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La fin de l’État Providence

Par Philippe David

Cette semaine, nous avons assité à une sérieuse correction boursière suite à une décote par Standard & Poor’s des États-Unis de AAA à AA+. Barack Obama aura donc l’honneur de passer à l’histoire comme étant le premier président ayant vu une décote pendant son terme. Et bien entendu, on blâme tout le monde sauf lui. On blâme S & P et pourtant ils ne sont que les messagers. Il ne font que signaler ce qui est évident: que l’empereur est nu ou qu’il y a un éléphant assis dans le salon. On blâme les membres du congrès élus par le Tea Party. Ces méchants radicaux qui osent exiger que l’État américain cesse de dépense comme un matelot en permission et ramène son budget en équilibre d’ici 7 ans! C’est drôle comment c’est devenu radical de nos jours de faire preuve de responsabilité et cesser d’endetter les contribuables au profit des banquiers de Wall Street. Pis encore, Ô sacrilège! Si on voulait renverser la vapeur et commencer à rembourser cette dette. On serait probablement portés au bûcher et brûlés pour notre impertinence.

Il serait injuste, toutefois, de blâmer uniquement Obama pour la situation actuelle, car les États-Unis n’y sont pas arrivés du jour au lendemain. C’est une situation qui se développe depuis des décennies. Depuis qu’on a décidé que l’État devrait fournir tout pour tout le monde. Depuis qu’on a décidé aussi que les États-Unis devraient être les policiers du monde, et pourquoi donc? Pendant ce temps ses alliés se payaient programme social par dessus programmes social avec l’argent qu’ils auraient dépensé pour leur défense sit les États-Unis n’avaient pas été là avec leurs missiles et leurs porte-avions. Ni les États-Unis, ni les autres États industrialisés n’ont eu d’égard envers les générations futures quand ils ont résolu de s’endetter pour s’offrir tous ces programmes de l’État-Providence, plutôt que de produire la richesse dont ils avaient besoin pour se les payer. Nous avons fait comme des parents qui achètent une maison, ne payant que les intérêts sur l’hypothèque, et même en contractant des prêts supplémentaires dans l’intention de laisser le remboursement du capital à leurs enfants. Un jour on se réveille avec la gueule de bois sans avoir aucune idée comment on va payer pour le party.

Mais voilà, on veut continuer le party, même s’il n’y a plus rien dans le compte de banque et que nos cartes de crédits sont à la limite. On essaie désespérément d’obtenir du crédit supplémentaire comme un toxicomane qui cherche frénétiquement sa prochaine dose et on ne veut surtout pas se faire dire « non ». Nous ne vivons pas une crise à cause de la cupidité des banquiers et des financiers, nous sommes en crise parce que nos Etats-Providence sont devenus des dépensiers compulsifs qui ne savent plus comment s’arrêter et il est beaucoup plus facile aux politiciens de promettre mers et mondes à crédit que de faire face à la réalité et prendre des décisions difficiles et impopulaires qui s’imposent. Pourtant, le gros bon sens dit que lorsqu’on est sur le bord de la faillite, on doit revoir notre budget et éliminer toutes les dépenses non-essentielles et mêmes les dépenses essentielles doivent être réduites au minimum. Quant aux cartes de crédit, on les passe aux ciseaux. C’est ça qu’il faut faire quand on est dans le trou et ce n’est pas différent pour un gouvernement ou un particulier. Est-ce que ça va faire mal? Absolument! Mais on a pas le choix.

Il ne faut pas se leurrer. Proportionnellement, la dette du Québec (et aussi la France), n’est guère reluisante. La décote n’est pas loin ici non plus. La seule chose qui permet au Québec de conserver sa cote actuelle, c’est la situation fiscale du fédéral qui fait l’effet d’un endosseur. Ce n’est pas parce que d’autres ont de pires problèmes d’endettement que nous devons rester assis sur nos mains.

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Les Villes Fantômes

Il y en a beaucoup qui vantent le miracle économique chinois, en particulier pour démontrer qu’une économie dirigée est plus efficace qu’une économie libre. Certains iront même jusqu’à appeler ça une dictature éclairée. Le Président Obama s’est même plaint que ce serait plus facile pour lui s’il était président de la Chine. J’ai déjà souligné les failles de l’économie dirigée auparavant, mais je vais y revenir aujourd’hui.

Il est vrai que, si on ne s’attarde qu’aux métriques macro-économiques, la Chine semble sur le point de devenir LA puissance économique mondiale. Cependant, les apparences peuvent facilement être trompeuses. Je vous demanderait donc de considérer ce reportage australien sur le phénomène des villes fantômes en Chine.

Voyez-vous, si la croissance de 8% du PIB de la Chine semble phénoménale, cette croissance est fantoche. Elle est soutenue par la construction de villes que personne n’ira habiter. La Chine est en train de développer une bulle immobilière qui semblera comme une bombe atomique, comparativement avec celle des États-Unis en 2008. Mais considérant que la Chine a une économie dirigée, ça ne devrait cependant pas être une surprise, puisque tout ça concorde exactement avec la présomption fatale de Hayek. Lorsque l’économie est gérée du haut vers le bas, elle est orientée vers des impératifs politiques plutôt que les désirs des consommateurs. Le résultant étant qu’en Chine, on construit des millions de logements hors de prix pour des millions de chinois qui s’entassent comme des sardines dans des appartements de deux pièces.

Comme je l’ai déjà souligné, le rôle d’une économie est de répondre aux besoin des consommateurs. À quoi ça sert de fabriquer des choses que personne n’achètera? À quoi cela peut-il servir de construire des maisons et des condos qu’aucun des habitants n’a les moyens de se payer? Mais pour le gouvernement chinois, tout ce qui compte c’est de gonfler son PIB. Qu’importe si ça améliore les qualité de vie de ses citoyens ou pas. Ce n’est pas sans rappeler la défunte URSS qui elle aussi, paraissait si bien sur papier que des éminents économistes comme Josef Stiglitz en faisaient l’éloge, mais qui s’est avéré un désastre économique. Ce n’est pas un accident, ça se reproduira chaque fois qu’on essaiera d’établir une économie dirigée, parce que les dirigeants seront toujours déconnectés des besoins des consommateurs et obéiront toujours à leur propres impératifs personnels. Il semble que la race humaine n’apprend pas facilement de ses erreurs. Nous persistons à essayer de contrôler le marché alors qu’il ne requiert pas ce genre de contrôle. Tout ce que le marché requiert, ce sont des entrepreneurs à l’écoute de leurs clients.

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La carte du racisme

Boston Tea Party

Lorsqu’on est incapable de discréditer un adversaire autrement, il est fréquent d’avoir recours à la démonisation de cet adversaire. Quoi de mieux alors que d’utiliser la carte du racisme. Cet argument est souvent utilisé lorsqu’un des antagonistes est membre d’une minorité visible. Si nous nous opposons à lui, c’est que nous devons forcément être racistes. Les musulmans jouent cette carte très efficacement avec la supposée offense de blasphème et d’islamophobie. Cette tactique rend toute opposition ou critique de l’Islam politiquement incorrecte. Les démocrates et les grand médias américains ont pour leur part décidé de jouer la carte du racisme pour faire taire toute critique à l’encontre de l’administration Obama et notamment contre le mouvement des tea parties. Pourtant, de croire que ce mouvement est primairement motivé par le racisme, c’est de très mal connaître nos voisins du sud.

Le Boston Tea Party de 1773.

Les États-Unis sont nés à toute fin pratique d’une révolte de taxes. Plus précisément d’une collections de plusieurs taxes imposées par la couronne sur les colonies américaines, sans que celles-ci puissent être représentées au parlement britannique. Ce principe étant cher aux américains, ils devinrent de plus en plus insatisfaits alors que la couronne imposait le Stamp Act et le Townsend Act, mais ce fût le Tea Act qui a enfin fait déborder le vase. Une bande de 200 hommes déguisés en amérindiens ont pris d’assaut trois navires de l’East India Company chargés de Thé dans le port de Boston le 16 décembre 1773 et jetèrent 343 caisses de thé par dessus bord. Les conséquences de ce geste furent le coup d’envoi de la révolution américaine. L’esprit même de la révolution américaine fût celui d’établir un nouveau gouvernement aux pouvoirs restreints, gouvernant selon la volonté et le avec le consentement du peuple, concept plutôt révolutionnaire à l’époque. Ce désir est amplement reflété grandement dans la Déclaration d’Indépendance américaine et dans le préambule de leur Constitution. Encore de nos jours, un très grand nombre d’américains adhèrent encore farouchement à ces principes.

