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Le symptôme usuraire

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On connaît tous l’image de l’usurier. Shylock, le Père Grandet, Séraphin Poudrier. Notre compréhension de la réalité de l’usure et surtout de ce qu’elle révèle socio-économiquement est, par contre, souvent plus émotionnelle que rationnelle. Notre analyse du fait usuraire –plus précisément du symptôme usuraire– est souvent un grand exercice larmoyant de moralisme passionnel (et indigné), dans le genre de celui que nous assène le bien décevant film Capitalism: A love story de Michael Moore, cette lamentation christianisante stérile, aux très pauvres vertus analytiques, et très semblable, au demeurant, aux reproches qu’on voit maint héros romantiques adresser à leurs prêteurs sur gages aux cœurs secs et aux pratiques intellectuellement incomprises.

Partons, si vous le voulez bien, des banques. Il fut un temps, pas si lointain, où les banques se contentaient, sans frais pour nous, de faire circuler notre argent en direction de la production effective et de s’enrichir exclusivement des profits de l’investissement agricole, manufacturier ou industriel, avec tout ce pognon des autres. La banque était actionnaire d’entreprises productives et ses revenus étaient le résultat direct de la production de valeur issue de l’économie réelle. On peut dire alors que, dans une logique capitaliste diurne et triomphante, il y avait profits des banques. Elles gardaient le gros de ces profits et nous en distribuaient des miettes sous formes de dividendes de toutes farines, infinitésimaux habituellement, mais bel et bien effectifs. Ce dispositif jojo et efficace était le symptôme non pas de quelque prospérité abstraite perdue mais bien de l’aptitude du secteur productif à dégager des profits nets, matériels et aisément privatisables, dans le cadre strict du programme capitaliste.

La baisse tendancielle du taux de profit, analysée par Karl Marx, est un phénomène économique à long terme qui tient tant à la nature des investissements qu’à l’organisation de la répartition de la propriété collective. En gros, un petit parc d’usines de charbon du 19ième siècle n’engageait que dix mille dollars d’investissement et ne dégageait que neuf cent dollars de profit annuel (9% de taux de profit). Un quartel pétrolier contemporain lève deux milliards de profit annuel mais doit engager trente-trois milliards d’investissement pour y parvenir (6% de taux de profit. Baisse tendancielle, donc). La quantité de profit brut augmente pharaoniquement, donnant une illusoire impression d’abondance et de progrès, mais le taux de profit diminue à mesure que le capitalisme croule et s’étouffe sous la lourdeur des investissements financiers requis par la technologie et les divers avatars de la distribution, de l’encadrement, de l’élimination de la concurrence, de la promotion publicitaire, de la propagande écolo-baratinante, du lobbying, de l’ajustement inflationniste minimal des salaires, des actionnaires à bien engraisser pour ne pas qu’ils détalent et de toutes les activités douteuses en augmentation chronique. Bilan: il faut de plus en plus une grue immense et complicouille pour soulever un caillou. Un investissement rapporte de moins en moins en proportion. Il enrichit donc moins celui qui s’y adonne.

Revenons à notre banque de tout à l’heure. Face à la crise structurelle du capitalisme qui se définit dans la baisse tendancielle du taux de profit, notre susdite banque trouve une solution subite, facile, dopante et, à court terme, incroyablement «profitable» (au sens fallacieux du terme cette fois-ci). Notre banque, pour compenser les pertes que lui impose inexorablement la complexité croissante du monde de la production matérielle des biens et services, instaure les frais aux usagers. Elle lève alors des montants subits, comme les plumes d’une grosse bataille de polochons. Cette profusion, cette danse des milliards, ne doit pas faire illusion. Derrière elle se profile son contraire: le resserrement des profits productifs effectifs. Aussi, si on peut encore parler de revenus des banques, on peut de moins en moins parler de profits des banques. Le pourcentage d’argent extorqué, changeant simplement de poches sans être associé à une production matérielle de valeur, est en constante augmentation. Le banquier est devenu usurier.

Que fait fondamentalement un usurier. Réponse: il monnaye un service improductif. Il vous fait payer pour accéder à un avoir financier élémentaire. La dimension élémentaire du service usuraire est cruciale ici. Dans le shylockingpégreux, par exemple, tu empruntes mille dollars et tu dois rendre mille deux cent dollars en soixante douze heures où on te casse les jambes. Notre culture économique nous a habitué à payer un certain taux d’intérêt (d’ailleurs tendanciellement le même pour tout le monde) pour de gros emprunts ne pouvant pas se contracter auprès d’un particulier (genre hypothèque). On continue de sentir que, sur un tel monceau de pognon, on paye pour le service qui nous y fait accéder, d’où le ci-devant loyer de l’argent. Mais la pratique consistant à vous faire payer pour simplement déposer un chèque ou extirper une pincée de biftons d’un guichet est le monnayage d’un service financier trop élémentaire pour qu’un bond qualitatif ne soit pas franchi ici. Le banquier est devenu usurier. Il n’investit plus au «profit» de son client. Il l’extorque, candidement, pour éviter de se lancer dans l’aventure de l’investissement, devenue hasardeuses, sans entamer ses revenus. Le phénomène se généralise à l’assurance. Il fut un temps où le montant d’une assurance était infime, le service se finançant grâce au flot des avoirs des assurés n’ayant pas réclamé (le tout se complétant des profits d’investissement classiques). Aujourd’hui l’assureur se contente de vous monnayer une empilade de monceaux de pognon que vous pourriez presque faire par vous-même, sous votre matelas, en vous assurant tout seul. Inutile de dire que l’assureur contemporain investit aussi énormément dans le labeur de ceux qui œuvrent à dénicher les faiblesses de votre contrat de police initial pour ne pas payer les réclamations. Devenue intrinsèquement malhonnête, l’assurance est de plus en plus une extorsion simple. Le service qu’elle monnaye devient si élémentaire qu’il tend vers l’inexistence.

C’est ici que l’agacement collectif face à l’usure ne doit pas masquer notre compréhension rationnelle du symptôme usuraire. La grande usure classique (Shylock, les banquiers lombards, etc.) apparaît, à la fin du Moyen-Âge, au moment du déclin du pouvoir aristocratique. Le déclin de l’aristocratie terrienne n’est pas le déclin de la productivité de la terre. C’est plutôt le déclin de la propriété exclusive par l’aristocratie des profits productifs globaux. L’aristocrate ne finit pas ruiné parce que ses terres produisent moins (souvent leur productivité progresse en fait, avec les technologies et l’amélioration des transports). Il finit ruiné parce que le taux de profit qu’il détient diminue devant celui du marchand, du potier, du drapier, du banquier. Ce n’est pas son secteur de production qui est en disparition, c’est sa classe sociale… Pour surnager dans ce nouvel espace concurrentiel, l’aristocrate se tourne vers l’emprunt à court terme et les usuriers pullulent. L’aristocrate devient de facto l’assisté de son banquier lombard ou juif (l’antisémitisme trouve son terreau putride juste là et pas ailleurs, d’ailleurs). Il met ses biens, trousseau, meubles et immeubles, au clou, en un ultime troc improductif où l’usurier triche à son propre avantage. Le symptôme usuraire du Marchand de Venise est l’indice de la crise irréversible de la propriété aristocratique.

