois, partout le long du fleuve.

Gabriel-Nicolas, né en France, un an après l’achat de la maison d’Étienne Lafond par François Duclos au Canada, est originaire de la paroisse Saint-Laurent de Paris. Son père se nomme Nicolas Lefebvre, décédé en avril 1699 (qui, lui, est fils de Napoléon Lefebvre) et sa mère, Marie Josse, décédé en juin 1698. Ils sont, tous les deux, inhumés en France.

Voici une photo de l’église de la paroisse St-Laurent où Gabriel-Nicolas Lefebvre est baptisé :

Personne, jusqu’ici n’a pu découvrir quand et sur quel bateau,  Gabriel-Nicolas Lefebvre est arrivé au Canada. Je cherche toujours cette réponse. Il faut garder à l’esprit que l’Édit de Fontainebleau qui révoque l’Édit de Nantes fut promulguée en 1685; et que les dragonnades persécutant les Huguenots avait commencé en 1681. À cette date, Gabriel-Nicolas est âgé de 16 ans. Cette politique de Louis XIV pousse plusieurs Huguenots français à fuir leur pays, surtout vers 1685 où les persécutions s’y généralisent. Est-ce le cas de Gabriel-Nicolas Lefebvre? On ne le sait pas. Par contre, on peut en douter puisqu’à Paris, la population n’a pas à vraiment subir ces horreurs; mais elle connait très bien ce qui se passe ailleurs et personne ne peut être assuré de ne pas subir le même sort, même à Paris, éventuellement.

Sur l’Acte de mariage de Gabriel-Nicolas (24 ans) on trouve les témoins : François Brousson(?), Jean Grimard, François Duclos et Jean Colet.

François Brousseau (23 ans) (1666 à 1740), né dans l’évêché de Beauvais, Oise, France, et décédé à Ste-Anne de La Pérade, est un ancien soldat de la compagnie de des Bergères arrivée au Canada, le 26 juillet 1685. Il est le gendre de Jean Collet qui lui, est né à Regny, France vers 1637, arrivé au Canada avant 1668 et décédé à Batiscan en 1699.  Jean Grimard, quant à lui, est né à La Rochelle en 1636, il habite Batiscan en 1661 et y décède en 1701. François Duclos, établi à Batiscan, originaire de Manerne en Normandie, arrive au Canada avant 1665 et s’adonne à la traite des fourrures depuis. Il est hors de doute que c’est François Duclos qui  initie Gabriel-Nicolas Lefebvre aux rudiments du métier de « coureur de bois ».

Nous savons que Gabriel-Nicolas Lefebvre porte un « nom de guerre ». On l’appelle « dit Lataille ». C’était l’habitude des soldats de donner ce genre de surnom, basé sur les aptitudes du « baptisé ». On peut donc stipuler que l’ancêtre de ma famille était soldat et se faisait remarquer au maniement de l’épée. D’ailleurs, dans toute son histoire personnelle, Gabriel-Nicolas n’aura jamais de démêlé avec qui que ce soit de son entourage. C’est peut-être là une des raisons; mais j’aime à penser qu’il était un excellent négociateur également.

L’équipement d’un soldat des compagnies franches de la marine comprend effectivement une épée. Ce qui explique le « nom de guerre » de cet ancêtre. Et comme il est un ami de François Brousseau invité à son mariage, il est plus que probable que notre Gabriel-Nicolas Lefebvre avait déjà fait parti de la compagnie franche de la marine de des Bergères lui aussi, et qu’il soit arrivé au Canada en 1685. Par contre, il est tout aussi possible qu’il fasse partie de la flibuste; ce qui justifierait tout autant son surnom de « Lataille », mais avec un sabre au lieu d’une épée.

Cette même année de 1685 le 1er août voit l’arrivée d’un grand nombre de militaires de noblesse comme Desjordy de Cabanac (19 ans), Jean-Louis de la Corne de Chapt (19 ans), Jean Sicard de Carufel (19 ans) et d’autres qui viennent de La Rochelle à bord du vaisseau « la diligente ». Ils sont tous du même âge que Gabriel-Nicolas et seront tous impliqués dans l’histoire de cette famille Lefebvre. Ils nous apprendrons également le genre de « caractère » qui anime nos ancêtres. Nous savons que les miliciens de Montréal appellent ceux de Québec : les « moutons », et que ceux-ci ripostent en désignant les miliciens de Montréal, les « loups sauvages ». Comme les coureurs de bois de Montréal sont pour la plupart, originaire de la région de Trois-Rivières et de Batiscan, je n’ai aucune peine à m’imaginer le caractère de ces derniers.

L’année 1685 est celle où le gouverneur Joseph Antoine Lefebvre de la Barre quitte le Canada, remplacé par Jacques-René Brisay Marquis de Denonville qui sera gouverneur jusqu’en 1689. Le roi Louis XIV envoie des forces pour remédier, une fois pour toutes, à la menace des Iroquois. Après les attaques de 1687 contre les Iroquois, les escarmouches continuent avec la Nouvelle Angleterre. Pendant ce temps,  la France déclare la guerre à la Hollande (le 26 novembre 1688), l’Empire allemand déclare la guerre à la France (le 11 décembre 1688), l’Angleterre déclare la guerre à la France, le 17 mai 1689 et, finalement, La France déclare la guerre à l’Espagne (le 15 avril 1689). On jurerait que la France a décidé de s’attirer les foudres de tout le monde.

Le 16 février 1689 on installe le « Bill of Rights » en Angleterre; ainsi naît la démocratie moderne. Pendant tout ce temps, nos Canayens font à leur tête comme le leur ont apprit leurs amis Amérindiens. Ils se considèrent des « hommes libres » et ne concèdent pas tellement aux autorités en place. Ils adoptent le nom « d’habitants » pour marquer leur indépendance face aux autorités en place.  Ajoutons que Pehr Kalm, scandinave en visite au Canada en 1749 consigne dans ses notes : « que tous les gens nés au Canada sont les meilleurs tireurs qui peuvent exister et ratent rarement leur coup » ? Il n’y a « aucun d’entre eux qui ne soit capable de tirer remarquablement, ni qui ne possède un fusil ».

Cette « aptitude » à tirer juste, se développe au tout début de la colonie; et les nouveaux arrivants apprennent rapidement ce que les Canayens leur enseignent. Par contre, il faut comprendre qu’un fusil est assez dispendieux et donc, lorsque les autorités demande aux Canayens de porter les armes, ceux-ci répondent qu’ils n’en ont pas, ou arrivent avec des fusils brisés. On leur en fournit alors des neufs, qu’ils conservent par la suite. Les armes ne manquent donc pas dans les chaumières. Plusieurs canayens apportent une petite « modification » à leurs fusils, leur permettant de garder la poudre d’ignition en place même si on manipule l’arme en courant. Les fusils de chasse provenant de Tulle sont leurs préférés. Ces fusils de Tulle avaient un mire au bout du canon mais n’en avait pas près de la mise à feu. Je soupçonne que nos Canayens ajoutaient cette petite « modification » additionnelle qui augmentait leur précision; mais je ne peux le prouver. Le Canayen qui se respecte porte toujours une hachette à sa ceinture et trois couteaux; un à la taille, l’autre à la jarretière de sa mitasse, en bas du genou et le troisième suspendu au cou qui lui sert surtout comme ustensile.