La crise économique de 2008.

Appuyons le bouton d’avance rapide jusqu’à 2008. Grâce à diverses interventions gouvernementales visant à favoriser l’accès à la propriété par le biais de la sécurisation d’hypothèques par les compagnies gouvernementales Fannie Mae et Freddie Mac et grâce à des taux d’intérêts maintenus artificiellement bas par la Réserve Fédérale, la plus grosse bulle immobilière de l’histoire éclate, laissant Wall Street en lambeaux avec des tonnes d’actifs toxiques basées sur des hypothèques ne valant plus rien. L’administration Bush décide alors qu’il faut absolument sauver les banques de Wall Street de peur de voir tout le système bancaire s’écrouler. On institua donc le Troubled Asset Relief Program, visant à racheter les actifs toxiques des banques. Pilule qui fût extrêmement difficile à avaler par le contribuable américain à qui on veut refiler la note de l’irresponsabilité des banques de Wall Street. L’administration Bush était déjà coupable de grossiers excès de dépenses pendant ses huit ans au pouvoir, mais le TARP fût très probablement la goutte qui a fait déborder le vase pour plusieurs américains, mais Bush s’en allait et Obama arrivait pour le remplacer.

Hope and Change.

Obama a pris office avec la promesse d’espoir et de changement. Malheureusement, aussitôt arrivé au pouvoir, il s’est empressé d’endosser et amplifier toutes les politiques de l’administration précédente. Non seulement a-t-il continué le TARP de $700 milliards, mais il s’en est servi pour nationaliser une partie des banques commerciales, AIG (qui a promptement récompensé ses dirigeants de fabuleux bonis), ainsi que GM et Chrysler afin de préserver des emplois payés $80/heure avec avantages sociaux, en plus d’ajouter un programme de stimulus de $800 milliards, tout ça aux frais des contribuables pour la plupart beaucoup moins nantis. Devrait-on se surprendre que la grogne atteigne un point culminant. Pour les contribuables américains, c’en était trop.

La naissance des Tea Parties.

Réalisant que le fameux changement promis par Obama n’était qu’un mirage, les contribuables américains ont pris la rue d’eux-mêmes le 27 février 2009 pour protester contre le TARP, agitant des sacs de thé et des drapeaux de Gadsden, premier drapeau de la révolution américaine. La symbolique était apparente. Le citoyen américain moyen commence à se soucier grandement de la direction qu’a pris son gouvernement qu’il perçoit de plus en plus gigantesque. À cause de toutes les nationalisations de banques, d’AIG, de GM et de Chrysler, ils perçoivent Obama comme un socialiste qui vise à nationaliser graduellement l’économie américaine. La réforme de la santé et la nouvelle réforme du système financier n’ont rien fait pour les rassurer non-plus. Les américain sont par nature réfractaires au concept d’état-nounou et ils réalisent que c’est la direction que prend l’administration Obama et le congrès majoritairement démocrate. Ce fait les inquiètent et avec raison. La dette américaine, déjà gonflée sous Bush, a littéralement explosé sous Obama et la création monétaire de la Fed a atteint des sommets historiques. L’américain moyen commence à se demander comment cette dette sera remboursée et les chance sont qu’elle ne le sera jamais. Le jour où les créanciers des États-Unis perdront confiance, c’en sera fini de l’empire américain.

Conclusion.

Depuis l’inauguration d’Obama, les américains ont eu d’amples raisons d’être insatisfaits et déçus. Un très grand nombre des manifestants des tea parties sont des républicains, mais un grand nombre d’entre eux se disent démocrates et avouent leur déception de l’administration Obama. Ils n’ont pas besoin d’être racistes, ils auraient été insatisfaits peu importe la couleur de la peau de leur président. Ils sont insatisfaits de ses politiques, un point c’est tout. Les accusations de racisme ne sont que l’acte désespéré de démagogues.

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Totalitarisme inversé


François Marginean

Chris Hedges, journaliste lauréat du prix Pulitzer pour le New York Times et auteur de plusieurs livres, a écrit un article percutant publié en anglais le 8 février 2010. Ce billet en est largement inspiré et en quelque sorte un compte rendu en français. L’article original de 12 pages est disponible sous le titre « Chris Hedges: Zero Point of Systemic Collapse ».

Cet article est d’une importance capitale pour temps à venir. Il résume bien aussi mon analyse personnelle du déroulement des évènements passés, présents et surtout, futurs. Il mérite toute notre attention et puisqu’il est si bien écrit, ceci constituera principalement une traduction libre de l’auteur qui doit recevoir tous les mérites.

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Nous sommes à la veille d’un des moments les plus dangereux pour l’humanité.

Aleksandr Herzen parlait, il y a un siècle de cela, à un groupe d’anarchistes sur la façon de renverser le tsar et rappelait à ses auditeurs que leur travail n’était pas de sauver un système à l’agonie, mais plutôt de le remplacer: « Nous pensons que nous sommes les médecins. Nous sommes la maladie ». Toute résistance doit reconnaître que le corps politique mondial et le capitalisme global sont morts. Nous devons cesser de gaspiller notre énergie à essayer de le réformer ou de s’adresser à lui. Cela ne signifie pas la fin de la résistance, mais cela veut dire des formes très différentes de résistance. Cela signifie tourner nos énergies vers la construction de collectivités durables pour affronter la crise à venir, puisque nous serons incapables de survivre et de résister sans un effort de coopération.

Ces communautés, si elles se retirent dans un mode de survie pure, sans se lier aux cercles concentriques de l’ensemble de la communauté, l’État et de la planète, deviendront tout aussi moralement et spirituellement en ruine que les forces corporatives déployées contre nous. Toutes les infrastructures que nous construisons, comme les monastères du Moyen-Âge, devraient chercher à maintenir vivante la tradition intellectuelle et artistique qui rendent une société civile, l’humanisme et le bien commun possible. L’accès à des parcelles de terres agricoles sera primordial. Nous aurons à saisir, comme les moines médiévaux l’ont fait, que nous ne pouvons pas modifier la culture plus large autour de nous, au moins dans le court terme, mais nous pouvons être en mesure de conserver les codes moraux et la culture pour les générations au-delà de la nôtre. La résistance sera réduite à de petits, mais souvent imperceptibles, actes de défiance.

Nous nous tenons à la frontière d’une des plus sombres périodes de l’histoire de l’humanité où les lumières de la civilisation vacillent, chancèlent et nous risquons de descendre pendant des décennies, sinon des siècles, dans la barbarie. Les élites ont réussi à nous convaincre que nous n’avons plus la capacité de comprendre les vérités révélées qui nous sont présentées, ou de se battre contre le chaos causé par les catastrophes économiques et environnementales. Tant que la masse des populations désorientée et effrayée, nourris d’images qui leur permettent d’halluciner perpétuellement, existe dans cet état de barbarie, il lui sera possible de frapper périodiquement avec une fureur aveugle contre la répression accrue de l’État, la pauvreté généralisée et les pénuries alimentaires, mais elle n’aura pas la capacité et la confiance en soi face au défi pour confronter de proche ou de loin les structures de contrôle. Le fantasme de larges révoltes populaires et des mouvements de masse brisant l’hégémonie de l’État corporatif n’est que cela – un fantasme.

Chris Hedges écrit que son analyse se rapproche de l’analyse de nombreux anarchistes. Mais il note une différence cruciale: les anarchistes ne comprennent pas la nature de la violence. Ils saisissent l’étendue de la pourriture qui règne dans nos institutions culturelles et politiques, ils savent qu’ils doivent couper les tentacules de la consommation, mais ils croient naïvement que cela peut être combattu avec des formes de résistance physique et des actes de violence. Il y a des débats au sein du mouvement anarchiste – tels que ceux sur la destruction des biens – mais une fois que vous commencez à utiliser des explosifs plastiques, des innocents sont tués. Et quand la violence anarchique commence à perturber les mécanismes de la gouvernance, l’élite au pouvoir va se servir de ces actes, même mineurs, comme une excuse pour employer une force disproportionnée et impitoyable contre les agitateurs réels ou présumés, ce qui ne fera qu’alimenter la colère des déshérités.

