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John Law et la bulle du Mississippi

John Law (1671–1729)


Afin de poursuivre sur le thème « les banquiers ne sont pas nos amis », je me propose de vous raconter une petite histoire. Et puisque ceux qui ignorent les leçons de l’Histoire sont condamnés à la répéter, j’ai crû bon de choisir un chapitre de l’Histoire que la clique des banquiers centraux voudraient bien qu’on oublie: celle de John Law et de la bulle du Mississippi. Pourquoi? Parce que ça nous rappellerait pourquoi la monnaie de papier est un poison à l’économie.

Qui était John Law?

Était-il un fraudeur ou un génie financier? Ça dépendrait probablement à qui vous le demandez. Il y a certainement certains économistes de nous jours qui le tiennent en grande estime pour ses théories monétaires, malgré le fait qu’il a eu la distinction de complètement ruiner la couronne française et plonger une grande partie de l’Europe dans une profonde récession.

John Law est né à Édimbourg en Écosse en 1671 dans une fiche famille d’orfèvres. À 14 ans, il s’est joint à l’entreprise familiale et a commencé à étudier la finance sous la tutelle de son père. Il fût envoyé à Londres un peu plus tard pour parfaire son éducation. Une fois à Londres, il est toutefois tombé victime se son coté social. John Law avait un faible pour les femmes et les cartes. Sa passion pour le jeu l’a amené à perdre d’énormes sommes et sa passion des femmes l’a mené à tuer un autre homme en duel pour l’affection d’une demoiselle. Accusé de meurtre et condamné à mort, sa sentence fût éventuellement commutée à homicide involontaire et une amende. Pendant qu’il était encore en prison, il a réussi à s’évader et s’enfuir sur le continent où il est aller s’installer à Amsterdam pour continuer ses études de finances et de commerce en 1694. Là il commença à élaborer ses propres théories économiques et monétaires.

De retour en Écosse en 1705, il commence à exposer ses vues dans plusieurs ouvrages dont le livre « Money and Trade Considered,
with a Proposal for Supplying the Nation with Money ». Selon Law, le rôle principal du gouvernement était d’augmenter la prospérité de la nation. Ceci devait, selon lui, être accompli en augmentant la quantité de monnaie dans l’économie. De son point de vue, il croyait que la monnaie de papier présentait des avantages sur la monnaie d’or et d’argent. Il argumentait que ces métaux ne devaient servir qu’au banques en tant que sécurité dans l’émission de billets de banque. De cette façon, une plus grande quantité de monnaie de papier pouvait circuler qu’il ne serait possible avec la monnaie en espèces, augmentant ainsi le commerce et la prospérité.

Cette même année il tenta de vendre l’idée d’une banque centrale au parlement écossais, mais son offre fût refusée. Il tenta aussi en vain d’intéresser d’autres gouvernements. Quand l’Angleterre et l’Écosse furent réunifiées, Law, encore considéré comme un fugitif en Angleterre dû fuir de nouveau sur le continent. C’est là que l’opportunité frappa à sa porte.

La Banque Générale et la Compagnie du Mississippi

En 1715, la France était considérée comme la nation la plus riche et la plus puissante du monde. Pourtant, malgré les palais resplendissants de Louis XIV, la France croulait sous les dettes. Après la mort du Roi Soleil, John Law trouva enfin une oreille sympathique en la personne du Régent Philippe, Duc d’Orléans. Law proposa au Duc de créer une banque pouvant émettre des notes de papier ayant cours légal qui permettrait à la couronne de rembourser la dette énorme à l’époque de trois milliards de livres et lui permettre de développer ses territoires en Louisiane. Ainsi fût née la Banque Générale qui deviendra plus tard la Banque Royale.

L’idée de Law était de créer une banque pour la finance de l’état et une compagnie d’état pour le commerce qui excluait toute banque privée. Ceci permettait d’établir un monopole de finance et de commerce contrôlé par l’état, permettant de rembourser la dette à partir de ses profits. Law croyait que la monnaie était une force dans le développement de l’économie et qu’en augmentant la quantité de monnaie de papier en circulation, ça augmenterait le produit national et une augmentation du pouvoir national en résulterait.

On accorda donc à Law une charte de 25 ans pour former la Compagnie de l’Occident, qui sera plus populairement connue sous le nom de Compagnie du Mississippi, avec le monopole de tout le commerce avec les colonies de la Louisiane et de la Nouvelle France, en plus du monopole de la culture et de la vente du tabac. La Compagnie de l’Occident fût jointe à la Banque Générale qui fût renommée Banque Royale. En décembre 1718, le Duc d’Orléans acheta toutes les parts de la banque, en faisant une institution royale avec la couronne comme seul actionnaire. Les billets de la banque devinrent monnaie à cours légal dans toute la France et Law fut nommé Controleur Général des Finances. La vie était définitivement belle pour John Law.

La bulle du Mississippi.