Les Canayens se battent en embuscade. Ils ne sont pas du tout fervents à servir de cible à l’ennemi au milieu d’une clairière. Ils subissent bien quelques revers à l’occasion, mais tellement peu souvent que, confiants dans leur bravoure, ils se croient quasi invincibles. Par ailleurs, la guerre de raids, telle qu’ils la pratiquent, est tellement pénible que peu d’hommes ordinaires parviennent à la mener. Au retour d’une expédition, il arrive qu’ils soient tellement épuisés et affamés, que certains se laisseraient mourir au pied d’un arbre, si les autres ne les forçaient à suivre. « Quand ils arrivent, ils sont méconnaissables et ils ont besoin de beaucoup de temps pour pouvoir se remettre ».

Voilà l’apprentissage que dû subir Gabriel-Nicolas Lefebvre dit « Lataille » avant de se  « mériter » une épouse canayenne. Voici l’acte de mariage de Gabriel-Nicolas Lefebvre et de Marie-Louise Duclos :

Notre Gabriel-Nicolas épouse donc, à Champlain le 17 janvier 1689, à l’âge de 24 ans, Mlle Marie-Louise Duclos âgée de 16 ans, fille de François Duclos et de Jeanne Cerisier. Les époux ne savent pas signer leur nom. Au mariage sont présents: François Brousson, Jean Grimard et Jen Colet. Le père Claude Volant est le curé, qui « officie ».

Mais pourquoi le « Canayen » décide-t-il de faire la traite des fourrures pour survivre, au lieu de défricher sa terre? Premièrement, il défriche sa terre, mais seulement suffisamment, au début, pour subvenir aux besoins de la famille. Lorsque la famille est formée, le défrichement, qu’ils appellent « désertement », s’intensifie. Deuxièmement, une information que l’on trouve dans le « Cahier des dix » qui traite des « Coureurs de bois », nous apporte une autre réponse importante :

1)      Les fourrures sont payées dix francs la livre au lieu de 52 sous

2)      Les marchandises « anglaises » sont moins dispendieuses que les françaises.

3)      Les marchandises en question sont de meilleure qualité sauf la poudre à fusil.

La famille Lefebvre de Batiscan traitera avec la Nouvelle York, sans jamais se faire prendre. Cette même famille n’aura jamais de malentendus « officiels » avec leurs voisins; ce qui signifie que les problèmes se règlent à l’amiable. Les Lefebvre de Batiscan n’ont aucun besoin des autorités pour régler leurs dilemmes. Ils commercent jusqu’à Montréal et ont leurs entrées chez plusieurs membres importants de la communauté de Champlain, de Batiscan , de Trois rivières et de Montréal. Gabriel-Nicolas choisit de s’installer à un endroit où il peut « voir venir » sur la rivière, quiconque se dirige vers chez lui. Qu’ils viennent de la forêt ou du bord du fleuve. De plus, il est le premier sur la route des Amérindiens qui descendent du Nord par la rivière. Ce qui lui donne un net avantage.

Voici un relevé des terres de Batiscan de l’époque :

Et voici où sa terre se trouve (en haut à droite = flèche) :

 C’est la terre au centre de l’image indiquée : Gabriel Lefebvre.

Nous somme donc en 1689.  Gabriel est installé sur sa terre qu’il a un peu défriché avant son mariage. Il y a bâti une « cabane » en bois rond d’environ 16 pieds sur 16 pieds. Une réserve de bois de chauffage est appuyée à deux des murs de la cabane. Il a construit un âtre assez grand pour y faire brûler ses bûches de 3 pieds de long, longueur normale des bûches de l’époque. Il ne possède pas de poêle pour faire la cuisine; mais qu’à cela ne tienne, Marie Louise est installée exactement comme sa mère et elle sait très bien faire ses repas dans le foyer qui réchauffe la demeure en ce mois de Janvier 1689.

Gabriel n’est pas délaissé au fond de sa terre; ses beaux-frères et belles-sœurs viennent souvent à la maison. Nous allons les rencontrer tout de suite; peut-être y trouverez-vous vos ancêtres, vous aussi?

François Duclos et sa femme Jeanne Cerisier ont eu plusieurs enfants. Les beaux-frères et belles-sœurs de Gabriel-Nicolas sont : Nicolas Duclos (23 ans) célibataire mais qui épousera Marie Madeleine Lafond dit Mongrain le 11 février 1709 à Batiscan. Marie-Anne Duclos (21 ans) qui vient d’épouser François Gignac (32 ans) en 1688. Geneviève Duclos (18 ans) qui vient, elle aussi d’épouser Pierre Perrault en 1688. Francois Duclos dit Carignan (14 ans) qui épousera Marie-Charlotte Duteau le 11 fev 1710. Marie Madeleine Duclos (13 ans) qui épousera Julien Trottier sieur Desrivières. Marie-Marguerite Duclos (10 ans) qui épousera Jacques Duteau le18 janvier 1707 à Batiscan et Charles Duclos (7 ans) qui décèdera âgé de 21 ans. Il était voyageur depuis deux ans.

À noter que Pierre Lafond dit Mongrain, né en 1655, père de Marie Madeleine est réputé pour ses 36 voyages de traite qu’il fit dans le Nord-Ouest. Par contre François Duclos n’est pas en reste. Il fait plusieurs voyages dans l’Ouest également. Tous ces gens-là son « coureurs de bois ».

Le 3 décembre de la même année 1689, le premier fils de Marie Louise et de Gabriel, qu’ils appellent Nicolas, meurt à sa naissance. Coup du sort? Probablement puisque cela était fréquent à l’époque; mais on peut deviner que Gabriel-Nicolas n’a pas encore terminé toutes ses installations; ce qui peut rendre la vie plus difficile à ses débuts. Ce sera leur seul enfant qui décèdera à sa naissance. Le couple Gabriel/Marie-Louise y veillera. La jeune maman retombera enceinte fin juin 1690.

En février 1690, se déroule à Batiscan un fait divers qui implique un ami de Gabriel-Nicolas Lefebvre. Le 13 novembre 1687, Jacques-François Hamelin de Bourgchemin et de l’Hermitière, lieutenant de la marine, avait épousé Élisabeth Disy âgée de 15 ans, fille de Pierre Dizy dit Montplaisir. Ainsi en février 1690 l’épouse de Bourgchemin Élisabeth Disy,  s’étant attiré, par son dédain, une réplique assez vive d’un habitant de Batiscan, le mari décide de châtier l’impertinent le lendemain.