Hedges ne se défini pas comme étant pacifiste. « Je sais qu’il y a des moments, et concède même que celui-ci pourrait éventuellement être l’un d’eux, où les êtres humains sont contraints de répondre à la répression montante avec la violence. J’étais à Sarajevo pendant la guerre en Bosnie. Nous savions précisément ce que les forces serbes feraient de nous s’ils arrivaient à percer les défenses et le système de tranchées autour de la ville assiégée. Nous avons eu des exemples de la vallée de la Drina ou la ville de Vukovar, où environ un tiers des habitants musulmans avaient été tués et le reste stationnés dans des camps de réfugiés ou de relocalisation. Il y a des moments où le seul choix possible est de prendre une arme pour défendre sa famille, le quartier et la ville. Mais ceux qui se sont révélés être les plus aptes à défendre Sarajevo provenaient invariablement de la classe criminelle. Lorsqu’ils n’étaient pas occupés à tirer sur les soldats serbes, ils pillaient les appartements des Serbes à Sarajevo et, souvent, les exécutaient, en plus de terroriser leurs concitoyens musulmans. Lorsque vous ingérez le poison de la violence, même pour une juste cause, elle vous corrompt, déforme et pervertit. La violence est une drogue, elle est même le plus puissant narcotique connue de l’humanité. Les plus accros à la violence sont ceux qui ont accès aux armes et qui possèdent un penchant pour la force. Et ces tueurs remontent à la surface de n’importe quel mouvement armé en les contaminant avec l’enivrant et intoxiquant pouvoir qui vient avec la capacité de détruire. J’ai vu cela guerre après guerre. Quand vous vous engagez dans cette voie, vous finissez par opposer vos monstres contre leurs monstres. Et ceux qui sont sensibles, humains et doux, ceux qui ont une propension à nourrir et protéger la vie, sont marginalisés et souvent tués. La vision romantique de la guerre et la violence est plus fréquente chez les anarchistes et la gauche radicale que dans la culture dominante. Ceux qui s’opposeront avec l’aide de la force à l’État corporatif ne le vaincront pas, pas plus qu’ils arriveront à maintenir les valeurs culturelles qui doivent être soutenues si nous voulons avoir un avenir valant la peine d’être vécu. De mes nombreuses années en tant que correspondant de guerre au El Salvador, Guatemala, à Gaza et en Bosnie, j’ai vu que les mouvements de résistance armée sont toujours des mutations de la violence qui les a engendré. Je ne suis pas assez naïf pour penser que j’aurais pu éviter ces mouvements armés si j’avais été un paysan sans terre au Salvador ou au Guatemala, un Palestinien à Gaza, ou un musulman à Sarajevo, mais cette réaction violente à la répression est et sera toujours tragique. Il doit être évitée, mais pas au détriment de notre propre survie ».

La démocratie, un système idéalement conçu pour défier le statu quo, a été endommagé et dompté pour servir servilement le statu quo. Nous avons subi, comme John Ralston Saul l’a écrit, un coup d’État au ralenti. Et le coup est terminé. Ils ont gagné. Nous avons perdu. La pitoyable incapacité des militants à pousser les États corporatifs industrialisés vers une réforme environnementale sérieuse, à contrecarrer l’aventurisme impérial, ou de construire une politique plus humaine envers les masses du monde, découle d’une pauvre capacité à reconnaître les nouvelles réalités du pouvoir. Le paradigme du pouvoir a changé de façon irrévocable et conséquemment, le paradigme de la résistance doit impérativement se modifier lui aussi.

Il y avait beaucoup de choses dites l’année dernière à propos de la manière dont Barack Obama serait un président « transformationnel » – mais la véritable transformation, s’avère-t-il, exige beaucoup plus que d’élire un leader télégénique. Pour renverser la vapeur dans ce pays, cela va prendre des années de guerre de siège contre les intérêts profondément établis, défendant un système politique profondément disfonctionnel. – Paul Krugman, «Richard Nixon portés disparus », le New York Times, 30 août 2009

Trop de mouvements de résistance continuent à croire en la façade de la politique électorale, les parlements, les constitutions, les chartes des droits, le lobbying et l’apparition d’une économie rationnelle. Les leviers du pouvoir sont devenus tellement contaminés que les besoins et la voix des citoyens sont devenus hors propos. L’élection de Barack Obama était un autre triomphe de la propagande sur la substance, une manipulation habile et une trahison du public par les médias de masse. Nous avons confondu le style et l’ethnicité – une tactique de publicité lancée par United Colors of Benetton et Calvin Klein – pour une politique progressiste et un véritable changement. L’objectif, comme avec toutes les marques de commerce, a été de confondre les consommateurs passifs et faire passer une marque de commerce pour une expérience. Obama, désormais une célébrité mondiale, est une marque de commerce. Il n’avait presque pas d’expérience, mis à part deux ans au Sénat, n’avait aucune base morale et a été vendu comme toutes choses aux populations. La campagne d’Obama a été nommée « marketer » de l’année du Advertising Age pour 2008 et l’a emporté sur les finalistes Apple et Zappos.com. Faites confiances aux professionnels. La marque de commerce « Obama » est le rêve d’un agent de marketing. Le président Obama fait une chose et la marque Obama vous porte à croire une autre. C’est l’essence même de la publicité fructueuse. Vous achetez ou faites ce que les annonceurs veulent pour ce qu’ils peuvent vous faire ressentir.

Nous vivons dans une culture caractérisée par ce que Benjamin DeMott appelle la « junk politics ». Nommons-la « politique déchet ». Elle n’exige pas la justice ou la réparation des droits. Elle incarne toujours des causes plutôt que de les clarifier. Elle évite les véritables débats pour des scandales fabriqués, des potins et des spectacles. Elle trompette l’éternel optimisme, louange sans cesse notre force morale et le caractère, et communique dans un langage « on-ressent-votre-douleur ». Le résultat de la politique déchet est que rien ne change, « ce qui signifie aucune interruption des processus et pratiques qui renforcent les systèmes interconnectés existant favorisant les avantages socio-économiques pour un groupe particulier ».

La croyance culturelle selon laquelle nous pouvons faire se produire des choses que par la pensée, en visualisant, en les souhaitant, en puisant dans notre force intérieure ou par la compréhension que nous sommes vraiment exceptionnels, est de la pensée magique. Nous pouvons toujours faire plus d’argent, atteindre de nouveaux quotas, consommer plus de produits et faire progresser notre carrière si nous avons assez de foi. Cette pensée magique qu’on nous prêche à travers tout le spectre politique, par Oprah, des célébrités du sport, Hollywood, les gourous de l’auto-assistance et les Chrétiens démagogues, est largement responsable de l’effondrement de l’économie et l’environnement, car toute Cassandra qui a vu venir les choses a été rejetée comme étant du « négatif ». Cette croyance qui permet aux hommes et aux femmes de se comporter et agir comme des petits enfants, jette le discrédit sur des préoccupations légitimes et inquiétantes. Elle exacerbe le désespoir et la passivité. Elle favorise un état d’auto-illusion. Le but, la structure et les objectifs de l’État corporatif ne sont jamais sérieusement remis en question. Questionner et s’engager dans un exercice de critique du collectif corporatif, revient à se faire taxer de vouloir faire obstruction et d’être négatif. Cela a perverti la façon dont nous percevons notre nation, le monde naturel et soi-même. Le nouveau paradigme de la puissance, couplé à son idéologie bizarre de progrès indéfini et le bonheur impossible, a transformé des nations entières, y compris les États-Unis, en monstres.

