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La poudre aux yeux.

Photo: La Presse Canadienne /Jacques Boissinot

 

Cette semaine, Jean Charest a présenté en grande pompe son fameux Plan Nord. Ce plan prévoit 80 milliards d’investissements publics et privés sur les 25 prochaines années pour développer l’exploitation minière, des projets hydro-électriques, et même pour faire du Grand Nord une destination touristique! S’il y en a qui pensent que je m’excite à cette idée, je dois vous décevoir car tout ceci n’est que de la fumisterie et de la pensée magique.

Encore une fois, le gouvernement de Jean Charest, tel un prestidigitateur, tente de détourner notre attention de ce qui se passe vraiment et de nous faire oublier sa corruption dans un grand « show » de fumée et de miroirs. Les chiffres de retombées étaient douteux au départ, maintenant il s’avère qu’ils ont été grossièrement surestimés. La plupart des projets cités n’ont même pas passé le stade de l’étude de faisabilité et il est possible que bon nombre d’entre eux ne démarrent même pas. Imaginez vous donc que si tout ça avait vraiment été rentable, il y a belle lurette que les compagnies minières se seraient ruées vers le nord. Mais le nord n’est pas vraiment un El Dorado. Nous allons donc dépenser des milliards de l’argent du contribuable sur un projet qui sera d’une rentabilité douteuse, alors que nous sommes déjà collectivement dans le dèche et pis encore, le gouvernement va emprunter des millions pour investir en notre nom sur des actions minières. Autant les jouer au Casino de Montréal. Les résultats seront les mêmes.

Mettez une croix dans votre calendrier, mais pour une fois, je suis d’accord avec Amir Khadir quand il dit que ce projet vient tout droit du 19e siècle. Il a tout à fait raison, mais pas pour les raisons qu’il croit. Je ne suis pas contre le développement de nos ressources minières, mais révolu depuis longtemps est le temps où les industries primaires comme l’industrie minière faisaient la richesse du Québec. La vente de matières premières n’a jamais été ce qu’il y a de plus profitable. La transformation des ces matières en produits finis l’est beaucoup plus, et de nos jours, la haute technologie est plutôt la où nous devrions nous diriger. Miner et vendre des matières premières est ce que font les pays du tiers-monde, alors quand notre Premier-Ministre dévoile en grande pompe un vaste projet de minage et vente de matière première, il y a des questions à se poser.

Il est temps que Jean Charest arrête de prendre les québécois pour des cons et commence plutôt à faire oublier ses erreurs passées en gouvernant de façon responsable plutôt que d’essayer d’organiser des buffets corporatistes où les petits n’amis du pouvoir s’en mettront plein les poches au dépens du contribuable.

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Corporatisme éhonté

Philippe David

La saga du remplacement des wagons du Métro de Montréal ne peut être décrite autrement que comme un exercice de corporatisme éhonté de la part du gouvernement libéral par le biais du ministre Claude Béchard. Plutôt que de laisser la STM faire un appel d’offre international comme ils se doit, M. Béchard a préféré intervenir en faveur d’une entente directe avec Bombardier (comme si cette compagnie de bénéficiait pas d’assez de largesses de l’état). Bombardier aurait fabriqué les voitures dans son usine de La Pocatière, dans le comté d’un certain ministre… Naturellement, cette entente a été dénoncée et contestée par la compagnie Alstom avec le résultat qu’Alstom s’est associée à Bombardier et soudainement, le nombre de voiture à remplacer augmente et les coûts du projet viennent de doubler et même tripler. Au lieu du 1,2 milliard original, on commence à parler de 3 ou 4 milliards. Rien n’est trop beau, il ne s’agit que de l’argent des contribuables après tout!

Mal leur a pris puisque selon les lois de commerce internationales, la STM a du envoyer un avis à tous les fabricants du changement du nombre de wagons. Deux nouveaux compétiteurs sont maintenant entrés dans le jeu. La firme chinoise Zhuzhou a présenté un projet qui fut rejeté à cause qu’il était basé sur des roues métalliques et non pneumatiques. D’autre part, une firme espagnole, CAF, a placé une offre jugée acceptable par une firme indépendante et les experts de la STM. L’apparition de ce nouveau joueur forcera la STM à lancer un nouvel appel d’offre cet automne, tel qu’elle aurait dû faire dès le départ. Pour ce qualifier, CAF devra construire 60% des composantes au Québec et livrerait la marchandise à 15 à 20% moins cher que le consortium Bombardier/Alstom. Sur un contrat de 3 milliard, c’est une somme non-négligeable.