Arrivant à la demeure de l’habitant en question, il le trouve en train de se sculpter un manche de hache. J’imagine que l’habitant ayant peur, veut lui donner un coup du manche de hache. Bourgchemin pare avec son épée, lui arrache le manche des mains et lui en assène un coup suivit d’un coup du plat de son épée sur la tête et le laisse là, assommé le visage ensanglanté. L’habitant porte plainte évidemment, mais Bourgchemin parvient à calmer les choses quelques jours plus tard, en lui donnant 200 livres en dommage et intérêts. Les jeunes nobles de l’époque ont l’honneur assez sensible et la mèche assez courte.

Le 16 octobre de la même année, c’est au tour de Phipps, venant de Nouvelle Angleterre avec 32 bateaux, qui a l’impertinence de venir essayer de prendre Québec. Déjà, cela ne va pas très bien pour lui; car avant d’arriver devant Québec, il débarque des soldats de la milice « américaine » à la rivière Ouelle pour saccager le village et s’approvisionner. Le curé du village, Pierre de Francheville, sort son fusil de chasse, rassemble 30 villageois armés et fiche une bonne raclée aux 150 envahisseurs qui retournent en courant à leur bateau. On peut dire que c’est plutôt mal parti. Mais voici, pour les curieux, le nom de ces « Canayens » aux couilles de fer:

François et Joseph Deschamps, fils de monsieur de la Bouteillerie, Robert Lévêque, Pierre Hudon, Charles et Jean Miville, Galleran Boucher et ses deux garçons, Pierre et Philippe, Michel Bouchard et ses trois fils, Étienne, François et Pierre, Pierre Dancosse, Joseph Renault et son fils Joseph, Guillaume Lisot (Lisotte) et son garçon Claude, René Hoûallet (Ouellette) et quatre de ses enfants: Abraham, Mathurin-René, Grégoire et Joseph, Jean et Noël Pelletier, Jean Lebel et son garçon Jean-Baptiste, Pierre Emond, Mathurin Dubé, Jean Mignot dit Labrie, Jean Gauvin et son fils Jean, Pierre de Saint-Pierre, Nicolas Durand et son garçon Nicolas, François Hautin [Autin], Sébastien Boivin et Jean de la Voye (Delavoie). Quelques Sauvages chassant dans les environs ont du sans doute se joindre à l’expédition.

Donc notre Phipps installe ses quatre plus gros bateaux de guerre devant Québec et dépêche un messager sommant Frontenac  de lui livrer Québec. L’ordonnance bostonaise, le major américain Thomas Savage, présente un ultimatum à Frontenac devant ses officiers, intimant, tout en sortant sa montre de sa poche, qu’il a une heure pour rendre Québec. Le bonhomme Frontenac est vieux mais son sang de noble est du même type bouillant que celui de Bourgchemin face à l’impertinence. Les oreilles lui virent au rouge et il rétorque à l’émissaire :  « Je ne connais pas le roi Guillaume, usurpateur qui a violé les droits les plus sacrés du sang en voulant détrôner Jacques II, son beau-père ; quant à votre général, qu’il sache que je n’ai point de réponse à lui faire que par la bouche de mes canons et à coups de fusils ; qu’il apprenne que ce n’est pas de la sorte qu’on traite un homme tel que moi et, quand bien même je voudrais me rendre, tous ces braves officiers que vous voyez n’y consentiraient jamais.» On réinstalle la « capuche » sur la tête de l’émissaire et on l’escorte jusqu’à sa chaloupe, sous les quolibets et les rires moqueurs des habitants sur son parcours.

Le lendemain, des renforts dirigés par M. de Callières arrivent de Montréal. Mais le 18, les miliciens de Phipps débarquent à Beauport, pendant que quatre de leurs navires bombardent Québec. Ceux débarqués à Beauport reçoivent leur quote-part d’horions et rembarquent aussitôt servis. L’attaque navale qui dure trois jours, s’avère un échec; et Phipps, finit par remarquer qu’aussitôt qu’il descend de ses bateaux, il se fait talocher le museau à chaque fois. La cerise sur la gâteau  est que l’un des frères de d’Iberville, sachant viser et tirer du canon, coupe le mat du bateau de Phipps du premier coup. Le drapeau anglais qui y flotte échoue dans le fleuve, où il est récupéré à la nage, par les canayens.  Phipps en a marre de ces « sauvages » qui ne savent pas se battre (comme du vrai monde » et quitte définitivement la Nouvelle-France après avoir échanger des prisonniers. La Nouvelle Angleterre ne viendra plus embêter les Canayens. Ils opteront plutôt d’armer et envoyer certains Iroquois qui reprendront les attaques sur la colonie. Cela ne réussira pas plus, parce que nos « coureurs de bois » se mettent à attaquer les colonies anglaises. Les Canayens répliquent également en éliminant graduellement les Iroquois responsables. Jacques-François de Bourgchemin est de ceux qui prennent part à ce « nettoyage ». Il en tirera une confirmation de lieutenant en 1693.

L’année suivante, en 1691, un bébé arrive dans la chaumière du couple Gabriel et Marie-louise. C’est une fille à qui on donne le nom de Marie Marguerite. Son parrain est son oncle, le futur  juge et notaire de l’endroit, Sieur Nicolas Duclos; et sa marraine est, comme on le verra plus loin, une autre femme de caractère nommée Marguerite Disy dit Montplaisir , belle-sœur de Jacques-François de Bourgchemin.

Le 22 novembre l’oncle d’un ami de Gabriel, Joseph Desjordy de Cabanac épouse Madeleine Pézard à Champlain. L’ami en question est témoin au mariage de son oncle et signe François Desjordy de Cabanac. Lui aussi est du même acabit que Hamelin de Bourgchemin avec qui il est lié d’amitié comme seuls les combats peuvent développer. Il sera également le parrain de l’un de nos grand héros canayen dont j’ai déjà raconté l’histoire, Jean Baptiste Levreau de Langis né à Batiscan, lui aussi.

À suivre…

André Lefebvre

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Batiscan!!!

En remontant le fleuve Saint-Laurent, Samuel de Champlain remarque une importante rivière qu’il baptise « rivière Batiscan ». Il aperçoit aussi une île, plus en amont, où il note la présence d’Amérindiens.

Le choix du nom de baptême de « Batiscan » par Champlain, pour la rivière en question est quelque peu contestable. C’est à croire que Champlain était un amérindien. Dire qu’il a « baptisé » l’endroit d’un nom amérindien devrait provoquer un « petit doute » dans notre esprit. La rivière devait s’appeler Batiscan, bien avant l’arrivée de Champlain. Évidemment les sauvages, n’étant pas Chrétiens, ne « baptisent » pas; alors l’argumentation risque de s’éterniser assez longtemps. Laissons le sujet de côté. Notons seulement qu’il « baptise » l’île qu’il aperçoit, du nom de « d’Île de Saint-Éloi ». Ce qui est beaucoup plus plausible et plus normal pour un Français. Cette île est aujourd’hui reliée à la terre ferme. Il l’a donc baptisé pour rien.

