Mon confrère Yan Barcelo a, six fois plutôt qu’une, exposé sur Les 7 du Québec tout le mal qu’il pensait, et de l’art contemporain, et des institutions qui le supportent ( SIDA de civilisation – Les arts : Partie 1 – 2 – 3 – 4 – 5 – 6). Et l’idéateur de ce blogue, Pierre JC Allard, a résumé sa pensée par ce qui va suivre :
la musique concrète est une forme de bruit particulièrement désagréable, et une bonne part de ce qui est accroché aux murs du Musée d’Art Contemporain est du niveau de la Période Jaune de mes enfants, c’est à dire celle où ils mouillaient encore occasionnellement leurs couches
Je ne peux pas faire autrement que de leur répondre, au moins minimalement, puisque je suis de l’autre côté de la clôture : étant Bachelier ès Art Plastique, ayant autrefois parfait une démarche singulière que l’on pouvait imbriquer dans la catégorie « art contemporain », et étant bien sûr un amateur dudit art, encore aujourd’hui.
À la base, je vois l’art dans une perspective historique, donc il me semble normal que les démarches des artistes tendent à se répondre, ce qui donne comme résultat que le public se retrouve souvent à la remorque, j’en conviens. Mais la question principale est : est-ce qu’il serait souhaitable de freiner la créativité des artistes parce que la majorité du public ne comprend pas (ou plutôt, ne veut pas comprendre) leurs oeuvres?
L’argument principal de Yan Barcelo tient dans le fait que l’art contemporain est beaucoup subventionné, donc qu’il devrait être redevable du public qui contribue par ses deniers. Comme réponse, j’ai le goût de faire un parallèle avec la recherche scientifique via les deux premiers paragraphes de la fiche « Financement de la recherche » sur Wikipédia :
Les activités de recherche scientifique, et particulièrement de recherche fondamentale, ne peuvent pas garantir une rentabilité commerciale à court ou moyen terme. Elle ne peut donc que marginalement être financée dans la cadre de la loi du marché en attirant des investisseurs au sens classique du terme.
Les États ont donc développé des systèmes spécifiques de financement pour ces activités, qui peuvent faire intervenir aussi bien des fonds publics que privés. Ces modes de financement doivent être adaptés à l’exigence d’autonomie de la science, et soulèvent le problème de l’évaluation de la pertinence des travaux effectués.
C’est tout à fait comme ça que je vois le financement étatique de l’art contemporain (cela, sans faire entrer là-dedans le débat de société concernant la place de l’État dans nos vies…). Pourquoi les résultats des recherches des artistes seraient-ils moins importants que celui des scientifiques? Parce qu’ils ne sont pas du domaine de l’utilitaire? Je suis bien d’accord que l’apport des artistes à la société est beaucoup moins palpable, surtout quantifiable, mais qui ira jusqu’à dire sérieusement qu’il est complètement nul?
Parfois, je me dis que j’aurais dû noter le nombre de fois où j’ai vu des influences de l’art contemporain dans des domaines comme le graphisme, la déco, la mode, même le style de vie, le web, et j’en passe. Et j’espère ne pas être le seul à le remarquer. En fait, je pense que je ne le note pas parce que je suis bien, contrairement aux détracteurs, avec le fait que l’art contemporain fait partie de la vie, conjoncturellement, qu’il n’est qu’une dénomination permettant de pointer l’art vivant aujourd’hui, et non pas un complot pour empêcher les vrais artistes de s’exprimer!
Pour terminer avec le problème de l’inaccessibilité des oeuvres, il n’y a que l’éducation pour le régler. Quand on pense qu’à l’époque où les impressionnistes commençaient à déconstruire la représentation, la majorité n’y voyait que des gribouillages, et aujourd’hui, c’est ce que les gens aiment, même que les peintres « populaires » répètent inlassablement la même formule. Est-ce que l’art contemporain serait alors un art pour le futur? Si la réponse est oui, moi je pense que le futur, c’est maintenant!
(Photo : oeuvre de Sam Jinks, trouvée sur Mange mon blog.)