Nous pouvons marcher à Copenhague. Nous pouvons rejoindre la journée mondiale de manifestations climatiques. Nous pouvons composter et accrocher la lessive à sécher. Nous pouvons écrire des lettres à nos élus et voter pour Barack Obama, mais l’élite au pouvoir est imperméable à la charade de la participation démocratique. Le pouvoir est entre les mains des trolls moraux et intellectuels qui participent impitoyablement à la création d’un système néo-féodal et le meurtre de l’écosystème qui soutient l’espèce humaine. Et faire appel à leur bonne nature ou chercher à influencer les leviers internes de pouvoir ne fonctionnera plus.

Nous ne pourrons pas, en particulier aux États-Unis, éviter notre « Götterdämmerung ». Obama, tout comme le premier ministre du Canada, Stephen Harper ainsi que les autres chefs des pays industrialisés, se sont révélés être de tout aussi bons outils de l’État corporatif que l’a été George W. Bush. Notre système démocratique a été transformé en ce que le philosophe politique Sheldon Wolin avait nommé « le totalitarisme inversé». Le totalitarisme inversé, à la différence de totalitarisme classique, ne tourne pas autour d’un démagogue ou d’un chef charismatique. Il trouve son expression dans l’anonymat de l’État corporatif. Il prétend chérir la démocratie, le patriotisme, une presse libre, les systèmes parlementaires et les constitutions, alors qu’il manipule et corrompt les leviers internes pour renverser et contrecarrer les institutions démocratiques. Les candidats politiques sont élus au vote populaire par les citoyens, mais sont régis par des armées de lobbyistes à Washington, Ottawa ou dans les autres capitales du monde. Les médias corporatifs contrôlent à près tout ce que nous lisons, regardons ou écoutons et ils imposent une uniformité insipide de l’opinion. La culture de masse, détenue et diffusée par les sociétés privées, nous divertit avec des questionnaires, des spectacles et des potins sur les célébrités. Dans les régimes totalitaires classiques, tels que le nazisme ou le communisme soviétique, l’économie était subordonnée à la politique. « Sous le totalitarisme inversé, l’inverse est vrai », écrit Wolin. « L’économie domine la vie politique – et avec la domination vient les différentes formes de cruauté ».

Le totalitarisme inversé exerce un pouvoir total sans recourir à la plus grossière des formes de contrôle tels que les goulags, les camps de concentration ou la terrorisation des masses. Il exploite la science et la technologie pour atteindre ses sombres buts. Il impose l’uniformité idéologique en utilisant des systèmes de communication de masse pour inculquer la consommation débauchée comme une pulsion intérieure et il nous fait prendre nos illusions sur nous-mêmes pour la réalité. Il ne réprime pas les dissidents avec force, tant que ces dissidents restent inefficaces. Et en même temps qu’il détourne notre attention, il démantèle la base manufacturière, dévaste les communautés, déclenche des vagues de misère humaine et envoie les emplois vers des pays où les tyrans savent garder les travailleurs en ligne. Il fait tout cela tout en brandissant le drapeau et chantant des slogans patriotiques. « Les États-Unis sont devenus la vitrine de la manière dont la démocratie peut être gérée sans avoir l’air d’être opprimée », écrit Wolin.

George Orwell a souligné que le totalitarisme n’est pas tant l’âge de la foi qu’un âge de la schizophrénie: « une société devient totalitaire lorsque sa structure artificielle devient flagrante ». « Cela survient lorsque la classe dirigeante a perdu sa fonction, mais réussit à s’accrocher au pouvoir par la force ou par la fraude ». Nos élites ont utilisé la fraude. La force est tout ce qu’il leur reste.

Notre élite médiocre et finie tente désespérément de sauver un système qui ne peut être sauvé. Plus important encore, ils essaient de se sauver eux-mêmes. Toutes les tentatives de travailler à l’intérieur de ce système pourri et cette classe de détenteurs du pouvoir se révéleront inutiles. La résistance doit répondre à la nouvelle et dure réalité d’un ordre capitaliste global qui s’accroche au pouvoir par des formes de répression brutale et flagrante toujours grandissantes. Une fois le crédit sèche pour le citoyen moyen, une fois que le chômage massif aura crée une classe marginale permanente et furieuse, que les produits fabriqués bon marchés qui sont devenus les opiacés de base de notre culture disparaîtront, nous allons probablement évoluer vers un système qui ressemble davantage au totalitarisme classique. Des formes plus violentes et grossières de répression devront être employées au fur et à mesure que les mécanismes de contrôle plus souples favorisés par le totalitarisme inversé cesseront de fonctionner.

Si nous construisons des structures auto-suffisantes, celles qui occasionneront le moins de mal possible à l’environnement, nous pourrons surmonter l’effondrement qui s’en vient. Cette tâche sera accomplie grâce à l’existence de petites enclaves physiques qui ont accès à une agriculture durable et qui seront donc capables de se dissocier autant que possible de la culture commerciale. Ces communautés devront construire des murs contre la propagande et la peur électroniques qui seront pompées sur les ondes. Le Canada sera probablement un lieu plus accueillant pour ce faire que les États-Unis, compte tenu du fort courant de la violence qui y règne. Mais dans tous les pays, ceux qui survivront auront besoin de terres dans des zones isolées à bonne distance des zones urbaines qui seront le théâtre de déserts alimentaires dans leurs centres-villes, ainsi que de la violence sauvage qu’entraînent des biens devenant tout d’un coup un coût prohibitif et la répression étatique qui devient plus en plus dure.

Le recours de plus en plus manifeste à la force par les élites pour maintenir le contrôle ne doit pas mettre fin aux actes de résistance. Les actes de résistance sont des actes moraux. Ils prennent vie parce que les gens de conscience comprennent l’impératif moral de remettre en question les systèmes d’abus et le despotisme. Ils devraient être menés non pas parce qu’ils sont efficaces, mais parce qu’elles sont justes. Ceux qui commencent ces actes sont toujours peu nombreux et rejetés par ceux qui cachent leur lâcheté derrière leur cynisme. Mais la résistance, bien que marginale, continue à affirmer la vie dans un monde inondé par la mort. C’est l’acte suprême de la foi, la plus haute forme de spiritualité et qui lui seul rend l’espoir possible. Ceux qui ont commis des actes de résistance ont très souvent sacrifiés leur sécurité et leur confort, ont souvent passé du temps en prison et dans certains cas, ont été tués. Ils ont compris que pour vivre dans le plein sens du mot, exister en tant qu’êtres humains libres et indépendants, même dans la nuit la plus sombre de la répression d’État, cela signifie défier l’injustice.

Nous devons continuer à résister, mais il faut maintenant le faire avec la réalisation inconfortable que des changements significatifs ne vont probablement pas se produire de notre vivant. Cela rend la résistance plus difficile. Cela déplace la résistance du domaine du tangible et de l’immédiat vers l’abstrait et l’indéterminé. Mais renoncer à ces actes de résistance constitue la mort spirituelle et intellectuelle. Cela revient à se rendre à l’idéologie déshumanisante du capitalisme totalitaire. Les actes de résistance maintiennent en vie un autre récit, maintiennent notre intégrité et donne de la volonté aux autres, eux que nous ne pourrons jamais rencontrer, de se lever et porter la flamme que nous leur passons. Aucun acte de résistance est futile, que ce soit de refuser de payer des impôts, de lutter pour une taxe Tobin, travailler à changer le paradigme économique néoclassique, révoquer une charte d’entreprise, tenir des votes globaux sur Internet ou utiliser Twitter pour catalyser une réaction en chaîne de refus contre l’ordre néolibéral. Mais nous devons résister et trouver la foi que la résistance en vaut la chandelle, car nous ne pourrons pas immédiatement modifier la configuration du terrible pouvoir en place. Et dans cette longue, longue guerre, une communauté qui nous soutient émotionnellement et matériellement sera la clé d’une vie de défiance.

