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Les mensonges de Bush devant une « commission de la vérité »

Patrick Leahy est le président démocrate de la commission judiciaire du Sénat américain. C’est lui qui a présidé les auditions pour la candidature au poste de ministre de la Justice. Âgé de 58 ans, Eric Holder est devenu, après approbation du Sénat, 75 voix pour, 21 contre, le premier homme de race noire à assurer la direction du département de la Justice. À cette occasion, le sénateur Leahy avait déclaré que cette confirmation constituait la réalisation du rêve du défenseur des droits civiques, Martin Luther King, qui estimait que tout le monde doit être jugé par le contenu de son caractère.

Le nouveau ministre avait pris un engagement ferme : « Il ne devrait pas y avoir de place pour le favoritisme politique, aucune raison d’être timide en appliquant les lois qui protègent nos droits, notre environnement et nos principes, tant que j’aurais la chance de mener ce Département ». Devant Eric Holder à qui il lui faisait prêter serment, Joe Biden, le Vice-président déclarait : « Avec la nomination de Eric Holder comme ministre de la Justice, nous allons revenir aux normes qui ont prévalu dans ce grand ministère dans ses moments les plus glorieux, à mon avis ».

Cette rupture de ton, voulue par Barack Obama, jette évidemment un éclairage cru sur le passé peu glorieux de l’administration de Georges W. Bush, et sur ses exactions. Personne ne s’en surprendra. Autant il fut un temps où Georges W. Bush était vu comme un héros, autant il est vu aujourd’hui comme un parias. Le Département américain de la Justice (DoJ), par exemple, a connu des heures sombres et s’est abaissé au rang de la politicaillerie lorsque, en 2006, neuf procureurs fédéraux avaient fait l’objet d’une purge politique commandée directement par la Maison Blanche. Le Congrès n’avait jamais pu obtenir que trois anciens conseillers de George W. Bush, Harriet Miers, Karl Rove et Joshua Bolten, répondent à leurs citations à comparaître.

Pour Eric Holder, il ne fait aucun doute que la simulation de noyade est une forme de torture. Son prédécesseur, Michael Mukasey, avait nommé un procureur pour enquêter sur les dérives observées à l’intérieur du ministère. Mais il avait refusé de prendre position sur la légalité de l’interrogatoire par simulation de noyade. Mukasey avait lui-même succédé à l’infâme Alberto Gonzales qui avait dû démissionner dans la honte, après une série de parjures devant le Congrès. Et Mukasey s’est tu devant les déclarations profondément odieuses du Vice-président Dick Cheney qui justifiait, jusqu’à la veille de son départ, la pratique de la simulation de noyade en expliquant qu’elle avait permis d’obtenir des informations importantes.

Rien n’est tout blanc, rien n’est tout noir, au pays de l’Oncle Sam. Il existe toujours des zones d’ombre qu’il faut savoir décrypter. S’il a promis de fermer Guantanamo, comme l’a demandé Barack Obama, Eric Holder a prévenu que tout cela serait bien difficile. Il s’en est expliqué : « Il est possible qu’il y ait de nombreux autres personnes qui ne puissent pas être jugées mais qui constituent néanmoins un danger pour ce pays. Nous allons devoir tenter de déterminer ce que nous ferons d’elles ».

Le ministre Eric Holder n’est pas au bout de ses difficultés. Le juge de la Cour suprême des États-Unis, Richard B. Sanders, a demandé, dans une lettre ouverte au ministre de la Justice, qu’une enquête soit ouverte pour déterminer les exactions de l’administration Georges W. Bush. Il demande rien de moins à Eric Holder de faire toute la lumière sur des gestes de nature criminelle qui auraient pu être commis ou endossés sous l’administration de Georges W. Bush : « Make no mistake, these are real crimes: criminal prisoner abuse, criminal violations of the Federal Intelligence Surveillance Act involving illegal wiretaps, as well as grave violations of numerous treaties and conventions, which are war crimes as defined by federal statute ».

Une question vient hanter le ministre de la Justice : quelle suite faut-il donner au rapport de la Commission de la Justice de la Chambre des représentants dont le titre est on ne peut plus évocateur : « Reigning in the imperial presidency : Lessons and recommendations relating to the presidency of George W. Bush » ? Tout y passe. De la torture aux expéditions de prisonniers à l’étranger pour « interrogatoires hors normes ». Et ce rapport touche un aspect qui devrait intéresser, au premier chef, Eric Holder puisqu’il s’agit de la mise en tutelle de son ministère par la Maison Blanche. Dans les conclusions du rapport, il y a cette recommandation incontournable de tenir une enquête sur les huit années d’administration sous Georges W. Bush. Pourquoi une telle enquête ? Pour que la vérité éclate au grand jour. Une fois pour toutes.

Que fait Barack Obama ? Il semblait, en 2008, confiant de mener à terme une telle enquête. Obama déclare maintenant qu’il est préférable d’aller de l’avant au lieu de regarder en arrière. Des juristes ont constaté, par exemple, que le décret signé par Barack Obama qui interdit à certains hauts responsables américains de torturer pourrait la voie libre pour d’autres de faire torturer à l’étranger, par exemples, comme l’indique Le Grand Soir, en Égypte, en Israël, en Arabie Saoudite, en Éthiopie, au Pakistan, en Jordanie, en Indonésie, en Thaïlande, en Ouzbékistan, en Colombie, au Nigeria, et aux Philippines. Et les États-Unis pourraient toujours, écrit Nairn Allan, du média Le Grand Soir, « financer, former, équiper et conseiller les tortionnaires étrangers, et veiller à ce que ni eux, ni leurs sous-traitants ne soient inquiétés par la justice internationale ou locale ».

Retour au sénateur démocrate Patrick Leahy, président de la commission judiciaire du Sénat américain. Il vient de proposer la création d’une « commission vérité », à l’image de la Commission Vérité et Réconciliation créée en 1993 en Afrique du Sud après la chute du régime d’apartheid. Une telle commission pourrait notamment examiner la question des techniques d’interrogatoires apparentées à de la torture, ainsi que celle des écoutes téléphoniques extrajudiciaires. Elle pourrait enquêter également sur la promotion de la guerre en Irak, telle que voulue et menée de bon train par Georges W. Bush.

Le fait qu’on ait menti aux commissions parlementaires sur plusieurs dossiers comme le limogeage de hauts fonctionnaires pour influencer les scrutins, le traitement des personnes soupçonnées de terrorisme ou encore la guerre en Irak, sur le fait également qu’on ait menti au peuple américain du début à la fin, justifierait, selon le sénateur Leahy la tenue d’une telle commission.

C’est lors d’un discours à l’Université de Georgestown que le sénateur Leahy a présenté son projet, qu’il n’a pas encore soumis à la Maison Blanche. « Nous avons besoin de parvenir à une compréhension commune des échecs du passé récent. Plutôt qu’une vengeance, nous devons chercher à savoir, en toute honnêteté, ce qui est vraiment arrivé. Afin de s’assurer que cela ne reproduira jamais », constatait le sénateur. En d’autres termes, en lieu et place de poursuites judiciaires devant les tribunaux, Georges W. Bush et ses caciques seraient invités à venir dire toute la vérité, rien que la vérité, seulement la vérité, après avoir proféré plus de 935 mensonges au peuple américain. En bref, comme l’explique le sénateur démocrate : « Les gens seraient invités à se présenter et partager leurs expériences et leurs connaissances, non pas pour instruire des procès, mais pour rassembler des faits ».

Paul Krugman, économiste et prix Nobel, écrivait dans le New York Times : « Si l’on n’enquête pas sur ce qui s’est passé pendant les années Bush – or, à la suite de la déclaration d’Obama, tout le monde ou presque a compris qu’il n’en serait effectivement rien -, cela prouve que ceux qui sont au pouvoir sont bel et bien au-dessus des lois puisqu’ils ne risquent rien s’ils abusent dudit pouvoir. Le fait est que les abus de pouvoir du gouvernement Bush vont de la politique environnementale au droit de vote. Et que l’usage du pouvoir a servi à récompenser des amis et à châtier des ennemis politiques ».

Si cela devait être le cas, Georges W. Bush s’en sortirait à bien bon compte. Il serait en meilleure posture que les 800 prisonniers qui sont passés par la prison de Guantanamo. Il serait également en meilleure posture que les 260 autres qui attendent leur procès. Enfin, il serait en meilleure posture que les quatre prisonniers de Guantanamo qui se sont enlevé la vie depuis six ans. De ce nombre, trois se sont pendus dans leur cellule en juin 2006, et un autre en mai 2007. Animé de bons sentiments, et voulant offrir à Barack Obama une sortie de crise honorable, le sénateur Leahy considère que cette solution serait un pis-aller : « Plutôt qu’une vengeance, nous avons besoin d’une vision impartiale de ce qui s’est passé. Parfois, la meilleure façon de progresser est d’aller vers la vérité, découvrir ce qui s’est passé pour que cela n’arrive plus ».

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Pour Sarkozy, les aspirations du Québec ne sont que « sectarisme », « enfermement sur soi-même » et « détestation de l’autre »

De passage à Radio-Canada, dans le cadre du lancement de son sixième Tome, Le désarroi contemporain, Jean-Claude Guillebaud était sidéré des propos qu’a tenus Nicolas Sarkozy sur le Québec. « Nicolas Sarkozy est un voyou ! », a lancé l’auteur.

Nicolas Sarkozy est incapable d’accepter les règles de la diplomatie, voire même de la bienséance. L’homme, je dis bien l’homme, se croit tout permis, jusqu’à déshonorer sa fonction de président de la République. Le premier ministre du Québec a été élevé, dans le salon d’honneur de l’Elysée, au grade de commandeur avec une volée de bois verts. Nicolas Sarkozy maitrise parfaitement les mécanismes de la controverse, dans laquelle il adore se vautrer.

Nicolas Sarkozy, à l’occasion de la remise de la Légion d’honneur au Premier ministre du Québec, et en présence de personnalités québécoises, canadiennes et françaises, dont Paul Desmarais, Grand-Croix de la Légion d’honneur, s’est livré à une pitoyable ingérence politique dont lui seul est capable. Selon l’homme, « les aspirations du Québec ne sont que « sectarisme », « enfermement sur soi-même » et « détestation de l’autre ». L’autre étant le Canada. C’est la vision manichéenne de Nicolas Sarkozy sur les relations du Québec avec le Canada. Impossible pour lui de rester dans les limites de la dignité protocolaire. Un commentateur français déclarait sur les ondes de Radio-Canada que le Quai d’Orsay n’avait pas été habitué, ces dernières décennies, à autant de crises sur plusieurs scènes de la diplomatie internationale. Il voyait en Nicolas Sarkozy une volonté de mettre une couche sur la tombe du Général de Gaule, et sur son héritage. Nicolas Sarkozy aura été le dernier chef d’État du monde occidental à coller au Bushisme. C’est le voyou, comme l’indiquait l’écrivain français, qui transcende. Les aspirations du Québec en matière de souveraineté sont le fait, selon l’homme d’État, « du sectarisme, de la division, de l’enfermement sur soi-même ». Le petit homme d’État mesure-t-il le poids des mots ?

Sur un ton proprement vulgaire, frôlant la familiarité, au vu des circonstances, l’homme d’État a lancé : « Honnêtement, ce n’est pas mon truc ». Si le Québec n’est pas son truc, l’homme aurait été mieux avisé d’éviter d’étaler son mépris à l’égard d’un peuple qui défend sa culture, sa langue et son aspiration à une autodétermination depuis plus d’un siècle. Défendre la langue française, la francophonie, et aspirer à l’indépendance selon les règles démocratiques est une faute grave aux yeux de Nicolas Sarkozy. Que connaît-il de l’histoire du Québec et du Canada ? Ce qu’a bien voulu lui dire Paul Desmarais, tant s’en faut. L’homme d’État aurait dû savoir que, selon un sondage fin janvier, 43% des Québécois sont actuellement favorables à l’indépendance de la province francophone et 57% contre. L’ingérence politique est coutumière chez Nicolas Sarkozy. Elle accompagne ses aptitudes aux turbulences sismiques. La question que se posent plusieurs québécois est la suivante : « pourquoi, face à de tels propos, Jean Charest n’a-t-il pas refusé cette Légion d’Honneur ? » Picasso l’a bien refusée à deux reprises. Le Premier ministre du Québec a évité d’ajouter aux propos disgracieux de Nicolas Sarkozy. La diplomatie était de mise.

