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Les citoyens du monde



Par Renart Léveillé

Dans son billet « Pour l’histoire », Mathieu Bock-Côté soulève une caractéristique majeure de notre époque, ce qu’il appelle le « présentisme », à prendre bien sûr dans son sens le plus négatif (l’auteur étant de la mouvance conservatrice) :

Le présentisme consiste à croire que le présent se suffit à lui-même. Il repose sur l’oubli de l’histoire, comme si le passé n’avait rien à nous apprendre, comme si nous n’avions pas reçu de nos ancêtres un héritage à préserver, à faire fructifier.

Dans ces propos, je ne suis pas d’accord qu’il faille absolument « préserver » quoi que ce soit sans le mesurer au présent (je ne suis pas un conservateur), mais en gros je suis d’accord que la fuite en avant n’est pas la meilleure solution pour régler les problèmes identitaires actuels qui viennent avec la mondialisation.

Et l’auteur vise tout à fait juste quand il pointe ce qu’il appelle la « Troisième faille » :

nous oublions les vertus de l’enracinement. Combien sont-ils à vouloir comme seul passeport celui de « citoyen du monde ». Dans l’angle mort de cette vision, toutefois, on trouve une terrifiante superficialité : celui qui aime toutes les cultures n’entretient-il pas finalement un rapport de consommateur avec chacune d’entre elles en se contentant de les explorer en surface ? Ce n’est pas parce qu’on est allé un jour à Zaghreb qu’on est familier avec la culture croate. Ce n’est pas parce qu’on aime les mets brésiliens que l’Amérique du Sud n’a plus de secrets pour nous.

Personnellement, si je suis un citoyen du monde, j’ai l’honnêteté de le placer à la bonne place, juste avant le fait d’être terrien dans l’univers : dans la possibilité où il existerait des habitants d’autres planètes… Quelqu’un qui peut véritablement se targuer d’être principalement un citoyen du monde, c’est tellement rare que c’est actuellement plus du domaine du fantasme. Qui peut bien faire assez le tour du monde pour bien s’imprégner des cultures et des langues à ce point? Et se servir seulement de sa connaissance de l’anglais pour ce faire, c’est mieux que rien, mais il y a mieux…

Alors, j’en arrive à la conclusion que de se dire citoyen du monde, c’est beaucoup faire fi de l’importance de la proximité, dans son sens le plus large. C’est en quelque sorte du snobisme pour ce qui a mijoté et ce qui mijote à notre portée immédiate, même s’il est impossible d’y échapper tout à fait; enfin, pour l’instant : si le web parvient un jour à tout à fait nous happer au quotidien il en sera autrement. Et, si je ne m’abuse, cette propension à dénigrer l’appartenance locale est justement une des conséquences du développement du web et de la possibilité d’avoir un sentiment d’appartenance planétaire par cela, bien qu’il soit encore plus superficiel que le tourisme. (Ici, je ne dis pas que ce que l’on vit via nos expériences sur internet ne vaut rien, mais bien qu’il faut au moins les remettre en perspective vis-à-vis de nos autres activités.)

Après le tourisme et le « surf des interwebs », il y a bien sûr l’immigration comme mécanique encourageant cet idéal de la citoyenneté mondiale. Justement, combien sont-ils à considérer le Québec comme une succursale du monde en occultant qu’il y a ici une culture (majoritaire) qui trouve son consensus dans une langue, héritée du colonialisme français et colorée d’américanité? Et qui osera réfuter que le multiculturalisme canadien ne soit pas dans cette même lignée?

Et encore, je soupçonne fortement que cette mode du « citoyen du monde » alimente le cynisme politique actuel. C’est bien clair, quand quelqu’un ne se sent pas citoyen de l’endroit où il vit, il peut bien se désister politiquement de ce qui se passe autour de lui : nos problèmes communs ne le concernent pas.