Le philosophe Théodore Adorno a écrit que la préoccupation exclusive avec les égocentrismes personnels et l’indifférence à la souffrance des autres au-delà du groupe auquel on s’identifie est ce qui a finalement rendu le totalitarisme et les génocides possibles. L’incapacité de s’identifier aux autres est sans conteste la plus importante composante psychologique qui fait que des atrocités peuvent se produire autour de gens plus ou moins civilisés et innocents.  »

L’indifférence au sort d’autrui et l’élévation suprême de soi est ce que l’État-entreprise cherche à nous inculquer. Il utilise la peur, ainsi que l’hédonisme, pour contrecarrer la compassion humaine. Nous devons continuer à combattre les mécanismes de la culture dominante, même si ce n’est que dans le but de préserver notre humanité commune à travers de petits, voire de minuscules actes. Nous devons résister à la tentation de se replier sur soi-même et d’ignorer la cruauté se trouvant de l’autre côté de notre porte. L’espoir demeure dans ces actes de défiance souvent imperceptibles. Cette défiance, cette capacité de dire non, c’est exactement ce que les psychopathes contrôleurs de nos systèmes de pouvoir cherchent à éradiquer. Tant que nous serons prêts à défier ces forces, nous aurons une chance; si ce n’est pas pour nous-mêmes, du moins, ce sera pour ceux qui suivent. Tant que nous défierons ces forces nous demeurerons en vie.

Et pour l’instant, c’est la seule victoire possible.

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Classé dans Actualité, François Marginean

Le Tchernobyl des pétrolières

François Marginean

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Dans le secteur pétrolier, il y a des déversements de pétrole. D’autres fois, il y a déversements catastrophiques de pétrole, comme dans le cas de l’Exxon Valdez. Finalement, dans sa nouvelle catégorie bien à part, il y a le déversement de pétrole causé par la plate-forme Deepwater Horizon, opérée par Transocean Ltd., qui exploite le gisement de Macondo situé sous le Golfe du Mexique, une propriété/location de la pétrolière British Petroleum (BP) qui en est ultimement responsable.

Pour donner une ordre de grandeur, le désastre écologique causé par l’Exxon Valdez au large de l’Alaska en 1989, fut le résultat du déversement de 11 millions de gallons de pétrole, constituant un des pires déversement en mer jusque là. C’est environ 257 000 barils de pétrole qui se sont retrouvés dans l’océan. En 1979, le pire déversement à affecter les eaux territoriales américaines s’est effectué après l’explosion à bord du Ixtoc, une plate-forme mexicaine qui a déchargé au moins 130 millions de gallons pétrole au large des côtes du Texas, un déversement qui a pris neuf mois à colmater. Au Canada, nous consommions 2.29 millions de barils de pétrole par jour en 2004. Les États-Unis affichaient une demande quotidienne de 20.52 millions de barils à pareille date. Le champ de pétrole et de gaz naturel de Macondo renferme, selon les meilleures estimations, autour de 44 millions de barils de pétrole, soit 1.8 milliards de gallons. À plus de 1.6 km sous l’eau, la pression à la sortie du trou percé par BP dans le fond du Golfe du Mexique qui atteint un total de plus de 6 km à 10 km de profondeur, selon les sources, le pétrole mélangé au gaz sort à plus de 135-165 000 PSi. C’est massif.

Le résultat est que cette tragédie entre dans une toute nouvelle catégorie qui ne constitue pas qu’un simple « déversement » de pétrole, mais bien un « volcan » sous-marin rejetant des quantités de pétrole faramineuses et dévastatrices sans arrêt.

Le 20 avril dernier, alors que Halliburton complétait une base de béton pour solidifier l’embouchure drillée par Transocean, il y aurait eu une fausse manoeuvre en retirant la tête perceuse, combiné à une base de béton défaillante et des valves de sécurité inopérantes, ce qui aurait causé la montée d’une bulle de très haute pression de long du puits de forage et l’explosion finale de la plate-forme Deepwater Horizon qui coula peu après, avec 770 000 gallons de diesel à bord et tuant 11 personnes. Le tuyau de forage long de 1.6 km s’est replié sur lui-même, entrainant trois fuites importantes de pétrole dans les bas-fonds du Golfe du Mexique. Un survivant raconte ce qui s’est passé dans cette entrevue radiophonique.

Ce volcan de pétrole à haute pression rejette présentement entre 5 000 et 25 000 barils de pétrole par jour. Mais ces estimations optimistes des premiers jours ont dû être révisées à la hausse et il est fort possible qu’il s’échappe actuellement plus de 50 000 à 100 000 barils de pétrole quotidiennement. Trois mois pourraient être nécessaires avant de pouvoir colmater adéquatement toutes les fuites. À ce rythme, il est évident que le drame écologique de l’Exxon Valdez sera rapidement surpassé, si ce n’est déjà fait.

Tandis que Sarah Palin, ancienne gouverneur de l’Alaska, faisait la promotion des forages de pétrole en haute-mer en tenait des propos tels que  « drill, baby, drill« , et que Barack Obama de son côté venait tout juste d’approuver une expansion de l’exploitation pétrolière dans le Golfe du Mexique, se préparait le Tchernobyl des pétrolières. Depuis le déversement, Obama, qui est le plus grand récipiendaire de l’argent électoral distribué par BP avec $77,051 récolté durant la dernière campagne électorale, a accordé 27 exemptions à des sociétés pétrolières et gazières de faire des études approfondies environnementales par rapport au danger de l’exploration et la production pétrolière dans le golfe du Mexique. De plus, le ministère de l’Intérieur a exempté la calamiteuse BP d’une analyse d’impact environnementale détaillée l’année dernière, selon des documents du gouvernement, après que trois analyses de la zone concluaient qu’une marée noire était peu probable.

Pourtant, BP est loin d’avoir un passé reluisant. En fait, BP est un grand pollueur. Au début de 2009, BP présente son plan de forage au Mineral Management Service (MMS). Le Secrétaire Salazar a permis au MMS d’approuver – sans examen environnemental – l’opération de forage BP qui a explosé le 20 avril 2010, tuant 11 travailleurs et déversant des millions de gallons de pétrole dans le golfe du Mexique, une catastrophe qui sera bientôt, si ce n’est déjà fait, la plus vaste marée noire de l’histoire américaine.

Plutôt que de soumettre le plan à un examen détaillé des impacts environnementaux avant de l’approuver, tel que requis par le National Environmental Policy Act, l’agence a déclaré que le plan soit « catégoriquement exclu » de l’analyse environnementale, car « il ne pose pratiquement aucune chance de nuire à l’environnement ». Comme BP l’ a elle-même souligné dans sa lettre du 9 avril 2010 au Council on Environmental Quality, les exclusions catégoriques sont à utiliser uniquement quand un projet n’aura que de «minimes ou inexistants » impacts environnementaux. Le MMS a publié sa lettre d’approbation d’une page à BP le 6 avril 2009. (Source)

L’ analyste de l’industrie pétrolière, Antonia Juhasz, souligne que: « BP est l’une des sociétés les plus puissantes d’exploitation aux États-Unis. Ses revenus de 327 milliards de dollars en 2009 sont suffisants pour classer BP au troisième rang dans ce pays. BP se consacre activement à influencer la politique des États-Unis et la surveillance réglementaire. « La puissance et la richesse que BP et d’autres géants du pétrole exercent sont presque sans équivalent dans le monde, et constituent une menace pour la vie des travailleurs, à l’environnement et à nos perspectives pour la démocratie. (Source: BP: Billionaire Polluter)

Il y a soixante ans, BP se nommait Anglo-Iranian Oil Co. (AIOC). Le gouvernement iranien populaire, progressiste et élu démocratiquement de Mossadegh Mohammed avait demandé à l’AIOC, un monopole largement détenue par les Britanniques, de partager ses bénéfices provenant du pétrole iranien avec le peuple d’Iran. L’AIOC ayant refusé, l’Iran a nationalisé son industrie pétrolière. Cela n’a pas fait l’affaire des États-Unis, de sorte que la CIA a organisé un coup d’État contre le Premier ministre Mossadegh Mohammed. Après avoir été déposé, le AIOC, rebaptisé British Petroleum, retrouva une grande partie de son monopole sur le pétrole iranien et les Iraniens, eux, ont subi la brutale dictature  du Shah d’Iran qui leur ont été imposé, ce qui a semé les graines de la révolution iranienne de 1979.