Les capitalismes, commercial puis industriel, dans leurs phases florissantes, tendant à restreindre l’usure à sa part congrue. Les activités bancaires productives sont difficilement compatibles avec l’usure, service financier localement rentable mais socialement improductif, qui thésaurise statiquement plus qu’il n’investit dynamiquement. Puis quand la crise de la propriété capitaliste s’installe pour de bon, comme c’est le cas aujourd’hui, le symptôme usuraire réapparaît, sous une forme amplifiée, magnifiée, hautement nuisible et pernicieuse. Comme l’aristocrate de jadis était dépendant de son banquier lombard pour continuer de mener ses guerres de propriété foncière, l’investisseur d’aujourd’hui, nouvel assisté en voie de déclassement, attend scrupuleusement que la Fed lui alloue sa certitude de revenu non productif. Z’avez pas remarqué que l’investissement industriel contemporain (et son indice boursier en cisaille) n’attend plus après les cours usiniers ou manufacturiers, les marges de profit des secteurs, les tendances des marchés et de la production, les chiffres de l’emploi et de la consommation, mais bel et bien après les «mesures de relance» de la Fed (entendre: le rachat des mauvaises créance, c’est-à-dire, l’extorsion institutionnalisée du bien collectif pour renflouer l’investisseur déclinant). Le capitalisme au complet se transforme graduellement en une vaste assistance financière. Les ressources collectives sont de plus en plus ponctionnées pour faire flotter l’accapareur privé dans sa perpétuation stérile. Accaparement improductif. La grosse machine tourne de plus en plus à vide. Elle ne se finance plus que par la rapine d’état et les ponzifiades de tous tonneaux.

Reflux économique majeur, le symptôme usuraire contemporain signale la généralisation de la crise de propriété du mode de production capitaliste. La disparition du profit des actionnaires ne marquera pas la fin de la production mais simplement la conclusion de la phase d’accaparement privé que banques extorqueuses et investisseurs frileux retardent, à la petite semaine, en recourant au pis-aller terminal de l’extorsion usuraire improductive de toute la société civile, via les relais, encore temporairement dociles, des grands organismes régulateurs-serviteurs. La classe capitaliste est en train de disparaître.

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La spéculation comme prospective hasardeuse

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Il y a deux sortes de spéculation. La spéculation sur production et la spéculation sur mouvements financiers. Il est important de ne pas les confondre car leur caractère hasardeux n’est pas tributaire des mêmes avatars.

Spéculation sur production: Une usine de machines à coudre de Shanghai voit sa production augmenter de huit cent unités par mois. Éventuellement, elle ne fournit plus à la demande. Il vient donc un moment où, devant cette croissance sensible bien attestée, elle doit s’ajuster. Elle doit amplifier ses infrastructures, augmenter ses acquisitions de matières premières, embaucher plus de travailleurs. Une banque accepte de la financer sur la foi prospective de cette augmentation stable de huit cent unités par mois. L’industriel, et la banque qui le finance, misent ensemble que cette augmentation va se poursuivre avec constance sur un laps de temps suffisamment long (fantasmatiquement, infini en fait) pour que l’investissement et l’amplification de la production s’avèrent fructueux. Ce type de spéculation industrielle, inévitable dans la situation d’investissement productif la plus ordinaire, est à l’origine de la majorité des crises de surproduction. On connaît bien, depuis 1929, la grandeur et les misères de la spéculation directe sur production… or justement, les pays émergents n’étaient pas dans le tableau du capitalisme industriel en 1929. Pour eux, ce sont encore les années folles…. Ouille, ouille, pour la suite… On doit mentionner ici, aussi, la spéculation foncière, qui est une spéculation indirecte sur production. Un investisseur achète un terrain en calculant qu’il le vendra plus cher plus tard. Si c’est le cas, c’est parce que ledit terrain deviendra agricolement exploitable, où qu’on y trouvera des mines, ou qu’on y fera passer un chemin de fer où qu’on y construira des maisons, parce qu’une usine ou des bureaux administratifs s’installent dans le coin. Dans tous ces cas la spéculation foncière mise indirectement sur le fait que la production et son développement rendront la terre plus chère. Comme la spéculation sur production industrielle, la spéculation foncière reste raccordée aux portions primaires et secondaires (éventuellement tertiaires aussi) de l’économie réelle.

Spéculation sur mouvements financier: Un investisseur matois se voit promettre un retour de 15% sur son placement. Il flaire qu’il s’apprête à faire un investissement dans un schème de Ponzi. Ce dernier semble en phase d’amorce et la police de la bourse n’a rien vu encore. Notre investisseur joue l’argent (des autres) qu’il gère et le place dans ce mécanisme pour trois ans. Trois ans plus tard, pari gagné, le schème n’est pas encore éventé, cet investisseur là retire son placement et sa mise. Il est indemne, et le château de carte s’écroulera un peu plus tard, sans risque désormais pour lui. Fiiiooouuu…Par parenthèse, ceux qui se demandent où est passé l’argent, lors du démantèlement d’un schème de Ponzi. Il est là, chez les investisseurs qui ont su s’envoler avant que la vague ne retombe. Ponzi se fait pincer mais l’investisseur matois à qui il a servi de paravent court toujours. Un autre exemple de spéculation sur mouvements financiers, c’est l’achat massif de devises. Le Yuan est bas, vous en achetez pour des millions en Euros, en assumant qu’il va remonter. Quand le Yuan remonte effectivement, vous revendez vos Yuans pour plus d’Euros que la somme initialement engagée. Ta-daaaam, vous venez de faire un coup d’argent facile en faisant jouer la fluctuation des changes à votre strict petit avantage privé.

Le principal avatar de la spéculation sur production est la surproduction. Prenez les ordis personnels. En 1983, il n’y en a presque pas. En 1990, ils sont partout. En moins d’une décennie, la production de cette invention nouvelle s’est intégralement mise en place. Non sans myopie, on projette alors spéculativement la croissance de leur consommation sur la base de la production résultant de leur apparition intégrale. On fantasme qu’il faudra continuer d’en sortir autant qu’à l’époque où ils apparaissaient intégralement et pour la toute première fois dans le monde. Le vieux serpent de mer increvable de la surproduction des biens de consommation semi-durables, bagnoles, ordis, cahutes (et les machines à coudre de mon industriel de Shanghai) se remet alors à hanter l’industrie. J’ai acheté quatre PC et deux portables pour moi et ma famille dans la dernière décennie. Je ne vais pas en acheter autant dans la décennie prochaine, vu que je les ai… Leur usure ne sera pas un facteur aussi massivement déterminant que leur littérale apparition dans l’existence. Parfois on dirait que, même en Occident, on n’a rien appris de 1929 et qu’on continue de projeter l’exponentiel rose fluo jusqu’à ce que cela se mette à nous refouler dans la gueule.