Depuis toujours, je comprends que cette attitude est une manière de se montrer tolérant à tous prix, puisque de pointer ouvertement où nous sommes et d’où nous venons (dans son sens le plus large) a été amalgamé au sectarisme. Si je dis et que je démontre de l’importance pour le fait que je suis un Québécois de langue française, donc par le fait même que je ne suis pas un citoyen du monde, j’ai l’air louche dans certains milieux qui se la jouent plus « évolués » en se proclamant citoyens du monde. Pourtant, il n’est même pas question de déprécier qui que ce soit, comme le font certains ultranationalistes, mais bien de prendre le pari du réalisme et de la conjoncture.

Parce qu’il ne faut pas se raconter d’histoires…

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Quand la Boussole électorale ne va pas dans le même sens pour le Québec et le Canada…

Par Renart Léveillé

Lors de la dernière élection fédérale, la Boussole électorale ne semblait pas faire l’unanimité. Quoi qu’il en soit, les résultats sont maintenant en ligne, et « plus d’un million de Canadiens ont répondu » à ce sondage, ce qui semble un échantillonnage assez important. Il faut quand même regarder ces résultats avec prudence, mais il y a tout de même des tendances importantes qui en ressortent.

Ce qui ressort le plus, c’est que le Québec est sans conteste une société distincte. Chaque question est illustrée par une carte du Canada où les couleurs de chaque région démontrent dans quel sens vont les opinions. Et dans la majorité des cartes, on voit que les Québécois pensent différemment du ROC, cela dit en ne dissimulant pas la diversité d’opinion des Québécois eux-mêmes. Je le répète, il est bien sûr question de tendances.

Là où les Québécois sont vraiment différents de la majorité des Canadiens, il n’y a pas d’équivoque. Ils sont beaucoup plus contre la mission afghane, contre la présence militaire en Arctique, contre les dépenses militaires tout court. Aussi, ils sont pas mal les seuls à vouloir d’avantage de relations économiques avec les États-Unis et à vouloir se doter d’une taxe sur le carbone. Pour continuer dans les enjeux environnementaux, le Québec est vraiment plus du côté de croire que l’industrie des sables bitumineux d’Alberta cause des dommages, contrairement au ROC qui pense plus que c’est de l’exagération. Encore, le Québec partage avec une infime partie du Canada un désir plus grand de normes environnementales plus sévères, « même si elles entraînent une augmentation des prix pour les consommateurs ».

Pour ce qui est de la question de la place du secteur privé dans le système de santé, le Québec partage une préférence minoritaire pour davantage de place avec certaines autres régions. Pour ce qui est de l’immigration, le Québec est le plus favorable avec le fait d’exiger l’anglais ou le français comme condition d’admission pour les immigrants. Encore à ce sujet, et ce n’est pas très surprenant, ce sont les Québécois qui ont le plus, et de beaucoup, répondus « Préférence pour moins » à la question : « Combien d’efforts devrait-on faire pour accommoder les minorités religieuses au Canada? »

Encore, ils sont les plus modérés quant à juger comme des adultes les « jeunes délinquants qui commettent des crimes violents », les moins d’accord avec l’abolition du registre des armes à feu et plus en accord avec « le droit de mettre fin à leur vie avec l’aide d’un médecin » des « patients en phase terminale ». Du côté politique, ils sont le plus contre le Sénat, les moins d’accord avec des coupures au niveau du financement public des partis politiques et, la différence est extrême, pour que seules les personnes bilingues (anglais et français) puissent être nommées à la Cour suprême.

Pour ce qui est des questions constitutionnelles et du rapport entre le Québec et le Canada, à contrario du Québec, le ROC pense que « Le gouvernement fédéral devrait avoir son mot à dire dans les décisions concernant la culture au Québec », n’est franchement pas favorable à ce que « Le Québec [soit] formellement reconnu en tant que nation dans la Constitution » et, bien sûr, à ce que « Le Québec [devienne] un État indépendant ».

