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L’anglicisation galopante et notre Etat

Jean-Pierre Bonhomme

Image Flickr par Anirudh Koul

Lors d’un récent voyage à Cuba, l’an passé,  j’ai rencontré un gentil couple de français. Celui-ci venait de faire un voyage à Montréal et il m’avait confié qu’il avait constaté une forte anglicisation de la métropole du Québec.

J’avais été bien obligé d’acquiescer. C’est l’évidence. Il n’y a plus d’esprit français dans la ville. Il y a des façades françaises et il y a des anglo-canadiens qui ont appris le français pour desservir les canadiens français qui passent par le centre ville…

Je n’exagère pas. Ce fait n’est pas étranger à l’anglicisation des immigrants. Et celle-ci résulte de l’implantation dans le centre-ville de deux universités anglaises gigantesques – en pleine expansion – et d’un cégep anglais énorme, le tout payé par le gouvernement du Québec où les immigrants ont libre accès. Les couronnes, elles, sont plus françaises, mais la ville n’est pas là.

Il y a bien une université française en ville; mais celle-ci est confinée «dans l’est» et son architecture est, disons…déplorable; une autre université est cachée de l’autre côté de la montagne, de sorte que la vraie ville centrale est devenue complètement anglaise même si, au Québec 80 p.cent de la population – un peu moins – est encore française. Ajoutons à cela que l’énorme maison-mère des Sœurs Grises (le symbole même du Montréal français) vient d’être vendue à une université anglaise (avec l’argent des Québécois). Et puis un méga hôpital anglais ouvrira bientôt ses portes, lui aussi avec les fonds publics et les fonds privés d’ici. Ajoutons encore que le gouvernement du Québec a fermé le collège classique des Jésuites français (qui se trouvait au centre-ville) et qu’il a donné un statut d’université aux Jésuites anglais (Loyola)!

Il ne m’en faut pas plus pour avoir peur. Peur que le Québec soit divisé en deux par l’arrivée massive des immigrants (concentrée à Montréal et dont la majorité passe à l’anglais à la maison). Peur que la civilisation française – ce qui en reste – passe au folklore comme à la Nouvelle-Orléans…

Dans ces circonstances il serait normal que l’État, à Québec, celui qui est responsable de la culture, donne avis aux immigrants qu’ils se trouvent dans un pays français et qu’ils n’ont pas droit à l’éducation collégiale et universitaire en anglais. Et que s’ils n’aiment pas cela il y a neuf autres provinces anglaises pour les desservir.

Autrement c’est le suicide national. Il est impossible d’intégrer 50,000 immigrants par année qui s’installent dans le même enclos territorial d’un coup sec si on les laisse choisir la langue anglaise comme moyen de communication principal.

Notre principal journal ‘national’ La Presse estime, dans un article du 8 février, devant ces faits, que notre gouvernement doit permettre aux immigrants d’avoir accès à l’enseignement collégial (et par conséquent universitaire) en anglais parce que le contraire «aurait plus d’effets pervers que bénéfiques». Or le  rédacteur ne nous dit pas quels seraient ces effets «pervers». Serait-ce que certains immigrants seraient fâchés d’étudier Voltaire? Que d’autres partiraient pour Halifax?

Votre serviteur, lui, en tout ca,  pourrait continuer à vivre avec ces inconvénients.

Mais le même rédacteur va plus loin. Il nous dit ensuite, en bon moralisateur, qu’après tout «c’est aux «Québécois francophones»! de prendre en main leur destinée linguistique au lieu de s’en remettre à l’État»; c’est à eux-mêmes «de s’assurer que le «français d’ici» soit de qualité».

Cela veut dire que l’État national des Québécois doit abandonner la nation à elle-même. Il fut un temps où la nation n’avait que les religieux pour nourrir la culture. Après la nation s’est donnée l’État; et il faudrait maintenant abandonner l’État? Que resterait-il? Des électrons libres dans un firmament anglais?  Il est vrai que la qualité de la langue est importante; elle est même très préoccupante; c’est au point où une forte proportion de notre peuple ne parle plus qu’un dialecte informe. Mais c’est une autre question. Et celle-ci pourra être réglée au moins en partie par l’exercice – souverain- de l’État. Le ministère de l’Éducation par exemple pourra utiliser ses nombreux fonctionnaires pour améliorer la qualité de l’enseignement. Ceux-ci pourraient se demander, par exemple, si nos enseignants sont assez bien formés? Et l’État pourrait prendre moult mesures pour redresser la situation. Ne nous faut-il pas quelques moyens collectifs de défense? Nous y reviendrons.

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Gérard Deltell, l’ADQ et notre disparition

Colonisé. C’est le seul mot qui me vient à l’esprit. Alors que le français recule au Québec, qu’il devient de plus en plus difficile de travailler ou de fonctionner dans la langue commune à Montréal et dans ses banlieues, que de plus en plus de commerces et d’institutions se bilinguisent et violent la Loi 101, que propose le chef de l’ADQ, Gérard Deltell? Il veut intensifier l’apprentissage de l’anglais et bilinguiser la jeunesse québécoise.