Le principal avatar de la spéculation sur mouvements financier est l’improductivité. Fricoter dans les bouts de papier, flagosser dans le mouvement des changes, spéculer main dans la main avec Ponzi, Madoff et consort change la richesse de place mais n’en produit pas de nouvelle. En Occident, la poussée productive liée aux inventions des nouvelles technologies a produit les grands parcs informatiques contemporains. Ce n’est pas rien. Pour trouver un équivalent économique de ce phénomène vraiment peu fréquent, il faut remonter à l’invention de l’automobile, ou à celle du téléviseur. Cette productivité innovante des années 1990 a été suivie d’un crise croissante de surproduction (trop de téléphones portables, trop d’ordis, trop de logiciels, trop de «versions» de tout, et leur dévaluation en pagaille) et d’un glissement vers l’illusoire valeur refuge de la spéculation sur mouvements financier. Remplacer une spéculation d’investissements, engorgée par la surproduction, par une spéculation de placements, improductive et mordorée de rouerie et d’astuces, ne sert que des intérêts circonscrits, temporaires et est hautement nuisible socialement. Pas étonnant que les financiers contemporains basculent dans le plus grossier des banditismes, trait de plus en plus ordinaire de la guerre interne du capitalisme.

Au jour d’aujourd’hui, la spéculation sur production est surtout chinoise. Leur culture économique (comme celle de tous les pays émergent) n’a pas encore vécu un vrai équivalent de 1929 et n’a pas encore rencontré un vrai équivalent de Roosevelt. Excès de confiance, jubilation, jovialisme et tous les autres traits comportementaux du capitalisme sauvage sont en place. Le réveil sera difficile quand la crise de surproduction frappera (surtout avec, en complément de leur marché intérieur insuffisant, la baisse inexorable de la capacité de consommation de l’Occident). La spéculation sur mouvements financier est surtout américaine. C’est la fameuse Bubble & Burst Economy que dénonce Obama. Tertiarisée, improductive, de plus en plus enracinée dans la boue gluante du baratin, de l’ésotérisme abscons de boursicotard, de l’arnaque et du court terme, cette autre spéculation est un signe patent du déclin du capitalisme occidental. Les leviers financiers effectifs vont de plus en plus suivre la production effective, du nord vers le sud. À la crise de l’économie mirage de 2008, succédera une crise de l’économie réelle, industrielle, non balisée, non-rooseveltisée des pays émergents. Un 1929 à la puissance mille.

Ce que ces deux types de spéculation ont en commun c’est d’être une prospective optimiste et mécaniste sur l’augmentation de gains futurs. Spéculer c’est miser. Inutile de dire aussi qu’investir c’est fondamentalement spéculer sur un gain. Investir à perte, ce n’est plus investir, c’est renflouer. On connaît alors la rengaine instaurée par la fameuse crise de 2008: privatisation des profits, collectivisation des pertes. La spéculation est un trait essentiel, fondamental du capitalisme. Elle est à la fois sa force et sa faiblesse. Mais il faut garder à l’esprit qu’il y a spéculation et spéculation. Une spéculation durillonne de capitalisme jeune, triomphaliste et inconscient et une spéculation mollassonne de capitalisme vieilli, avachi et cynique, Et surtout, il semble bien qu’il ne sera pas possible de se débarrasser ni de la spéculation, cette fichue de prospective hasardeuse, cette gageure privée aux effets colossaux, ni de ses terribles dommages, sans se débarrasser du capitalisme même.

On notera finalement que les deux grands types de spéculation peuvent parfaitement  s’enchevêtrer et cumuler leur impact nocif. La Bulle Facebook en est l’exemple actuel le plus criant. On a d’abord une présomption de profits publicitaires mal étayée qui met en valeur ce grand vivier populaire tertiaire en le corrélant à un éventuel soubresaut de la production effective visant à fournir les marchandises rendue visibles à ces millions de consommateurs (potentiels, pour ne pas dire éventuels) par des bannières d’annonces n’ayant pas vraiment fait leurs preuves (le cas échéant, comme on anticipe ou fantasme une demande à venir, on a bel et bien une spéculation sur production, molle mais indubitable). Entrent en action ensuite (surtout!), dans une phase intimement intriquée mais distincte, une nuée virulente de spéculateurs puissants et spécialisés qui, selon une procédure finalement assez analogue à celle des scalpeurs de billets de concerts rock ou de parties de hockey, achètent et revendent des parts en masses colossales et vite, (spéculation très dure sur mouvement financier) gonflant artificiellement une valeurs déjà en soi hautement instable. L’art de démultiplier l’ampleur d’un krach en ne produisant strictement rien de profitable pour la société civile ou même, pour les entrepreneurs eux-mêmes, dont même la logique arriviste étroite est spoliée par la classe parasitaire des financiers spéculateurs, cancer économique par excellence de ces temps de capitalisme troublé.

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Démission de Normandeau : même pas une tempête dans un verre d’eau…

Par Renart Léveillé

La démission de Nathalie Normandeau… Tout d’abord, il me faut pointer le billet de la blogueuse Marilène Pilon : « Deux poids deux mesures : désinformation d’une crise ». Elle y fait le triste constat du traitement très différent de la nouvelle quand il s’agit du PQ ou du PLQ. Elle a bien raison : pourquoi la nouvelle du départ de la vice première ministre du Québec ne signifierait pas que le PLQ est en crise, comme on l’a ressassé à toutes les sauces pour les démissions au PQ? Parce qu’il ne faut pas se leurrer, le terme « crise » n’est pas neutre du tout, surtout dans l’imaginaire collectif.

C’est certain qu’il y a une différence entre une démission et des démissions, mais, comme le soulève Marilène, le PLQ a eu son lot de démissions, quand même assez récemment. Et encore plus récemment, comment ne pas faire le lien avec la démission d’Alexis St-Gelais, président du PLQ dans Jonquière?

Je ne pourrais le renier, il y a effectivement une crise au PQ, mais elle me semble bien nourrie : pourrais-je dire… par sensationnalisme? Et, serait-ce de l’exagération de dire qu’il y a aussi une crise au PLQ?

Passons là-dessus.

De son côté, le blogueur Daniel Lalonde revient sur le fait que Nathalie Normandeau, dans son discours, « en a profité pour dénoncer le cynisme de la population envers la classe politique. » Son excellente question à l’ancienne vice première ministre :

déplorerait-elle le cynisme d’une femme envers les hommes après qu’elle se soit fait tromper à répétition?

Pour la suite de son propos, un dénommé @EspritTordu l’a bien synthétisé par ce message, publié sur Twitter :

Nathalie Normandeau: une prime de départ de $150,000 après sa démission. Essayez seulement de demander du chômage si vous démissionnez!