La richesse de la Louisianne fût le sujet d’un grand nombre de grossières exagérations, ce qui alimenta une folle spéculation sur les actions de la Compagnie du Mississippi. Au départ, les actions se vendaient à 150 livres tournois, mais elles grimpèrent à 10 000 livres en l’espace de quelques mois. Du jour au lendemain, même des gens de faibles moyens sont devenues immensément riches. Pour acheter une part, il suffisait simplement de fournir 10% du prix. Il est dit que même des mendiants ont fait fortune. Un nouveau mot entra dans le vocabulaire: « millionnaire ». Toute cette spéculation étant naturellement alimentée par l’émission toujours plus grande de notes de papier de la Banque Royale. Ça ne prit pas bien longtemps avant que l’inflation commence à affecter les prix des denrées. Cette inflation finira par rejoindre un taux astronomique de 23% par mois. Les gens commencèrent à être pris de panique et à vendre leurs actions de la Compagnie du Mississippi et demander d’échanger leurs billets de banques en espèces. Les décrets royaux et dévaluations se sont succédés afin de tenter d’endiguer la fuite, mais à la fin, l’économie était en ruines. Quatre ans après la fondation de sa banque, John Law dû fuir la France, ruiné et haït. Il est mort d’une pneumonie en 1729, sans un sou.

La morale de cette histoire…

Beaucoup d’entre vous verront certainement le parallèle entre cette histoire et la situation actuelle. L’erreur de John Law, comme nos élites aujourd’hui, fût de croire que les problèmes économiques sont dus à une trop faible quantité de monnaie en circulation et que la situation devait simplement être résolue avec un gonflement de la masse monétaire. On essaie d’appliquer ce même remède aujourd’hui et il connaitra certainement un dénouement similaire à la France en 1719, mais cette fois-çi à l’échelle mondiale. La question dans mon esprit demeure si nos élites pêchent par ignorance de l’histoire, ou si cet effondrement inévitable est voulue par les marionnettistes?

Bonne Saint-Jean à tous!

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Classé dans Actualité, économie, Philippe David

L’arnaque

Philippe David.

Il n’y a pas très longtemps, dans mon billet «Le pays de la responsabilité fiscale», je dépeignait un tableau plutôt alarmant de l’endettement des ménages au Canada. Dans sa chronique, Richard Martineau fait un constat similaire, tout en concluant:

La vérité est que nous sommes extrêmement mal placés pour faire la leçon aux gouvernements. Comme eux, nous dépensons trop, sommes beaucoup trop endettés et avons les yeux plus gros que la panse…

Jusqu’à un certain point, il a raison. Nous surconsommons et nous nous endettons pour le faire. Si nous sommes conséquents, nous reconnaitrons notre part de responsabilité dans la chose. Mais il existe tout de même une bonne explication pourquoi collectivement nous agissons ainsi. C’est parce que l’élite dirigeante le veut ainsi.

Pensez-y. Combien de fois entend-on les politiciens nous encourager à consommer pour faire tourner l’économie? Lorsque nous tombons en récession, ils sont là à nous dire: «Dépensez, dépensez, dépensez!» Cette mentalité provient de la croyance erronée que les récessions sont causée par une baisse de la demande agrégée et que nous devons absolument renflouer cette demande coûte que coûte. Les politiciens adorent ce genre de chose parce que ça leur permet de passer pour des héros avec leurs plans de relance. La réalité est que la reprise éventuelle dont ils s’accaparent le mérite aurait eu lieu de toute façon. Même qu’elle aurait probablement eu lieu plus tôt.

La seconde raison est que les taux d’intérêts sont artificiellement bas. Ils sont particulièrement bas présentement, mais ils ont presque toujours été plus bas qu’ils ne l’auraient normalement été si les banques centrales de ce monde cessaient de les manipuler pour «stimuler» l’économie. Cette stimulation artificielle par le crédit facile encourage justement l’endettement et décourage l’épargne. À quoi bon épargner si les taux d’intérêt sont dérisoires et que par opposition, le crédit est relativement peu coûteux? Dans un marché libre, les taux d’intérêt seraient fixés selon la disponibilité d’épargnes réelles pour financer les crédit, ce qui naturellement donnerait des taux plus élevés qui stimulerait l’épargne et limiterait la demande de crédit à ceux qui en ont vraiment besoin. En effet quel mal y a-t-il à économiser un peu avant de se payer quelque chose? Pourquoi doit-on essayer de tout avoir tout de suite? Si les taux d’intérêt étaient plus élevés, la question ne se poserait pas.

Est-ce que l’économie souffrirait si on changeait cette façon de faire? Il y aurait très certainement des répercussions à court-terme pendant que l’économie se réajuste, mais à long-terme, une économie fondée sur l’épargne aurait une base plus solide qu’une économie gonflée au crédit facile de l’argent créé à partir de rien. Nos politiciens, guidés par certains idiots avec des prix Nobel, croient que l’économie doit être constamment stimulée un peu comme un athlète qu’on pompe aux stéroïdes. Sauf qu’à la longue, l’athlète finit par claquer. Bientôt, il sera au bord de l’overdose.

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Classé dans Actualité, économie, Philippe David