André Pratte est éditorialiste en chef du quotidien La Presse, propriété de Paul Desmarais. Si si. De Paul Desmarais. Et que dit André Pratte : « Les lecteurs de La Presse connaissent mon point de vue là-dessus, je suis d’accord avec le président. Mais celui-ci a été trop loin en associant les indépendantistes du Québec au «sectarisme», à l’«enfermement sur soi-même», à la «détestation» de l’autre. Dieu sait si je suis en désaccord profond avec la thèse souverainiste. Mais je ne dirai jamais que les souverainistes sont des gens «sectaires» ou repliés sur eux-mêmes. Ce n’est certainement pas le cas des leaders du mouvement, qu’il s’agisse de Mme Marois, de M. Duceppe, et des autres. C’est toujours le risque quand un politicien étranger se mêle de débats dont il ne maîtrise pas toutes les nuances: il exagère, il caricature ».

Patrick Lagacé est chroniqueur au quotidien La Presse. Le même quotidien que l’éditorialiste-en-chef André Pratte. Qui appartient toujours à l’ami de Sarkozy, Paul Desmarais. Que dit Patrick Lagacé : « J’écoutais d’une oreille distraite, voyez-vous. Mais j’ai failli emboutir l’auto devant moi quand j’ai réalisé que Sarkozy parlait des souverainistes québécois. Sur René-Lévesque, en plus ! » […] « On n’est même plus dans le registre de l’opinion, de la subjectivité, ici. On est dans le domaine de la fabulation, de l’erreur factuelle, de la lecture totalement faussée du monde. Ce qui est inquiétant ! Car notre « conflit » Québec-Canada est mille fois moins compliqué que le conflit israélo-palestinien, par exemple, conflit dans lequel Nicolas Sarkozy s’est mis le gros orteil, au début de l’année… »

Louise Beaudoin, francophile et ex-ministre dans des gouvernements péquistes, répond avec nonchalance : « J’ai plutôt envie de sourire. (…) Nous, agressifs, repliés sur nous-mêmes? Je ne me reconnais pas là-dedans. M. Sarkozy fait la preuve de sa méconnaissance du Québec. Le Québec, c’est au-delà de Sagar ». Sagard est le lieu de la résidence somptueuse de Paul Desmarais, dans Charlevoix, qui a accueilli à quelques reprises Nicolas Sarkozy, avant son élection à la présidence française.

Christian Rioux, du quotidien Le Devoir, était à l’Élysée, en tant que journaliste, lors de cette deuxième sortie intempestive de Nicolas Sarkozy contre le Québec. Ce dernier rapporte que Nicolas Sarkozy voit dans la formule « non-ingérence et non-indifférence » une forme de haine de l’autre. Nicolas Sarkozy a lancé, sur le ton familier qui, à ses yeux, excuserait ses outrances : « Croyez-vous, mes amis, que le monde, dans la crise sans précédent qu’il traverse, a besoin de division, a besoin de détestation? Est-ce que pour prouver qu’on aime les autres, on a besoin de détester leurs voisins? Quelle étrange idée! »

Relisez attentivement cette phrase du président de la France : « Ceux qui ne comprennent pas cela, je ne crois pas qu’ils nous aiment plus, je crois qu’ils n’ont pas compris que, dans l’essence de la Francophonie, dans les valeurs universelles que nous portons au Québec comme en France, il y a le refus du sectarisme, le refus de la division, le refus de l’enfermement sur soi-même, le refus de cette obligation de définir son identité par opposition féroce à l’autre ».

Nous n’en sommes plus, en effet, à la « non-ingérence et non-indifférence » mais à l’ingérence tout court. Henri Henrard, de Branchez-vous Matin, écrit : « De quoi se mêle le père du célèbre « Casse-toi, pauv’ con » ? Et l’auteur répond : « Fidèle à sa maniaco-oligarchie, le monarque français n’a écouté que lui-même en nous concoctant des phrases tellement simplistes qu’elles pourraient faire l’objet d’une chanson dans le prochain album de son épouse ».

De quelle courtoisie est capable cet homme d’une profonde vulgarité ! Nicolas Sarkozy a réussi à éclipser l’événement : ce n’est plus à une remise de Légion d’honneur à laquelle ont assisté des personnalités du Québec mais à une sortie en règle du président de la France contre le Québec. Et cela en présence même du Premier ministre du Québec et d’autres personnalités : Luc Plamondon et Carole Laure, l’ancien premier ministre Jean-Pierre Raffarin, les hommes d’affaires Ernest-Antoine Seillière et Bernard Arnault, le secrétaire général de la Francophonie, Abdou Diouf, ainsi que le maire de Québec, Régis Labeaume.

Il ne faut pas oublier quelques bonnes perles lancées par Nicolas Sarkozy. Dont celle-ci : « le message de la francophonie » en est un « d’union », « d’ouverture » et « de tolérance ». Et cette autre citation qui va passer à la postérité : « Pour vous aimer, je n’ai pas besoin de détester les autres ».

Gérald Larose, président du Conseil de la souveraineté, tient à préciser que « s’il y a du sectarisme, ce n’est pas au Québec. S’il y a de l’agressivité, ce n’est pas au Québec. Ce mouvement de la souveraineté et de l’indépendance se vit dans un rapport démocratique exemplaire. C’est un projet qui a de l’envergure, qui a de la hauteur. Ce ne sont pas des petits mots plutôt mesquins sifflés dans l’oreille de M. Sarkozy qui vont arrêter ce projet-là ».

Nicolas Sarkozy a également un sens aigu des amitiés. Il remet au Premier ministre du Québec, Jean Charest, le grade de Commandeur. Le premier ministre, René Lévesque, avait reçu, en 1977, des mains de Valéry Giscard d’Estaing, la dignité de Grand Officier. Paul Desmarais, grand ami de Nicolas Sarkozy, reçoit pour sa part la plus haute distinction de l’Ordre, celle de Grand-Croix. Le club prestigieux des Grand-Croix ne regroupe qu’une soixantaine de personnes. L’histoire ne dit pas si c’est pour services rendus à la France ou à Nicolas Sarkozy.

En terminant, le président, qui ne voit dans les aspirations du Québec qu’un sectarisme est l’objet d’une chute vertigineuse dans les sondages. S’il veut disposer de tout, il indispose partout. À l’étranger comme en France. Deux Français sondés sur trois (62%) estiment que la politique actuelle du gouvernement ne permet pas de lutter efficacement contre les effets de la crise. Et 59% des personnes interrogées ne sont « pas satisfaites » des réactions du chef de l’État et du gouvernement, quelques jours seulement après la grande journée de mobilisation du 29 janvier, rapporte Le Figaro. Qui plus est, 61% des 1002 personnes sondées disent souhaiter que les syndicats poursuivent la mobilisation. Nicolas Sarkozy déclarait, il y a quelques semaines : « Dans notre famille politique, j’ai plus de respect, d’amitié, de reconnaissance pour ceux qui conduiront le combat que pour ceux qui suivent le combat des autres ». Le combat du Québec pour sa survie ne trouve pas grâce auprès de Nicolas Sarkozy, inspiré qu’il est en cela par son ami, Paul Desmarais.

L’homme de la rupture est en fracture complète avec la France. Et avec la modernité du Québec qu’il n’a jamais su approfondir, par paresse intellectuelle. L’homme qui ne lit pas ne peut approfondir. S’instruire par ouïe-dire comporte son lot de risques et de pièges dans lesquels tombe invariablement Nicolas Sarkozy.

(Caricature de Renart L’éveillé)

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Stephen Harper reconnaît, bien tard, que le Canada est en récession !

En novembre 2007, le parti conservateur de Stephen Harper soutenait, hors de tout doute, que le Canada allait maintenir son équilibre budgétaire. « Bien que le gouvernement continue de planifier en vue de maintenir l’équilibre budgétaire, on ne peut exclure la possibilité d’un déficit, étant donné l’instabilité de la situation économique et, en particulier, le fléchissement rapide des prix des produits de base. Advenant une situation déficitaire, le gouvernement veillera à ce que les déficits enregistrés soient temporaires et peu élevés », déclarait le Ministre des Finances, John Flaherty.

Ce qui était singulier du comportement du gouvernement du Canada était le fait que, contrairement à la majorité des avis professionnels des économistes qui croyaient vraiment que le Canada allait traverser une situation déficitaire au cours des prochaines années, Stephen Harper et son ministre des finances hésitaient à utiliser le terme « déficit ». Pire. le ministre Flaherty prétendait pouvoir maintenir l’équilibre budgétaire sur la théorie virtuelle que le Canada ne subirait pas de récession et qu’il fallait adopter plutôt des mesures consistant à se serrer la ceinture. L’Énoncé économique et financier de novembre 2008, du gouvernement conservateur, était irréaliste et mettait en œuvre une idéologie conservatrice qui a mené à la ruine économique les États-Unis.

Sans revenir sur l’ensemble des bêtises et des incongruités du gouvernement minoritaire de Stephen Harper, à cette époque, le Canada a traversé une véritable crise parlementaire. Jean-Robert Sansfaçon, éditorialiste au quotidien Le Devoir, avait qualifié cette attitude du gouvernement conservateur minoritaire d’affront à l’intelligence. Il écrivait notamment : « Il n’aura fallu que quelques semaines au gouvernement Harper pour faire la preuve de son aveuglement idéologique devant la crise mondiale qui menace. À croire que ce gouvernement a embauché les conseillers de George W. Bush qui ont perdu leur job ! »

Pour éviter d’être battu en brèches et chasser du pouvoir par un gouvernement de coalition, les conservateurs ont fermé le parlement jusqu’en janvier 2009.

Au retour à Ottawa, les conservateurs ont montré un profond cynisme et mis à mal toutes les traditions parlementaires entourant la divulgation d’un budget. Depuis des jours, les ministres ont mandat de leur premier ministre de se promener à travers le pays pour préparer la population aux mauvaises nouvelles. Ce qui constituait en novembre un déni de la réalité économique mondiale devient en janvier 2009 une nouvelle conversion au choc auquel les canadiens et les québécois doivent se préparer.

En novembre, il fallait se serrer la ceinture pour parvenir à l’équilibre budgétaire. Aujourd’hui, il faut dépenser pour soutenir l’économie. Cette soudaine conversion conjoncturelle fait qu’Ottawa injectera 40 milliards $ en deux ans dans l’économie, notamment en baissant les impôts de la classe moyenne, en finançant la réfection d’infrastructures et en soutenant les entreprises et les marchés financiers.

Virage à 180 degrés. John Flaherty, ministre des finances canadiens, déclarait le 9 octobre 2008 : « Nous ne ferons pas de déficit ». Trois mois plus tard, ce même ministre annonce un déficit de 34 milliards de dollars. Quelques jours plus tôt, soit le 6 octobre 2008, Stephen Harper déclarait : « Je ne pense pas qu’il soit nécessaire de déclarer des déficits (pour soutenir l’économie) ». Et la déclaration la plus incroyable est venue de ce même Stephen Harper : « Les déficits sont généralement de mauvaises choses. Mais il y a des moments où les déficits ne sont pas nécessairement mauvais et peuvent même être essentiels ». Le Premier ministre du Canada lançait cette bourde en marge du sommet de la Coopération économique de la zone Asie-Pacifique (APEC), le 23 novembre dernier.

Le ministre John Flaherty vient de déposer, devant le Parlement d’Ottawa, son budget 2009. Qu’avait-il à dire à la population canadienne et aux Québécois ? « Nous devrons dépenser davantage pour protéger notre économie et aider ceux et celles qui sont les plus durement touchés par la récession mondiale. Cela signifie que nous ne pouvons éviter de creuser un déficit temporaire. C’est pourquoi le gouvernement prévoit un déficit budgétaire de 34 milliards $ pour le prochain exercice, et de 30 milliards $ le suivant ».

Le Canada fera face à un déficit de 64 milliards de dollars. Visière baissée, Stephen Harper et son ministre des finances promettaient un équilibre budgétaire aux Canadiens. Aujourd’hui, ils font face à un déficit astronomique qui anéantit le remboursement de la dette du Canada depuis les cinq dernières années : une série de déficits totalisant 86 milliards $ en six ans, dont 34 milliards $ en 2009-2010 et 30 milliards $ l’année suivante. Le Canada ne renouera avec l’équilibre budgétaire qu’en 2014 !

Comme le note le Conseil du Patronat du Québec : « Plus d’une décennie de remboursement de la dette se trouve effacée avec les déficits prévus dans ce budget et pour les quatre prochaines années. Tout en apportant un soutien à la croissance, le gouvernement canadien doit donc s’assurer que les mesures annoncées aujourd’hui demeureront limitées dans le temps, comme devrait d’ailleurs l’être la crise financière et le ralentissement économique que nous vivons actuellement ».