Sans oublier que « son départ en plein milieu de mandat force une élection partielle qui, si l’ont se fie à l’élection partielle de 2009 dans Rousseau, ne coûtera pas moins de 500 000 $. »

Et, bien sûr, comme je l’avais soulevé aussi sur Twitter :

Faudrait organiser un « pool » sous le thème : Dans combien de temps Nathalie Normandeau aura son retour d’ascenseur pour services rendus.

Démission de Normandeau : « la volonté de se consacrer un peu plus à sa vie privée. » – Un peu plus à sa vie « au privé »?

En plus de cultiver le cynisme citoyen, toute cette histoire est un terreau très fertile pour le sarcasme.

Et je pourrais m’arrêter ici.

Le pouvoir

Mais à la lecture du billet de Cécile Gladel à ce sujet, dans la section où elle parle de l’avis de Josée Blanchette, j’ai une petite veine dans le front qui s’est mise à sursauter! Cette phrase en particulier :

Il faut beaucoup de lucidité ou être parvenu au point de non retour (sic) pour renoncer au pouvoir ainsi, aussi ouvertement, en baissant les bras, tout simplement.

Je ne sais pas si c’est juste moi, mais je n’aime pas du tout l’utilisation du terme « pouvoir » dans ce contexte. J’aurais préféré plutôt quelque chose pointant un poste de haut niveau ou quelque chose du genre. Parce qu’être parvenu au point de non-retour pour renoncer au pouvoir, ça donne l’impression que le pouvoir est en soi un joyau… Pour ceux qui ont lu et/ou vu la série « Le Seigneur des anneaux », nous ne sommes pas très loin de Gollum et de son « précieux »…

Et, si je ne m’abuse, le pouvoir de Nathalie Normandeau était assujetti au citoyen, contrairement au pouvoir du domaine privé. Et des politiciens qui visent la tête du gouvernement expressément pour goûter à l’étourdissement du pouvoir, le moins possible s’il vous plaît. Cela participe au cynisme ambiant. Le pouvoir, dans le contexte politique, ça devrait principalement concerner la possibilité de faire quelque chose pour les autres, et très accessoirement pouvoir s’appliquer à l’égo de la personne qui en a. D’autant plus qu’il ne manque pas d’argent à la clé. Ouin, le pouvoir et l’argent, le pouvoir de l’argent…

Et de voir cette formule de la plume d’une chroniqueuse très connue et appréciée, ça me donne des frissons.

Mais c’est sans doute juste moi.

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Radio L’Autre Monde : Actualité mondiale, économie, banqueroute des nations, 9/11, torture


Par François Marginean

Image Flickr par zennon_11




Radio L’Autre Monde : Actualité mondiale, économie, banqueroute des nations, 9/11, torture



Pour écouter, ou pour télécharger, simplement cliquer sur le lien ici:

L’Autre Monde 1er aout 2011

120 min / Radio de l’UQAM, CHOQ FM


Diffusion en direct : Lundi à 15:00h

Animation : François Marginean
Réalisation :François Marginean
Chronique : Stéphane Poutoire

Archives d’émission

Au programme cette semaine :

– Nos infrastructures s’effondrent et le programme spatial américain est terminé;

– L’impact des activistes et des médias alternatifs est grandissant et indéniable;

– Mise à jour des dossiers des attentats en Norvège et du scandale de Rupert Murdoch;

– Économie – Les États-Unis s’enfoncent dans la dépression et l’Europe coule elle aussi;

– Importantes informations concernant le 9/11 et la torture sont rapportées.

C’est en rendez-vous le lundi dès 15h pour l’émission la plus écoutée de CHOQ FM, la radio officielle de l’Université du Québec à Montréal !


***Cliquez sur les liens ci-bas pour trouver les sources d’informations discutées sur l’émission :

Actualité mondiale, économie, banqueroute des nations, 9/11, torture – 1/2

Actualité mondiale, économie, banqueroute des nations, 9/11, torture – 2/2

Aussi disponible en vidéo sur YouTube:

http://www.youtube.com/user/Stef2892#g/c/1A6C31236385C96C

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Classé dans Actualité, François Marginean

Les aventures d’Amir Khadir contre les parasites de la royauté

Par Renart Léveillé

De voir ainsi Amir Khadir se faire varloper pour ses opinions contre les parasites de la royauté est une belle représentation du pouvoir de la langue de bois et de la sclérose sociale dans laquelle nous sommes encore empêtrés.

Qu’est-ce que la royauté peut bien encore représenter? Oui, il y a sûrement quelques citoyens assez vieux pour être nostalgiques d’un respectueux consensus envers cette institution désuète. S’il y a un lien aujourd’hui entre les citoyens et la monarchie britannique, il tourne amplement autour du simple potinage. Rien de bien transcendant. Beaucoup comme avec les vedettes, mais tout à fait gratuitement, puisque le prince William et sa famille n’ont rien fait d’autre que de naître pour obtenir tout cet argent et toute cette attention. Pour utiliser une expression qui fera mal à quelques oreilles, ce sont des « BS de luxe », les premiers au palmarès.

Les ultras partisans Nathalie Normandeau et Gérard Deltell ont bien sûr sauté dans la mêlée pour se faire du capital auprès des amants de la rectitude politique, mais il semble que c’est plutôt Amir Khadir qui passe pour celui qui calcule ses coups… C’est à n’y rien comprendre. Franchement, n’y a-t-il pas au moins une mince frange de la population qui n’en a rien à foutre d’Élisabeth II et de ce qu’elle représente? Oui, et j’en suis. Le député de Mercier ne pourrait-il pas être simplement le représentant de cette opinion parmi les politiciens sans avoir à subir des charges de la sorte?

Ça revient encore et toujours à la notion de respect. Pourquoi la famille royale et tout ce qu’elle représente devraient-ils être respectés à tout prix, mais pas l’opinion de ceux qui sont contre? À cette question, je gage que le seul argument possible pour Normandeau et consorts c’est :

— Parce que.

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À propos de la photo : http://www.ssaft.com/Blog/dotclear/index.php?post/2009/01/28/Donner-sa-langue-au-crustacé…

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La tyrannophobie

À la suite de mon billet de la semaine dernière au sujet (entre autres) du registre des armes à feu, certaines personnes ont argumenté en défaveur de ce registre avec l’idée de la possible menace d’un gouvernement tyrannique. Comme quoi le registre est une manière pour le gouvernement d’avoir le contrôle sur les armes à feu sur le territoire. Comme quoi s’il lui prend le goût de se radicaliser au point de provoquer le peuple à prendre les armes, le gouvernement aurait les moyens de l’empêcher. Ce qui est une autre manière d’expliquer ce qui sous-tend le deuxième amendement de la Constitution de États-Unis :

La codification du droit de porter des armes dans le Bill of Rights fut influencé par la peur que le gouvernement fédéral pourrait désarmer le peuple afin d’imposer des règles par l’intermédiaire d’une armée de métier ou d’une milice, puisque l’histoire avait montré la façon dont les tyrans éliminaient la résistance en retirant les armes au peuple et en rendant illégal le fait d’en conserver afin de supprimer les opposants politiques.