Et, pour terminer, les Québécois sont plus amplement d’accord que « Les travailleurs devraient contribuer davantage à leur régime de pension (RPC/RRQ) pour avoir des pensions plus généreuses », et que les plus riches devraient payer plus d’impôt, idem pour les entreprises.

À la lumière de tout cela, et avec les résultats de la dernière élection fédérale où le Québec a placé le NPD comme opposition officielle, il n’y a pas de doute que le Québec fait cavalier seul et ne se retrouve pas dans cette fédération centralisatrice, qui sera menée par un gouvernement conservateur, ce parti très impopulaire dans la belle province. Est-ce que les Québécois pourront continuer de faire du déni alors que le ROC est farouchement contre le caractère particulier du Québec? La quintessence de cette hypocrisie étant, pour les Canadiens hors Québec, le total refus de reconnaître la nation québécoise alors que le parti qu’ils ont porté au pouvoir se vante de l’avoir reconnu (bien que ce soit en réalité de la poudre aux yeux!).

Dans ces conditions, le statu quo qui prévaut encore en ce moment est une insulte à l’intelligence. Si le Québec était un individu, franchement, comment peut-il se regarder dans le miroir? L’amour-propre, cela veut-il encore dire quelque chose?

(Photo : topsteph53)

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La défense du français comme catégorie de racisme

Par Renart Léveillé

Le sujet de la défense du français est clairement un sujet glissant. Parce que dans la défense, il faut absolument prendre parti, avoir un parti-pris, et ainsi en quelque sorte délaisser. Mais est-ce que ce délaissement, cet abandon est pour autant un aveu de « détestation »?

C’est ce que semblent penser beaucoup de gens, dont l’attaché politique Pierre Morin, très présent sur Twitter, déclarant que le Parti Québécois (dont on connaît son implication pour la défense du français) « fait de la détestation des anglos un dogme ».

De l’accusation de détestation à l’accusation de racisme, il n’y a qu’un pas. Et il a presque franchit ce pas dans la mesure où il a fait un rapprochement pas même subtil entre le PQ et le Front national (parti à l’aura raciste, s’il faut le préciser). À mon avis, nous ne sommes pas loin de ce que j’ai appelé dernièrement la « godwinisation des débats », « l’aveuglement volontaire », « la lecture assistée par la mauvaise foi ». S’il faut que je le décrive aujourd’hui autrement, j’irais avec cette formule : la triste pratique de l’« extrémisation » des positions de l’adversaire.

Mais le plus bel exemple de ce glissement, c’est une discussion que j’ai eu sur Twitter à la suite du passage des deux natifs montréalais unilingues anglophones d’Epic Meal Time à TLMEP, que j’ai vertement critiqué dans mon billet « Epic Fail Time ». En réaction aux réactions très négatives des gens sur le fil #TLMEP face à ces unilingues anglos, une « Franco-Ontarienne contre l’indépendance du Québec! » a essayé de me convaincre que c’était du racisme :

ceux qui se pensent supérieurs aux anglais (dont une majorité de Québécois) sont racistes

Ce à quoi j’ai rétorqué, pour pointer le ridicule de la chose :

À ce compte-là, est raciste quiconque est en désaccord avec un autre.

La discussion a durée assez longtemps, mais, entre autres, pour tenter de gagner son point, elle m’a référé à une partie de la définition du racisme selon l’Office Québécois de la langue française (ce qui est assez ironique, puisque, en arrivant sur la page d’accueil du site, à la Une il y a un article s’intitulant « Faire du français « la langue prioritaire »). Finalement, après quelques recherches, je me suis rendu compte que la partie qu’elle me copiait-collait (visiblement de ses notes de cours) ne se retrouve plus dans la définition du grand dictionnaire terminologique de l’OQLF (?), mais seulement sur le site du Mouvement estrien pour le français, sur une page qui date de 2001 :

on qualifie de raciste toute personne qui ne croit pas à l’égalité en droit des êtres humains