La tentative du gouvernement du Québec de dérailler le processus normal d’appel d’offre aurait pu coûter très cher au contribuable afin de favoriser une compagnie qui ne devrait pas avoir besoin de passe-droit pour obtenir un contrat et d’acheter des votes pour un certains ministre libéral dans son comté. Elle aura aussi retardé de 4 ans la livraison de nouveau matériel roulant qui devient de plus en plus cher à entretenir et qui souffre de bris de plus en plus fréquent. C’est un exemple flagrant de gaspillage de fonds publics au nom de politicailleries de bas étage. C’est ce genre de manœuvre qui me rend de plus en plus sceptique quand aux promesses de notre cher ministre des finances quand à la réduction du déficit.

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Les sables mouvants

Dans mon dernier billet, certains commentateurs sur les 7 du Québec m’ont lancé un petit défi. On m’a dit d’être d’accord avec l’idée d’un marché libre, mais que devrait-on faire maintenant pour défaire le système actuel pour qu’il puisse laisser la place à un système plus juste. Je crois que la question est un peu prématurée parce que s’il y en a qui voient les problèmes auxquels nous faisons face et veulent passer à l’action, la grande majorité de la population ne l’est pas. Et ce n’est qu’en l’éduquant que nous arriverons à mettre la majorité du peuple de notre côté.

Au Québec, malgré le cynisme qui habite le population vis-à-vis de la classe politique présentement, je crois qu’il n’y a qu’une très petite minorité qui comprend vraiment ce qui se passe. Il y en a certainement beaucoup libertariens et libertaires qui contribuent dans les commentaires des 7 du Québec et sur mon propre blogue qui ont définitivement saisi quels sont les vrais ennemis du peuple. Ils savent qui est enrichi et favorisé par le système actuel. Il savent également que ce système doit tomber.

Je réitère ce que je crois être la source de nos maux: les banques en symbiose avec les gouvernements de ce monde et les divers groupes auxquels ils vendent leurs faveurs. Les gouvernements, étant les seuls à avoir l’usage légal de la force, prêtent ce pouvoir aux banquiers, aux corporation, aux syndicats et autres lobbies d’intérêt particulier en échange de financement et d’expansion de leur pouvoir. Ils le font de diverses façons, mais seul le pouvoir de l’état leur donne un air de légitimité qui endort le bon peuple et les rend aveugles à la combine. François Marginean sur les 7 du Québec m’a rappelé cette citation du Baron Nathan Mayer Rothchild, qui a été gouverneur de la Banque d’Angleterre:

« I care not what puppet is placed upon the throne of England to rule the Empire on which the sun never sets. The man that controls Britain’s money supply controls the British Empire, and I control the British money supply. »

Traduction: « Je me fiche quelle marionnette occupe le trône d’Angleterre pour gouverner l’empire sur lequel le soleil ne se couche jamais. L’homme qui contrôle la monnaie de la Grande-Bretagne contrôle l’Empire Britannique, et je contrôle la monnaie britannique. » Cette citation est en effet lourde de vérité. Le cartel légalisé que forment le système bancaire de tous les pays occidentaux possède un pouvoir immense leur permettant de faire la pluie et le beau temps. Ce système influence législation et règlementation de façon à favoriser qui ils veulent et ceux qui sont favorisés font parti d’un club très exclusif. Il crée des crises financières à volonté, s’enrichissant ensuite des retombées et ayant un parfait bouc émissaire pour couvrir ses traces et détourner l’attention: le libre-marché capitaliste. Ils sont les marionnettistes, les maîtres de jeu. La beauté dans tout ça est que la plupart des gens n’y voient que du feu. Ils arrivent à faire croire au gens que le système que nous avons présentement est un marché libre, qui n’est pas assez règlementé, alors que les règlementations ne cessent de se multiplier. Ils font croire que les récessions sont dues à la cupidité et l’esprit animal des investisseurs et la peur des consommateurs alors qu’elles sont l’ajustement naturel du marché suite à une expansion de crédit insoutenable. Un peu comme un drogué souffre de retrait quand il est privé de sa drogue, en l’occurrence le crédit facile que produit une monnaie qu’on peut conjurer à partir de rien. Nos banquiers ne sont que des faux-monnayeurs auxquels l’état a donné un statut légal. En retour, les politiciens ont une source intarissable d’argent pour assurer l’expansion de l’État-Providence. Mais tout ça n’est qu’un mirage. L’argent ainsi créé n’est pas un gage de richesse et plus on en crée et moins il a de valeur, jusqu’au jour inévitable où il ne vaut plus rien. Sans aucun doute, si la majorité des gens étaient au courant, nous pourrions tous clamer pour une fin à cette fraude, mais ce n’est pas le cas et il y a encore bien des gens à convaincre.