La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) emboîte le pas au Conseil du patronat du Québec : « Le haut niveau de dépenses dans le budget est inquiétant pour les contribuables et les chefs de petites entreprises ». Pour la Fédération, cela peut être l’amorce d’une tendance pouvant être reproduite chez les autres ordres de gouvernement, renversant en deux ans ce qui a pris dix ans a accomplir sur le plan de l’assainissement des finances publiques.

Pour que la population puisse mieux avaler la pilule, les conservateurs s’engagent à réduire les impôts : 20 milliards $ étalés sur 2008-09 et sur les cinq années financières suivantes. Les banques canadiennes recevront, pour leur part, une aide financière de 125 milliards $.

Comment éviter le cynisme qui guette la population lorsqu’elle doit supporter des déclarations contradictoires de ses élus gouvernementaux qui maintenant clament qu’il s’agit là d’un budget conservateur. Le ministre Flaherty n’hésite pas à pousser l’audace plus loin : « Les conservateurs sont pragmatiques. Les conservateurs comprennent les risques. Les conservateurs comprennent le sérieux de cette récession mondiale ».

La question qui se pose maintenant est la suivante : le gouvernement de Stephen Harper va-t-il tomber après la présentation de ce budget ? Deux partis d’opposition ont déjà fait savoir qu’ils voteront contre le budget. Le Bloc québécois et le parti Néo-démocrate. Pour renverser le gouvernement, il faudra que ces deux partis obtiennent également l’accord du principal parti d’opposition, le Parti libéral du Canada.

En raison de son état de désorganisation complète, de l’arrivée récente de son nouveau chef, Michael Ignatieff, il y a fort à parier que les conservateurs survivront à leur budget 2009. Les éditorialistes canadiens ont une position claire sur la question : « le Parti libéral de Michael Ignatieff devra permettre son adoption. Agir autrement, prendre le risque de provoquer une crise politique et constitutionnelle alors que le pays fait déjà face à une crise économique, serait carrément irresponsable », écrit André Pratte, éditorialiste au quotidien La Presse.

Pour donner son appui au budget conservateur, Michael Ignatieff avait dressé une liste de conditions sine qua non : « stimuler l’économie canadienne, financer de nouveaux projets d’infrastructures, protéger le système financier canadien, soutenir certaines industries en difficulté comme l’industrie automobile et l’industrie forestière, protéger les plus vulnérables et de la société, protéger les emplois d’aujourd’hui et créer ceux de demain, éviter un déficit permanent », comme l’écrivait Josée Legault, dans l’hebdomadaire Voir.

En terminant, force est de reconnaître que les questions environnementales n’ont jamais été une priorité pour ce gouvernement conservateur minoritaire qui n’a pas hésité à remettre en question le protocole de Kyoto et à se ranger derrière Georges W. Bush. Or, Stephen Harper n’a pas encore réalisé que son allié idéologique a quitté la Maison Blanche. Preuve en est la place qu’occupe dans ce budget l’environnement. À l’opposée de son voisin du sud, Stephen Harper n’investit qu’un milliard sur cinq ans en recherche et développement pour des projets de démonstration de l’énergie propre. Cette enveloppe comprend 150 millions sur cinq ans pour la recherche et 850 millions, toujours sur cinq ans, pour la mise au point et la démonstration de technologies prometteuses, entre autres dans le domaine du captage et du stockage du carbone. Un autre milliard de dollars sera investi pour les projets d’infrastructure verte.

Pierre R. Chantelois

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Barack Obama éclipsera-t-il Nicolas Sarkozy ?

Des observateurs soulignent qu’il existerait une certaine méfiance de la France, plus précisément de son président, à l’arrivée de Barack Obama en raison de l’ombrage qu’il pourrait créer sur l’Élysée. Antoine Guiral, de Libération, écrit notamment : « L’arrivée d’Obama signifie le retour des États-Unis dans la diplomatie internationale et la fin de la parenthèse Sarkozy ». Et plus incisive est cette remarque du journaliste de Libération : « Dans le monde, Obama suscite un espoir quand Sarkozy soulève surtout de la curiosité à travers son épouse Carla, ses mauvaises manières ou son énergie à revendre ».

Que réserve l'avenir?

Que réserve l'avenir?

Barack Obama éclipsera-t-il Nicolas Sarkozy  ?  Encore faut-il placer Nicolas Sarkozy au même diapason que Barack Obama. La réponse vient peut-être des Français eux-mêmes. Selon un récent sondage, 70% des Français ont déclaré avoir une bonne opinion de Jacques Chirac. Bernard Kouchner est bien vu par 71% des personnes sondées. En revanche, Nicolas Sarkozy ne recueille que 46%, soit 24% de moins que son prédécesseur.

Tout se passe comme si la France n’avait pas existé avant l’arrivée de Barack Obama. La France a eu ses heures de gloire avec des présidents qui élevaient les qualités de leur fonction. Depuis l’arrivée de Nicolas Sarkozy, après une multiplication de déclarations toutes plus indélicates les unes que les autres, la France a perdu de son lustre. N’en déplaise à qui que ce soit, l’allocution visionnaire de Dominique de Villepin aux Nations-Unies, sur le refus de déclencher une guerre en Irak, est un moment historique, apprécié des Nations non alignées et dépréciée en France. C’était sous Jacques Chirac.

La conception de la présidence française de Nicolas Sarkozy irrite profondément. Personne n’est dupe que le président de la République veut marquer l’histoire à grands traits grossiers de réussites approximatives. Pour Nicolas Sarkozy, l’Europe c’est la France. Et la France c’est l’Europe. Il est pressé. Et il n’hésite pas à formuler des remarques peu subtiles à l’égard du nouveau président des États-Unis, Barack Obama. « On ne peut pas attendre que les États-Unis aient froid pour mettre un cache-col. Il faut agir vite. Dire qu’il faut accorder du temps au temps, c’est l’argument de ceux qui ont renoncé à tout. Quand je pense que vous disiez qu’à la fin de ma présidence européenne j’allais subir une dépression profonde, que je serais incapable de prendre des initiatives … ». À propos du prochain sommet du G20 à Londres, le 2 avril, Nicolas Sarkozy déclare que « l’Europe aura une position commune et forte ». Il adresse ce message à Barack Obama : « On n’acceptera pas un sommet qui ne décide pas ». Déclaration plutôt téméraire pour un Nicolas Sarkozy qui a quitté la présidence en alternance de l’Union européenne.

L’homme pressé trébuche. L’homme serein agit. Pour Barack Obama, il en va autrement : « Le monde a changé, et nous devons changer avec lui. (…) L’importance du gouvernement est indéniable. Mais ultimement, l’Amérique dépend de la foi et de la détermination de ses citoyens ».

Le dire c’est faire injure aux Français qui ne le savent que trop bien : Nicolas Sarkozy est un homme de paradoxes. Je paraphraserais cette citation célèbre de Charles de Gaulle : « Comment voulez-vous gouverner un pays quand son président a 246 idées paradoxales de la France  ?  »

Deux déclarations de Nicolas Sarkozy montrent à quel point le temps ne se conjugue qu’au présent avec l’homme. Le Figaro rapporte qu’à un journaliste qui lui demandait s’il enverrait un message de félicitation à Barack Obama, le président a répondu : « On a hâte qu’il se mette au travail et qu’on change le monde avec lui ». Qui est ce « on » ?  Nicolas Sarkozy ou l’Europe  ?  Dans un même temps, et toujours selon la même source, le Figaro, Nicolas Sarkozy se rend à Sourdun, près de Provins (Seine-et-Marne), commune durement touchée par le départ du 2e régiment de hussards. Peu sensible à la détresse qu’il trouve sur place, il profite plutôt de l’occasion pour stigmatiser les « conservatismes » qui font obstacle à ses réformes. Et le président de tous les Français ajoute, imperturbable, que « sur la ligne, sur la stratégie, sur la volonté d’aller de l’avant, on n’a pas d’états d’âme, parce qu’il n’y a pas d’autre stratégie ». Le président s’est dit préparé à cela : « J’écoute mais je tiens pas compte ». Cette petite phrase traduit la conduite même du président de la France à l’égard de tout ce qui se démarche de ses objectifs en propre. Que ce soit en France ou à l’égard de l’Union européenne.

Cet aveu présidentiel est-il surprenant  ?  Surtout en démocratie. Changer le monde oui, écouter la voix de son peuple, non. Changer le monde, oui. Écouter autrui, non. Position on ne peut plus éloignée de ce qu’écrivait Barack Obama dans la préface de « The Audacity of Hope » : « Je suis un canevas vierge sur lequel des gens de convictions politiques très différentes projettent leurs propres visions ».

Dans la voix du nouveau président des États-Unis, aucune déclaration tonitruante n’est venue compromettre son investiture. Il n’en sent guère le besoin. Une tranquille assurance en fait depuis des mois un leader charismatique. Nul besoin de s’agiter. Au contraire. Il se veut le rassembleur au sein d’une nation mosaïque. Nulle déclaration enflammée ne lui est apparue nécessaire pour asseoir son autorité. Selon Louis Balthazar, président de l’Observatoire sur les États-Unis à l’Université du Québec à Montréal, le nouveau président fera preuve de retenue. « Ce ne sera pas une présidence impériale ». Dominique de Villepin croit que, comme le rapporte Le Figaro, « le monde a besoin d’un nouveau leadership, je veux souhaiter qu’il puisse être au rendez-vous », car « il y a une attente phénoménale au niveau de la planète ». Barack Obama est une figure qui pourra « réconcilier le sud et le nord ». « Barack Obama occupera toute sa place, je souhaite que Nicolas Sarkozy occupe la sienne, mais on occupe pas une place contre quelqu’un ». Et de conclure : « pensons à notre objectif, ne pensons pas à notre image ».

« The Buck stops here », pouvait-on lire sur le bureau d’Harry Truman, président des États-Unis de 1945 à 1953. Obama est tout le contraire de George W. Bush qui a concentré le pouvoir au sein de l’exécutif à un point tel qu’on a qualifié sa présidence d’«impériale», explique le professeur Baltazar au quotidien québécois Le Soleil. « Obama écoute, il est nuancé, il fait confiance et il délègue. Et, en plus, on sent qu’il est fort, qu’il a du caractère. Il donne l’impression d’être un chef idéal ». Cette analyse du professeur Baltazar semble correspondre à celle de Pierre Moscovici : « Le nouveau président américain a une vertu que Nicolas Sarkozy ne possède pas : c’est un homme serein, un homme calme, c’est un homme qui apaise, qui veut rassurer, rassembler, exactement le contraire de Nicolas Sarkozy qui parfois s’agite un peu et qui a plutôt une tendance à vouloir cliver et à créer sans arrêt des antagonismes ».

Philippe Braud, politologue à Sciences Po Paris, dans une entrevue accordée à l’agence France Presse, anticipe un « choc spectaculaire des styles » entre un Sarkozy « actif, sinon activiste » et un Obama « posé et soigneusement réfléchi ». « Le contraste risque d’être permanent entre l’impulsivité de l’un et la force tranquille de l’autre ». Le politologue relève « l’exceptionnelle séduction personnelle » du nouveau président américain.

Barack Obama s’installe à Washington, une ville reconnue pour des records peu enviables (55 % de la population est noire) en termes d’incarcération, de crimes violents, d’abandon scolaire. Un des premiers gestes de Barack Obama a été de profiter de la journée fériée de lundi, en hommage à Martin Luther King, pour inciter ses concitoyens au bénévolat en jouant les peintres dans un centre pour jeunes en difficulté de Washington. Pas de karcher, ici. Son discours est simple : il promet de réunir républicains et démocrates, libéraux et conservateurs, Blancs et Noirs, sous le grand thème de l’Espoir. Il s’inspire de Martin Luther King : « J’ai un rêve que mes quatre enfants habiteront un jour une nation où ils seront jugés non pas par la couleur de leur peau mais par le contenu de leur caractère. J’ai un rêve aujourd’hui ». « Barack Obama carbure à l’ambition. Pas à l’argent », écrit Isabelle Hachey, du quotidien La Presse. Jusqu’à ce qu’il se lance dans la course au Sénat des États-Unis, il ne portait que trois ou quatre costumes – et des chaussettes usées aux talons, raconte David Mendell dans son livre, Obama, From Promise to Power.

Nicolas Sarkozy proposait une rupture avec le passé. Barack Obama, pour sa part, fidèle aux idéaux de nos ancêtres,a rendu hommage aux pères fondateurs de la nation américaine devant des milliers de personnes réunies à Washington. Aucun faux pas n’a marqué son allocution. Alors que le gouvernement français s’empêtre dans des quotas d’immigration et d’expulsion, Barack Obama se veut rassembleur et unificateur : « Ce qui me donne l’espoir par dessus tout, ce ne sont pas les pierres et le marbre qui nous entourent, mais ce qui remplit les interstices. C’est vous, Américains de toutes les races, venus de partout, de toutes conditions, vous qui êtes venus ici parce que vous croyez en ce que ce pays peut être ».