Il serait intéressant de savoir pourquoi cela ne se retrouve plus dans le dictionnaire terminologique. Cela serait-il donc sujet à caution? À la place, on pointe une remise en question du concept même de « race humaine », ce qui dirige un peu, il faut l’avouer, les suppositions. (Màj : finalement, le passage en question se retrouve dans la section « Note(s) » à la suite de la définition du terme « hégémoniste ».) Quand même, il faut vraiment faire une extrême contorsion mentale pour réussir à faire un lien entre cette définition et la critique contre l’unilinguisme anglophone au Québec, ce qui n’est vraiment pas une critique générale contre les anglophones, et il faut vraiment que je le spécifie pour ceux qui n’auront pas encore compris. Si je voulais me faire un peu d’argent, je parierais que je vais encore me faire dire en commentaire que je suis anti-anglophone…

Je ne dis pas, s’il était question de faire la promotion du retrait du droit de vote des anglophones (ce qui serait bien sûr une absurdité), mais là, il est seulement question de donner son opinion, de ne pas être d’accord avec un état de fait. Est-ce que la notion de « l’égalité en droit des êtres humains » empêcherait toute possibilité de critique, même très négative, envers les Québécois anglophones qui ne parlent ni ne comprennent le français? Non. Parce que la notion de « l’égalité en droit des êtres humains » concerne seulement la discrimination, ce que la critique n’est pas, étant assujettie à la liberté d’expression. De toute façon, les francophones n’ont pas besoin d’ostraciser les unilingues anglophones, ils le font très bien par eux-mêmes dans un sens.

Et, bien sûr, je ne joue pas à l’autruche en niant qu’il existe des gens que l’on peut réellement traiter de « racistes» envers les anglophones. Je sais très bien qu’ils existent, et je ne me gênerai jamais pour les dénoncer. Mais il faut savoir de quoi on parle. Et de ne pas mélanger les cartes. Par exemple, qu’on soit d’accord ou non avec l’idée d’étendre les dispositions de la loi 101 aux cégeps, cette idée n’est pas du racisme dans le sens linguistique.

En fait, la sauvegarde du français ne prend pas du tout sa source du racisme, d’un rejet de l’autre. Mais c’est bien pratique d’essayer de le faire croire pour ceux qui sont contre l’idée d’être proactif dans ce sens. Ça me surprend toujours de le constater, parce que la défense du fait français est un projet positif. C’est ce qui devrait tous nous lier. C’est ce que nous devrions tous défendre jalousement pour espérer durer dans ce monde carré qui tend à nous avaler tout rond.

L’anglais comme langue mondiale commune est une bonne chose. Mais comme toute bonne chose, il y a de mauvais côtés. Est-ce que de les pointer est pour autant raciste?

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Les langues : derniers remparts de l’uniformisation culturelle?

Par Renart Léveillé

Le blogue Antagoniste publie de temps en temps des statistiques concernant le poids média des nouvelles au Québec et dans le ROC ainsi que des « Top 5 Twitter » des mots, noms et « hashtags » (mot-clic?) les plus populaires au Québec, au Canada, aux États-Unis et dans le monde. Mais je ne pointerai ici que la partie concernant Twitter.

Pour la semaine du 15 au 21 mars 2011, pour le Canada, les États-Unis et le monde, la première et la deuxième position sont, dans l’ordre, occupées par « Rebecca Black » et « #threewordstoliveby ». « Nate Dogg » est en troisième position pour ce qui est du Canada et des États-Unis et se retrouve en quatrième position dans la section « Monde ». « #supermoon » est en cinquième au Canada, quatrième aux États-Unis et troisième dans le monde. Les États-Unis et le monde partagent « #ificouldiwouldbringback » en cinquième position alors que cet « hashtag » ne se trouve pas dans le « Top 5 » du Canada, mais bien plutôt « #100factsaboutme », en quatrième position.