Les Amérindiens qu’il y rencontre sont de la tribu des Attikameks, qu’on retrouve encore de nos jours dans la Haute-Mauricie. Notons tout de suite que ce n’est pas Champlain qui les a « baptisé » de ce nom d’Attikameks. D’autres Indiens, des Algonquins venant de l’ouest, s’y arrêtent aussi lors de leurs voyages sur le grand fleuve. La rivière Batiscan s’ouvre sur un grand territoire de chasse allant jusqu’au bassin nord du Saint-Maurice en passant par la rivière des Envies. En insistant quelque peut, on atteint le Témiscaminque et, par la suite les grands lacs. Mais, à l’époque de Champlain, on se rend compte que nos « coureurs de bois » n’ont pas à « courir » très loin.  Au début de notre histoire, ce sont les Amérindiens qui « courent » vers nous.

Voici une photo à faire rêver, de la très belle région de la rivière Batiscan :

Nos ancêtres vivent continuellement dans ces décors extraordinaires.

Les Amérindiens viennent à l’île Saint-Éloi vendre ou échanger leurs pelleteries aux commerçants français mais également, en douce, à leurs amis les « Canayens » qui les traitent d’égal à égal. Ces commerçants français, souvent pas très scrupuleux, échangent les fourrures pour de « l’eau-de-vie » à laquelle les Amérindiens prennent goût trop rapidement.

Il faut noter que ce sont les « autorités », la plupart du temps, qui fournissent « l’eau de vie » au « sauvages ». Certaines poursuites en justice (qui ont tourné assez court) le démontrent pleinement. La rivière Batiscan est un passage très fréquenté par les Amérindiens dans les premières années du développement de la seigneurie.

Douville raconte quelques beuveries des Indiens qui, inévitablement, troublent la paix des colons. On a, officiellement, passé sous silence le fait que la plus grande partie d’eau de vie vendue aux amérindiens se fait par l’entremise des personnages important de la région, beaucoup plus que par les coureurs de bois ordinaires. Il est clair que la collusion ne date pas d’hier.

Voici l’histoire d’un tel commerce illicite :

Jeanne Évard (1618-1682), surnommée Madame de la Meslée, dirige un réseau de trafic d’eau-de-vie au village du Cap (devenu plus tard le Cap-de-la-Madeleine). Madame est l’épouse de Christophe Crevier dit la Meslée. Ils se sont mariés en 1633 dans la région de Rouen en France et sont arrivés en Nouvelle-France vers 1639.  Ils ont eu huit enfants dont une fille prénommée Jeanne qui épouse, en 1652, Pierre Boucher Sieur de Gros-Bois, capitaine de milice du bourg de Trois-Rivières. Boucher est gouverneur des Trois-Rivières pendant la majeure partie de la période allant de 1654 à 1668. Il est aussi propriétaire d’un fief au Cap-de-la-Madeleine, là où réside la famille Crevier.

Christophe Crevier Sieur de la Meslée est boulanger. Il décède en 1662 ou 1663.  Sa veuve Jeanne Évard est incriminée en 1667 lors d’une enquête du Conseil souverain sur la traite d’eau-de-vie. Cette enquête est faite à la demande pressante des Jésuites qui ont sédentarisé un groupe d’Algonquins au Cap-de-la-Madeleine pour les protéger des Iroquois et des trafiquants d’alcool.

Mais en hiver, aussitôt qu’ils s’éloignent de la mission,  les trafiquants les rejoignent en traîneaux et échangent de l’eau-de-vie contre des fourrures, de la viande d’orignal, des raquettes ou des mocassins qu’ils revendent ensuite avec profit, aux habitants de Trois-Rivières. Les Amérindiens peuvent tout autant, se procurer de l’alcool dans les maisons des trafiquants au village du Cap et même le consommer tranquillement sur place.

La plupart des témoignages entendus lors de l’enquête de 1667 désignent Jeanne Évard, sous les noms de Madame Crevier ou de Madame de la Meslée, comme la principale instigatrice de ce commerce avec ses fils Jean, Nicolas et Jean-Baptiste Crevier, ses gendres Nicolas Gastineau dit Duplessis et Michel Gamelin ainsi que ses domestiques Jean Hébert et Simone Dorian. En plus de faire son trafic illégal au Cap, elle organise aussi des voyages de traite dans les pays d’en-haut. Gastineau et Gamelin sont des « traiteurs » très importants de l’époque et ont une renommée quelque peu « historique ».

Le récit ne nous dit pas si elle poursuit ainsi le commerce de son défunt mari ou si ce trafic résulte de sa propre initiative. Je penche pour la deuxième hypothèse. On ne mentionne nulle part que le mari ait été impliqué dans la traite des fourrures. Il est également à noter que trois de leurs fils sont tués par les Iroquois.

Voici quelques extraits des témoignages qui l’incrimine :

Henry Derby (tiens, tiens! Déjà un « Anglais » à cette époque) étant à boire sa part d’un pot de vin au logis de Madame Crevier,  était arrivées deux Sauvagesses qui avaient apporté trois cervelles pour lesquelles la Dame de la Meslée leur aurait donné une pinte de vin. —

Benjamin Anseau affirme que tout l’hiver il a vu plusieurs fois des Sauvages et Sauvagesses ivres dans le village du Cap … (les Sauvages) par plusieurs fois lui ont dit en venir traiter en sa maison. —

Pierre Coustaut a souvent vu des Sauvages ivres  et presque toujours le bruit courait qu’ils s’étaient enivrés soit au logis de Madame de la Meslée, soit chez Madame Duplessis (sa fille). —

François Frigon a vu Madame Duplessis servir du vin ou de l’eau-de-vie, à un Sauvage nommé Rakoué et à sa femme, qu’elle tenait enfermé dans un cabinet qui tient à sa maison (J’imagine que c’est l’eau de vie qu’elle tenait enfermée dans un cabinet et non la femme de Rakoué).

Malgré ces témoignages, il n’y a aucune accusation de portées contre Jeanne Évard et son groupe. Elle est la belle-mère du gouverneur, mais notons aussi, que le juge royal, Michel Leneuf du Hérisson, a lui-même, parmi ses proches, des trafiquants notoires, nous le verrons plus loin.

Dégouté par le comportement de sa belle-famille, Pierre Boucher, un homme foncièrement honnête, démissionne du poste de gouverneur quelques mois après l’enquête,  pour aller finir ses jours dans sa seigneurie de Boucherville près de Montréal. Il dit chercher « un lieu dans ce pays où les gens de bien puissent vivre en repos ».

Jeanne Évard n’est pas la seule « dame » de la société trifluvienne à être impliquée dans le trafic de l’eau-de-vie. Une autre enquête avait eu lieu en 1665, qui incriminait Marguerite Le Gardeur, une dame de la noblesse, épouse de l’ancien gouverneur de Trois-Rivières Jacques Leneuf de la Potherie, et belle-soeur du fameux juge royal, Michel Leneuf du Hérisson. Aucune accusation n’a été portée contre elle non plus. On l’avait même dispensée de témoigner à l’enquête. Comme on le voit, l’eau de vie n’était pas distribuée au Amérindiens par les colons ordinaires.