Ainsi donc, en 2000 la British Petroleum se rebaptise sous BP et entreprend une croissance dynamique et des bénéfices scandaleux malheureusement enchevêtrés d’antécédents de catastrophes liées au pétrole. En 2005, la raffinerie de BP au Texas City explose, tuant 15 personnes et en blessant 170. En 2006, un pipeline de BP en Alaska souffre d’une fuite de 200 000 gallons de pétrole brut, provoquant ce que l’Environmental Protection Agency appellera «le plus grand déversement jamais survenu sur le versant Nord de l’Alaska. » BP a été condamné à une amende de $60 millions pour les deux catastrophes. Puis, en 2009, la sécurité et la santé au travail (OSHA) donne une amende à BP d’un montant additionnel de 87 millions d’euros pour l’explosion de la raffinerie. Le Secrétaire du Travail Hilda Solis a déclaré: « BP a permis à des centaines de risques potentiels de se poursuivent sans relâche. … La sécurité au travail est plus qu’un slogan. C’est la loi. » BP a répondu en contestant formellement l’ensemble des charges de l’OSHA.

BP est maintenant confrontée à une amende de £3 milliards pour la marée noire au large de la Louisiane qui risque de devenir la pire catastrophe écologique de l’histoire – et elle est maintenant accusée ne pas avoir prévenu la catastrophe. Des documents ayant émergé montrent que BP avait minimisé la possibilité d’un accident catastrophique à la plate-forme. Elle est allée jusqu’à suggérer dans son plan d’exploration de 2009 et d’analyse des impacts environnementaux que les dommages aux plages, les poissons et les animaux – étaient peu probables ou pratiquement impossibles.

BP, la société propriétaire de la plate-forme pétrolière en Louisiane qui a explosé, a passé des années à combattre les régulateurs fédéraux sur les mesures de sécurité nécessaires pour empêcher ce type d’accident en eau profonde. Un sujet de préoccupation immédiat, selon des experts de l’industrie, est le manque d’un système à distance qui aurait permis aux travailleurs de fermer la tête du puits en eau profonde de Deepwater Horizon pour éviter qu’il continue de faire jaillir du pétrole. Dans une lettre envoyée l’an dernier au ministère de l’Intérieur, BP s’est opposé à des règlements proposés pour de nouvelles règles afin de renforcer les normes de sécurité. «Nous croyons que la sécurité actuelle de l’industrie et les statistiques de l’environnement montrent que les programmes volontaires … continuent d’être très fructueux. » (Source)

Ainsi, l’agence fédérale américaine qui a pour rôle de réglementer les puits de forage en haute-mer a changé ses règlements il y a deux ans pour exempter certains projets de forage dans la région centrale du Golfe du Mexique, ce qui explique pourquoi le géant pétrochimique BP n’avait pas préparé de plan d’urgence dans le cas d’un déversement majeur de pétrole dû à une explosion dans son projet de Deepwater Horizon. (Source)

Le forage en eau profonde est un jeu aux risques très élevés. Ce n’est pas exactement un « casino », en ce sens qu’il existe un lot de science bien établie, d’ingénierie et de technologie en cause. Mais il est certain que nous allons trouver avec grande peine l’étendue des risques en jeu. Et il devient de plus en plus clair que la totalité des risques représente une cible mouvante. Il y a des risques géologiques, des risques techniques d’ingénierie et des risques pour l’environnement, pour le capital-risque et le risque de marché. À chaque puits profond que l’on perce, ces risques viennent se combiner sur une très petite surface au fond de l’océan. (Source)

Ce sont des risques inutiles. Cette catastrophe n’avait pas besoin de se produire, les dommages auraient pu être contenus lors du premier jour et la corruption du gouvernement et des médias ont rendu possible ce désastre écologique et économique. Si les responsables américains avaient effectué un suivi du plan de 1994 en matière de réponse en cas de déversements de pétrole majeurs dans la région du Golfe, il est possible que le déversement aurait pu être maintenu sous contrôle et loin des côtes américaines. Le problème: le gouvernement fédéral n’avait pas un seul dispositif de contrôle à portée de main.

Le fait que ce déversement émane du fond du gouffre (1 600 mètres de profondeur), où la température de l’eau est d’environ 1 degré centigrade (alors que le pétrole est chaud), signifie qu’au moment où le pétrole atteint la surface, il a été mélangé avec de l’eau et donc ne semble pas être du même genre de nappe macabre qui est si célèbre dans les catastrophes précédentes. C’est une aubaine de PR pour BP qu’il en soit ainsi, car cela signifie que le déversement de pétrole reste caché à la vue du public. Cela ne signifie toutefois pas qu’il n’y a pas de tragédie énorme se déroule, dévastant l’environnement. (Source)

Pour disperser et escamoter ce déversement volcanique pétrolier, BP a recours à des dispersants de dénomination commerciale « Corexit ». Il est à souligner que le pétrole est toxique pour la faune, mais les dispersants chimiques le sont tout aussi et la toxicité des deux combinés est supérieure à la somme des parties. Les règles de relations publiques de BP semblent être les suivantes:

1 – sous-estimer la quantité de pétrole déversé et dommages environnementaux causés.

2 – surestimer l’efficacité de la réponse de la compagnie pétrolière.

3 – Essayez d’acheter les locaux pour une bouchée de pain en échange à une renonciation de poursuite en justice contre BP.

4 – Obtenir le silence du plus de gens que possible.

En effet, BP a offert des sommes allant jusqu’à $5000 aux résidents et pêcheurs de la côte américaine en Louisiane en échange de leur abandon de poursuites judiciaires.

Un individu travaillant pour BP a déclaré qu’il « est tout à fait possible que la région du Golfe du Mexique jusqu’en Floride devienne une zone morte, sans aucune vie aquatique que ce soit ». La marrée noire est visible par les satellites de la NASA. Elle semble être de cinq à douze fois pire que ce qu’on pouvait anticiper ou laissé croire. Cette marée se déploie très rapidement et pourrait atteindre bientôt les côtes de la Louisiane. « Je commence à me rendre compte de l’énormité de cette marée», déclare Wathen, « Il semble qu’elle s’est répandue sur toute l’étendue du Golfe du Mexique ».

Certains commencent à suggérer que cette catastrophe record risque de tuer les océans de la planète, alors que le pétrole giclant à grande pression du « volcan » sous-marin pourrait bien dériver le long de la côte Est et jusqu’en Europe avec les courants marins. Cela nous démontrera le vrai coût de l’ère du pétrole alors que 50% des fruits de mer que les Américains consomment proviennent du Golfe du Mexique. Cette région est littéralement la toilette des États-Unis qui y rejettent quantités de produits chimiques, contaminant la chaîne alimentaire au mercure et autres déchets industriels. Le Golfe du Mexique porte l’une des plus grandes « zone morte » de la planète, soit de 15 500 km2 d’eau où rien ne vit. Et ça, c’était avant le déversement du Deepwater Horizon.

Le président de BP a déclaré que ce n’était pas leur accident, mais qu’il nettoierait la marée noire, essayant de la sorte de se déculpabiliser. Le truc, c’est qu’en vertu de la loi établissant la réserve de fonds nommée Oil Spill Liability Trust Fund, la responsabilité civile de BP se limiterait à $75 millions, après quoi c’est les taxes sur l’essence payées par les Américains qui débourseront les frais, selon le New York Times. Ce désastre écologique pourrait entrainer l’effondrement économique des États-Unis, s’il était pour s’étendre jusque dans l’océan Atlantique et au-delà. Les coûts seront simplement astronomiques. Mais le malheur des uns fait le bonheur des autres, comme le dit le dicton. Cela, Goldman Sachs le sait très bien et des allégations apparemment vérifiées pointeraient vers le fait que GS ait spéculé et misé sur la baisse des actions de Transocean quelques jours avant le début du tragique évènement.

En conclusion, à la lumière de toutes ces informations, il apparait sage de planifier un passage rapide à d’autres sources d’énergie plus propres, abondantes et libres. L’ère du pétrole doit se terminer rapidement, car il pourrait déjà être trop tard pour éviter une des pires catastrophes écologiques de l’histoire, causée par une substance et des cartels qu’on aurait dû quitter il y a belle lurette.