Ajout :
Si le sujet vous intéresse plus amplement, Simon Dor a publié un billet où il réfute les arguments de Yan Barcelo : http://www.simondor.com/blog/2009/07/lart-contemporain-nest-pas-un-sida-de-civilisation.html
Charest : retour sur la populaire pétition
Après mon dernier billet chez moi, j’avais bien l’intention de revenir sur le sujet de la pétition qui demande, entre autres, la démission de John James « Jean » Charest, pétition qui en est à environ 188 800 signatures au moment où j’écris.
Mais il y a Stéphane Laporte, celui que je surnomme bien affectueusement « le philosophe des pauvres » (vous vous douterez bien que je ne parle pas de pauvreté pécuniaire…), qui donne son avis le plus simpliste à cette question sur le site Cyberpresse. J’irais même jusqu’à dire que c’est de la cyberparesse…
C’est qu’en commentaire à mon dernier billet, j’ai eu des avis similaires à celui-là, mais beaucoup plus étoffés, et ce ne sont que de simples citoyens, tout comme moi. Passons là-dessus.
Il reste qu’un de ses paragraphes représente bien ce qui m’agace le plus dans le discours des contradicteurs de la pétition :
Cela occulte complètement le fait que la vie en société est en constante évolution, ce qui est encore plus vrai entre les élections. Du simple bruit sans importance? Aussi, cela implique que ceux qui répondent aux sondages et qui signent les pétitions n’ont pas voté, ce qui est tout simplement gratuit comme affirmation (et comme réflexion…). Avouez que c’est d’une pauvreté affligeante…
Et je rajouterai que ce discours donne l’impression de vouloir taire ce que la totalité des gestes citoyens — et par ricochet, certainement corporatifs — apporte : un désir de changement profond, ce qui inclut bien sûr un grand ménage. Je comprends que pour certains cela peut donner l’impression d’être n’importe quoi, mais il faut rappeler que pour pouvoir ordonner le chaos, il faut bien qu’il y en ait d’abord un, chaos! Et j’ai l’impression que les événements de cette semaine en sont la démonstration.
Alors, on peut bien le prendre aussi comme étant du populisme, comme le fait allègrement un dénommé Nicolas Laurendeau dans les pages (web) du journal Le Devoir :
L’idée de réclamer la démission d’un élu en cours de mandat, le «recall» est une idée très populaire parmi les adeptes de la droite nord-américaine et les animateurs de radio démagogues. On nage ici en plein populisme.
Je crois qu’il y a une différence entre « populisme » et « mouvement populaire ». Visiblement, c’est extrêmement facile de les mélanger. Et encore plus facile d’interpréter un simple mouvement de domino qui prend sa source d’un mécontentement général comme étant une erreur de jugement. C’est de l’élitisme mal placé, du mépris. Voir que la grande majorité croit dur comme fer que le résultat de cette pétition — et même n’importe laquelle — est du domaine de la prescription! Voir que la majorité ne comprend pas le contexte politique actuel et à ce point le fonctionnement de nos institutions pour signer cette pétition par simple ignorance!
Alors oui, j’accuse les Stéphane Laporte et Nicolas Laurendeau de ce monde de contribuer amplement au cynisme en dénigrant ce qui contribue à l’amoindrir : si ça prend cette étincelle (une pétition très très bien garnie) pour qu’ensuite — hypothétiquement — les gens sortent dans la rue, se précipitent aux bureaux de scrutin aux prochaines élections, et encore mieux, que Jean Charest arrête de faire du surplace, soit dans sa position de Premier Ministre, soit dans sa décision de ne pas déclencher une large commission d’enquête sur la construction et le financement des partis, entre autres.
J’accuse les dénigreurs de cette pétition, et surtout ceux qui refusent de la signer (pour n’importe quelle raison) de souffrir d’un « complexe de supériorité », de faire un culte de leur individualité. Comme si c’était si demandant (physiquement et moralement) de se joindre à un mouvement de masse (bien imparfait je le concède!) en cliquant quelque fois sur une page web et en tapant un peu sur son clavier. Comme si au contraire c’était une tare que ça prenne aussi peu de temps. Comme si l’efficacité qu’apportent le web et la technologie était seulement symptomatique d’une léthargie sociétale individualisée, comme si c’était inscrit dans nos gênes…
Ainsi, l’expression « ne pas bouger le petit doigt » prend dorénavant un sens plus large, et beaucoup plus triste.
(Modification d’une photo de Le Chibouki frustré.)
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Classé dans Actualité, Renart L'Eveillé
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