« Il faut que ce soit bilingue. Il faut que nos enfants soient bilingues. Il faut qu’on ait une génération bilingue au Québec. On ne peut plus se permettre d’attendre. Il faut le faire là » a affirmé l’ancien journaliste de TQS catapulté à la tête du parti moribond. On aurait envie de lui demander: pourquoi une telle urgence, pourquoi un tel culte du bilinguisme? Aurait-on perdu une guerre, aurait-on été soumis à un quelconque envahisseur au cours des dernières années qui nécessiterait de la part de nos enfants l’apprentissage d’une langue étrangère?

Le bilinguisme, pourtant, dans un contexte minoritaire, c’est la mort. Dans toute l’histoire de l’humanité, dites-moi, connaissez-vous un seul peuple qui, minoritaire, est devenu entièrement bilingue avec la langue majoritaire sans perdre sa propre langue? Moi, je connais le gaélique qui est disparu d’Irlande quand les Irlandais sont devenus bilingues avec la langue anglaise, et je connais le français qui est mort en Ontario avec le culte du bilinguisme qui a sournoisement détruit les reliquats d’une présence française à l’ouest de la rivière des Outaouais. C’est cela le bilinguisme: la mort de la langue faible. Car le bilinguisme, comme le disait le linguiste Albert Dauzat, c’est bel et bien un état transitoire d’une langue vers une autre.

Ce culte du bilinguisme nous affaiblit. Il nous convainc de la nécessité d’apprendre une langue étrangère pour travailler chez nous, mais il nous occulte cette vérité que la langue étrangère ne devrait pas nous permettre le travail, mais que le travail devrait se faire dans notre langue commune. Autrement dit: alors que nos parents et grands-parents se sont battus pour que nous puissions atteindre les plus hauts échelons en français, nous nous prostituons, seuls dans notre individualité, dans une langue qui n’est pas la nôtre et nous oublions notre devoir historique d’action collective pour la protection de cet héritage linguistique.

Imposer l’anglais – ou toute autre langue étrangère – à nos enfants, c’est capituler devant un monde unidimensionnel, un monde qui refuse la pluralité des langues et des peuples. C’est aussi utiliser notre force collective – l’État – pour détruire notre cohésion sociale et encourager ce qui nous nuit déjà, c’est-à-dire l’anglicisation qui fait reculer notre langue à Montréal et dans sa région immédiate. C’est cautionner un état des choses où on demande de plus en plus la connaissance de langues étrangères pour des emplois qui ne le nécessitent pas vraiment et où la langue étrangère est placée sur un piédestal. On préfère bilinguiser chaque Québécois plutôt que d’exiger la francisation de chaque emploi. Lâcheté.

La proposition de l’ADQ est non seulement stupide, mais elle va à l’encontre des solutions qui devraient être mises en place par tout gouvernement sensibilisé aux dangers linguistiques. Plutôt que d’accroître la présence de l’anglais chez notre jeunesse, il faudrait plutôt la réduire et éliminer les cours d’anglais au primaire et au secondaire. Il faudrait rétablir la valorisation d’un bon orthographe français et de la connaissance la plus parfaite possible de notre langue. Plutôt que d’apprendre à nos jeunes à jouer de plusieurs instruments de musique, il faudrait leur apprendre à en maîtriser réellement un seul, quitte à ce que ceux-ci choisissent de s’initier à un autre dans leurs temps libres. Ce n’est pas à l’État québécois à financer des mesures qui nuisent à la cohésion sociale et qui font de l’anglais la seule et réelle langue commune de notre territoire. Le faire équivaudrait à un suicide collectif rapide et à une anglicisation conduisant directement à notre disparition.

Que l’ADQ cherche à tout prix à se faire remarquer, on le comprend. L’ancien parti de Mario Dumont survit littéralement sur le respirateur artificiel. Cependant, il ne faudrait pas oublier que derrière cet appel désespéré se cache toutes les fausses sirènes du bilinguisme qui aliénient notre peuple. S’il faut le répéter, qu’on le fasse: l’État doit être au service de la collectivité et cette collectivité qui désire survivre entend le faire en français. Conséquemment, l’État ne doit pas, sous aucun prétexte, se substituer à la volonté parentale et enseigner une langue étrangère à nos enfants. Si un parent désire que son enfant parle anglais, mandarin ou russe, qu’il lui paie un cours privé après les heures de classes: l’école doit favoriser la cohésion sociale et cette cohésion passe par le français.

Si nous reculons, si nous écoutons les vieilles démagogies adéquistes débilitantes, ce n’est pas seulement notre capacité à survivre en tant que peuple francophone qui écoperait, mais également notre compétence à décider nous-mêmes de notre propre survivance et notre faculté à intégrer les nouveaux arrivants en français, dans notre langue, la seule qui nous soit commune et qui doit être enseignée dans nos écoles.

L’autre choix porte un nom: disparition.

Louis Préfontaine

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