Archives de Tag: Amérique française

La bataille des Plaines d’Abraham sera-t-elle un jour terminée?

La décision de mettre autant d’emphase sur la bataille des Plaines d’Abraham l’année suivant Québec 2008, si peu riche en rappels historiques, n’était pas l’idée du siècle. D’abord parce que cet événement soulève encore, 250 ans plus tard, beaucoup de passions. Ensuite parce que l’HISTOIRE semble avoir trouvé son chemin vers Québec cette année, après s’être égarée Dieu sait où l’an passé.

L’historien Gaston Dêchesne souligne sur son blogue, en réponse à un éditorial de François Bourque, la disproportion entre 2008 et 2009 dans la place que nos institutions culturelles accordent à l’histoire : «C’est fort ironique. Les origines de l’Amérique française n’offraient pas assez d’intérêt en 2008 mais la fin de la Nouvelle-France sera soulignée en double en 2009.»

Jugez-en par vous-mêmes :

En 2008, le Musée national des beaux-arts du Québec (MNABQ) a vite expédié une exposition sur l’histoire des arts à Québec pour faire de la place à celle sur le Louvre qui a tenu l’affiche tout l’été, mais qui était sans rapport avec l’anniversaire de Québec. Le Musée de la Civilisation a offert une modeste « exposition » sur Champlain (un film en fait, dans une annexe) et une autre sur monseigneur de Laval. L’histoire de Québec, du Québec et de l’Amérique française? On ne l’a vue dans aucune exposition d’envergure.

Arrive 2009. Au MNABQ, on présentera tout l’été « une exposition qui soulignera le 250e anniversaire de la prise de Québec ». Le Musée de la civilisation ne sera pas en reste avec, à compter de juin, une exposition sur « La guerre de Sept ans », cette période « au cours de laquelle s’est conclu le sort de la Nouvelle-France ».

Les célébrations de 2009.

Cerise sur le gâteau, la Commission des Champs de bataille nationaux n’a rien négligé côté histoire : «reconstitutions, expositions, colloque, animations diverses et rappels historiques dans Québec et sa grande région [pour souligner le 250e anniversaire de la bataille des Plaines d’Abraham]», peut-on lire sur le site de la Commission.250e-visueltexte-internet_000

En plus, toujours sur le site de la Commission, la Bataille est présentée comme un combat entre gentlemen (merci à lafelee, Juste un peu frustrée, d’avoir attiré mon attention sur cette représentation idyllique aussi tordue d’un combat où personne ne fit dans la dentelle).

Nous aurions bien besoin du psychiatre Camille Laurin pour nous expliquer cet étonnant paradoxe d’un peuple qui fait une telle mise en scène historique d’une défaite après avoir été si avare de la dimension historique dans les festivités soulignant le 400e de sa naissance.

Par contraste, Oama n’a pas hésité à souligner la force de caractère des Pellerins pour appeler ses compatriotes à se relever les manches. Ici au Québec, ce ne sont pas les hommes et les femmes de caractère qui manquaient parmi nos ancêtres et qui pourraient nous inspirer encore aujourd’hui. Il en fallait de l’endurance pour venir s’installer ici et sillonner l’Amérique française depuis Québec jusqu’au Pacifique ou au golfe du Mexique.

Peut-être est-ce notre propre manque de courage face à notre Destin qui nous fait ainsi souffrir d’Alzeimer sélectif.

Peut-être aussi sommes-nous incapables de voir au-delà de cette défaite des Plaines – laquelle après tout ne fut pas la nôtre, mais celle de la France. Sans cesse nous radotons en accusant l’Autre d’être responsable de notre malheur, sans réaliser que nous sommes tout sauf un peuple malheureux. Allez voir ailleurs et vous en trouverez des peuples écrasés. Revenez après prétendre que nous le sommes.

Il est temps de cesser ces jérémiades et de regarder enfin vers l’avenir, comme le propose justement Obama à ses compatriotes descendants des Noirs africains.

René Levesque, dans un moment de fierté, a dit que nous sommes quelque chose comme un grand peuple.

Intérioriserons-nous enfin ces paroles pour pouvoir passer à autre chose en toute sérénité: non plus l’indépendance contre, mais l’indépendance pour.

8 Commentaires

Classé dans Actualité, Michel Monette