Pour ce qui est du Québec, les cinq positions sont occupées, en ordre, par « Lachute », « Ryan White », « Justin Trudeau », « Subban » et, finalement, « Jean Lapointe ». Comme vous pouvez le constater, il n’y aucune concordance avec le Canada, les États-Unis et le monde. Et si on regarde d’autres billets de cette série, parues auparavant sur le même blogue, c’est pratiquement toujours le même genre de concordances entre le Canada, les États-Unis et le monde, et de non-concordances avec le Québec.

Ne me dites pas que ça ne vous sonne pas une cloche? Qu’il n’y a pas de lien à faire entre l’anglais comme langue de la mondialisation et l’uniformisation culturelle? Cela dit, en prenant bien sûr l’idée du culturel dans son sens le plus large, soit ce qui est « Relatif aux comportements sociaux » (via le dictionnaire du programme de correction Antidote).

C’est certain que cette comparaison se fait dans le contexte d’une plateforme qui ne rend pas compte de toute la teneur de ce qui intéresse les gens, et des échanges d’informations au Québec, au Canada, aux États-Unis et dans le monde. Par contre, cela reste un bon indicateur de ce que nous réserve l’avenir. La langue anglaise sur le web semble vibrer au diapason du monde alors que, par exemple, le français cultive les particularismes, enfin, encore. Parce que c’est bien évident que les cinq positions québécoises relatées plus haut ne représentent pas grand-chose pour nos cousins de l’Hexagone et des autres pays francophones.

Est-ce que c’est une bonne nouvelle ou est-ce que c’est une mauvaise nouvelle? Pour ma part, dans l’optique de la diversité culturelle, ce n’est pas une très bonne nouvelle, enfin, surtout pour ce qui est des pays de langue anglaise. S’il se développe une culture anglo-saxonne monolithique de plus en plus en phase avec les États-Unis, son poids deviendra de plus en plus lourd dans le contexte d’une mondialisation s’appuyant sur le caractère utilitaire de cette langue. Et on peut se demander si c’est profitable pour tout le monde, culturellement.

Quoi qu’il en soit, quand le monde entier connaîtra la langue anglaise, il faudra espérer que les gens garderont jalousement leurs langues maternelles. Parce qu’à partir de ce moment-là, il faudra craindre l’unilinguisme anglophone, car tout sera en place pour qu’il gonfle et gonfle, jusqu’à uniformiser culturellement pour de bon l’humanité. En espérant aussi que la proximité physique entre les gens continuera d’influer sur la culture. Mais dans un monde où la communication se rit exponentiellement des frontières, vouloir en deviner davantage relève de la science-fiction.

(Image : bartvandamme)

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Le multiculturalisme pour les nuls (et autres considérations)

 

Par Renart Léveillé

 

Le multiculturalisme n’est pas synonyme de tolérance. L’anti-multiculturalisme n’est pas synonyme de racisme ni de xénophobie. Et en discuter ne devrait pas être tabou. Le multiculturalisme représente le message étatique de la politique d’immigration. Le message, en amont et en aval. Autant pour ceux qui accueillent que pour ceux qui sont accueillis.

Pour ce qui nous concerne, c’est la position du Canada, celle du Québec se retrouvant sous le vocable « interculturalisme » (et je n’essayerai pas de faire ressortir dans ce billet les différences entre les deux, et s’il y en a). Bien que l’État québécois ait son « mot à dire » sur l’immigration, les immigrants débarquent officiellement au Canada. Alors, le message multiculturaliste a toujours priorité.

Le multiculturalisme, c’est donner le message aux nouveaux arrivants qu’ils peuvent « conserver leur identité », ce qui, dans un contexte d’intégration, n’est pas très loin de l’absurdité (la citation qui précède provient du site « Citoyenneté et Immigration Canada »). Dans l’optique que l’identité d’une personne est en constante évolution, le message du multiculturalisme est donc de ralentir cette évolution, voire de l’empêcher — comme dans le cas des immigrants qui s’enferment dans des ghettos culturels et qui n’ont aucun lien avec la société d’accueil.