Lors de ses vœux annuels, prononcés lundi, Nicolas Sarkozy a avoué que « la France n’est pas le pays le plus simple à gouverner du monde ». Pour reprendre les mots de Barack Obama, lors de son assermentation, « la question n’est pas de savoir si le gouvernement est trop grand ou trop petit. Elle est de savoir si le gouvernement fonctionne. S’il permet aux familles de trouver des emplois payés décemment, de se payer des soins de santé et une retraite digne ». Question sur laquelle le président Sarkozy serait bien avisé de réfléchir.

Comme l’écrit Mourad Guichard de Libération : pour Nicolas Sarkozy, « l’insécurité est la première des inégalités ». Il l’a dit et répété. Et lui est là pour « protéger » les Français des affres de l’insécurité, tout comme il les protège « contre les méfaits de la crise financière » et « contre la crise économique et sociale qui en a découlé ». Il protège également « leur santé avec la loi sur l’hôpital », mais aussi leurs « libertés individuelles en lançant une réforme de la procédure pénale ». Et enfin, le président ne peut s’exonérer de « protéger la paix » dans le monde en proposant aux belligérants Proche orientaux un plan « équilibré ».

Qui trop embrasse mal étreint. Les résultats en attestent : en janvier 2009, la popularité de Nicolas Sarkozy a baissé d’un point, pour se situer à 45%, celle du Premier ministre François Fillon a reculé de cinq points, pour se situer à 46%, selon le baromètre Ipsos, publié par Le Figaro. Une portion importante de 51 pour cent des personnes interrogées a une opinion défavorable de Nicolas Sarkozy. Selon un autre sondage, réalisé par l’IFOP, paru dans l’hebdomadaire Paris-Match, 53% des personnes sondées désapprouvent l’action du président de la République et un même pourcentage approuve celle du Premier ministre.

Est-ce l’effet Obama qui inspire les Français  ?  Toujours est-il que 85% de ces derniers seraient prêts à voter pour un candidat appartenant une minorité visible à l’occasion d’une élection législative, selon un sondage publié mardi par l’institut CSA pour l’institut Montaigne.

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Des voix s’élèvent pour exiger une enquête sur des violations au droit humanitaire et des crimes de guerre d’Israël

« Israël devait combattre le Hamas à Gaza comme les États-Unis l’avaient fait face au Japon durant la Seconde guerre mondiale ». La référence est on ne peut plus explicite. Cette phrase, lancée par le député ultranationaliste israélien, Avigdor Lieberman, ancien ministre des Affaires stratégiques dans le gouvernement d’Ehoud Olmert et chef du parti d’extrême droite Israël Beitenou qui est actuellement le 5ième parti politique le plus important d’Israël, est significative d’un certain état d’esprit qui prévaut actuellement au Proche-Orient. « La conquête du Japon alors n’avait pas été nécessaire », avait ajouté Avigdor Lieberman. De son côté, Ehud Barak, ministre de la défense, reconnaît que l’offensive a atteint la plupart de ses objectifs mais probablement pas tous. Les pertes du côté israélien, si elles s’accroissent, ne rendront pas cette guerre contre le Hamas très populaire aux yeux de la population : dix militaires et trois civils israéliens ont été tués depuis le 27 décembre.

Ban Ki-moon, qui a exigé lundi qu’Israël et le Hamas cessent immédiatement les combats à Gaza, se rendra au Proche-Orient et il entend informer le Conseil de ses intentions. Sa visite comprendra notamment des arrêts en Egypte, en Israël, en Cisjordanie et en Syrie. Il est intéressant de noter que, lors d’une rencontre avec les pilotes de l’armée de l’air, et les équipes de contrôle au sol, à la base de Palmahim, le ministre de la Défense Ehoud Barak a déclaré, selon le Jerusalem Post : « Nous avons entendu et respecté les appels de Ban Ki Moon, le secrétaire général de l’ONU, et nous surveillons évidemment de près les avancements de l’initiative égyptienne, mais les combats continuent, et l’armée israélienne souhaite appliquer la méthode forte ».

Tzipi Livni, ministre des Affaires étrangères, reconnaît qu’Israël ne contrôle pas tout à fait la guerre des informations : « Selon certaines indications, le Hamas à Gaza montre des signes d’affaiblissement, mais les responsables à Damas véhiculent un autre message ». Toute déclaration du Hamas sur un possible cessez-le-feu est évidemment vue comme un affaiblissement de sa politique et de sa stratégie de guerre contre Israël.

L’ombre des poursuites pour crimes de guerre plane sur l’État hébreu qui s’y prépare et qui entend bien rassurer la population. Selon Le Monde, quatre-vingt-dix organisations, essentiellement françaises et beaucoup pro-palestiniennes, vont déposer, mercredi 14 janvier, devant la Cour pénale internationale (CPI), une plainte pour « crimes de guerre » visant l’offensive israélienne à Gaza. Fait à noter : l’État Hébreux n’ayant pas ratifié le traité instaurant cette cour. Elle n’a donc pas juridiction sur Israël. Le groupe vient de formuler une requête au gouvernement français pour que ce dernier saisisse le Conseil de sécurité afin qu’une enquête soit déclenchée. Le groupe entend de plus demander un recours en annulation au tribunal de première instance pour la communauté européenne contre la signature des accords de rehaussement entre l’Union européenne et l’Etat hébreu. Ces accords, verbalement liés au processus de paix et au respect des droits humains, visent à renforcer la coopération politique et économique. Amos Guiora est un expert en droit international et en contre-terrorisme. Selon ce dernier : « Les tracts lancés par Tsahal sur Gaza pendant l’opération « Plomb durci » – destinés à prévenir les civils de frappes aériennes imminentes et d’attaques terrestres – pourraient permettre à l’armée de prouver qu’Israël n’est pas coupable de crime de guerre », prévient-il dans le Jerusalem Post. Mais le juriste rappelle Israël à ses obligations, sur The Jurist, de l’Université de Pittsburgh : « Israel must not ignore its international humanitarian law obligations. To do otherwise is a violation of international law ». Le procureur général et conseiller juridique du gouvernement, Menahem Mazouz, fer de lance de la lutte anti-corruption en Israël, n’est pas sans savoir que l’armée pourrait faire face à une vague de procès internationaux liés à l’opération en cours. Pour ce dernier, qui se veut le défenseur de l’État de droit, après la frappe sur une école de l’ONU, « Tsahal apportera les preuves nécessaires pour expliquer le déroulement de la manœuvre. Il est évident que Tsahal ne frappe pas dans le but de tuer des civils ».

À ce propos, comme le rapporte Telerama : accompagnée d’un large bandeau « War in Gaza » barrant son écran, la chaîne arabe Al-Jazira a aussitôt usé des mots « massacres » et « crimes de guerre ». Au même moment, radios et télés françaises oscillaient entre « la bavure » et « l’incident ».

La France vient de lancer un appel à Israël : « Selon un communiqué de Human right watch, il apparaît qu’Israël utilise du phosphore blanc comme un écran de fumée, un moyen en principe permis dans le cadre du droit humanitaire international. Cependant, le phosphore blanc peut causer de graves brûlures (…) Le risque de blesser des civils est aggravé par la forte densité de la population à Gaza ». Selon deux médecins sur le terrain, les docteurs Mads Gilbert et Erik Fosse, il semblerait que le phosphore blanc ait été remplacé, dans les nouvelles armes en provenance des États-Unis, par les DIME (Dense Inert Metal Explosive), petites boules de carbone contenant un alliage de tungstène, cobalt, nickel ou fer. « A 2 mètres, le corps est coupé en deux ; à 8 mètres, les jambes sont coupées, brûlées comme par des milliers de piqûres d’aiguilles. Nous n’avons pas vu les corps disséqués, mais nous avons vu beaucoup d’amputés. Il y a eu des cas semblables au Sud-Liban en 2006 et nous en avons vu à Gaza la même année, durant l’opération israélienne « Pluie d’été », selon des médecins norvégiens de l’hôpital de Gaza au quotidien Le Temps.

Le quotidien pose la question suivante : Gaza est-il le laboratoire des fabricants de la mort? L’un des deux médecins norvégiens s’interroge : « Se peut-il qu’au XXI siècle on puisse enfermer 1,5 million de personnes et en faire tout ce qu’on veut en les appelant terroristes? »

Le Canada, le pays aux grandes Chartes des droits de la personne, s’est distingué à nouveau sur la scène internationale. Au Conseil des droits de l’homme de l’ONU qui a adopté lundi à Genève une résolution qui « condamne avec force l’opération militaire israélienne » à Gaza, il s’est opposé fermement à son adoption. Trente-trois États, le bloc africain, les pays arabes et musulmans, l’ensemble des pays sud-américains et asiatiques ont accepté la résolution. Le groupe européen ainsi que la Suisse se sont abstenus. Comme le rappelle le quotidien Le Temps, l’ambassadeur israélien, Aharon Leshno Yaar, a dénoncé le « monde de conte de fées dans lequel vit ce Conseil » alors que dans le « monde réel » aucun consensus significatif ne peut se construire sans Israël. Le représentant canadien, qui a appelé au vote final, a pour sa part salué les efforts de la délégation palestinienne pour amender le texte tout en soulignant que celui-ci ne parvenait pas à prendre note des tirs de roquettes du Hamas et s’en tenait à un langage violent contre Israël. Avis partagé par UN Watch selon qui le caractère unilatéral de cette résolution qui « fournira la légitimité, l’impunité et un encouragement aux attaques délibérées du Hamas contre des civils ».

L’impuissance de l’Autorité palestinienne est remarquable. Son affaiblissement progressif l’éloigne davantage d’une crédibilité au sein des milieux diplomatiques. Rafic Husseini est le directeur de cabinet du président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, depuis son élection en janvier 2005. Interrogé par le quotidien Le Monde, il en vient à la conclusion qu’Il faut faire comprendre à Israël que ce qui se passe est inacceptable car c’est un crime de guerre et la fin du processus de paix. Ce sont les pays amis d’Israël comme les États-Unis, l’Union européenne, les pays arabes qui ont des relations avec l’État juif qui doivent exercer leur influence pour que cette guerre se termine. Sur cette question des crimes de guerre, Rafic Husseini précise sa pensée : « Lorsque l’on veut tuer un combattant du Hamas et que l’on tue toute une famille, voire des voisins, c’est du terrorisme qui est punissable par les juridictions internationales. Pour moi, les attentats-suicides et ce qu’Israël fait à Gaza, c’est la même chose ».

Rashid Khalidi est, pour sa part, professeur d’études arabes à Columbia. Il est également l’auteur du livre à paraitre : « Sowing Crisis: The Cold War and American Dominance in the Middle East ». Il rappelle sur Information Clearing House, cette phrase de Moshe Yaalon, le chef d’État-major des Forces de défense israéliennes, en 2002 : « The Palestinians must be made to understand in the deepest recesses of their consciousness that they are a defeated people » (Les Palestiniens doivent comprendre au plus profond de leur conscience qu’ils sont un peuple vaincu). Rashid Khalidi revient sur cette notion de crimes de guerre à l’encontre d’Israël : « Viser des civils, que ce soit par le Hamas ou par Israël, est potentiellement un crime de guerre. Toute vie humaine est précieuse. Mais les chiffres parlent d’eux-mêmes : près de 900 Palestiniens, des civils pour la plupart, ont été tués depuis que le conflit a éclaté à la fin de l’année dernière. En revanche, il y a eu environ une douzaine d’Israéliens tués, dont de nombreux soldats » (Traduction : ISM-France).

Comme l’indique The Guardian, il y a de plus en plus d’organisations internationales qui élèvent la voix pour qu’Israël soit confronté à des accusations de crimes de guerre contre la population civile de Gaza. Toutes et tous demandent que des enquêtes indépendantes soient promptement menées pour déterminer s’il y a lieu que des accusations soient portées contre les responsables israéliens de cette guerre en Palestine. The Guardian met en ligne une vidéo qui montre le témoignage d’un enfant de 12 ans qui raconte sa vie à Gaza pendant les bombardements.

Richard Falk, professeur et rapporteur pour les Nations Unies, dressait déjà, le 27 décembre dernier, sur The Nation, les motifs qui justifieraient une enquête sur les crimes de guerre d’Israël, notamment cette notion de « châtiment collectif » infligée à la population de Gaza : « The entire 1.5 million people who live in the crowded Gaza Strip are being punished for the actions of a few militants ».

