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La route vers l’ignorance et la croissance

Par lutopium – Il est stupéfiant de constater comment le paysage politique québécois s’est transformé depuis la récente crise financière.  Les agents économiques, habituellement assez discrets, s’impliquent dans le débat avec une vigueur assez exceptionnelle.  Suite à la publication des trois fascicules du Ministère des Finances qui donnent le ton au contenu du prochain budget, voilà que Maître Lucien Bouchard revient à la charge avec son thème préféré: la productivité.  Car, non seulement nous prépare-t-on à une hausse substantielle des frais de scolarité pour les études universitaires, l’establishment québécois semble vouloir saisir l’occasion pour recadrer la mission fondamentale des écoles et tisser des liens intimes entre le système d’éducation et les besoins immédiats du patronat.

La croissance économique peut être enclenchée par une variation de l’emploi. On veut dire par là que la croissance économique peut provenir d’une augmentation de la proportion des travailleurs potentiels qui exercent effectivement un emploi. Il s’agit en fait de la définition du taux d’emploi. – Troisième fascicule du Ministère des Finances du Québec sur les consultations prébudgétaires 2010-2011

Le discours nous semble fort louable: voilà que les grands manitous de l’espace économique sont inquiets face au financement de nos universités.  À les lire, il y aurait péril en la demeure.  Pas de temps à perdre, il faut dégeler les frais de scolarité afin d’assurer la survie de nos institutions.

Exemples de mesures possibles concernant les revenus: hausse des frais de scolarité universitaire de 1,968 $ à 5,350 $ par année – ibid

Fait assez surprenant, dès le lendemain de la publication du Pacte pour le financement concurrentiel de nos universités, le quotidien La Presse, habituellement assez favorable aux idées néolibérales, publiait une mise au point afin de calmer les ardeurs de ces nouveaux lucides en replaçant les chiffres dans leur perspective actuelle:

Pendant le point de presse, l’ex-recteur de l’Université de Montréal Robert Lacroix a parlé des effets néfastes du sous-financement. Il s’est bien gardé de préciser que 10 des 15 universités ont renoué avec les surplus en 2008-2009. Le tableau n’est pas aussi noir que le prétend le club des ex. Mais il faut bien qu’ils le noircissent, le tableau, pour faire passer leurs idées.

Et les effets néfastes d’une hausse brutale des droits de scolarité? Même si le groupe Bouchard-Lacroix est prêt à consacrer 30% des sommes recueillies pour bonifier le programme des prêts et bourses, une hausse trop brutale aura probablement un effet négatif sur l’accessibilité.

Selon le Conseil supérieur de l’éducation, «les problèmes financiers expliquent le quart des abandons, ce qui en fait la raison la plus fréquemment observée dans l’ensemble des motifs évoqués». En 2003, Statistique Canada avait conclu que les jeunes issus de familles à revenu élevé étaient 2,5 fois plus nombreux à l’université.

M. Bouchard devrait se pencher sur ces chiffres avant de proposer des hausses à gogo. – La Presse, 24 février 2010

Il y aurait donc ici un discours qui en cache un autre.  Tout en appuyant les mesures annoncées par le gouvernement Charest qui vise à hausser la contribution des citoyens au financement des services publics, Me Bouchard, accompagné par la Fédération des Chambres de Commerce et du Conseil du Patronat, cherche peut-être à décourager les étudiants et familles à faible revenu d’accéder à la formation supérieure afin de les réorienter rapidement vers une formation professionnelle.  Depuis quelques années, les porte-parole de l’industrie et du commerce tiennent essentiellement le même discours: nos usines n’ont plus de bras et les têtes ne nous servent pas à grand chose…

Les entreprises, comme le gouvernement, doivent investir davantage en formation. Mais on peut faire un meilleur usage des budgets considérables qui y sont consacrés. Par exemple: éliminer les formations qui ne répondent plus aux besoins des emplois. – Fédération des Chambres de Commerce du Québec

Le résultat des analyses de pauvreté montre que, malgré l’amélioration générale, certains groupes sont toujours plus touchés que d’autres par la pauvreté. Il y aurait lieu de favoriser davantage l’accessibilité à la formation manquante et le développement des compétences en lien avec le marché de l’emploi par un mode de financement adéquat des ordres d’enseignement. On parle surtout de formation professionnelle (aux niveaux secondaire et collégial) offerte à temps partiel et de formation en entreprise adaptée aux réalités du milieu du travail. – Conseil du Patronat