Située sur la rive nord du fleuve Saint-Laurent, en aval de Trois-Rivières, la seigneurie ecclésiastique de Batiscan est concédée aux Jésuites par le Révérend Père de La Ferté, aumônier du Roi et membre de la Compagnie des Cent-Associés. C’est une vaste seigneurie qui s’étend de la rivière Champlain à l’ouest, à la rivière Batiscan à l’est et qui se prolonge vers l’intérieur au-delà des premiers contreforts  de la chaîne des Laurentides. Son relief passe successivement d’une plaine côtière fertile à un plateau plus élevé encombré de terrasses, de moraines et des premiers soubresauts des Laurentides. Les cours d’eau, rivières Batiscan, Champlain et leurs affluents, rejoignent le nord de la seigneurie et serviront, au début du XVIIIe siècle, à l’avancée du peuplement vers l’intérieur.

En possession de sa censive dans la seigneurie de Batiscan, le censitaire, tout en respectant, tant bien que mal, les conditions d’établissement imposées par actes notariés, s’efforce de défricher le lot, d’y préparer le sol du jardin et d’y construire une première demeure.

L’entraide parentale ou du voisinage sont souvent nécessaires pour mener à bien cette tâche. La mise en valeur de sa censive demeure l’objet premier de sa participation à la vie seigneuriale batiscanaise. Du moins, c’est ce que les seigneurs exigent. Le « censitaire » contribue également à la vie paroissiale et communautaire de sa future paroisse. Il s’implique dans le choix du site tout autant que de celui de la construction de l’église. Il est responsable de la demande d’un curé permanent et de l’élection des marguilliers.

On le retrouve dans le corps de la milice. Son emploie parallèle de « Coureur de bois », fait de lui un excellent combattant et un tireur d’élite. À ce sujet, « l’œil de faucon » dont parle  Fenimore Cooper dans l’épopée américaine « Le derniers des Mohicans », se traduit chez nous, dans le fait que chacun de nos Canayens en possédaient… deux.

Voici la raison pour laquelle nos ancêtres font la traite illicite des fourrures. Selon  des recherches menées sur le monde rural canadien et les conditions de vie matérielle de sa population :

1)      L’exploitation de 15 arpents de terres labourables constitue le seuil de subsistance d’une famille.

2)      Un minimum de 30 à 40 arpents peuvent donner l’aisance à une famille.

3)      Un seigneur réussissant à établir de 40 à 50 censitaires aisés sur sa seigneurie assure largement sa subsistance et peut même espérer faire du profit.

Et avant 1765, ces conditions nécessaires à chacune des familles de colons, tout autant qu’à chacune des Seigneuries, se comptent sur une seule main, sinon, pas plus de deux. Les Canayens n’ont pas le choix de s’adonner à la traite des fourrures pour survivre. Ils s’y consacrent gaiement et s’assurent ainsi une vie très « à l’aise ». La pauvreté n’apparaît réellement qu’à l’avènement de l’industrialisation.

Amicalement

André Lefebvre

2 Commentaires

Classé dans Actualité, André Lefebvre

Une « SAGA » de l’épopée « Canayenne »!!!

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Je travaille actuellement sur une version de notre histoire que je veux vous soumettre . Certaines parties du début ont déjà été publiées ici. Ceux qui ont aimé ne me le reprocheront pas; pour les autres, j’espère parvenir à capter votre intérêt.

Avant Propos :

Tout le monde connait l’histoire des « Français » en Nouvelle France. On nous l’a raconté « ad nauseam » depuis notre enfance.  Par contre, très peu de personnes connaissent l’histoire des « Canayens » du Canada. Cette histoire n’a jamais été racontée; et pourtant, c’est elle qui a fait l’Amérique du Nord tel qu’elle est aujourd’hui. Il est alors très compréhensible que les « Québécois » ne puissent   faire autrement que de continuellement chercher leur « identité », puisque l’histoire officielle a tenté de l’effacer complètement depuis le tout début­.

L’histoire des « Canayens » est une épopée grandiose et extraordinaire rarement vécue par un peuple. C’est une époque de « Héros » quasi mythiques, passée sous silence et camouflée sous l’élitisme nationaliste de la France, de l’Angleterre et finalement des États-Unis d’Amérique. C’est une histoire digne des épopées celtiques ou de celles des Grecs, des Romains ou des Égyptiens qui marquèrent l’identité de ces nations.

Plusieurs SAGA composent l’épopée Canayenne; je ne peux que vous raconter celle de ma famille.

Le début de son histoire se déroule dans un merveilleux petit village situé sur le bord de notre majestueux fleuve St-Laurent.  Ce village porte le nom de « Batiscan ». Un nombre incroyable de « Héros » canayens sont nés dans ce petit village. Leur histoire n’est presque pas connue et très peu d’entre eux ont pu ressortir dans l’histoire officielle. Cet écrit remédiera que très partiellement à cette situation. Je ne peux qu’encourager chacune de nos familles à établir par écrit la réalité de sa propre histoire. Nous y découvrirons des trésors dignes d’une nation plus que respectable. Ceci représente ma contribution au tableau général et n’est qu’un survol partiel de mon travail.

Mais, pour l’instant, commençons par « découvrir » le Canada.

Les Canayens

Depuis sept ou huit ans que je fais de la recherche généalogique quotidiennement, j’ai pu me rendre compte que l’histoire de la Nouvelle France qui me fut enseignée, n’est pas du tout l’histoire, ni du Canada, ni des “Canayens”. Cette histoire est plutôt celle des Français qui viennent au pays pour s’enrichir, sans avoir aucun intérêt pour la colonisation. Leur intérêt exclusif est pour la traite des fourrures (à très peu d’exception près).

En réalité, à cette époque, tout comme aujourd’hui d’ailleurs, ce sont les “têtes d’affiches” qui affirment partout faire l’histoire, quand, dans la réalité, c’est la “masse silencieuse” qui la concrétise.

La vérité au départ de notre histoire, est que durant tout le régime français, les autorités tentent de contrôler le commerce des fourrures sans aucun succès. Malgré cela, il est évident que les “nobles” français réussissent quand même, à en tirer profit; mais ils doivent, assez souvent, tricher pour y arriver. La saisie, en 1660, du produit de la traite de Radisson et des Groseilliers (100 canots pleins de fourrures), est la première saisie “illégitime”, mais “légale”, connue. Ce « jugement impartial » serait, encore aujourd’hui, celui que rendrait la cour suprême canadienne. Pour eux, ce qui est « légal » peut ne pas être nécessairement « légitime ».  Comme exemple récent, le jugement de la cour suprême qui a décrété que la séparation du Québec est « illégale » mais « légitime ».

Une autre “tricherie” très importante est la saisie du résultat de quinze années du travail de La Vérendry (père) par le triumvirat formé de l’intendant Bigot, M. de St-Pierre et M. de La Jonquière (son second étant M. de Niverville). En trois petites années subséquentes, par intérêts personnels, ceux-ci détruisent le travail de quinze années d’exploration, après avoir annulé les droits des fils La Vérendry, lors du décès de Pierre Gaultier de Varennes et de la Vérendry. Les autorités font quand même l’histoire d’une certaine façon; incluant le fait que ce sont ces autorités de l’époque qui font perdre l’occasion aux « Canayens », pour la première fois, d’accéder à l’autonomie. Ce ne sera pas la dernière et toujours à cause d’intérêts personnels.

