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Conflit au Journal de Montréal : de l’antisyndicalisme primaire

 

Comme on le sait, dans le conflit opposant le Journal de Montréal à ses employés en lock-out, l’offre patronale a été refusée par un pourcentage de 89,3%. En plus d’une prime de départ, Pierre-Karl Péladeau demandait un démantèlement de Rue Frontenac et réclamait « que les employés de la rédaction s’engagent à ne pas travailler pour ses concurrents ».

Mon avis sur le phénomène global de la syndicalisation n’est surtout pas aveuglé de positivisme, mais dans ce cas précis, je ne peux que lever le pouce!

Mais à la base, il faut regarder la syndicalisation d’un oeil réaliste. Ceux qui voudraient la balayer du revers de la main et faire comme si elle n’existait pas manquent de respect envers les individus travailleurs bien plus qu’envers les leaders de ces syndicats. Et la société est l’amalgame de toutes ses parties, il ne faut jamais l’oublier, surtout dans ses critiques.

J’en ai eu une preuve tout récemment dans un billet du blogue « Trop penser, ça donne un blogue… » :

Si demain mon employeur change sa manière de gérer l’entreprise et ça ne fait pas mon affaire, la première chose à faire, c’est de me chercher une autre job. C’est sa business, si je suis pas content, je n’ai pas à rester.

On le voit en comparant Rue Frontenac et le Journal de Montréal, les syndiqués et PKP veulent aller dans des directions opposées. Pourquoi alors continuer à travailler ensemble? Pourquoi PKP serait-il celui qui devrait céder si c’est SON journal?

[…]

Ils sont dans leur droit de refuser le jeu proposé par PKP, à savoir la convergence et la pub corporative, mais je ne vois pas d’autre sortie dans ce cas que de quitter leur emploi.

En passant, avant de me tirer des roches, sachez que je trouve qu’il y va fort un peu avec ses clauses strictes de non-concurrence. Mais à part de ça, qu’ils aient un peu d’honneur et qu’ils aillent travailler pour des gens qui ont les mêmes visions entrepreneuriales!

 

Oui, PKP peut aller où il veut! Mais il ne peut pas faire abstraction que ses employés sont syndiqués et que logiquement ils ne vont surtout pas abandonner cet avantage alors qu’il les a poussés en dehors de son entreprise par un lock-out (et même si c’était une grève, ça reviendrait pratiquement au même).

On pourrait appeler ça de l’antisyndicalisme primaire, puisque son existence est niée, presque autant du côté de PKP que du blogueur. On a beau remettre en question les raisons derrière ce conflit du côté des employés, il serait ridicule de croire qu’ils auraient tous eu le réflexe de démissionner tout bonnement au lieu de se battre. C’est un fantasme entrepreneurial, tout comme la disparition totale et absolue des syndicats…

Et puis, cette idée de vouloir détruire Rue Frontenac et de vouloir empêcher les employés remerciés de travailler chez les compétiteurs est une autre preuve de ce déni idéologique. Ces deux idées sont incompatibles avec l’essence même d’un syndicat, qui est de protéger le plus possible ses membres. Mais il ne faut pas oublier que les membres ont toujours le dernier mot sur toute décision!

La création de Rue Frontenac est une conséquence directe de la mise en lock-out et hypothétiquement ce site pourrait être une solution aux problèmes de plusieurs travailleurs, dans le cas d’un règlement (et donc des mises à pied). Alors, pourquoi accueilleraient-ils ce désir de démantèlement avec le sourire? C’est vraiment prendre tout le monde pour des imbéciles, étant donné que les mises à pied que voudrait PKP sont de l’ordre de 80%. Idem pour ce qui est d’un engagement à ne pas travailler pour les concurrents. Pas tellement besoin d’expliquer pourquoi!

Ce retour à la table de négociation ressemble beaucoup à une mise en scène. Dans le fond, je soupçonne Pierre-Karl Péladeau de ne pas vouloir que ce conflit se règle et par le fait même d’en profiter pour casser du sucre sur le dos des syndicats. Parce qu’en plaçant son offre généreuse de bonifier les indemnités de licenciement en contradiction avec « ses clauses strictes de non-concurrence » franchement injustes, cela démontre surtout qu’on refuse du côté syndical la générosité d’un patron, dans un contexte où l’image des syndicats est passablement ternie dans l’opinion publique.

Pour me faire croire à sa bonne foi, il faudrait que PKP revienne rapidement avec une offre sans les deux clauses surréalistes.

J’en serais très surpris. Mais bon, ça peut parfois être agréable de se faire surprendre.

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Classé dans Actualité, Renart L'Eveillé

De la convergence à la divergence : je suis un décrocheur

Les médias traditionnels se cherchent un nouveau modèle d’affaires du côté de la convergence. Les deux derniers conflits de travail chez Québécor, Journal de Québec et maintenant Journal de Montréal, sont nés de cette volonté d’imposer ce nouveau modèle d’affaires. Or, selon moi la convergence est un concept commercial qui vise d’abord et avant tout à tenter de sauver les meubles dans une maison qui brûle.

Et si nous retournions le phénomène à l’envers pour l’observer du point de vue de nous que nous appelons les «récepteurs» depuis les premières théories de la communication, une image longtemps demeurée comme paradigme de la consommation des médias commerciaux et qui continue à les aveugler?

Par exemple pour moi qui suis un «récepteur» modèle baby-boomer, la convergence ce n’est surtout pas de profiter sur plusieurs plateformes de mon «média préféré». Je vais chercher sur de multiples sources ce que je veux connaître, savoir, comprendre, et je fais converger le tout vers les deux lieux où je m’abreuve de tout cela : mon Mac et mon iPod (exit télé, journaux, magazines). Dans ma convergence à moi, les Québécor, Gesca, Radio-Canada et autres sont plutôt en périphérie de mes sources, devenues mondiales et multiples.