Et internationalement, les critiques se font de plus en plus entendre. Après Nicolas Sarkozy et Angela Markel, c’était au tour de David Cameron de fustiger cette politique :

Avec la doctrine du multiculturalisme d’État, nous avons encouragé les différentes cultures à vivre des vies séparées, séparées les unes des autres et coupées de celle de la majorité. Nous avons échoué en ne proposant pas une vision de la société à laquelle ces communautés auraient pu se sentir appartenir. Nous avons toléré des communautés pratiquant la ségrégation et se comportant de manière totalement opposée à nos valeurs.

 

Et il faut ajouter que ce discours se place dans un contexte autrement plus difficile que le nôtre, où, par exemple, les intégristes sont beaucoup plus proactifs qu’ici. Mais ce n’est pas parce que ça va beaucoup mieux ici qu’en Europe qu’il faut pour autant balayer la question sous le tapis.

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Mais ici, au Québec, le piège du multiculturalisme s’amplifie par la problématique du fait français. Dans ces conditions, il est aisé de faire un lien entre le multiculturalisme et le multilinguisme (synonyme de bilinguisme). On en vient même à se demander si c’est seulement un hasard si l’ancien Premier Ministre du Canada Pierre-Elliot Trudeau, celui qui est derrière la politique du multiculturalisme, a déjà tenu les propos suivants :

Quand tous les Québécois seront bilingues, ils ne verront pas d’objection à passer à l’anglais.

 

Il est clair pour moi que son idée a déjà fait un bon bout de chemin. Les exemples fusent, on ne compte plus les francophones qui préparent le terrain à ce possible changement de paradigme linguistique. Et P.E.T. ne se doutait même pas comment la mondialisation allait l’aider…

Parlant mondialisation et multilinguisme, cet extrait trouvé sur Wikipédia est assez représentatif du contexte actuel :

 

Il existe une politique officielle du multilinguisme dans l’Union Européenne. Cependant, les résultats de cette politique ne sont pas aujourd’hui à la hauteur de l’espérance : livrés à eux-mêmes, les Européens se sont tournés logiquement vers la langue la plus utile, l’anglais […]

Cette attitude, pourtant prévisible, a grandement contribué à faire progresser l’influence de cette langue sur le plan mondial. Ironiquement, le laisser-faire européen a surtout profité aux intérêts commerciaux des États-Unis d’Amérique, en leur permettant d’exporter leurs chansons, leurs films et leurs livres, aux dépens des langues nationales et régionales de l’Europe, mais aussi aux dépens de la richesse du patrimoine culturel européen.

 

Ici, il est bien clair que ce phénomène est beaucoup plus marqué, dans cette américanité du nord hautement anglo-saxonne. Et quand le multiculturalisme se propose « d’aider les immigrants à apprendre une des deux langues officielles », on se retrouve véritablement avec des citoyens qui baragouinent l’anglais lors de leurs rares excursions hors de leurs ghettos. Et bien sûr aussi ceux qui s’intègrent à la minorité anglophone. Une chance que ce n’est pas la totalité, et que ça tend à s’améliorer pour la génération suivante.

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Donc, je ne donne pas ici dans le fatalisme. Mais je me dresse contre ceux qui ne voient pas le piège, ceux qui font de l’aveuglement volontaire. Et je n’écris pas non plus en réaction à de mauvaises expériences personnelles avec des immigrants. C’est plutôt le contraire. La garderie de ma fille est tenue par un couple d’Arabes et tout va très bien. (Par contre, alors que nous magasinions les places de garderies, nous avons remarqué que toutes les garderies disponibles étaient tenues par des gens d’origine arabe. Serait-ce le signe d’une certaine peur de beaucoup de parents de notre région? En tout cas, le lien est facile à faire…)

Et, pour terminer ce billet, je vais me permettre de raconter une anecdote. Elle illustre très bien un exemple d’intégration réussie (en tout cas, pas vraiment dans l’optique du multiculturalisme…).

