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Question de tirer au fusil sur les subventions publiques aux partis…

Durant cette campagne électorale, il y a deux thèmes chers aux conservateurs qui me font tiquer : la promesse de Stephen Harper d’abolir une grande partie du registre des armes à feu et son voeu de couper les subventions publiques aux partis politiques.

Pour ce qui est des armes à feu, il y a quelque chose qui me semble contradictoire. N’est-il pas celui qui donne beaucoup d’importance à la lutte contre la criminalité (à sa manière) en allongeant « les peines minimales pour les crimes graves commis avec des armes à feu »? N’est-il pas celui qui a fait augmenter les dépenses dans les services correctionnels « de près de 80 % »?

Il ne veut pas améliorer le registre, mais bien l’abolir, enfin, « abolir l’obligation d’enregistrer les armes longues, comme les fusils de chasse » (lire : faire plaisir aux chasseurs). Ça dépasse l’entendement quand on ne comprend pas ce que cela signifie entre les lignes. ll y a un lien à faire avec ce satané désir de liberté calqué sur nos voisins du sud, comme quoi l’État ne va pas nous dire quoi faire (je suis d’accord en partie avec ça, mais il y a des limites : posséder une arme n’est pas la même chose que faire ce qu’on veut dans notre chambre à coucher). Pourtant, ça prend un permis pour conduire une voiture et il faut qu’elle soit enregistrée (même que le coût de tout ça n’est jamais remis en question). On parle d’armes, pas de jouets pour les enfants. Et quand on sait que les « corps de police canadiens, dont la SQ et la GRC, sont contre l’abolition », c’est encore plus absurde.

D’un côté, on amplifie la répression alors que le taux de criminalité baisse (au Canada — et aux États-Unis, où « on incarcère cinq fois plus qu’au Canada »). Et de l’autre on veut laisser libre court à la liberté des armes de chasse, celles-là mêmes qui peuvent autant tuer des humains que les autres. C’est là où le bât blesse. Parce qu’en soi, une arme, c’est un condensé de possibilités de meurtres. Le seul fait qu’elle existe crée un danger qu’il faut au moins baliser. C’est la moindre des choses. Et puis, je ne comprends tout simplement pas ce qu’il y a de si excitant pour les chasseurs et agriculteurs dans cette promesse électorale. Est-ce vraiment une si grande insulte à leur intelligence que de leur demander d’inscrire leurs armes dans un registre? À moins que cette obligation ne soit prise comme une injure, l’injure d’être mis dans le même panier que les membres des clubs de tirs…

Pour ce qui est de la question de couper les subventions publiques aux partis politiques, elle est très certainement partisane. C’est bien connu, le parti conservateur n’a pas trop de problèmes, comparativement aux autres partis, à remplir ses coffres. Il ferait ainsi une pierre deux coups! Couper l’herbe sous le pied de ses adversaires et, pour l’avenir, s’installer comme nouveau parti naturel de gouvernance du Canada « (Natural Governing Party) ». Mais, globalement, le plus grave dans tout ça, c’est que ce possible abandon des subventions aux partis ouvre toute grande la porte à une augmentation du pouvoir des plus riches, à une ploutocratie. Déjà que la démocratie comme on la vit est déjà bien malmenée.

Dans le fond, il n’y a rien de plus simple comme calcul. Ce ne sont pas les pauvres ni même la classe moyenne qui ont les moyens d’encourager les partis politiques. Quel que soit le parti qui donnera le plus de bonbons à la classe riche, il obtiendra le plus d’argent. Oublions alors l’idée même d’équité en politique et quelque chose qui ressemblerait un peu à l’équilibre des chances. Encore plus loin, imaginons tous les partis tentant de séduire la classe riche dans le but de simplement survivre. Pour contrer cela, il faudrait un puissant mouvement populaire qui ne semble pas près de poindre à l’horizon.

Certains argueront qu’il est question de liberté individuelle versus de la mainmise de l’État, mais ils oublieront de dire qu’au final cette idée de liberté se monnaye. Dans ce cas, peut-on encore parler de liberté?