Par la suite, après 1760 et surtout après 1775, c’est au tour des marchands anglais de s’imposer dans ce commerce lucratif des pelleteries. Ils réussissent à le contrôler beaucoup mieux que les autorités précédentes. Tout simplement parce que, aussi curieux que cela puisse paraître, le commerce devenu libre, les « chercheurs de richesse » s’en emparent. Par contre, incapable d’opérer par eux-mêmes, ces « marchands » sont obligé d’engager des “Canayens” pour leur “ouvrir” le Nord-Ouest du continent. Dans leurs écrits, ils ne mentionnent que très rarement des noms « Canayens » même s’ils doivent, eux-mêmes, apprendre le français pour être des dirigeants efficaces. L’histoire américaine procèdera d’une manière encore plus censurée. Ceux-ci mentionneront parfois rencontrer des « French » mais ne parleront que rarement de « Canadians »; ils parleront plutôt de « Créoles ». Ce qui est un peu normal, vu qu’ils reçoivent des « taloches » sur la gueule, assez importantes, à chaque fois qu’ils se frottent aux « Canayens ». Il n’est donc pas question pour les Américains  de faire une place à ces « étrangers », qui se démontrent presqu’invincibles, dans l’histoire de leur nation.

Malgré ces faits indéniables, l’histoire de la Compagnie du Nord-Ouest a tellement marqué l’histoire officielle, qu’on a l’impression que ce sont les propriétaires de cette compagnie qui “découvrent “ tous les territoires au-delà des Grands Lacs. Autrement dit: ils auraient “ouvert” les territoires inconnus de l’Ouest canadien à la civilisation. Mais la réalité raconte tout autre chose. Tout ce qu’ils ont réussi à faire est d’abrutir les amérindiens avec des boissons enivrantes et faire du commerce déloyal pour se créer des profits faramineux. Peut-on douter que cette politique envers la population, ait  évolué depuis cette époque? Malheureusement pas; aujourd’hui, ce comportement s’appelle le capitalisme sauvage et il s’étend maintenant sur  toute surface de la planète. À « l’eau de feu », on a ajouté le jeux (Lotos) et le débridement de ce qui procure toutes « jouissances » faisant « perdre la carte ».

À vrai dire, pour parvenir à vraiment saisir notre réalité historique, il faut lire les comptes rendus de ces propriétaires commerçants de fourrures avec beaucoup d’attention. On découvre alors qu’à chacune de leurs “excursions” vers des contrées « inconnues », ces “découvreurs” embauchent des “Canayens” comme guides et comme “main d’œuvre”.

Tout le monde est conscient qu’un « guide », c’est quelqu’un qui t’amène à un endroit qu’il connait déjà. Conséquemment, la réalité est que ces “découvreurs” ne découvraient absolument rien « pour la première fois ». Les “Canayens” avaient déjà tout visité le territoire jusqu’aux Rocheuses. En 1775, cela faisait plus de cent ans qu’ils s’y promenaient partout. En 1807 on a découvert, sur place, une plaque de cuivre que Nicolas Perrot avait donné à un missionnaire installé au « pays des Illinois » en 1687. Perrot avait ensuite poursuivit son exploration encore plus loin.

Il y a peut-être l’exception, et le “peut-être” est à souligner, d’Alexander  Mackenzie qui “découvrit” la route jusqu’au Pacifique; mais, encore une fois, sans l’équipe de « Canayens” qui l’entourait, il ne serait pas allé très très loin. Il est à noter que les Amérindiens des montagnes Rocheuses qu’il a rencontré durant son parcours, connaissaient déjà les “blancs”.  Mais on a “déduit” que ces “blancs” étaient ceux qui venaient par bateau sur les côtes de l’océan Pacifique. Ce qui n’élimine pas, du tout, la possibilité que des “aventuriers” canayens aient fort probablement, déjà franchit les Rocheuses par voie de terre. D’ailleurs les La Vérendry s’étaient rendu aux pieds des Rocheuses 60 ans avant tout autre “découvreurs” officiels subséquents et ils n’étaient pas les premiers. À leur arrivée dans la région des Rocheuses, les frères La Vérendry rapportent qu’ils invitent un « canayen » qui habitait dans la région depuis longtemps, à venir les visiter. Celui-ci décline l’invitation et ne s’intéresse pas à eux.

Une autre “petite erreur”, qui se glisse dans l’histoire officielle, est l’affirmation que le commerce des fourrures  cesse à partir de la conquête pour ne reprendre que cinq ou six ans plus tard. C’est tout à fait faux. Si vous consultez les contrats signés de voyageurs pour les années de 1760 jusqu’à 1766, les mêmes traiteurs “canayens” de Trois Rivières, Batiscan et de Montréal, continuent leur commerce. Ces “Canayens” commerçants sont ceux que l’on qualifiait de “Coureurs de bois” quand ils n’avaient pas de permis de traite officiel et de « voyageurs » lorsqu’ils les avaient.

Les “Coureurs de bois” canayens n’ont jamais cessé de commercer avec les indiens depuis l’époque d’Étienne Brulé; c’est à dire l’époque de Champlain, jusqu’à la chute du commerce des fourrures; ce qui signifie: 300 ans de commerce. Les Grandes Compagnies les appelaient : les “free traders”. Et, tout au long de leur histoire officielle, ils les rencontrent sur leur chemin lors de leurs excursions commerciales. Lorsque ces « free traders » sont seuls, les commis de la Cie du Nord-Ouest leur volent leurs marchandises ou leurs pelleteries. Mais les cas sont assez rares parce que leurs amis indiens les accompagnent la plupart du temps. Souvent ces « free traders » font leur trafic aux mêmes endroits que ceux de la Cie du Nord-Ouest ou de la Baie d’Hudson. Ils sont toujours presqu’intouchables à cause de leur lien d’amitié avec les indiens. Aujourd’hui, seuls ces « free traders » continuent ce commerce des fourrures.

Durant la guerre de sept ans, les “Coureurs de bois” guerroient lorsque la traite est terminée et, la plupart du temps, commercent en rassemblant les “sauvages” pour aller combattre. Par contre, après les hostilités, les transactions reprennent. Ce qui explique pourquoi les indiens ne sont pas du tout heureux quand les autorités les empêchent de faire du pillage après la bataille.

On nous a fait croire généralement que les amérindiens sont de pures brutes sans foi ni loi. C’est ce que les “missionnaires” et les autorités civiles de l’époque leur ont donné comme image. C’est, encore une fois, complètement faux. Ces “supposés sauvages” respectent au plus haut point le courage, la parole donnée et l’endurance de l’individu. Tellement qu’ils permettent aux vaincus de manifester ces qualités grâce à ce que nous qualifions de “torture”. En comparaison, les blancs de l’époque appliquent les mêmes “tortures” pour soutirer des aveux  d’un individu (Aujourd’hui, en 2011, on se demande ce qui s’est vraiment passé à la prison de Guantanamo, où on tentait d’obtenir des renseignements des prisonniers). Les Amérindiens n’étaient donc pas plus de simples brutes que ne le sont et l’ont toujours été, les autres humains.