Encore hier, alors que je suivais la couverture RDI de la visite d’Obama sur le Web, celui-ci a disparu pendant quelques minutes du radar de Radio-Canada. De mon côté, je savais où il était grâce à Twitter (near:Ottawa,On within:50km): @MichaelMcKay: Obama visits Byward market right below my office!

Mes bonnes analyses de la scène internationale, je les trouve ailleurs que sur les sites des médias commerciaux où j’entends, la plupart du temps, des platitudes (avec des exceptions, évidemment).

J’aime bien, par exemple, Planète Terre, une nouvelle émission hebdomadaire d’affaires internationales produite par le Centre d’études et de recherches internationales (CÉRIUM). C’est Jean-François Lisée qui l’anime. Pendant que Gesca envoie sa vedette Web Patrick Lagacé faire des reportages (que je n’ai pas vu, mais dont j’ai assez pris connaissance de la nature par des blogueurs pour pouvoir juger) sur le conflit à Gaza, démontrant à quel point ses choix éditoriaux sont désormais animés par le fric, il est rassurant de voir de telles initiatives se produire. Nous en avons grandement besoin.

Remarquez que j’écoute aussi d’excellentes émissions d’information provenant de médias non commerciaux de partout à travers le monde grâce à la baladodiffusion. Je vous recommande notamment les émissions de France culture, mais aussi de radios publiques tel KPFA du réseau américain alternatif Pacifica. Sur iPod, il y a aussi l’application Stitcher qui me permet de trouver d’excellentes émissions d’information et d’affaires publiques.

Je ne sais pas combien sont comme moi. Je ne sais pas non plus combien parmi les jeunes publics [pas les ados, les jeunes adultes] et les moins jeunes sont et seront de plus en plus ailleurs que sur le champ de bataille de la convergence commerciale.

À bien y penser, ne faudrait-il pas plutôt parler de divergence pour décrire ce phénomène de décrochage vis-à-vis des médias commerciaux?

L’archétype de cette divergence est le iPhone (ou iPod touch dans mon cas, mais cela revient au même). Sur cet appareil, mon «fil médiatique» se forme à mesure des morceaux provenant de diverses applications (les app développées pour le iPod, mais aussi des app Web fonctionnant avec le iPod). En ça, je diverge complètement du modèle de «consommation» des contenants écrits, audios, vidéos qui ont dominé mon «paysage médiatique» entre, grosso modo, 1950 et l’ère inaugurée par iPod.

Même sur mon ordinateur, je n’ai pas le réflexe d’aller m’informer en visitant les médias commerciaux. Pourtant jadis, j’étais un lecteur assidu du journal Le Devoir et je fréquentais régulièrement les émissions d’information de Radio-Canada (devenu aussi commercial que les autres, sauf heureusement à la radio).

Bref, je suis devenu l’antithèse du «consommateur» de médias. Conséquence indirecte : je ne vois pratiquement plus de publicité. S’il m’arrive d’avoir besoin de quelque chose, ce n’est pas parce que j’aurai été matraqué de pubs sur toutes les plateformes par des médias convergents.

En prime, je n’ai été aussi informé que depuis que je ne fréquente plus les médias commerciaux.

Suis-je une exception? Peut-être aujourd’hui, mais demain…

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Classé dans Actualité, Michel Monette

Le Conseil de presse du Québec est affaibli

En lisant le dernier bulletin électronique de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (InfoFPJQ), j’apprends que l’Association québécoise des télédiffuseurs et radiodiffuseurs (AQTR) quitte le Conseil de presse du Québec. Financièrement, cela représente une grosse somme d’argent en moins pour le CPQ. Sa représentativitéa aussi sera grandement amoindrie. L’AQTR représente d’importants groupes de presse privés ( TVA, Astral, Corus, Radio Nord, RDS et TQS). La nouvelle a été reprise par Le Devoir. Je ne fais pas le lien parce qu’il faut payer pour lire l’article.

Pour ceux qui ne le sauraient pas, le CPQ est le chien de garde de la liberté de presse et du droit du public à l’information. Or, en ce moment, l’une et l’autre sont sérieusement menacées par la convergence. Les groupes de presse privés sont de moins en moins autonomes au sein des corporations qui contrôlent la presse électronique, avec comme résultat que l’information doit de plus en plus servir les intérêts privés avant de servir l’intérêt public.

En somme, alors que jadis ce sont les partis politiques qui contrôlaient la presse, aujourd’hui ce sont ceux qui contrôlent les partis politiques en décidant de l’agenda public qui vont prendre le dessus.

Au-delà des sous que va perdre le CPQ, toute la question de la convergence (un autre nom pour signifier «rentabiliser les investissements») est l’enjeu majeur derrière cette décision des diffuseurs privés qui préfèrent les codes du Conseil canadien des normes de la radiodiffusion. Or, souligne la FPJQ dans son bulletin, «parmi ces codes, il y a le Code d’indépendance journalistique entériné par le CRTC pour contrôler la convergence de la presse, code auquel [elle] s’était déjà opposée.»

La spécificité du Québec (beaucoup plus petit «marché», donc risque beaucoup plus élevé d’atteinte à la liberté de presse et au droit du public à l’information parce que les grandes corporations n’ont pas à craindre une concurrence les obligeant à les respecter) exige une beaucoup plus grande vigilence de la part d’un organisme tel le CPQ?

L’AQTR s’en contrecri…

Que fait madame la ministre?

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Classé dans Actualité, Michel Monette