En revenant de la garderie, en sortant de la voiture, ma fille de deux ans pointe le ciel et dit : manjou nouné! (Elle dit « mangou » pour « manger » et « nouné » pour « lune »). J’ai trouvé ça drôle, mais n’ai pas compris le sens sur le coup. Juste avant de me coucher le soir, j’ai fini par comprendre : comme la lune n’était pas pleine, elle pensait que le bout qu’elle ne voyait pas avait été mangé!

Le lendemain soir, quand je suis allé la chercher à la garderie, j’ai raconté l’anecdote à la dame qui s’en occupe. Elle a rétorqué, avec le sourire :

— Non, non, non! Je ne parle pas aux enfants en arabe! Je ne parle même pas arabe avec mes propres filles, elles ne le parlent pas de toute façon!

(Elle vient d’un pays arabe qui a comme deuxième langue le français et son conjoint non, visiblement, avec son fort accent.)

Encore, pour ce qui est de la religion, si elle est croyante rien ne m’indique qu’elle soit pratiquante. Vous pourrez me lancer autant de tomates que vous le voudrez, mais je dois avouer que c’est la situation idéale. Si ma fille a un rendez-vous avec Dieu, j’aimerais qu’elle le rencontre en toute connaissance de cause… Et je ne veux personne pour lui apporter l’existence de Dieu comme une vérité toute faite, ce qui est bien sûr le modus operandi de la perpétuation du religieux.

Et c’est ici que ça se termine, enfin, pour l’instant.

 

(Photo : appoulsen)

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Bonne fête (en retard) Pierre Elliott Trudeau!

Je suis un peu en retard pour la fête de Pierre Elliott Trudeau, c’était au début de la semaine, le 18 octobre. Je ne suis pas désolé, comme il ne l’a jamais été, visiblement, pour son oeuvre.

Je suis tombé un peu avant cette date sur un texte parfait pour honorer sa mémoire, dans le sens le plus réaliste du terme. Ça vaut vraiment la peine de le lire, mais pour les paresseux, je pourrais bien en faire ressortir les grandes lignes.

L’héritage de P.E.T :

Dette publique : la majeure partie de l’endettement du Canada est due à ce grand gestionnaire… Pour « payer des programmes sociaux, des salaires, et plein de dépenses courantes. »

Les relations Québec-Canada : rapatriement de la Constitution sans l’accord du Québec, entre autres. « Nous sommes toujours dans ce vide constitutionnel ».

Politique favorisant le multiculturalisme : « Tout ça parce qu’un parano au pouvoir à l’époque a fait adopter cette politique dans le but d’empêcher les « Canadiens français » d’être les seuls à se distinguer de la majorité anglo-saxonne blanche et protestante. »

Charte des droits et des libertés : « J’ai le droit de me sentir insulté si la société dans son ensemble fête Noël, considère la femme égale de l’homme ou si on m’oblige à apprendre le français ou l’anglais. »

Aéroport de Mirabel (avec bien sûr les expropriations qui ont été avec) : « L’insulte s’est ajoutée à l’injure quand le gouvernement Chrétien a nommé l’aéroport international de Montréal en l’honneur de ce triste individu ».

Démantèlement du réseau de chemin de fer « pour favoriser le camionnage ».

Création de la FIRA (agence de tamisage des investissements): « on reconnaît aujourd’hui que cette Agence a considérablement freiné le développement économique du Canada. Pendant cette période, le nombre de chômeurs canadiens a presque quintuplé, passant de 300 000 à 1,4 million. »

Dire qu’il est un dieu pour certaines personnes…

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L’anglomania chinoise

Chinese childrens

Je publiais dimanche dernier sur mon blogue un petit billet au sujet des langues, que je terminais comme suit :

ce sont de bonnes petites raisons, avec celles plus grandes culturelles, pour espérer que jamais la planète se contente d’une seule langue, que ce soit l’anglais ou le mandarin ou toute autre.