Lorsqu’une tribu  perd un guerrier dans une bataille, elle le remplace en adoptant un guerrier vaincu ayant démontré son courage, ou un enfant en parfait état de santé physique, qu’ils font prisonnier. L’adoption par la tribu donne la “liberté” automatique à l’individu choisi; un peu comme nous, lorsque nous adoptons un enfant du « tiers-monde ». Quant aux lois et libertés individuelles, elles sont respectées à un tel point qu’ils ne laissent, à leur chef de tribu, que la possibilité de convaincre chacun, qui ensuite, n’en fera qu’à sa tête en assumant ses responsabilités individuelles. Nous n’en sommes malheureusement  pas encore là dans notre évolution sociale démocratique; mais peut-on être étonné de l’attrait que tout cela représente aux jeunes “Canayens” de la Nouvelle France?

Ces explorateurs canayens, “passés sous silence officiellement”,  se répandent partout en Amérique du Nord jusqu’en Louisiane et même jusqu’au Mexique. À chacun des endroits où se pointent les “découvreurs” de la fameuse Compagnie du Nord-Ouest, ils sont accueillis par des “Canayens” établis là depuis longtemps, qui vivent avec les tribus indiennes. Souvent ils ont amélioré la technique agricole des amérindiens; mais toujours, ils ont adopté leurs règles, leur lois et leurs coutumes soit disant « primitives ».

Il est d’ailleurs clairement établi que les autorités de la Nouvelle France tenteront durant plus d’un siècle de bloquer l’hémorragie de la jeunesse canayenne vers les espaces “désertiques” de l’Ouest. Il est tout aussi bien établi qu’ils n’y sont jamais parvenus.   Et cette caractéristique canayenne, aujourd’hui refoulée, éclate en nous presqu’à chaque génération pour nous propulser vers un désir toujours plus grand de liberté.

Une autre erreur d’information de l’histoire officielle est la raison responsable du départ des jeunes “canayens” vers la forêt. On nous raconte qu’ils étaient engagés par la compagnie du Nord-Ouest, après avoir été “sollicités” lors de soirées bien arrosées et que le lendemain, plusieurs regrettaient de s’être “inscrits”. Cela est également tout à fait faux. On a transposé l’enrôlement des matelots sur les navires anglais vers l’enrôlement des « voyageurs » canayens. La vérité est que les jeunes canayens percevaient la liberté de “la vie des bois”, comme une alternative cent fois préférable à celle de la vie, plus ou moins soumise, de “censitaires”. De plus, c’était la seule façon efficace de “faire de l’argent” pour ensuite se “payer du luxe”. La majorité de ces jeunes « Canayens » ont déjà l’expérience de la traite lorsqu’ils sont engagés par les grandes compagnies.

Depuis l’époque d’Étienne Brulé, les “truchements”, nom donné aux interprètes de langues indiennes, existent en Nouvelle France. Certains, au début, comme Pierre Lefebvre ou Pierre Esprit Radisson, tous deux de Trois Rivières, furent enlevé par les Iroquois et deviennent “truchements” par la force des choses; mais assez rapidement, les jeunes “Canayens” partent vers la forêt après s’être liés d’amitié avec des Amérindiens. Ceux-ci les côtoient constamment puisqu’ils se promènent partout dans les emplacements de colons, tout le long du St-Laurent; que ce soit à Québec, à Batiscan, à Trois Rivières ou à Montréal.

Nos jeunes canayens se rendent vite compte des avantages indéniables à vivre en forêt, comparativement au labeur nécessaire, qui ne rapporte presque rien, pour vivre dans la “colonisation”. Ils ne “désertent” pas sous la menace; ils répondent à l’appel de la “liberté” totale. Ils se libèrent des obligations religieuses et sociales de cette société féodale restrictive. Ils font leur propre “révolution” individuellement, vers « la liberté, l’égalité et la fraternité” qu’ils retrouvent chez les supposés “sauvages”, plus de cent ans avant la révolution française.

Il est bien reconnu que les habitants de la ville de Québec ne sont pas des fervents adhérents de la traite de fourrure. Ils sont les seuls Canayens « soumis » à l’autorité française. La raison est assez simple à comprendre : ils vivent dans l’entourage de ces autorités françaises et s’y sentent en sécurité, parrainés par la “noblesse” au pouvoir (Ils déchantent éventuellement et ouvrent les portes de la ville aux Anglais, après l’échauffourée des Plaines d’Abraham). De sorte que, les esprits plus libres et plus “aventuriers” s’installent rapidement ailleurs qu’à Québec. La région autour de Trois Rivières est le principal habitat des “Coureurs de bois”; ces « insoumis » indépendants détermineront la vraie caractéristique « canayenne », tandis que Montréal est celle des “voyageurs”, qui sont ces mêmes « insoumis » mais « politically corrects »,  puisque c’est de là que partent les excursions de traite officielles. Par contre, même à Montréal, la majorité des « voyageurs » engagés est originaire de la région de Trois Rivières et Batiscan.

Il ne faut, cependant, pas croire l’histoire officielle qui affirme que les “départs” de traite se font exclusivement à partir de Lachine. Parce qu’il est bien évident que les “Coureurs de bois” qui traitent sans permis, ne partent jamais de Lachine étant donné qu’ils ne sont pas intéressés à se faire prendre. Ils partent donc directement de leur village et passent par la rivière St-Maurice, la rivière Batiscan, la rivière Richelieu, ou encore, la rivière des milles-Iles pour se rendre à la rivière des Outaouais, afin de faire leur traite. Ces deux dernières, plus le fleuve St-Laurent lui-même, sont les deux seules « portes » donnant sur le Nord-Ouest. De plus, ce sont surtout ces “hors la loi” occasionnels qui “ouvrent” l’Amérique du Nord à la civilisation. Ils sont “amis” des indiens et vivent avec eux en parfaite harmonie. Ils transigent principalement leur traite avec Albany ou Nouvelle York en Nouvelle Angleterre, qu’ils connaissent très bien. Albany est, en 1540, un établissement français. Ce n’est qu’en 1609 que les Anglais s’y installent définitivement. Cette situation économique parallèle reste stable jusqu’à l’arrivée de la Cie du Nord-Ouest vers 1784.