L’arrivée de Barack Obama ne peut passer inaperçue dans un règlement de paix au Proche-Orient. « Smart power » (puissance intelligente), voilà le leitmotiv sur lequel, comme vient de l’indiquer Hillary Clinton devant le Sénat, se fondera la nouvelle doctrine des États-Unis en matière d’affaires étrangères. La militarisation de la politique étrangère américaine ne constituera plus la ligne de conduite du gouvernement Obama. Les États-Unis mettront en place une stratégie, au Moyen-Orient, qui évitera les clivages israélo-palestiniens. Washington appuiera, selon madame Clinton, « tous les efforts possibles pour appuyer le travail des Israéliens et des Palestiniens qui cherchent la paix ».

Et si parmi ces efforts devaient se tenir des enquêtes sur les responsabilités des deux parties, Israël et le Hamas, sur de possibles violations des droits de la personne, comment réagira le gouvernement Obamas ? Une partie de la réponse se trouve dans la réponse de madame Clinton devant le Sénat : « il n’est pas question de dialoguer avec le Hamas tant qu’il n’aura pas reconnu Israël et renoncé à la violence ».

Voici une entrevue, en deux volets, et toute récente, qu’accordait le professeur Richard Falk, rapporteur des Nations-Unies, à Al-Jazeera.  ».

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Gaza : un véritable crime contre l’humanité

Le chef du Parti libéral du Canada, Michael Ignatieff, a déclaré jeudi qu’Israël avait le droit de se défendre et que ses actions militaires étaient une réponse justifiée aux attaques du Hamas en provenance de la Bande de Gaza. Ce qui est particulier dans cette déclaration est l’absence totale de nuances. Michael Ignatieff a aussi jeté le blâme sur le Hamas, soutenant que l’organisation avait instigué les attaques de roquettes sur le territoire israélien pour ensuite trouver refuge parmi la population civile. En 2006, ses déclarations à propos de l’intervention d’Israël au Liban avaient été, on ne peut plus, ambigües. Guy A. Lepage lui avait demandé pourquoi il avait dit que les décès de civils libanais, à Cana, à la suite de tirs israéliens « ne l’empêchaient pas de dormir ». Dans une entrevue au Toronto Star, il avait affirmé que le drame de Cana était « franchement inévitable » dans un contexte où des lanceurs de missiles sont installés à une centaine de mètres des populations civiles. Il avait, par la suite, admis que c’était une erreur de jugement de dire cela, et il avait soutenu, au sujet de cette attaque, qu’il s’agissait d’un « crime de guerre ». Michael Ignatieff avait perdu le soutien de la coprésidente de son organisation de campagne à Toronto, Susan Kadis, parce qu’il avait accusé Israël d’avoir commis un crime de guerre. Cette fois-ci, Michael Ignatieff a choisi son camp : Israël. Au détriment des faits. C’est le même homme, remarquez bien, qui avait parlé des « risques de guerre civile » au Québec en cas de victoire du OUI et, donc, de l’importance de clarifier les choses dès le départ. Tout ça, évidemment, sous l’angle théorique, comme dans une salle de classe devant des étudiants en politique internationale, comme l’écrivait Vincent Marrisal, dans La Presse, le 25 novembre 2006.

Évidemment, c’est le droit le plus strict du chef du Parti libéral du Canada de se ranger derrière l’opinion de Stephen Harper. C’est également son droit de recourir à des raisonnements et des conclusions sans nuances. Cela en dit long sur la réputation d’intellectuel de Michael Ignatieff.

Si les édiles canadiens sont incapables de réfléchir et d’analyser une situation dramatique sous plusieurs angles à la fois, il s’en trouve, fort heureusement, qui en ont la capacité. D’abord regardons de près la résolution 1860 du Conseil de sécurité. Elle condamne également « toute violence et hostilité dirigées contre des civils et tout acte de terrorisme », sans pour autant stigmatiser le Hamas. Et elle soutient « des mesures tangibles vers une réconciliation inter-palestinienne ».

Cette résolution, pour tardive qu’elle soit, a reçu une approbation générale avec une abstention, les États-Unis. Quatorze des quinze membres du Conseil de sécurité de l’ONU ont voté en faveur de cette résolution. Le Canada, qui a déserté, depuis les conservateurs, les grandes tribunes internationales, et qui se discrédite lorsqu’il y est présent, n’est pas un membre du Conseil de sécurité. Réponse d’Ehud Olmert relativement à l’adoption de cette résolution : « Israël n’a jamais accepté qu’une influence extérieure décide de son droit à défendre ses citoyens. L’armée continuera d’opérer pour défendre les citoyens d’Israël ». Comme l’explique Dan Gillerman, ancien ambassadeur à l’ONU, chargé par le gouvernement de la communication sur l’offensive, la résolution du Conseil de sécurité est un revers diplomatique pour Israël.

L’angélisme de monsieur Ignatieff fait sourire à côté des remarques de la Croix-Rouge internationale qui n’a pas réputation de jouer dans les extrêmes. L’accusation qu’elle vient de lancer n’est pas sans conséquences : « l’armée israélienne aurait empêché la Croix Rouge d’accéder à des blessés palestiniens à Gaza, dont des enfants coincés pendant cinq jours dans leur maison avec le corps de leur mère tuée dans des combats ». Il ne s’agit pas du Hamas ici. Mais bien d’Israël. La Croix-Rouge affirme que les soldats israéliens a laissé à leur propre sort des enfants blessés dans le quartier de Zeitoun, dans la bande de Gaza. « Ils étaient trop faibles pour se tenir sur leurs jambes. Un homme était également incapable de se tenir debout. Il y avait au total douze corps sur des matelas. Dans une autre maison, nous avons trouvé quinze survivants et trois morts. Les soldats israéliens étaient en position à 80 mètres et ils ont demandé à notre équipe de partir, ce qu’elle a refusé de faire ».

Les États-Unis, inconditionnels d’Israël, ont senti le besoin de rappeler l’État hébreu à l’ordre : le département d’État américain a appelé jeudi Israël à prolonger les horaires d’accès de l’aide d’urgence dans la bande de Gaza, tout en dénonçant une situation humanitaire « terrible » dans le territoire palestinien assiégé. Robert Wood, le porte-parole, a déclaré que: « les horaires doivent être étendus. C’est quelque chose sur quoi nous travaillons avec les Israéliens et avec d’autres ». La réponse de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens (Unrwa) est claire : « Du point de vue opérationnel, trois heures ne font aucune différence ». Tout en poursuivant : « Nous devons distribuer de la nourriture à 750.000 réfugiés à Gaza est, nous ne pouvons pas le faire en trois heures ».

Et que fait Israël après avoir cédé sur l’urgence de ces trois heures de trêve ? Des chars israéliens tirent des obus dans la bande de Gaza, malgré l’annonce de cette pause des opérations pendant trois heures. Des chars ont ouvert le feu contre des cibles à Jabaliya, Beit Lahya ainsi que dans le quartier de Zeitoun.

Que dire, monsieur Ignatieff, des bavures de l’armée israélienne ? Dommages collatéraux, diront les va-t-en-guerre. Trois écoles de l’agence des Nations unies pour les réfugiés ont été bombardées à Khan Younès (2 morts), Chati (3 morts) et surtout à Fakhoura, où deux obus ont éclaté à l’intérieur d’un bâtiment (43 tués). Des centaines de civils s’y étaient réfugiés, « parce qu’ils se croyaient protégés par le drapeau de l’Onu ». Par ailleurs, à Zeitoun, douze membres d’une même famille ont été tués parce qu’y vivait un cadre du Hamas. Que dire enfin de ce tir de char israélien qui a tué trois soldats du Tsahal et en a blessé 21 autres ?

Israël a raison de se défendre ? Il semble que cette opinion ne soit pas partagée sur toutes les grandes tribunes du monde, pour autant qu’on veuille bien y prêter attention. Les raisonnements réducteurs sont mauvais conseillers, en politique surtout. Israël fait fi d’un appel du Conseil de sécurité de l’ONU à un cessez-le-feu immédiat à Gaza en arguant qu’il ne garantirait pas l’arrêt des attaques du mouvement palestinien Hamas. L’étendue des pertes civiles palestiniennes dégrade chaque jour davantage son image dans le monde et met en question la légitimité de son action. La commissaire européenne, Géraldine Ferraro-Waldner, faisait remarquer au président israélien Shimon Peres que l’image de l’État hébreu est « fortement détériorée » depuis ces derniers jours. Réponse de Peres : « Nous ne faisons pas dans les relations publiques. Nous combattons le terrorisme et nous avons le droit absolu de nous défendre ». Et cela à quel prix ? L’offensive israélienne destinée à contraindre le Hamas à cesser ses tirs de roquettes, a coûté la vie à au moins 800 Palestiniens, dont plus de 230 enfants et 92 femmes et des dizaines d’autres civils, et fait plus de 3.300 blessés depuis son lancement le 27 décembre

Le cardinal Martino (Justice et Paix) s’est attiré les foudres des autorités israéliennes après avoir affirmé que « la population de Gaza vit encerclée dans un mur qu’il est difficile de percer, dans des conditions qui vont à l’encontre de la dignité humaine ». Et le cardinal a osé dire que la bande de Gaza sous les bombes était devenue « un immense camp de concentration ». Et la réponse d’Israël : « Entendre le vocabulaire de la propagande du Hamas repris par un membre du Sacré Collège des cardinaux est un phénomène choquant et décevant ». Shimon Peres a bien raison : Israël ne fait pas de relations publiques.

Des voix s’élèvent pour dénoncer la situation dans la bande de Gaza. L’éditorialiste Jean Daniel écrit, dans Le Nouvel Observateur : « La part juive qui est en moi […] est bouleversée d’indignation et de révolte devant une telle régression ». Le Premier ministre français, François Fillon, a jugé « intolérable » la situation humanitaire à Gaza. Position nettement plus nuancée que nos élus canadiens.

Pendant que se négocient des sorties de crise ailleurs dans le monde, le gouvernement Olmert donne son feu vert à un élargissement des opérations à Gaza. La stratégie est simple : chasser le Hamas et installer le Fatah. Israël décide au nom du peuple palestinien. Rien de moins. Et nous sommes des témoins impuissants de cette macabre stratégie menée sous l’empire du sacro-saint principe de l’auto-défense. Mohammed Dahlane, l’ancien homme fort du Fatah, a déclaré hier qu’il ne rentrerait pas à Gaza « en marchand sur du sang palestinien ». Toute visière baissée, nos politiciens canadiens sont incapables de discerner les intentions réelles de l’État hébreu, obnubilés qu’ils sont de suivre la ligne politique des voisins du sud.

Au nom du « casus belli », qu’importe que le système médical palestinien soit « au bord de l’effondrement », que les hôpitaux soient surchargés, que des personnels médicaux soient épuisés d’avoir travaillé 24 heures/ 24 pendant presque deux semaines, ou encore que l’acheminement de matériel médical et de médicaments soit rendu très difficile. Selon l’Organisation mondiale de la Santé, les hôpitaux fonctionnent grâce à des générateurs de secours menaçant de s’arrêter faute de carburant.

Le haut commissaire des Nations unies pour les droits de l’homme a demandé des investigations « crédibles et indépendantes » sur des violations du droit humanitaire dans la bande de Gaza qui pourraient constituer des crimes de guerre. Selon madame Navi Pillay : « Les violations du droit humanitaire international pourraient constituer des crimes de guerre pour lesquels la responsabilité pénale individuelle pourrait être invoquée ». Le gouvernement conservateur avait jugé que Louise Arbour était une « honte » pour avoir soutenu qu’Israël devrait faire face à ses responsabilités, s’il était démontré que l’État hébreu avait commis des violations du droit humanitaire international au Liban. Madame Navi Pillay a succédé à Louise Arbour au Commissariat des Nations unies pour les droits de l’homme.

Stéphane Hessel, 91 ans, est un ancien diplomate et résistant, qui a notamment participé à la rédaction de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme en 1948. Au cours d’un entretien avec SwissInfo, l’Ambassadeur de France a donné son point de vue sur la situation dans la bande de Gaza. « En réalité, le mot qui s’applique – qui devrait s’appliquer – est celui de crime de guerre et même de crime contre l’humanité. Mais il faut prononcer ce mot avec précaution, surtout lorsqu’on est à Genève, le lieu où siège un haut commissaire pour les Droits de l’Homme, qui peut avoir là-dessus une opinion importante. Pour ma part, ayant été à Gaza, ayant vu les camps de réfugiés avec des milliers d’enfants, la façon dont ils sont bombardés m’apparaît comme un véritable crime contre l’humanité ».