Ne manquez pas de lire la suite: Deepwater Horizon – Le geyser de pétrole se poursuit

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L’Âne de Troie

« Méfiez-vous des grecs apportant des cadeaux », dit un vieux dicton, faisant référence au cheval de Troie. On pourra dire la même chose des démocrates aux États-Unis parce que leur réforme de la santé est effectivement un cadeau à la grecque qui viendra bientôt mordre les contribuables américains droit dans leur portefeuille.

Ce n’est pas seulement que la réforme que les américains surnomment « Obamacare » coûte affreusement cher ($900 milliards) à un moment où les États-Unis n’ont guère les moyens de se la payer, mais cette soit-disant réforme ne règle absolument rien des problèmes fondamentaux du système de santé américain. J’ai déjà mentionné ces problèmes dans un billet précédent, mais je vous les rappellerai ici. La gauche québécoise ne cessent de pointer du doigt le système américain comme argument contre la privatisation de notre système de santé, mais la sombre vérité est que le système américain est en réalité sclérosé par leur volet public que sont Medicare et Medicaid, eux même des schémas de Ponzi insoutenables économiquement. Parce que Medicare et Medicaid fixent le coût minimum de la plupart des frais médicaux et que ce barème est ensuite utilisé par les assurances privées. Il n’y a aucune compétition dans les prix des soins et donc aucune façon de réduire ces prix par la compétition comme ça se produit dans un marché libre.

De plus, les poursuites légales fréquentes contre les médecins et le fait que pour la grande majorité de la population, les frais sont payés par un tiers (assurance publique ou privée), encourage l’irresponsabilité et les abus.Les américains sont aussi souvent couverts par un plan de santé fourni par leur employeurs et perdent cette couverture lorsqu’ils changent d’emploi ou décident de fonder une entreprise.

Enfin, les choix de polices d’assurances sont restreintes aux États-Unis à cause de barrières entre les divers états qui empêchent d’acheter une police en dehors de leur état. D’autres règlementations des états forcent aussi les types de couvertures disponibles, limitant les choix. Ainsi, dans des états comme le New Jersey, on ne peut qu’obtenir une couverture « Cadillac », même si on préfère avoir une moindre protection. Il est souvent impossible d’avoir chaussure à son pied, il n’y a que le « one-size-fits-all »

Tout ces problèmes font que les choix des américains sont restreints en matière d’assurance, même si celles-ci son privées. Ce n’est pas un marché libre mais plutôt un cartel. Si vous croyez que d’ordonner aux compagnies d’assurances de relâcher leurs critères d’acceptation et de forcer les gens à souscrire à une police (qu’ils le veuillent ou non) va régler ces failles fondamentales, vous vous mettez un doigt dans l’œil. Obamacare n’est pas un pas en avant, il ne fera qu’exacerber les problèmes actuels et contribuera à les mener à la ruine.

Philippe David.   Le Minarchiste Québécois.

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Une victoire historique quelque peu teintée

Jean Gagnon Dossier Actualité économique

Le Congrès américain a finalement voté en faveur du plan de réforme de la santé dont Barack Obama avait fait son cheval de bataille depuis qu’il s’était lancé à l’assaut de la Maison-Blanche en 2006.

Plusieurs présidents au cours des 3 ou 4 dernières décennies avaient échoué dans ce dossier, si bien que chez les démocrates d’Obama, on qualifie l’événement d’historique.

Certains aspects me font plutôt croire qu’il s’agit d’un succès quelque peu teinté. Il fallait 216 votes pour obtenir la majorité et faire adopter la loi. Obama et ses troupes en ont obtenu 219. Pas un républicain ne s’est rallié au projet, et plusieurs représentants démocrates l’ont boudé.

En toute dernière minute, il a même fallu que les dirigeants démocratiques fassent une concession qui n’est pas tellement à leur honneur. Ils ont donné l’assurance à leur collègue du Michigan, Bart Stupack, que les fonds fédéraux ne seraient pas utilisés pour payer des avortements.

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Il me semble que la problématique pro-vie/pro-choix en est une suffisamment importante pour ne pas faire l’objet de ce type de marchandage. Je trouve désolant que l’on accepte de faire une telle concession et que l’on qualifie ensuite l’événement d’historique.

Assurance universelle

Ce que les éléments les plus progressistes de la classe politique souhaitaient, et c’est probablement l’une des principales raisons expliquant l’échec des tentatives de réforme précédentes, c’était que l’on mette sur pied une assurance maladie publique pour tous gérée par l’état. Mais c’est loin d’être ce dont on a accouché.

La réforme adoptée dimanche soir élargira le programme venant en aide aux personnes pauvres, soit le Medicaid, et subventionnera les familles à faible revenu pour qu’elles puissent acheter une assurance maladie privée auprès d’une compagnie d’assurance.

C’est bien loin d’une assurance universelle.

Mais pour passer à l’histoire, et aussi aider à la réélection des représentants démocrates qui affronteront les électeurs en novembre prochain, on s’est contenté d’un succès teinté. Le clivage politique américain entre démocrates et républicains sur les questions sociales ne m’a jamais semblé plus présent que maintenant.

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Ce que ça peut changer rapidement

Jean Gagnon Dossier Actualité économique

Les choses semblaient aller tellement mieux à la fin de l’année 2009, que l’on avait presque l’impression de sortir d’un mauvais rêve. L’économie s’était relevée, disait-on. La croissance économique américaine pour le quatrième trimestre allait en surprendre plus d’un, semblait-il. Même qu’il devenait nécessaire de penser au moment approprié pour remonter les taux d’intérêt.

La croissance économique du dernier trimestre n’a pas déçu, même qu’elle a été supérieure aux prévisions. Les économistes tablaient sur une augmentation du PIB réel d’environ 3,5 %, mais le premier estimé publié la semaine dernière a plutôt révélé une hausse de 5,7 %.

Mais ceux qui examinent à fond ces données, tel le service des Études économiques de Desjardins, ont été vite refroidis. “ Les sources de cette croissance ne sont pas généralisées et elles sont surtout issues des mesures gouvernementales de relance et du renversement de la correction des stocks et non d’une hausse robuste de la demande intérieure privée “, disent les économistes de Desjardins.

Et d’autres problèmes sont soudainement apparus. La solvabilité de la Grèce est revenue à l’avant-plan de l’actualité. La Chine a commencé à opérer un resserrement des conditions économiques en annonçant un relèvement des réserves que doivent maintenir les banques chinoises, ce qui se traduira par moins de prêts aux entrepreneurs chinois, donc moins d’achats de matières premières aux États-Unis, ainsi qu’au Canada, bien sûr. Et aux États-Unis, l’administration Obama doit se débattre avec la perte de sa majorité au Sénat et une réforme bancaire qui peine à prendre forme et qui mine la crédibilité des dirigeants.

La preuve inexorable que les conditions économiques sont en train de changer pour le pire, la bourse américaine a été plombée de 4,2 % en seulement trois jours, et ce même avec l’annonce de l’étonnante croissance du PIB.

Revoir les prévisions pour 2010

Il faut donc revoir les perspectives économiques de 2010. Paul Krugman, le récipiendaire du prix Nobel d’économie l’an dernier répète que de nouveaux programmes de relance des gouvernements seront nécessaires pour maintenir à flot l’économie et pour éviter que le taux de chômage n’augmente encore plus. Mais la situation budgétaire des gouvernements, tous aux prises avec des déficits records, le permettra-t-elle ? Poser la question, c’est y répondre.

Une chose est sûr, les taux d’intérêt demeureront très bas. C’est du moins ce que pense Desjardins. Pour les États-Unis, ils disent:” L’économie demeure trop fragile pour supporter en resserrement de la politique monétaire. Le chômage élevé, les difficultés du crédit et la décélération prévue de l’inflation de base font qu’une augmentation des taux directeurs n’est pas prévue avant 2011”.

Et au Canada, pas de hausse avant au moins le dernier trimestre, selon Desjardins.

 

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Crise à la Cour Suprême des USA

Jean Gagnon Dossier Actualité économique

Bien que les crises à gérer ne manquent pas présentement, Barack Obama s’attaque maintenant à la Cour suprême en dénonçant sa plus récente décision et en promettant de faire tout en son pouvoir pour la contester.