Lors de la conquête, on raconte qu’il y avait environ 60,000  “Canayens” en Nouvelle France. Pour arriver à ce chiffre, on en passe plusieurs sous silence. On ne compte pas près de la centaine de familles “canayennes” qui vivent autour de Détroit, ni une centaine d’autres autour de St-Louis Missouri, ainsi que celles installées sur le Mississipi, sans parler de celles qui habitent autour des Grands Lacs jusqu’à la Baie des Puants. Plusieurs autres familles sont disséminées un peu partout du Nord au Sud et vers l’ouest jusqu’aux montagnes Rocheuses. Ce chiffre de 60,000 est de beaucoup inférieur à la réalité ethnographique canayenne de l’époque. C’est aussi valable que de dire que seuls les Québécois d’aujourd’hui parlent français en Amérique du Nord. On parle français un peu partout en Amérique du Nord, même s’il y a concentration de cette langue au Québec. Pour ceux qui en doutent, seulement en Alberta, encore de nos jours, il y a au moins 225,000 personnes qui parlent Français.

L’histoire du Canada n’est donc pas du tout ce que les autorités officielles ont raconté et racontent toujours. Elle n’est pas tellement, non plus ce que le clergé “missionnaire” à prétendu. La preuve en est que les missionnaires qui se sont aventurés dans l’ouest, ont  toujours été reçus à bras ouverts par des “colons canayens” qui ne les avaient pas vus depuis des dizaines d’années.  Et ce, non seulement dans l’Ouest canadien, mais dans ce qui est aujourd’hui, l’Ouest américain.

Officiellement, les « Coureurs de bois » ne sont qu’une minorité « hors normes », surtout dissidents et « hors la loi ». On ne les « reconnait » socialement que lorsqu’on a besoin d’eux pour la guerre, pour les missionnaires, pour les expéditions de « découvertes » ou pour le commerce. Par la suite, on fait toujours en sorte que leurs actions d’éclats passent sous silence, ou soient attribuées à un membre de l’autorité officielle. En réalité, ce sont eux qui sont la force économique sous-jacente et très importante, qui permet au peuple de survivre et même de « mieux vivre que les habitants de France ».

On n’a qu’à considérer, par exemple, que le premier “traiteur” anglais, historiquement reconnus, fut Alexander Henry (né au Nouveau Brunswick, Canada). Lors de son premier voyage à Michilimakinac, il est sauvé de la torture par Charles de Langlade qui habite à la Baie des Puants depuis très longtemps avec sa famille et celles d’un groupe de « Coureurs de bois » canayens. Ce qui n’empêche pas Henry de tenter de salir la réputation du héros canayen Charles Mouet de Langlade, aujourd’hui baptisé « père du Wisconsin » par les Américains. Ce dernier était même né dans la région.

Alexander Henry passe 15 ans dans l’Ouest, toujours accroché aux chausses de Jean Baptiste Cadot, un « canayen », né à Batiscan (croyez-le ou non!!!), arrivé dans le Nord-Ouest dès l’âge de 18 ans, par la suite, reconnu comme l’un des chefs par la tribu des Sauteux.

Les “Coureurs de bois” n’ont pas fait l’histoire “officielle” tout simplement parce que,  pour la plupart, ils ne savent pas écrire; donc ils n’ont pas tenu de comptes rendus de leurs découvertes et de leurs expéditions de traite comme l’ont fait les “commis” de la Cie du Nord-Ouest. Et ceux qui savent écrire, n’ont pas intérêt à compiler leurs allés et venus, vu leur situation « illégale ». Mais cela n’efface pas le fait certifié et indéniable qu’ils furent les premiers à “découvrir” tout le territoire nord-américain. La totalité des rapports écrits par les “découvreurs officiels” le racontent et le prouvent. La liste des “hommes de l’Ouest” est incontournable: Ils sont tous Canayens. Les “Canayens” sont les fondateurs de la plupart des villes de l’Ouest nord-américaines; que celles-ci se situent actuellement au Canada ou aux USA.

La traite des fourrures reste libre même aux USA après 1804. On le découvre dans la relation de l’expédition de Lewis et Clark ( réussie grâce à Toussaint Charbonneau de Boucherville, Georges Drouillard, Charles Hébert, Jean-Baptiste Lajeunesse, LaLiberté, Étienne Malboeuf, Pierre Pinaut, Paul Primeau, François Rivet, Pierre Roy, Baptiste Deschamps, Pierre Cruzatte et François Labiche) qui affirment aux traiteurs canayens qu’ils rencontrent que le gouvernement américain n’entend pas du tout empêcher leur commerce, à la condition qu’ils ne « salissent » pas la renommée des américains. Cela se comprend assez bien puisque les Américains ont grand besoin des « Canayens » pour arriver à passer des traités de paix avec les indiens. Ceux-ci n’ont aucune confiance aux américains et sont loin, très loin, de les considérer comme des « hommes honorables ». Cette opinion refait surface encore aujourd’hui, mais à l’échelle mondiale, pour les mêmes raisons qu’à l’époque.

L’agriculture n’a jamais été la force motrice et la base économique du peuple « Canayens ». Elle n’est qu’un ajout  permettant à chacune des familles une autonomie de survie. L’argent et le « bien être », les Canayens le trouvent dans la traite des fourrures. Par la suite, l’économie se déplace vers le commerce du bois; et c’est encore des Canayens qui courent sur les billots descendants les rivières. Ce n’est qu’après ce moment-là que l’agriculture prend de l’ampleur économiquement et que, finalement, les Canayens commencent à fumer leur pipe assis sur le balcon de la maison.

C’est là, la vraie histoire et notre vraie identité de “Québécois”;  non pas celle strictement des habitants de la Province de Québec, mais bien celle de la nationalité « canayenne ». Les Québécois sont une création des autorités anglaises en 1763. Ce sont eux qui ont créé la réserve « The province of Québec ». Nous sommes, au départ, des « Canayens », premiers et principaux responsables de l’existence des deux plus importants pays de l’Amérique du Nord.

Aucune autre nationalité que la nationalité « Canayenne » ne peut s’abroger de ce titre. Je n’ai, en mémoire, aucun autre peuple qui parvient à s’intégrer sur un territoire, comme l’ont réussi les « Canayens ». S’intégrer eux-mêmes et non le contraire, seulement au moyen de l’amitié, le respect des différences et les avantages mutuels avec les autochtones.

Se dire exclusivement Québécois est de renier l’étendue de notre vraie identité. Ce sont les    « Canayens », nos ancêtres qui, de par la force de leur bras, de par leur courage, leur honnêteté morale, leur respect des différences entre les nations, leur soif de liberté et leur persévérance, ont créé ces deux pays remarquables d’Amérique du Nord. Les hommes socialement « importants » qui les ont suivi et qui se sont parés de cette prérogative, n’ont fait que de la “politique” intéressée et de la “manipulation” historique après avoir fait disparaître les Amérindiens tout autant que les Canayens, pour s’approprier du territoire.

En fait l’usurpation d’identité est le même processus qu’on retrouve partout ailleurs dans la vie. Dans une guerre, ce sont les soldats qui gagnent la guerre; et non les généraux; dans l’économie, ce sont les travailleurs qui produisent la richesse; et non les « administrateurs »; dans la société, ce sont les individus qui assurent l’équilibre et non le système.

Notre vraie histoire est celle de ces individus extraordinaires « passés sous le tapis », et non celle des “têtes d’affiche” qu’on nous a relaté.

(à suivre)

Amicalement

André Lefebvre

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