Force est de constater que, comme beaucoup de lois, cela a mal vieilli. Ou plutôt, mal évolué. Nous ne sommes plus, au Canada ni aux États-Unis, dans des sociétés où le risque de se retrouver avec un dictateur dans le sens propre du terme est très élevé. Je vois peut-être la vie trop en couleur, mais notre vie est douce, comparée à certains pays où la démocratie n’est pas loin d’être utopique. Et puis, si nous pouvons sans trop de mal comparer nos dirigeants à des dictateurs, les armes qu’ils utilisent sont légères comme des cauchemars… Avec bien sûr quelques fiers-à-bras pour empêcher des journalistes de poser des questions embarrassantes.

Mais pour revenir en soi au registre des armes à feu, même dans l’optique d’une hypothétique tyrannie du gouvernement, je me demande s’il empêcherait quoi que ce soit : c’est à dire empêcher un soulèvement armé du peuple s’il fallait légitimement que cela se rende jusque-là. À ce que je sache, il est toujours possible de se procurer des armes sur le marché noir et j’ose espérer qu’un gouvernement tyrannique n’irait pas jusqu’à enlever tout l’argent disponible des citoyens pour les empêcher de s’en acheter… Encore, le registre des armes à feu n’empêche aucunement quiconque de se procurer une arme, s’il est dans son droit d’en posséder une, selon les lois et règlements (et, personnellement, je vois plus de dangers à ce que tous puissent se procurer une arme facilement qu’à continuer de tenir un registre avec le supposé risque de tyrannie gouvernementale). Encore plus, même si le registre permet de savoir où toutes les armes se trouvent, il faudra quand même aller les confisquer, ce qui n’est pas une mince affaire… Où est le problème alors?

À mon sens, cet argumentaire tyrannophobique ne tient pas la route parce qu’il réduit une problématique technique à un point philosophique pour le peu archaïque. Quand on entendra parler de cas de désarmement de citoyens sans fondements, ou que les lois changeront dans ce sens, je regarderai cet argumentaire avec un peu plus de sérieux.

Et puis, c’est quand même Stephen Harper qui veut couper le registre, et ce n’est sûrement pas pour empêcher la tyrannie du gouvernement, et ni pour cette raison que les états-uniens pro armes à feu militent… La tyrannophobie est dans le fin fond une forme d’hypocrisie.

Peut-être inconsciente.

Bang! Bang!

(Photo : upicks)

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Question de tirer au fusil sur les subventions publiques aux partis…

Durant cette campagne électorale, il y a deux thèmes chers aux conservateurs qui me font tiquer : la promesse de Stephen Harper d’abolir une grande partie du registre des armes à feu et son voeu de couper les subventions publiques aux partis politiques.

Pour ce qui est des armes à feu, il y a quelque chose qui me semble contradictoire. N’est-il pas celui qui donne beaucoup d’importance à la lutte contre la criminalité (à sa manière) en allongeant « les peines minimales pour les crimes graves commis avec des armes à feu »? N’est-il pas celui qui a fait augmenter les dépenses dans les services correctionnels « de près de 80 % »?

Il ne veut pas améliorer le registre, mais bien l’abolir, enfin, « abolir l’obligation d’enregistrer les armes longues, comme les fusils de chasse » (lire : faire plaisir aux chasseurs). Ça dépasse l’entendement quand on ne comprend pas ce que cela signifie entre les lignes. ll y a un lien à faire avec ce satané désir de liberté calqué sur nos voisins du sud, comme quoi l’État ne va pas nous dire quoi faire (je suis d’accord en partie avec ça, mais il y a des limites : posséder une arme n’est pas la même chose que faire ce qu’on veut dans notre chambre à coucher). Pourtant, ça prend un permis pour conduire une voiture et il faut qu’elle soit enregistrée (même que le coût de tout ça n’est jamais remis en question). On parle d’armes, pas de jouets pour les enfants. Et quand on sait que les « corps de police canadiens, dont la SQ et la GRC, sont contre l’abolition », c’est encore plus absurde.

D’un côté, on amplifie la répression alors que le taux de criminalité baisse (au Canada — et aux États-Unis, où « on incarcère cinq fois plus qu’au Canada »). Et de l’autre on veut laisser libre court à la liberté des armes de chasse, celles-là mêmes qui peuvent autant tuer des humains que les autres. C’est là où le bât blesse. Parce qu’en soi, une arme, c’est un condensé de possibilités de meurtres. Le seul fait qu’elle existe crée un danger qu’il faut au moins baliser. C’est la moindre des choses. Et puis, je ne comprends tout simplement pas ce qu’il y a de si excitant pour les chasseurs et agriculteurs dans cette promesse électorale. Est-ce vraiment une si grande insulte à leur intelligence que de leur demander d’inscrire leurs armes dans un registre? À moins que cette obligation ne soit prise comme une injure, l’injure d’être mis dans le même panier que les membres des clubs de tirs…

Pour ce qui est de la question de couper les subventions publiques aux partis politiques, elle est très certainement partisane. C’est bien connu, le parti conservateur n’a pas trop de problèmes, comparativement aux autres partis, à remplir ses coffres. Il ferait ainsi une pierre deux coups! Couper l’herbe sous le pied de ses adversaires et, pour l’avenir, s’installer comme nouveau parti naturel de gouvernance du Canada « (Natural Governing Party) ». Mais, globalement, le plus grave dans tout ça, c’est que ce possible abandon des subventions aux partis ouvre toute grande la porte à une augmentation du pouvoir des plus riches, à une ploutocratie. Déjà que la démocratie comme on la vit est déjà bien malmenée.

Dans le fond, il n’y a rien de plus simple comme calcul. Ce ne sont pas les pauvres ni même la classe moyenne qui ont les moyens d’encourager les partis politiques. Quel que soit le parti qui donnera le plus de bonbons à la classe riche, il obtiendra le plus d’argent. Oublions alors l’idée même d’équité en politique et quelque chose qui ressemblerait un peu à l’équilibre des chances. Encore plus loin, imaginons tous les partis tentant de séduire la classe riche dans le but de simplement survivre. Pour contrer cela, il faudrait un puissant mouvement populaire qui ne semble pas près de poindre à l’horizon.

Certains argueront qu’il est question de liberté individuelle versus de la mainmise de l’État, mais ils oublieront de dire qu’au final cette idée de liberté se monnaye. Dans ce cas, peut-on encore parler de liberté?

 

(Photo : roel1943)

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La pollution visuelle et mentale des pancartes électorales

 

En 2008, lors de la campagne électorale fédérale qui a mené Stephen Harper au pouvoir, j’ai fait à ma façon et à mon humble niveau la promotion de l’absence de pancartes électorales dans les rues. Comme je l’écrivais autrement, ces pancartes sont une grosse nuisance à l’esthétisme de l’environnement urbain et rural, en plus d’être un gaspillage de ressources. Ça ne s’arrêtait pas là :

Et question marketing, je me disais qu’un parti qui aurait eu le courage de me pas embarquer dans cette pollution visuelle aurait pu utiliser cet argent pour faire un beau coup de pub. Imaginez combien l’absence de pancarte d’un parti politique dans le paysage aurait eu d’impact si une pub avait réussi à lier fortement cette absence et ce parti.