En commentaire, moi et Tym Machine nous discutions du taux de pénétration de l’anglais dans le monde. Il m’avait écrit :

l’anglais a pas mal atteint son niveau de pénétration maximal de nos jours et que si le mandarin était aussi facile à apprendre que l’anglais, ce serait la dernière chose “red hot”, le buzz de l’heure, tout le monde voudrait apprendre le mandarin parce que les chinois, économiquement parlant, tiennent les États-Unis et bien d’autres pays par les couilles. Le monde leur appartient quasiment à toute fin pratique.

Et je tombe, via un gazouillis (Twitter) de @altuslogic, sur une partie de conférence de l’entrepreneur Jay S. Walker qui explique que 2 milliards de personnes dans le monde apprennent en ce moment l’anglais. Mais le plus étonnant c’est quand il explique la situation chinoise, qui est en train de devenir, et par loi, la plus grande nation parlant anglais. Et il nous montre des cours d’anglais en plein air, avec des milliers de personnes qui répètent des trucs comme : i wanna speak perfect english! I wanna change my life!

Inutile d’écrire que cela serait pratiquement impossible au Québec, même si cela se passe, mais autrement, par la proximité. Et sur le web, nous sommes tous virtuellement proches. Je me demande aussi comment les Français voient la situation. Est-ce qu’il y en a pour avoir peur de la pénétration de l’anglais en France?

Pour ma part, et je le répète encore, c’est de l’unilinguisme anglophone dont j’ai peur, étant donné que le statut de l’anglais comme langue commune mondiale est une bonne raison pour un anglophone unilingue de ne pas apprendre la langue de la majorité, comme il y en a au Québec. Et quand la totalité (enfin, la presque…) du globe parlera anglais, gageons que les langues extra-anglophones seront de plus en plus folkloriques…si ce n’est pas déjà commencé.

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La Bataille de Duceppe et Marois

Il y a dans l’actualité de quoi au moins sustenter un mouvement souverainiste qu’on qualifie souvent d’amorphe (ou n’importe quel adjectif connexe) depuis la défaite de 1995. Premièrement, parlant de défaite, il y a bien sûr une montée aux barricades au sujet de la reconstitution de la bataille des Plaines d’Abraham, mais j’aimerais vous mettre au parfum de l’avis assez original du blogueur Neil Obstat :

[…] si vous appuyez la cause souverainiste, vous vous devez d’appuyer la reconstitution de la bataille des Plaines. Il est encore tôt et le projet reconstitution fait parler de lui. Quelle belle occasion de faire connaître à tout le monde ce qu’est la bataille de 1759 et ses conséquences, vous trouvez pas ? Maudite belle occasion de mettre en valeur la cause souverainiste, non ?

Je vous laisse lire la suite, qui va dans le sens de la stratégie. Mais bon, de quoi aurait l’air le mouvement souverainiste s’il ne levait pas au moins un peu le ton à ce sujet?

Parlant de lever le ton, Pauline Marois et Gilles Duceppe ont envoyé une lettre au Président Nicolas Sarkozy en réaction à ses accusations de « sectarisme » et de tout ce qui s’en suit… Ce n’est pas monnaie courante de le faire, mais cela va de soi. Encore, les meneurs souverainistes ne pouvaient pas rester de glace devant l’histoire qui se joue. Les détracteurs auront beau dénigrer la portée de ce geste, il est déjà classé comme fait d’armes.

Nous verrons bien si cela sera un coup d’épée dans l’eau, mais au moins la lecture de cette lettre fait oeuvre de vulgarisation pour la position souverainiste, en particulier pour Sarkozy, en général pour tous ceux et celles qui se donneront la peine de la lire.

Quel que soit nos opinions à ce sujet, il reste qu’on devrait laisser la diabolisation des positions politiques aux troubles fêtes sur internet, aux simples d’esprit, pas au Président d’une République…

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