Nos politiciens canadiens, dont Michael Ignatieff, devraient tirer des leçons de l’histoire, comme le rappelle avec justesse et modération Stéphane Hessel : « Nous avons vu que dans tous les cas de figure récents dans le monde, que ce soit le Vietnam, la Tchétchénie ou quoique ce soit d’autre, il n’y a pas de solution militaire. La solution c’est la négociation. Ce qui se passe en ce moment au Caire est extrêmement important. Il faudrait que les dirigeants israéliens se rendent compte qu’à ne pas accepter une négociation et un cessez-le-feu, et une négociation pour la paix, ils font un tort immense à leur pays, et aussi à leur armée. Tsahal avait la réputation d’être une armée honorable. Elle ne l’est plus lorsqu’elle frappe sur des gens sans défense ».

En terminant, il convient de rappeler que, comme le rappelle Frida Berrigan, de la New America Foundation, information relayée par le quotidien Le Monde, l’intervention d’Israël à Gaza a été menée largement grâce à des armes américaines payées par le dollar du contribuable américain.

En sept ans, sous l’administration BUSH, Israël a reçu plus de 21 milliards de dollars pour la sécurité, dont 19 milliards d’aide militaire dans le cadre du programme de financement militaire à l’étranger (FMF) du Pentagone.

Le plus gros de l’arsenal actuel d’Israël est composé de matériel fourni par des programmes américains d’assistance. Par exemple Israël possède 226 chasseurs F-16 fournis par les États-Unis, ainsi que 700 chars M-60, 6.000 véhicules blindés de transport de troupes, un grand nombre d’avions de transport, d’hélicoptères d’attaque, d’avions d’entraînement, des bombes et toutes sortes de missiles tactiques.

Rien qu’en 2008, les États-Unis ont fait à Israël des offres de ventes d’armes s’élevant à plus de 22 milliards de dollars, parmi lesquelles une proposition de contrat d’un montant de 15,2 milliards pour 75 chasseurs F-35, une autre d’un montant de 1,9 milliards de dollars pour 9 appareils C-130J-30, une autre d’un montant de 1,9 milliards de dollars pour 4 navires de combat littoral avec leurs équipements, et du kérosène pour plus de 1,3 milliards de dollars

Attention, images difficilement supportables d’Al Jazeera. Un père palestinien accablé se lamente, en hébreux, sur le sort de ses quatre enfants assassinés par l’armée israélienne.

Admirable la détermination de cette jeune palestinienne qui s’oppose à l’armée israélienne.

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Classé dans Actualité, Pierre R Chantelois

La blogopédagogie, selon le professeur Hervé

Début de l’année 2009. Tant de misères et de malheurs ont accompagné les dernières heures de 2008 que je sens le besoin d’un havre de paix pour choisir, préparer et rédiger cette chronique. Pour me réconcilier avec la nature humaine, j’ai trié, dans les motifs de bonheur qui pourraient combler les premières heures de 2009, quelques faits divers que j’aurais pu jeter négligemment sur papier. Ou plutôt en binaires. Depuis quelques semaines, il est un sujet qui revient hanter mon imagination parce qu’elle est œuvre elle-même d’imagination.

Permettez-moi de vous parler d’Hervé. Sur son blogue, il est mieux connu sous l’abréviatif de RV. Par amitié, je vais l’appeler RV. Il ne m’en voudra pas. RV est un français qui habite la Haute-Saône. Lui et Christine sont des amoureux fous de la langue. Aucune énigme ne leur résiste. Ils trouvent plus rapidement que tout le monde la solution. Christine est écrivaine. Elle publie. Ceci peut expliquer cela.

Christine et Hervé ont un blogue. D’abord sur le réseau du quotidien Le Monde. Maintenant sur WordPress. Depuis leur transfert sur WordPress, le blogue porte le joli nom de PosutoTwo. La fréquence des visites sur PosutoTwo ferait mourir d’envie des blogueurs, tel votre serviteur. Pourquoi diable PosutoTwo ? D’abord, il faut expliquer l’origine et la raison du choix de Posuto. La première partie de l’explication vient des Posuto eux-mêmes : « Posuto, c’est le nom de notre chien. En 1999, année de son adoption à la sinistre SPA d’une ville minière du Pas de Calais, les chiens devaient s’appeler P…quelque chose. Pouchkine ? Trop intello. Proutprout ? Trop… bref ». Cela étant dit, la deuxième partie explique davantage le choix du mot en lui-même. « À l’époque j’apprenais le Japonais (rectification : je m’étais mis en tête d’apprendre le Japonais avec une méthode lambda, échec total) et les deux seuls mots nippons indiqués en lexique dans ma méthode commençant par ce fameux “ »p« ” cuvée 1999 étaient : Picnic et Posuto. Picnic pour un chien, autant l’appeler Hot Dog… Posuto it was », raconte simplement Hervé.

Voilà. Vous voilà maintenant bien informé. Lorsque le blogue Posuto a quitté le réseau du quotidien Le Monde, version 01, il est devenu PosutoTwo sur WordPress. Les amis des Posuto ont suivi. Simplement.

Il est temps que j’attaque maintenant le motif central de ma chronique sur les Posuto. À vrai dire, sur l’un des protagonistes des Posuto, Hervé. Hervé, c’est un professeur. Pas n’importe quel prof. Il est prof d’histoire et de géographie. Il adore le sport. Si si. Il est un fervent amateur du football américain. Et il en est un connaisseur.

Le 26 novembre dernier, RV a surpris tous ses amis sur son blogue. Je le cite.

Des mots et des lettres en ... binaires

Des mots et des lettres en ... binaires

« Pas de long discours aujourd’hui, mais une série de liens, vers 6 blogs que mes élèves de 1ère ES ont créés, en guise de travail de recherche, sur le thème de l’art de 1850 à 1939. »

« Pour ceux qui penseraient que les adolescents ne sont capables que de pondre de piètres blogs garnis de futilités, et pour les autres, j’espère bien plus nombreux, allez jeter un œil sur ces travaux certes inégaux, mais tous réalisés avec cœur et application. »

« Marjorie et Carole ont choisi Van Gogh, »

« Justine aime les portraits, »

« Fanny met en scène Dali, »

« Une autre Justine présente le réalisme, »

« Aurélie et Laurine braquent le projecteur sur Alfred Sisley. »

« D’autres élèves ont préféré garder leur production pour eux, et je les comprends naturellement. »

Si je vous parle de cette initiative, c’est parce que je souhaiterais bien que vous cliquiez sur chacun des liens proposés. Je ne vous dirai pas mes préférences. Les résultats sont épatants. Cela serait incomplet si je me contentais de vous refiler des liens sans autre commentaire. L’initiative est en soi une idée singulière et très originale. Demander aux élèves de rédiger, chacun à leur manière, selon leur art propre, leur vision et les résultats de leur recherche, un blogue sur un thème central constitue une fort belle convergence entre la pédagogie et les nouvelles technologies de l’information. Et, entre nous, c’est franchement réussi. J’ai puisé là une mine de renseignements qui m’ont enrichi sur le plan culturel.

RV n’allait pas s’arrêter en si bon chemin. Au retour des vacances de Noël, le 4 janvier 2009 plus précisément, RV et ses élèves récidivent. Sous la rubrique « blogopédagogie », notre bon prof de géographie et d’histoire écrit :

Du livre au blog ... la blogosphère en convergence

Du livre au blog ... la blogosphère en convergence

« Dans la foulée du billet précédent, dont le sujet était le rapport à l’histoire et à la mémoire, je mettrai aujourd’hui en exergue une nouvelle série de blogs d’élèves (après ceux de mes 1ère ES, Cf. ce billet). »

« Le sujet est cette fois plus grave : aborder la 1ère ou la seconde guerre mondiale. Même dans leurs maladresses et leurs lacunes, ces blogs reflètent, je l’espère, une prise de conscience de la réalité d’un siècle pas encore très lointain. »

« Voici donc les travaux de mes élèves de 1ère STG 2 (Sciences et Techniques de Gestion) : »

« Julie et Laura ont travaillé sur la propagande nazie, »

« Benjamin a consacré son blog au D-Day, le 6 juin 1944, »

« Cédric et Laury évoquent le Japon pendant la seconde guerre mondiale, »

« Laurine et Alison étudient la vie quotidienne pendant la seconde guerre mondiale, »

« Ferdi et Johann présentent les camps nazis, »

« Marion a choisi la vie dans les tranchées de la 1ère guerre mondiale, »

« David, Stephan et Sevket retracent les grands procès d’après guerre ».

Une fois encore, les résultats sont d’une qualité indéniable. Rigueur de la recherche, présentation visuelle, choix artistiques et éditoriaux, les élèves ont livré là des produits qui leur font honneur.

Pourquoi souligner ces travaux ? Pour deux raisons majeures :

Il m’apparaît important que des initiatives semblables soient d’abord connues au Québec et reprises dans notre réseau scolaire pour que la blogosphère francophone s’enrichisse de ces projets structurés et enrichissants.

La deuxième raison est qu’il est important que de tels projets soient soulignés davantage dans la francophonie. Ce sont là des projets exceptionnels qui confirment le talent et l’enthousiasme des élèves lorsqu’ils sont associés à des projets qui les valorisent et cela, sous la conduite d’un professeur qui en croit en de telles initiatives.

Hervé est un professeur qui n’hésite pas à introduire dans sa formation les nouvelles technologies de l’information. Et qui plus est, ces technologies ont fait l’objet d’une appropriation heureuse d’élèves qui ne demandent pas mieux que cette confiance extraordinaire de leur professeur.

Voilà. Le secret est maintenant éventé. Il faut le diffuser.

Pierre R. Chantelois

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La « rue arabe » assiste avec une rage impuissante à un carnage de grande ampleur.

Hier, mon collègue François a traité en profondeur du conflit de Gaza. Permettez-moi d’aborder un angle différent de ce conflit. Le point de vue arabe. Le mercredi 30, Djamel Bouatta écrit dans la Liberté (Algérie)  : « Le monde arabe pourtant lié par la langue, la culture et la religion est toujours victime de ses propres jeux et calculs politiciens, de son incapacité à exorciser ses pesanteurs et des refus de ses dirigeants de s’ouvrir sur leurs sociétés lesquelles, aujourd’hui, exigent la dignité, la considération et la démocratie. Israël, bien entendu, se réjouit du discrédit de ses voisins, de la paralysie de la Ligue arabe et s’emploie maintenant à donner le coup de grâce à un Hamas certes islamiste mais qui reste le seul à résister avec des Katioucha bricolés par des ferrailleurs et qui, de toute évidence, ne fait pas le poids face au rouleau compresseur israélien. Israël prend même son temps, largement. Les pays arabes aussi, qui ne se réuniront que dans trois jours, lorsque seront bouclées les fêtes de fin d’année musulmane et chrétienne ! Pour l’histoire, les régimes auront laissé Israël achever son sale boulot, réaliser sa solution finale. Quoi d’étonnant que, du Caire à Beyrouth en passant par Bagdad et la Cisjordanie, les manifestations de rue dénoncent la « lâcheté arabe » et donnent du crédit aux islamistes. Du pain béni pour ces derniers qui exploitent avec brio la fermeture du champ politique et médiatique et la liberté d’expression sur fond de répression et de violations de toutes sortes qui caractérisent le monde arabe d’aujourd’hui ».

Si la diplomatie s’active, elle n’est pas arabe, pour l’heure. Les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne en appellent à Paris à un « cessez-le-feu permanent » à Gaza. Pour Le Quartette pour le Proche-Orient, il doit également en aller ainsi  : « un cessez-le-feu « immédiat ». Le 28 décembre, Gulf News constatait que  : « Tandis que Gaza brûle, les responsables sont au téléphone pour tenter d’obtenir une réunion d’urgence des pays arabes. Le plus tôt possible, nous dit-on, sera vendredi. D’ici là, il y aura moins de Gazaouis dans la bande de Gaza. Et la campagne sanglante d’Israël aura baissé en intensité. Cela convient à l’évidence aux responsables arabes. La pression exercée par l’opinion publique arabe pour prendre de difficiles mesures aura baissé. Ils pourront ensuite blâmer le Hamas pour le carnage ».