Ce parti se serait retrouvé nulle part et partout à la fois.

Sans faire de lien de causalité, il s’est avéré qu’en 2009 Union Montréal et Vision Montréal ont décidé de ne pas s’afficher dans la ville pendant la campagne électorale municipale. On arguait que la raison principale était les coûts énormes de ce genre de campagne publicitaire. Question de mononcliser, dans mon livre à moi, c’est une autre bonne raison d’abandonner cette pratique.

Malgré cet exemple, il semble que tous les partis fédéraux vont placarder nos horizons de leurs slogans et autres sourires en plastique quand même. À notre grand dam. Alors, j’aimerais trouver une autre bonne raison de plus pour que l’avenir nous réserve un ciel plus monochrome…

Parce qu’il faut se le dire franchement, les pancartes électorales titillent tout sauf l’intelligence des gens. Elles ont peu à voir avec l’essence même de la démocratie représentative. On y présente les couleurs des partis, des slogans (l’antithèse du développement d’une idée) ainsi que des gueules figées dans le sens du plan de marketing choisi (même si la plupart du temps c’est d’un sourire plus ou moins réussi dont il s’agit). En gros, nous sommes dans le royaume des apparences, de la représentation. Ce qui est juste bon pour voter pour les mauvaises raisons.

Donc, voilà, j’accuse les pancartes électorales d’encourager la paresse intellectuelle auprès de ceux qui sont paresseux de nature. Pour qui va voter pour un candidat surtout parce qu’il a un air rassurant, nonobstant de ce qu’il prône réellement. Pour qui va voter pour cet autre parce qu’il le conforte dans ses préjugés physionomiques, avec tout ce qui vient avec : genre, origine. Sans oublier ceux qui n’iront pas voter en réaction de cette agression visuelle, quand c’est tout ce qu’ils peuvent retenir de la politique (contrairement à mes amis anarchistes abstentionnistes).

Dans ces conditions, la politique devrait se tenir aussi loin que possible de ces techniques publicitaires, qui sont par nature tapageuses, racoleuses, parfois même mensongères (et je ne me pencherai pas ici sur les messages publicitaires télé et radio). Puisqu’il n’est pas question de « vendre » quelque chose, mais bien de se choisir un moyen d’avancer. Et la meilleure façon de faire un choix de véhicule éclairé est sans conteste de faire fi des apparences et d’aller creuser, même si ça demande un effort. Qui achète une voiture en se basant seulement sur le design de la carrosserie?

Je pourrais continuer sur cette lancée en tentant de détruire aussi le traditionnel serrage de mains et même l’idée du porte-à-porte, mais bon, une chose à la fois…

(Photo : sashamd)

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La délocalisation : aux urnes citoyens!

 

Gaëtan Pelletier

( En remplacement de François Marginean)

Présentation des éditeurs :
Ce livre révèle que le monde des affaires mène une véritable guerre contre l’emploi. Des milliers de postes, même hautement qualifiés, sont constamment détruits en France, en Europe, comme aux États-Unis, pour être transférés en Chine et en Inde. Une quête du profit à court terme où les salaires sont sacrifiés à l’avidité des actionnaires.

Le scandale des délocalisations entraîne le lecteur dans les coulisses d’une réalité, dont l’ampleur et la gravité sont soigneusement occultées par les dirigeants d’entreprises et les responsables politiques. Il découvrira comment un fonds crée par Nicolas Sarkozy pour lutter contre la crise finance les délocalisations. Il apprendra comment l’Union européenne, déjà impuissante à créer des emplois, s’empresse de détruire ceux qui existent.

En délocalisant massivement, les industriels occidentaux sont tombés dans un véritable piège, soigneusement tendu par l’Inde et la Chine, et les bénéfices de la mondialisation leur échappent désormais.

Au terme de cette enquête emplie de révélation, Le scandale des délocalisations pose une question cruciale : un pays peut-il perdre ses emplois et continuer de prospérer ?

***

Le phénomène

La délocalisation est loin d’être un phénomène nouveau. On parle de 1980… Mais la dernière décennie a été un jeu de « cycles économiques » qui a accentué une manière de faire des industries qui pourrait amener le déclin de l’Occident. Du bien pour certains, pour d’autres, d’ici peu, elle pourrait mettre à  genoux les sociétés dites développées.

Si on mettait bout à bout tous les « déménagements » depuis cette dernière décennie, le « profil comptable » pourrait avoir l’allure d’un graphique aux courbes en chutes.

Sim  pour les compagnies, les raisons évoquées sont évidemment les coûts de main-d’œuvre, dans certains cas il peu s’agir d’une manière camouflée d’augmenter les profits sans regard aux dommages faits à la classe ouvrière, ni aux « pays ».

La paupérisation des travailleurs des pays  industrialisés peut même coûter très cher si on combine les effets dévastateurs des pertes d’emploi et des petits salariés qui finissent par être soutenus par l’État.

La question suivante est celle-ci : la délocalisation va-t-elle éponger un peu la misère des pays émergents?

Rien n’est sûr.

EXTRAIT ( Le journal du net )

Le racket sur l’argent public

« Un employé de Wal-Mart coûte annuellement 2 103 dollars aux contribuables. »

« Malgré des revenus, huit fois supérieurs à ceux de Microsoft, la rapacité des dirigeants du groupe reste sans limites. Ils ont détruit l’emploi aux États-Unis mais mettent à contribution  l’État  et les contribuables américains, contraints de payer pour leurs employés trop mal rémunérés.

Ces « travailleurs pauvres » ont fait l’objet d’une enquête accablante. Réalisée par le groupe démocrate au sein du Comité de la Chambre des Représentants pour l’Éducation et le Travail. Elle a conclu que bon nombre de salariés de Wal-Mart sont si mal payés qu’ils ont droit à l’aide gouvernementale pour les plus démunis, malgré un système de protection sociale pourtant peu réputé pour sa générosité.

Selon les calculs effectués, le gouvernement fédéral américain (et donc les contribuables) dépense notamment pour deux cents employés de Wal-Mart 108 000 dollars par an pour les frais de santé aux enfants, 125 000 dollars en crédits et déduction d’impôts, 42 000 dollars pour une aide au logement.

Le rapport conclut que ces deux cents employés de Wal-Mart coûtent annuellement aux contribuables un total de 420 000 dollars soit 2 103 dollars par employé. »

PREMIER EXEMPLE

LONDRES, 6 mars (Reuters) – HSBC (HSBA.L: Cotation)(0005.HK: Cotation) pourrait délocaliser son siège londonien à Hong Kong, selon un article publié dimanche par le Sunday Telegraph.

La première banque d’Europe estime les taxes trop élevées à Londres et l’administration trop lourde. Le journal cite des investisseurs anonymes qui disent avoir compris qu’un déménagement était « plus que probable ».