 

(Photo : roel1943)

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UPA et Union des paysans: il est temps d’enterrer la hache de guerre

Les producteurs agricoles membres de l’UPA n’ont rien à craindre des «paysans-artisans» qui font des produits du terroir de plus en plus appréciés. Bien au contraire. La guerre sourde qui fait rage depuis quelques années entre les «agriculteurs» et les «paysans» doit prendre fin. Cela urge.

Dans le coin droit: l’UPA, «43 147 producteurs et productrices agricoles œuvrant au sein d’environ 30 463 entreprises agricoles», comme le précise leur site. De l’autre, l’Union paysanne (nombre de membres non divulgué sur leur site Web). Plus de 85 % des produits agricoles québécois sont mis sur le marché collectivement par l’UPA. David contre Goliath.

Dernières victimes: quelques centaines d’artisans fromagers qui font des «produits du terroir» laissés à eux-mêmes, peu organisés, quoique la crise de la listeria les a amenés enfin à se regrouper, comme l’a confirmé Eric Proulx de la Ferme Tourilli lors d’une récente émission Maisonneuve en direct.

Vous et moi sommes pris en otage dans cette guerre stupide entre deux modes de production qui doivent plutôt se comprendre et s’unir. J’aime les fromages de la ferme Tourigny. J’aime aussi le lait de la Coop fédérée. Parfois, j’achète du lait de chèvre de provenance «bio».

Pourquoi n’aurais-je pas le droit d’être au deux?

Mesdames et messieurs les agriculteurs et paysans, mesdames et messieurs les fabricants en usine et artisans, j’en appelle à votre solidarité envers les pauvres témoins de vos chicanes que nous sommes. Bas les armes !

Si, comme moi, vous avez vu «Le reel du fromager» et senti le «motton» monter en vous, vous comprenez à quel point la guéguerre entre l’UPA et l’Union des paysans fait des ravages.

Si, comme moi, vous entendez les sophismes du ministre de l’UPA – pardon de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec -, vous comprenez à quel point nous ne sommes pas sortis du bois.

Dans toutes les fermes du Québec, peu importe leur grandeur, il y a des chiens et des chats qui s’entendent, ma foi fort bien, entre eux. Pourquoi n’est-ce pas le cas de l’UPA et de l’Union paysanne?

Le rapport Pronovost est un modèle de compromis et pourtant il est perçu par les uns comme une condamnation en règle des agriculteurs, par les autres comme un deuxième Capital menant vers le Grand Soir.

De grâce, lisez-le.

Les auteurs du rapport ne condamnent pas plus l’UPA et les agriculteurs plus «industriels» qu’il ne sanctifie les «paysans-artisans» du milieu alimentaire. Il dit simplement ceci: il faut régler le problème de la pollution et donner aux produits du terroir le même soutien dont bénéficient les autres agriculteurs.

Il me semble que ce n’est pas sorcier.

Si j’ai envie d’un bon fromage artisanal, est-ce que je devrai bientôt me contenter des produits du terroir de la France parce que mon gouvernement veut ménager la chèvre et la chèvre?

L’UPA est perdante dans son attitude actuelle. Je suis «un gars de la ville» fatigué de regarder le triste spectacle de ces frères ennemis qui se chamaillent pendant que la grange brûle. Allez, un petit effort, serrez-vous la main et commencez enfin à travailler ensemble dans l’intérêt des Québécoises et des Québécois.

Avant que les géants de l’alimentation d’ici vous aient définitivement tourné le dos.

On pourra toujours boire du lait coupé à la mélamine.

Addendum: si vous comprenez l’anglais, je vous conseille l’excellente conférence What’s wrong with what we eat de Mark Bittman. Les femmes et les hommes du Québec qui produisent ce que nous mangeons auraient tellement mieux à faire pour notre santé que de se chicaner entre eux.

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Classé dans Actualité, Michel Monette