Sur El-annabi, Amine B., La voix de L’Oranie, s’interroge à juste titre  : « On parle d’un sommet extraordinaire de la Ligue arabe, ce vendredi à Doha, dont la tenue n’a pas été confirmée. […] Les pays qui y seront présents (9 sur 22 seulement ont donné leur accord jusque-là), devront plancher sur deux points principaux qui seront à l’ordre du jour. Le premier a trait à l’arrêt des attaques israéliennes, le second à la relance rapide d’une seconde trêve entre le Hamas et Israël. Ces deux points sont difficiles à atteindre, non pas à cause de la supériorité militaire prétendue d’Israël dans la région (qui n’est en vérité que celle des États-Unis), mais parce que Tel-Aviv lie les deux points, à savoir que les attaques continueront tant que le Hamas ne sera pas bouté au large de Gaza, pour reprendre les propos des responsables israéliens coupables de la boucherie toujours en cours ».

Gilbert Achcar enseigne à l’Université de Paris-VIII et à l’Université américaine de Berlin. Selon ce dernier, dans un article qu’il a fait paraitre sur Mediapart, l’assaut meurtrier qu’Israël a perpétré contre Gaza était tellement prémédité qu’il était annoncé à l’avance, samedi matin, dans plusieurs quotidiens arabes. […] Walid Awad, le correspondant du quotidien, rapportait avoir appris « de source diplomatique arabe digne de confiance que le général Omar Suleiman, chef des renseignements égyptiens, a informé certaines capitales arabes qu’Israël allait lancer une offensive limitée contre la bande de Gaza pour exercer une pression sur le mouvement Hamas afin de l’obliger à accepter une trêve sans conditions préalables. Ces sources ont ajouté que le général Suleiman a insisté auprès de la ministre israélienne des affaires étrangères, Tzipi Livni, sur la nécessité d’éviter de faire des victimes parmi les civils durant l’opération militaire afin que des photos d’innocents ne soient pas utilisées pour exciter la rue arabe. […] La collusion avec Israël des « Arabes de l’Amérique », comme les appelle « la rue arabe », c’est-à-dire les monarchies pétrolières du Golfe, la monarchie jordanienne et l’Égypte, est ainsi exposée au grand jour ».

Lors de sa rencontre avec la ministre israélienne des Affaires étrangères, Tzipi Livni, avant l’intervention massive d’Israël à Gaza, le président égyptien, Hosni Moubarak, avait incité les belligérants à la modération. Il disait vouloir éviter toute escalade militaire. Tzipi Livni n’a pas manqué de rappeler l’importance, pour Israël, des relations avec l’Égypte.

L’Égypte se situe entre le marteau et l’enclume  : elle demande d’une part une retenue d’Israël et, d’autre part, une cessation des tirs de roquettes, par le Hamas, sur le territoire israélien. Mme Livni a déclaré avoir discuté avec le président Moubarak « ouvertement et franchement » sur l’état de la situation à Gaza. Comme il fallait s’y attendre, Madame Livni a attribué la détérioration de la situation au Hamas. Les attaques quotidiennes contre Israël constituent, aux yeux de la ministre israélienne des Affaires étrangères, un obstacle vers l’établissement d’un État palestinien indépendant. Et la ministre a, par la même occasion, demandé aux ambassadeurs d’Israël à travers le monde de faire des efforts afin d’obtenir du soutien à l’opération anticipée dans la bande de Gaza.

De cette rencontre stratégique, avant les événements du samedi 27 décembre, il semble que seule la voix israélienne a dominé l’actualité. Est-ce par un effet de sa bienveillante neutralité, toujours est-il que peu de protestations se sont élevées au Caire pour dénoncer de la plus verte façon cette intervention massive à Gaza.

L’intervention est plutôt venue d’Abdallah II, de Jordanie. Dès samedi, il a appelé la communauté internationale à réagir. Il a déclaré que la violence ne fera qu’aggraver le conflit et ne ramènera pas la sécurité à Israël. Le roi a demandé au gouvernement jordanien de prendre toutes les mesures pour soutenir les Palestiniens de Gaza. Le roi entend également fournir l’assistance humanitaire et médicale pour aider Gaza à surmonter les difficultés causées par « l’agression et le siège d’Israël » (sic).

La démarche du Roi de Jordanie ne s’est pas arrêtée là. Il a multiplié les contacts diplomatiques avec des dirigeants arabes et des leaders politiques mondiaux. Il s’est entretenu avec Hosni Moubarak et le président palestinien, Mahmoud Abbas. Ce dernier, qui a rencontré dimanche Hosni Moubarak au Caire, vient d’appeler dimanche le Hamas à conclure une nouvelle trêve avec Israël. Les ministres arabes des Affaires étrangères, qui se réuniront mercredi toujours au Caire, lanceront un message similaire au Hamas  : il faut conclure une nouvelle trêve.

Une nouvelle fois, le Roi Abdallah franchit un pas que ne semblent pas franchir les diplomates égyptiens et arabes, dans leur ensemble. Il demande clairement à la communauté internationale d’assumer ses responsabilités légales et morales vis-à-vis du peuple palestinien en exigeant d’Israël de cesser ses agressions contre la bande de Gaza.

L’une des conséquences de cette intervention d’Israël à Gaza est la réaction de la rue arabe à l’égard d’Hosni Moubarak. L’ambassade d’Égypte à Beyrouth était dimanche la cible de pierres lancées par des centaines de manifestants. Les slogans sont nettement hostiles au président Moubarak en Égypte. La foule lui reproche d’être complice du blocus israélien. L’accusation est de taille  : « Moubarak et Livni se sont mis d’accord sur le génocide du peuple palestinien », pouvait-on lire sur des pancartes brandies par la foule. 2.000 Égyptiens ont manifesté et accusé de « complicité » le président égyptien Hosni Moubarak. Ces voix de la rue arabe n’ont, selon toute vraisemblance, pas entendu le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Hossam Zaki qui a déclaré à l’AFP avoir convoqué l’ambassadeur israélien pour lui signifier que l’Égypte refusait cette agression. Et ces mêmes voix de la rue n’ont pas entendu la condamnation de leur pays. En effet, si l’Égypte a bien condamné les agressions militaires israéliennes sur la bande de Gaza et fait porter la responsabilité à Israël, en tant que force d’occupation, des morts et des blessés, il semble que ce message ait peu porté.

La question se pose  : Hosni Moubarak a-t-il été ou non informé par Tzipi Livni sur la nature même de l’intervention d’Israël à Gaza et a-t-il conclu une entente de non-intervention publique  ? Selon le Hamas lui-même, les raids israéliens sont « un complot orchestré » avec l’Égypte. C’est tout de même depuis le Caire que la ministre des Affaires étrangères a rendu public son intention de ne plus laisser la situation se dégrader sur le territoire israélien. « Le fait que le Hamas continue de tirer sur les Israéliens et les communautés israéliennes est inacceptable », avait-elle déclaré. Mme Livni avait promis des représailles contre le Hamas. L’opération a-t-elle été menée que pour renverser le Hamas, avec un silence complice de l’Égypte  ? Des voix s’élèvent pour confirmer ce doute.

Samedi, Israël a procédé à une attaque massive contre des installations du Hamas dans la bande de Gaza. Tel-Aviv vient de sortir l’artillerie et bombarde Gaza. Opération « plomb durci » ! Soixantaine appareils israéliens ont bombardé une cinquantaine de sites du mouvement islamiste. Bilan encore provisoire  : 228 morts et plus de 700 blessé. C’est le plus lourd depuis 60 ans. Pour Tzipi Livni, ces raids menés contre le Hamas sont justifiés  : « Il n’y a pas d’autre option qu’une opération militaire ». Pour passer en revue les préparatifs de cette attaque massive, il vous faudra lire Haaretz qui relate les faits saillants qui ont marqué, du point de vue interne, l’intervention israélienne à Gaza.

Intrinsèquement, ce que craint foncièrement l’Égypte, n’est-ce pas un regain de violence qui ne pousse la population de Gaza à forcer sa frontière, comme en janvier 2008  ? Elle a déployé près de 500 policiers des forces antiémeutes tout au long de la frontière avec la bande de Gaza après les raids israéliens. Hosni Moubarak a donné des instructions pour ouvrir le terminal afin d’accueillir les blessés palestiniens. De son côté, Hassan Nasrallah a, selon l’AFP, appelé dimanche le peuple égyptien à descendre « par millions » dans la rue pour forcer l’ouverture du terminal de Rafah, frontalier de la bande de Gaza. Qui parle au nom de qui  ?

Selon Le Monde diplomatique, « l’accord comprenait, outre le cessez-le-feu, la levée du blocus de Gaza et un engagement de l’Égypte d’ouvrir le passage de Rafah. Or, non seulement Israël a violé l’accord de cessez-le-feu en lançant une attaque qui a tué plusieurs personnes le 4 novembre, mais les points de passage n’ont été rouverts que très partiellement, et le blocus s’est même renforcé ces dernières semaines ».
Kadhafi n’a pas raté l’occasion pour fustiger ses homologues. Il a qualifié de « lâche et défaitiste » l’attitude des pays de la région face à l’offensive israélienne. Il refusera même, comme l’indique le quotidien Le Monde, de participer à un « sommet qui fait jouer un disque rayé depuis longtemps ». Selon le porte-parole de la Maison Blanche, le roi Abdullah d’Arabie Saoudite s’est entretenu, samedi, par téléphone, avec Georges W. Bush  : « Superpowers should take responsibility to stop these attacks. The attack was a continuation of Israeli policies of occupation and mistreatment of Palestinians. Major countries should shoulder their responsibilities to stop this Israeli attack and save the lives of the innocent and remaining infrastructure in the Palestinian territories », a déclaré le Roi.

Le Quotidien d’Oran est sanglant  : « Le bilan des attaques aériennes barbares de l’armée israélienne contre la population de Ghaza s’aggrave d’heure en heure. Dans le monde arabe, les officiels, soucieux de ne pas déplaire aux Américains, se livrent à des atermoiements alors que les opinions publiques expriment, là où elles le peuvent, une rage impuissante. […]Si les États arabes étaient des démocraties, la plupart des gouvernements seraient tombés. Ces jours de carnage démontrent, de manière saisissante et sanglante, que le centre occidental a besoin que les régimes autoritaires arabo-islamiques perdurent. Il ne faut donc pas se surprendre à lire dans la presse occidentale que les tirs de roquettes de la résistance palestinienne sont des «crimes de guerre» et que les bombardements aériens israéliens ne sont que de la légitime défense. Le discours des propagandistes israéliens consiste à imputer les pertes civiles palestiniennes au Hamas. Certains, y compris dans la cour du fantomatique président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, relaient ce discours de justification ».

L’Égypte a-t-elle toujours une autorité morale pour chercher à établir une trêve entre les belligérants  ? Il y a d’abord l’axe le Hamas et le Fatah. Il y a ensuite l’axe le Hamas et Israël. Puis, l’axe la Palestine et Israël. Beaucoup de divisions et très peu de points communs. Comment Mahmoud Abbas, qui campe résolument sur ses positions, peut-il changer la situation à Gaza en imposant des conditions qu’il sait inacceptables au Hamas  ? Comment le Hamas peut-il se déclarer ouvert à un dialogue avec le Fatah lorsqu’il persiste à ne pas reconnaître la légitimité de l’État d’Israël  ? L’Égypte, qui entretient des relations diplomatiques avec Israël et qui est parvenue à conclure une première trêve entre le Hamas et Israël, aura-t-elle l’autorité nécessaire, cette fois, pour amener les belligérants à conclure un nouvel accord  ?

La mise au ban du Hamas est-elle une voie vers la réconciliation des frères ennemis  ? Et que dire des accointances entre l’Égypte et les États-Unis qui ont, dans un premier temps, dénoncé, prudemment l’intervention israélienne  : « Les États-Unis tiennent le Hamas pour responsable de la violation du cessez-le-feu et du regain de violences à Gaza », a déclaré Condoleezza Rice. Ce qu’elle n’a pas osé dire franchement est venu de Gordon Johndroe, porte-parole du Conseil national de sécurité de la Maison Blanche, qui a dénoncé plus bruyamment  : « Ces gens (le Hamas) ne sont rien d’autre que des voyous et Israël défend son peuple contre les terroristes comme le Hamas » (completely unacceptable. These people are nothing but thugs – New York Times). Pour Gordon Johndroe  : « Le Hamas doit mettre fin à ses activités terroristes s’il veut jouer un rôle dans l’avenir du peuple palestinien ».

Stigmatiser et isoler le Hamas sont-elles les voies de l’avenir  ? Une banderole, entre les mains d’un manifestant, indiquait  : « Derrière les bombardements, il y a le silence des Arabes ». Aux manifestants qui ont tenté de s’approcher de l’ambassade d’Égypte, à Beyrouth, pour demander à l’Égypte d’ouvrir ses frontières, la police leur a servi des gaz lacrymogènes. Beyrouth n’est pas Londres ou Paris.