« Aucune décision n’a pour le moment été prise », a fait savoir un porte-parole, qui a reconnu que de nombreux investisseurs institutionnels s’interrogeaient sur le poids financier que représente pour la banque un siège à Londres.

La nouvelle taxe sur les actifs bancaires qui sera mise en place cette année en Grande-Bretagne coûterait environ 600 millions de dollars à HSBC, au regard du bilan de fin décembre.

Face au mécontentement du contribuable britannique, qui a supporté le coût des sauvetages des banques RBS (RBS.L: Cotation) et Lloyds (LLOY.L: Cotation), et qui voit d’un mauvais oeil l’augmentation des bonus des banquiers, la classe politique britannique se montre de plus en plus offensive en matière de mesures prises à l’encontre

(Rosalba O’Brien et Keith Weir, Catherine Monin pour le service français) Fr Reuters

La délocalisation au Québec

Whirlpool

En 2002, l’usine d’appareils électroménagers Whirpool, de Montmagny, sur la Rive-Sud du Saint-Laurent près de Québec, a fermé ses portes, jetant à la rue ses 550 employés tout en semant la consternation dans la population de cette petite municipalité mono-industrielle typique du Québec des années cinquante.

GE

L’année suivante, en 2003, c’était au tour du géant GE – passé dans le giron de l’entreprise mexicaine Camco – de fermer son usine ontarienne de Hamilton pour concentrer toute sa production dans ses installations de Montréal-Est, la seule et dernière usine canadienne où l’on fabriquera encore, en 2013, des appareils électroménagers. Rue Frontenac

Stryker Medical

Et tout récemment, à L’Islet, tout près de Montmagny,   Stryker Médical a décidé de transférer ses installations au Mexique. 300 emplois dans un village de 4,000 habitants.

U.S. Cotton

Le fabricant de tissus cosmétique et médical U.S. Cotton ferme son usine située à Lachine, à Montréal, et délocalise ses emplois aux États-Unis.

Les employés montréalais gagnaient entre 15 et 20$ de l’heure. Selon ce qu’on nous a dit, ces salaires seront plutôt de 12$ de l’heure. En commençant, les employés touchent bien souvent en bas des 10 $ de l’heure.

Électrolux

Aussi soudaine et inattendue qu’elle a semblé, l’annonce de la fermeture de l’usine d’Electrolux de L’Assomption et la mise à pied de ses 1 300 travailleurs d’ici 2013 s’inscrivent par ailleurs dans une logique industrielle très prévisible.

L’usine de L’Assomption, où l’on fabrique un éventail d’appareils électroménagers pour le compte de la multinationale suédoise Electrolux, est un rare vestige de l’époque post-industrielle de production d’objets de consommation de masse. À l’exception de l’usine Camco, dans l’est de Montréal, toutes les usines de fabrication d’appareils électroménagers ont disparu du paysage industriel canadien. . Rue Frontenac

Pourquoi déménager l’usine de l’Assomption à Memphis? La compagnie avait reçu une aide de 2.5$ millions d’investissement Québec. Perdu? Et qui est Investissement Québec?

En fin de compte, le travailleur.

***

Les discussions ne sont toujours pas terminées. Il reste aussi à savoir ce qu’il adviendra du déficit du régime de retraite, qui s’élève à 10 millions de dollars. La fermeture de l’établissement devrait coûter 65 millions.

Electrolux, qui a dégagé un bénéfice de 615 millions en 2010, a justifié sa décision en prétendant que les coûts de transport sont trop élevés au Québec. Elle a aussi insisté sur les généreuses subventions reçues de l’État du Tennessee. Là-bas, le géant mondial s’est effectivement fait dérouler un tapis rouge de 132 millions de dollars. La Ville de Memphis et le comté ont promis de lui verser 20 millions chacun. L’État fournira pour sa part une enveloppe de 92 millions. La construction de l’usine, un complexe de 700 000 pieds carrés qui coûtera 190 millions, commencera en 2011. Elle embauchera 1200 personnes. Le Devoir

Pour abréger l’histoire, la plupart des mouvements de délocalisation avalent une richesse collective et s’en vont ailleurs… pour aller ailleurs.

Pour Memphis, c’est de la relocalisation. Qui sait si dans 10 ans, après avoir siphonné la ville, le pays, Électrolux n’ira pas s’implanter en Inde ou au Mexique?  C’est plus proche. Proche du profit…

 

Après deux siècles de pauvreté et d’humiliation,

la Chine impose à présent au monde entier ses conditions.

Chine, Inde, Russie, Mexique…

Tous ces pays, jadis de « sous-traitance », imposent de plus en plus leurs conditions. Mais l’histoire n’est pas terminée : avec ça, on importe les cerveaux qui vont avec la Hig-Tech.

Externalisation. Beau terme!

Carri-All… Voilà que le transfert porte bien son nom

La fermeture de l’usine et du centre de distribution situé à Pointe-aux-Trembles entraînera à terme la perte de 375 emplois, dont 210 employés permanents et environ 165 travailleurs temporaires ou sur appel. La fabrication de systèmes d’étagères se terminera en mars, tandis que celle de chariots de provisions prendra fin en juin. Cari-All explique sa décision par la montée du dollar canadien et la concurrence chinoise.

C’était en 2008.

La méthode pour garder ces usines est d’aller supplier  ces compagnies,  et cela, sans effet.

La Caisse de dépôt et placement du Québec continue de chercher des solutions dans le dossier Cari-All

Évidemment, l’opération n’a pas réussi. Voici la réponse dans une lettre d’échange.

Qu’a donc emporté Cari-All avec elle?

Monsieur,

Vous avez fait valoir par la voie des médias que la Caisse de dépôt et

placement du Québec, à titre d’actionnaire de la société Cari All, aurait dû empêcher la fermeture de l’usine de Marien. Nous vous rappelons que la Caisse est actionnaire minoritaire à la hauteur de 40 % de Cari All et que les autres actionnaires sont : le Régime de retraite des employés municipaux de l’Ontario (OMERS), la famille fondatrice ainsi que la compagnie Wanzl formant la majorité de l’actionnariat. Branchez-Vous

40% de la Caisse de Dépôt, un régime de retraite ( l’OMERS), c’est peu. Bien sûr, ce n’est pas perdu. Du moins, en argent.