Le cas concerne une décision de la Federal Election Commission (FEC) d’empêcher un groupe conservateur appelé Citizens United d’utiliser ses propres fonds pour financer et promouvoir le film < Hillary:The Movie>, un documentaire très critique à l’endroit de la sénatrice qui tentait alors d’obtenir l’investiture du parti démocrate à l’élection présidentielle de 2008.

Par une décision de 5 voix contre 4, la Cour suprême a réfuté l’argumentation de la FEC qui veut limiter dans certains cas les contributions de sociétés américaines ou étrangères aux campagnes électorales.

Depuis la retraite en 2005 de la juge Sandra Day O’connor, qui assurait un fragile équilibre entre libéraux et conservateurs au sein de la cour, et son remplacement par le juge Samuel Alito, ainsi que le décès la même année du juge en chef William Rehnquist remplacé par le juge John Roberts, deux nominations de Georges W. Bush, la Cour suprême des États-Unis est majoritairement républicaine.

Les 5 voix conservatrices ont fait valoir le premier amendement à la constitution des États-Unis, soit celle qui garantie la liberté d’expression, pour justifier qu’il soit permis à quiconque en tout temps de financer un projet qui peut avoir comme conséquence de modifier l’opinion publique à la veille d’une élection.

Les 4 voix libérales insistaient pour leur part sur la nécessité de mécanismes pour empêcher que le résultat d’une élection à un poste public soit déterminé par la participation démesurée à la dernière minute d’un groupe d’intérêt, ce qui fausserait le jeu de la démocratie.

En somme, la question était de savoir si la sacro-sainte liberté d’expression permet à quiconque de s’ingérer dans le processus électoral au détriment peut-être de la démocratie elle-même ? La Cour suprême a répondu oui, ce qui a rendu Barack Obama furieux.

John Paul Stevens

Les décisions de la Cour suprême s’accompagnent généralement d’une opinion des juges qui ont voté contre. Dans le cas de FEC c. Citizens United , c’est le vénérable juge John Paul Stevens qui a rédigé l’opinion minoritaire. Le juge Stevens aura 90 ans en avril.

La bi-partisannerie de la Cour suprême est perçue par plusieurs comme un danger pour la démocratie américaine, et ce jugement en fournit sûrement un bel exemple. Dans son opinion, d’une grande sévérité à l’endroit de ses pairs, John Paul Stevens commence ainsi (je n’ai pas voulu traduire le texte afin de m’assurer de ne pas modifier le ton et le fond des propos du juge. ” The Court’s ruling threatens to undermine the integrity of elected institutions across the Nation. The path it has taken to reach its outcome will, I fear, do damage to this institution.” Et il poursuit:” Five justices were unhappy with the limited nature of the case before us, so they change the case to give themselves an opportunity to change the law.

Le juge Stevens explique qu’il voit dans ce jugement un danger pour l’individu. ” The Court’s blinkered and aphoristic approach to the First Amendment may well promote corporate power at the cost of the individual and collective self-expression the Amendment was meant to serve. It will undoubtedly cripple the ability of ordinary citizens, Congress, and the states to adopt even limited measures to protect against corporate domination of the electoral process.

Dans les années antérieures, la Cour s’était penchée à deux reprises sur une question similaire, soit les cas connus sous les  noms de Austin et McConnell. Dans les deux cas, la Cour avait tranché dans l’autre sens. John Paul Stevens conclut alors :” The only relevant thing that has changed since Austin and McConnell is the composition of this Court ”.

Si le jeune président des États-Unis veut s’attaquer à la Cour suprême, son meilleur allié est probablement le vieillard qui y siège.

 

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Manipulation de l’information en haut lieu

Jean Gagnon Dossier Actualité économique

Le secrétaire au Trésor américain, Timothy Geithner, nommé à ce poste par Barack Obama en janvier 2009, aurait demandé que des informations pertinentes aux paiements faits à Goldman Sachs et à une dizaine d’autres grandes banques dans le contexte du sauvetage des banques en novembre 2008 ne soient pas rendus publiquement comme l’exigeait pourtant les règles de la Securities and Exchange Commission (SEC), l’organisme de réglementation des valeurs mobilières aux États-Unis.

Rappelons les événements. American International Group (AIG), qui en 2007 était la plus grosse compagnie d’assurance au monde en terme de capitalisation boursière, était au cœur de l’opération de sauvetage du système financier à cause de son portefeuille d’assurance de crédit (credit default swaps-CDS). Un CDS est une assurance qui garantit le paiement du capital et des intérêts d’un instrument financier au cas où l’emprunteur serait incapable d’effectuer le remboursement.

Le marché des CDS servait d’abord à assurer les obligations des municipalités, mais il s’est ensuite étendu aux obligations des sociétés où il s’est développé de façon exponentielle, permettant à des institutions bancaires de bâtir de gigantesques positions tout en minimisant le risque. Par exemple, Goldman Sachs achetait des obligations de la société ABC qui rapportait 7 % et achetait en même temps un CDS émis par AIG qui lui coûtait 2 %. Ceci lui procurait donc un revenu garanti de 5 %. Goldman Sachs empruntait donc tout l’argent disponible qui coûtait moins de 5 %, et les profits s’accumulaient.

Tous les hedge funds et les autres grandes banques à travers le monde ont utilisé le même stratagème. De son côté, AIG faisait un fortune en émettant les CDS.

Lorsque la crise financière éclata en 2008, il devint rapidement clair qu’AIG n’allait pas avoir les capitaux nécessaires pour rencontrer ses obligations en regard des CDS qu’elle avait vendus. Ceci allait s’avérer évidemment catastrophique pour Goldman Sachs et tous ceux qui détenaient les contreparties des CDS.

C’est AIG qui a reçu les plus grosses sommes du programme de sauvetage du système financier, soit près de 200 milliards. Dans les faits, le gouvernement américain, par son programme de sauvetage, se substituait à AIG afin d’éviter un effet domino qui aurait menacé le système financier.

Il appert que certaines banques, dont Goldman Sachs, auraient été favorisées en se faisant payer par IAG avec l’argent du gouvernement la valeur totale de leurs CDS, bien que les marchés indiquaient que ces titres pouvaient être négociés à un escompte important, ce qui aurait diminué les sommes à verser par le gouvernement. On estime que 13 milliards auraient pu être sauvés.

Cette opération de sauvetage a été orchestrée par la Réserve fédérale de New York, l’un des 13 bureaux régionaux de la Réserve fédérale américaine, mais évidemment le plus important. Au moment du sauvetage, Timothy Geithner était le président de la Réserve fédérale de New York. Le secrétaire au trésor était alors Henry Paulson qui avait été auparavant le président de Goldman Sachs.

Dans le cadre du programme de sauvetage, les institutions qui recevaient les fonds devaient divulguer à la SEC comment ils étaient utilisés. En novembre dernier, des courriels émanant de la Fed de New York demandaient délibérément à AIG de ne pas révéler que Goldman et les autres avaient récupéré 100 % de la valeur des CDS. Les courriels ont été obtenus par le député républicain de la Californie, Darrell Issa, qui est aussi un membre influent du Comité du Congrès sur la surveillance et la réforme du gouvernement.

La Réserve fédérale de New York tente de soustraire Timothy Geithner à toute responsabilité en prétendant qu’il s’était déjà éloigné de ce dossier étant donné qu’il était pressenti pour devenir le prochain secrétaire au Trésor. Elle tente aussi de se défendre en expliquant que le système financier était en crise et que le fait de donner trop d’information aurait pu être nuisible.

Le député Issa tentera sûrement de forcer Timothy Geithner à s’expliquer. Ce serait intéressant qu’il réussisse, car le témoignage du secrétaire arriverait à peu près en même temps que l’annonce des boni que toucheront les dirigeants et employés de Goldman Sachs qui viennent de connaître en 2009 une année record.

Au Québec également on a préféré limiter l’information lors de la crise des PCAA. Vous vous rappelez ces placements sécuritaires qui ont coûté 6 milliards à la Caisse de dépôt. J’en fus témoin. Je vous en parle la semaine prochaine.

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