Le gouvernement libéral, fier représentant de l’establishment québécois et de l’empire du commerce (équitable ou non), confirme qu’il y a consensus parmi ses membres: pas question de revoir la fiscalité des entreprises pour dégager de nouveaux revenus ou de demander aux plus riches de faire un petit effort additionnel.  Les prochaines hausses de tarifs (TVQ, tickets modérateurs, frais scolaires, électricité, etc…) seront imposées à tous les citoyens sans tenir compte de leur capacité de payer.  On viendra me faire croire que la société québécoise est préoccupée par l’enrayement de la pauvreté et par l’enrichissement des connaissances de ses citoyens…

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Ça dérape à droite

Par lutopium – Je ne vous apprendrai évidemment rien en disant que les militants et sympathisants de la droite politique se cherchent… Depuis le départ de Mario Dumont et le rendez-vous manqué de la course à la chefferie de l’ADQ, les québécois qui se sentent attirés vers les idées un peu mal définies de ce courant politique semblent perdus. Un jour, ils se rallient à un renouveau de leur parti et le lendemain, ils explorent d’autres options sans que rien de concret ne se dessine devant eux. Cependant, même si aucune structure sérieuse ne rallie la droite politique ces jours-ci, on sent tout de même l’influence de ses idées. Des économistes ayant un petit penchant vers la droite sont recrutés par le gouvernement afin de préparer le terrain pour des réformes néolibérales. Des chroniqueurs de radio, de la télévision et de certains journaux répètent inlassablement le même discours qui suggère d’abolir certains services (sans jamais les nommer spécifiquement), d’en explorer la privatisation tout en exigeant une tarification supplémentaire pour d’autres. Le Conseil du Patronat, l’Institut Économique de Montréal et les chambres de commerce se montrent évidemment fort sympathiques à ces idées tout en unissant leurs voix pour répéter inlassablement que les fonctionnaires sont des paresseux, leur refusant ainsi toute augmentation de salaire. Les héros de la croissance économique savent exactement ce qui doit être fait et s’approprient ce qu’ils considèrent comme une nouvelle révolution: réduction de la taille de l’état, introduction du privé dans la prestation de services essentiels et protection des privilèges fiscaux pour les mieux nantis. Si le monde était complètement privé, tout serait pour le mieux, nous disent-ils…

Alors que le débat qui fut lancé récemment par le gouvernement libéral nous amenait à se questionner sur le financement des services publics, voilà que la droite recadre le débat, non pas pour proposer des solutions concrètes, mais surtout pour lancer des constats populistes afin de gagner la sympathie de ceux qui succombent aux discours des radios-poubelles et des chroniqueurs démagogiques. Cette semaine par exemple, le nouveau chef de l’ADQ, Gérard Deltell, lançait la question magique: « est-ce que la sécurité d’emploi protège l’incompétence? » Les membres de l’opposition de l’Assemblée nationale devant normalement critiquer le gouvernement ou, dans le meilleur des mondes, collaborer avec lui pour trouver des pistes de solutions, voilà que l’ADQ préfère détourner le débat et, se comportant comme un André Arthur, préfère soulever l’opinion publique contre cette sécurité d’emploi en l’associant donc à l’incompétence de quelques-uns.  L’incompétence, est-il nécessaire de le souligner, se retrouve partout, fruit de la nature humaine. Des incompétents, il y en a partout et même à l’Assemblée nationale!

La prochaine fois que vous rencontrerez un professeur d’école, remerciez-le pour son excellent travail, dites-lui de ne pas trop sans faire avec l’épuisement et la fatigue et profitez-en pour lui dire qu’il ne mérite pas d’augmentation de salaire cette année parce que quelques-uns de ses collègues sont incompétents. Lorsque vous visiterez un de vos proches à l’hôpital, prenez donc la peine de remercier l’infirmière pour les bons soins qui lui sont donnés mais dites lui qu’elle ne mérite pas un modeste ajustement de ses revenus car l’incompétence règne partout autour d’elle…

Ces jours-ci, tout ce que la droite cherche à accomplir c’est de faire peur au monde et de les soulever contre la fonction publique. Les ténors de la droite n’ont aucune solution concrète. On commence même à admirer le mouvement réactionnaire Tea Party en vantant les principes de liberté individuelle et la richesse de la constitution américaine. Entre vous et moi, ce que les partisans de la droite souhaitent réellement, c’est de payer moins d’impôt, point à la ligne.

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