Allons voir Wiki :

Au plan social

Les délocalisations ont de nombreuses répercussions sur le plan social dans les pays subissant les délocalisations. Les principales sont de :

  • Générer des licenciements, et des pertes d’emplois indirects, difficiles à compenser dans les pays présentant des faiblesses compétitives.
  • Être utilisé comme une menace et donc comme un moyen de pression sur les conditions de travail (amplitude horaire quotidienne, travail de nuit, durée des congés payés, sécurité sociale, âge et taux de retraite) lorsque celles-ci posent un problème économique.
  • Entraîner la faillite de certains sous-traitants d’entreprises ayant délocalisé. Lorsqu’une entreprise délocalise en pays à bas coût et licencie son personnel, elle s’accompagne souvent également de la suppression d’emplois chez de nombreux sous-traitants directs (fournisseurs de pièces diverses) et indirects (restauration, artisans,…). Par exemple : lorsqu’un constructeur automobile délocalise (Ex: PSA), il ne supprime pas non seulement ses emplois, mais il supprime des milliers d’emplois chez ses fournisseurs (les équipementiers que l’on appelle les rang 1 : ex: Valeo, Faurecia,…) et les sous-traitants des équipementiers (les rang 2 : entreprises d’injection plastique, de découpage,…). Cette situation est d’autant plus difficile lorsque le sous-traitant réalise la majeure partie de son chiffre d’affaires avec le constructeur ; si celui-ci n’arrive pas à trouver de marché de compensation, il risque le dépôt de bilan !

Ces raisons expliquent pourquoi les délocalisations sont souvent mal vécues par les salariés et les sous-traitants des entreprises concernées.

Mal vécu?

Il me semble que c’est ça le but de la vie, bien vivre, autant sur le plan émotionnel que matériel. On ne parle pas des malaises psychologiques, des érosions des sociétés sur le plan humain. Il n’en est pas question.

La lente érosion n’est jamais visible d’un coup. Ni sur le plan « matériel »…

 

Détroit :cimetière à gratte-ciel

Peu de villes ont embrassé le vent galopant de l’industrialisation de masse comme l’a fait Detroit. Le déclin de « Motor City » n’en aura été que plus impressionnant, la baisse de la démographie et l’abandon de certains quartiers laissant sur place des écoles, des maisons, et des monstres architecturaux (à l’image de cette gare).

Ces photographies sont avant tout les témoins de cette tragédie humaine et urbaine dans une ville qui représentait également l’eldorado de la musique durant toute la deuxième moitié du 20ème siècle avec la maison de disque Motown, détruite depuis 2006. Comme si la ville avait subit l’arrivée incontrôlable et destructrice d’un virus ou d’une peste dévastatrice, de nombreux bâtiments symboles d’un feu effervescence architecturale comme la gare Michigan Central Station, splendeur de l’immigration ouvrière, ou le Michigan Theater semblent avoir été désertés après l’une des pires catastrophes naturelles.

Plutôt que de financer la rénovation ou la destruction, Detroit, dont l’avenue Grand Circus Park est aujourd’hui surnommée « cimetière à gratte-ciel », préfère laisser faire le temps et prôner l’abandon, contribuant de ce fait, à son propre déclin.

DETROIT, VESTIGES DU RÊVE AMERICAIN de Yves Marchand et Romain Meffre. Préface de Robert Polidori, introduction de Thomas Sugrue. Steidl, 228 pages, 88 euros. Sorti depuis le 16 décembre.

The ruins of Detroit

Le travailleur en poudre

Toute délocalisation apporte ses ruines. Les grandes, matérielles,  sont « étonnantes ».L es petites passent et repassent en laissant les travailleurs devenir les rameurs des galères des industries qui se déplacent et changent de rameur.

Hélas! Il n’y a pas de photographies pour faire le portrait de ruines intérieures de ces humains qui ont travaillé parfois toute une vie en laissant  un fonds de pension s’effriter, disparaître.

L’industrie de l’alimentation a inventé le café en poudre, le lait en poudre, la pomme de terre en poudre…etc.

Voilà l’ère du travailleur en poudre. Mourir à petit feu en laissant de petites cendres.

Ne reste plus qu’à  lui donner une urne au lieu d’une montre.

Là, il sera vraiment délocalisé…

C’est peut-être pour  cette raison qu’on nous invite à voter :

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Journal de Montréal : l’équilibre des forces

Le conflit qui se passe au Journal de Montréal n’a pas fini de susciter des débats, c’est bien certain. Alors, concernant le débat en lien avec le code du travail qui interdit « le recours aux travailleurs de remplacement par un employeur lors d’un conflit de travail », le blogueur Vincent Geloso soulève un point qui mérite réflexion. C’est la question de l’équilibre entre les forces syndicales et patronales dans un conflit.

Selon lui, « la question de l’équilibre est mal posée » :

Premièrement, il ne faut pas oublier que le code du travail contient des dispositions qui permettent à des travailleurs en conflit de travailler ailleurs (ce qui se passe avec Rue Frontenac). Uniquement sur ce point, on peut constater que la partie patronale entame la négociation avec un désavantage important. Ce désavantage est encore plus important si on considère que les « salaires » versés à même les fonds de grève sont déductibles d’impôts (ce qui peut leur assurer un revenu assez stable advenant un conflit).

Donc, selon cette logique, il faudrait que la peur du travailleur de ne plus pouvoir subvenir à ses besoins primaires, de perdre sa maison, etc. soit égale à la peur du patron de voir fermer son entreprise, dans le pire des cas. On compare carrément une personne morale à une personne vivante sans faire de distinction éthique quant à la gravité des conséquences d’un conflit pour l’un et pour l’autre.

À mon sens, il se trouve que le risque d’un conflit de travail pour le travailleur est double. Si la compagnie ferme, il n’y a qu’une conséquence pour elle alors que pour le travailleur c’est une perte de revenu pendant le conflit (avec tout ce qui peut venir avec) et une perte d’emploi au final. Et puis, à la base, une personne morale a les reins plus solides qu’une personne vivante (entre autres parce qu’elle n’en a pas réellement, contrairement à un être vivant…). Alors, dans ce sens, qu’un travailleur puisse subvenir à ses besoins pendant un conflit ne me semble pas un avantage, mais bien ce qui participe de l’équilibre, justement.

Certains pourraient rétorquer qu’un conflit de travail cause aussi des dommages à une entreprise pendant que ça se passe et non seulement à la fin, dans le cas d’une hypothétique fermeture, mais je le répète, une personne morale n’est pas un être vivant. On ne peut pas se soucier éthiquement d’autre chose que des répercussions qu’aurait sa « mort » sur ses employés et ses dirigeants. Alors, s’il est clair que les pires répercussions se trouvent du côté des employés (en ajoutant à cela leur nombre) et non des dirigeants, quantitativement, je ne vois pas comment on peut prendre tant la défense des personnes morales, qui ne sont finalement que des bouts de papier en regard de la vie humaine.

Vous comprendrez que j’ai un regard humaniste sur cette question. Oui je crois les entreprises importantes pour l’humanité, mais pas au prix de laisser taire a priori les revendications des travailleurs ou de les placer dans une position d’infériorité.

Mais pour revenir au Journal de Montréal, où est la peur de voir fermer l’entreprise si le produit se fait et qu’il y a des profits à la clé? Quel que soit le fin fond des revendications des deux côtés (là n’est pas la question), Pierre-Karl Péladeau n’a qu’à être patient dans ces conditions pour arriver à ses fins. Ce qui n’est vraiment pas le cas des syndiqués : le temps et l’argent jouent contre eux.

Équilibre, vraiment?

(Image : modification d’une photo de foobear)

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