Les pays arabes sont capables d’ententes qui leur sont propres. Au Conseil de coopération du Golfe (CCG), l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, l’Oman, le Qatar, le Bahreïn et le Koweït signeront un pacte monétaire. Sera-t-il question de Gaza  ? Un responsable du ministère omanais de l’Économie a, selon l’Express, répondu qu’il « ne pense pas que l’ordre du jour sera bouleversé ».

Comme l’indique le Quotidien d’Oran (déjà cité) : « Le fossé entre les régimes et la population ne fait que s’élargir. Mais les régimes autoritaires ayant verrouillé aussi bien les champs d’expression que les mécanismes de changement, ces colères n’auront pas de traduction politique. Les États veilleront à ne pas déplaire à Washington. D’où les tergiversations à tenir un sommet arabe qui, c’est prévisible, n’aboutira à rien d’autre qu’à aggraver le discrédit des régimes ».

Pierre R. Chantelois

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La culture n’est pas au rang des priorités du Premier ministre Stephen Harper

L’affaire fait grand bruit. Les Posuto ont traité l’affaire sur leur site, en France. De quelle affaire s’agit-il? De l’envoi d’un quarante cinquième livre au Premier ministre Stephen Harper, au 80, rue Wellington, à Ottawa. L’expéditeur est Yann Martel, écrivain, auteur du roman L’histoire de Pi. Pour ce dernier, le Premier ministre conservateur néglige la culture et les arts. Rien de moins. Il semble qu’il ait raison : les envois n’ont fait l’objet, à l’exception du premier, d’aucun accusé de réception. Lettre morte.

« Les arts ne sont pas prioritaires aux yeux de Stephen Harper », explique Yann Martel. De simple boutade au début, la rigueur et la discipline auxquelles s’astreint Yann Martel sont devenues de plus en plus lourdes à gérer. L’écrivain doit choisir le livre, le lire et le relire afin de le maitriser dans les plus menus détails pour, à la fin, rédiger, à l’intention de Stephen Harper, une lettre explicative résumant l’ouvrage.

Le dernier envoi, fait d’Angleterre, en raison de la présence de Yann Martel dans ce pays, devrait faire connaître au premier ministre du Canada « les fictions » de Jorge Luis Borges. Chaque envoi fait l’objet d’un suivi sur le site web de Yann Martel : en français ici, et en anglais, .

Yann Martel s’interroge à propos de Stephen Harper : « Qui est cet homme? Qu’est-ce qui le mobilise? Il ne fait aucun doute qu’il est occupé. Aucun doute que cette activité débordante est porteuse pour lui de grandes illusions. Aucun doute que d’être Premier ministre accapare toute son attention et mousse à son comble son sens de l’importance de son activité. Aucun doute qu’il a l’air et qu’il gouverne comme quelqu’un qui se préoccupe peu ou prou des arts. Mais il doit bien avoir des moments de quiétude. Alors voici ce que je propose: non pas de l’instruire — ce serait arrogant — mais moins que ça, de faire des suggestions à sa quiétude ».

Nous sommes face à un premier ministre de droite pour qui les arts n’occupent qu’une place mineure dans les priorités de son gouvernement. Selon la Conférence internationale des arts de la scène (CINARS), après avoir consulté les entreprises culturelles canadiennes et québécoises, en vient à la conclusion que :

  • 3395 représentations prévues seront annulées;
  • les compagnies des arts de la scène perdront plus de 24,8 millions de dollars en revenus générés par la vente de billets;
  • des centaines de techniciens et d’artistes seront touchés soit par la perte de leur emploi, soit par l’annulation ou par l’abrégement d’un contrat;
  • les équipes techniques et les artistes perdront plus de 8,9 millions de dollars en salaires et cachets.

Ces chiffres ne sont qu’un aspect des conséquences de l’abolition des programmes PromArt et Routes commerciales sur l’activité des entreprises culturelles à l’étranger. Et pour le président de la Conférence internationale des arts de la scène (CINARS), Alain Paré, « le Québec sera la province la plus touchée, car nos compagnies sont celles qui tournent le plus à l’étranger. Le Québec s’est toujours démarqué par la force de ses compagnies liées aux arts de la scène, alors que l’Ontario reçoit plus de subventions dans le domaine du cinéma ou de la littérature ».

Pour cet homme qui ne répond pas aux livres que lui envoie gratuitement Yann Marte, pour cet homme qui fait passer les arts au rang de sous-catégorie de l’activité économique, pour cet homme pour qui la survie culturelle du Québec ne trouve aucune grâce à ses yeux, la décision de son gouvernement est non seulement injustifiable économiquement, comme l’explique CINARS, mais elle précipitera des pertes d’emplois dans des organismes culturels déjà menacés par la crise, nuira de façon irréversible à la compétitivité de nos artistes à l’étranger et minera la confiance de nombreux partenaires étrangers.

Carole Lavallée, critique du Bloc québécois (BQ) en matière de culture, déclarait, face aux pertes importantes de l’ordre de 25 millions de dollars dans le secteur de la culture, déclarait : « Tout ce qu’on souhaite, c’est que M. Harper entende raison et fasse des concessions d’ici le dépôt de son nouveau budget. Le rétablissement des programmes était une condition sine qua non pour le maintien de la coalition, et M. Ignatieff devra négocier cela s’il veut obtenir notre appui pour le budget ». La coalition aurait présenté plusieurs demandes, dont certaines au chapitre de la culture. Il faudra voir la suite que donnera à ces demandes le gouvernement conservateur minoritaire de Stephen Harper.

Il faudra attendre et voir comment le chef libéral Michael Ignatieff négociera le retour des programmes de financement de la culture dans le prochain budget conservateur. L’homme de culture, l’universitaire, l’homme de rigueur, l’érudit cèdera-t-il aux concessions politiques pour gagner du temps avant le déclenchement d’élections générales au pays ?

Dans son premier envoi – La mort d’Ivan Illitch de Léon Tolstoï – Yann Martel allait droit au but dans sa lettre à Stephen Harper. Son propos était émouvant. « Je sais que vous êtes très occupé, Monsieur Harper. Nous sommes tous occupés. Les moines qui méditent dans leur cellule sont occupés. C’est le sort de la vie d’adulte, pleine jusqu’au plafond de choses à faire. (On dirait qu’il n’y a que les enfants et les vieillards qui ne sont pas affligés d’un manque de temps — et voyez comme ils jouissent de leurs lectures, comme leur vie illumine leur regard.) Mais chacun dispose d’un espace, près de là où il ou elle va poser la tête pour dormir, que ce soit sur un bout d’asphalte ou une jolie table de nuit. À cet endroit, le soir, un livre peut briller. Et dans ces moments d’éveil tranquille, quand nous commençons à lâcher prise des tracas du jour, voilà venu l’instant parfait pour prendre un livre et devenir quelqu’un d’autre, de se trouver ailleurs, le temps de quelques minutes, le temps de quelques pages, avant de nous endormir. Et il y a bien sûr d’autres possibilités. Sherwood Anderson, l’écrivain américain bien connu pour son recueil de nouvelles intitulé Winesburg, Ohio a écrit ses premières histoires au cours de ses trajets quotidiens en train. On dit que Stephen King ne manque jamais d’apporter un livre à lire pendant les intermèdes de ses chères parties de baseball. C’est vraiment une question de choix ».

Et à cet homme de pouvoir qui n’a guère le temps de répondre à l’expéditeur de ces 45 livres, Yann Martel, comme dans une prémonition, rappelle : « La terre chinoise, de Pearl S. Buck, demeure cependant une excellente introduction à la Chine de naguère et une parabole convaincante sur la fragilité de la bonne fortune, la perte possible de ce qu’on a gagné, la destruction facile de ce qu’on a construit. Vous n’allez pas manquer de remarquer cela, pris comme vous l’êtes au cœur d’une tempête politique. Le sort d’un homme politique est terriblement incertain. Pearl Buck est une habituée de toutes les librairies de livres d’occasion. On continue de la lire beaucoup. Son nom rappelle de beaux souvenirs. Tandis que des hommes politiques, quand ils partent, quand ils quittent la scène, en résistant parfois bruyamment, partent véritablement, ils disparaissent. Et bientôt les gens se creusent la tête pour essayer de se souvenir quand, exactement, ils ont été au pouvoir et ce qu’ils ont accompli ».

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À Montréal, 112 000 personnes ont recours chaque mois à une banque alimentaire

Montréal a, lors de son dernier conseil, refusé d’adopter une motion présentée par l’opposition officielle en faveur d’une aide d’urgence de 500 000 $ pour les banques alimentaires de Montréal. Gérald Tremblay a dit au maire de Ville-Marie, Benoit Labonté, qu’il n’avait pas « besoin des trémolos dans la voix du chef de l’opposition » et l’a invité à aller servir des repas à l’Accueil Bonneau le 4 janvier. Benoit Labonté, chef de l’opposition officielle et maire de l’arrondissement de Ville-Marie, s’est dit déçu et abasourdi, soulignant que la Ville prévoyait un surplus de 51 M$ cette année et que la demande en aide d’urgence ne réprésentait donc que 1 % de ce montant. (Cyberpresse)

Au Québec, selon l’Association québécoise des banques alimentaires et des Moissons en partenariat avec Banques alimentaires Canada, un nombre de plus en plus croissant de familles doivent maintenant avoir recours aux banques alimentaires. Les banques alimentaires aident un nombre élevé de familles, certaines recevant un revenu d’emploi.

Selon l’étude Bilan faim 2008, publiée en novembre 2008, l’Association québécoise des banques alimentaires et des Moissons, en partenariat avec Banques alimentaires Canada, rapporte qu’un nombre de plus en plus croissant de familles doivent maintenant avoir recours aux banques alimentaires.

  • 14,5 % des personnes aidées par les banques alimentaires en 2008 étaient des travailleurs. C’est un sommet.
  • Chaque mois, 704 414 Canadiens, y compris 112 000 à Montréal seulement, ont recours à une banque alimentaire, dont 37 % sont des enfants.
  • 42 % des banques alimentaires au Canada ont vu une augmentation de la clientèle en 2008.
  • Le Québec, avec une augmentation de 3,3 %, présente la plus forte hausse d’utilisation des banques alimentaires au pays.
  • En mars 2008, 3 091 777 repas ont été servis par des soupes populaires. Ça représente une augmentation de 32 % par rapport à 2007.

Au Québec, on estime que 156 215 personnes ont reçu l’aide d’une banque alimentaire en mars 2008. Par ailleurs, après plus de 10 années de croissance économique, l’utilisation des banques alimentaires reste 6 pour cent plus élevée qu’en 1997, la première année où des données comparables ont été recueillies. Le pourcentage de familles québécoises recourant à l’aide alimentaire est passé de 22,4 pour cent de l’ensemble des ménages en 2007, à 30,6 pour cent en 2008, alors qu’à l’échelle canadienne, le pourcentage de tous les ménages ayant un revenu d’emploi et recourant à l’aide alimentaire, est passé de 11,9 pour cent en 2002 à un taux sans précédent de 14,5 pour cent en 2008.

Le Collectif pour un Québec sans pauvreté regroupe 32 organisations nationales québécoises, populaires, communautaires, syndicales, religieuses, féministes, étudiantes, coopératives ainsi que des collectifs régionaux dans quinze régions du Québec. Selon cet organisme, « les gouvernements font peu d’efforts pour améliorer les conditions de vie des plus pauvres, surtout celles des personnes seules, et la crise économique n’annonce rien de bon ».

Le Collectif pour un Québec sans pauvreté en vient à la conclusion suivante : « Depuis cinq ans, les personnes sans contrainte à l’emploi et les contraintes temporaires sont indexées à moitié du coût de la vie. En janvier 2008, ils ont eu une indexation de 0,6 % soit une augmentation de 3 $ par mois. On constate également un appauvrissement des personnes qui bénéficient de l’aide en raison du fait que les tarifs augmentent pour tout le monde : l’électricité, le panier d’épicerie, le logement, le transport, les loisirs, etc. ».

À l’exception de Québec solidaire, quel parti politique s’est vraiment intéressé, au cours de la dernière campagne électorale, aux plus pauvres de la société ?

« La richesse d’une société ne se mesure pas », rappelait en début de décembre la Coalition des Tables régionales d’organismes communautaires, « au nombre de ses millionnaires et de ses paradis fiscaux ! Au contraire, la richesse collective c’est d’assurer à tous les citoyennes et citoyens le respect de droits aussi essentiels – et reconnus par l’ONU – que le droit à des conditions de vie et de travail décentes, à la santé, à l’éducation, à la culture et à un environnement sain ».

Pierre R. Chantelois

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