Si vous êtes de ceux qui savent que nous vivons sous ce joug, vous êtes un des chanceux qui pourra être préparé lorsque tout s’écroulera. Mais entre-temps, nous sommes encore trop peu nombreux pour pouvoir faire une différence. Si nous étions capables d’organiser des démonstrations comme la manifestation du 11 avril à Québec à chaque mois, peut-être arriverions nous à pénétrer la carapace des politiciens sourds et aveugles qui sont supposés nous représenter. Le système favorise les groupes bien organisés et le peuple ne l’est pas. Il n’y a qu’à observer les agissement du gouvernement de Jean Charest pour s’en convaincre. Les partis politiques ne sont pas redevables au peuple autant qu’à leur bienfaiteurs. Quel intérêt ont-ils à porter au peuple qui pour la plus grande partie, gobe toute leur salade? Certains comtés éliraient un singe s’il se présentait sous la bonne bannière.

Si vous avez de meilleures idées pour nous sortir des sables mouvants, je suis toute ouïe. Mais je crois qu’avant de pouvoir y faire quelque chose, il faudrait que plus de gens réalisent qu’ils sont dans ce sable mouvant jusqu’au cou et beaucoup ne veulent pas faire face à cette réalité. J’espère seulement que nous arriverons à convaincre les gens de choisir la liberté plutôt que la servitude.

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La grande fiction.

Frédéric Bastiat (1801-1850)



«L’État, c’est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde.»

Frédéric Bastiat (1801-1850), de l’article «L’État». Publié le 25 septembre 1848.



Rien ne pourrait être plus vrai aujourd’hui que cette citation de Bastiat, et pour cause! Car nous voyons à chaque jour les uns utiliser l’État pour piller les autres. L’État n’est plus que le véhicule par lequel tout le monde cherche à obtenir ce qu’il veut. C’est un « open bar », un coffre au trésor dans lequel tout le monde essaie de piger. De nos jours, braquer une banque est démodé. Pourquoi prendre ce risque alors qu’on peut voler légalement et sans remords? Il ne suffit que d’avoir des lobbyistes et on obtiendra tout ce qu’on veut.

Certains croient encore que l’État est au service du peuple. Quelle naiveté! Du peuple l’État prend toujours plus qu’il ne donne. Ça prend des ressources pour nourrir une bureaucratie toujours plus obèse. Les politiciens n’ont en réalité d’intérêt à aider ceux qui leur donneront des votes ou de l’argent. Les autres, il s’en foutent allègrement. Il ne faut pas se leurrer. La redistribution de la richesse se fait le plus souvent des masses aux amis du pouvoir. Du contribuable sans voix et sans lobby aux banques, aux corporations, aux centrales syndicales et autres groupes d’intérêt. Les deux seules choses qui intéressent un politicien est d’agrandir son pouvoir et de se faire réélire. Chaque décision qu’ils prennent vont donc passer à travers ces filtres. Peu importe quel parti politique ils représentent, ce sont tous des gens qui aspirent à guider la destinée des autres. Il n’espèrent que d’être en position pour dicter aux citoyens comment ils doivent vivre, ce qu’ils doivent manger, qui ils peuvent marier. Parce que, voyez-vous, ils sont plus sages et intelligents que vous. C’est pourquoi, lorsque s’installe une dictature, ce sont rarement des gens bienveillants qui prennent la gouverne, mais des despotes. L’expression « dictature bienveillante » est le roi des oxymores.

On attend beaucoup de l’État. On s’attend à ce qu’il nous donne du pain, du travail, qu’il prenne soins de nos maladies, qu’il nous soutienne dans la vieillesse, qu’il élève et éduque nos enfants, qu’il nous construise des routes, des ponts et des aqueducs, qu’il maintienne aussi l’ordre et la justice. Mais est-ce là vraiment son rôle? Est-ce vraiment à l’État d’élever nos enfants? Est-ce vraiment le rôle de l’État de nous prendre en main du berceau à la tombe? Ne nous reste-t-il pas une once de fierté et d’indépendance que nous soyons réduits à tout quémander de l’État? Nous, peuple fier, descendants de coureurs de bois et de pionniers qui ont à la sueur de leur front conquis ces quelques arpents de neiges inhospitaliers que nous appelons maintenant le Québec. Notre impatience à se tisser un filet social avant d’en avoir les moyens laissera nos descendants dans la ruine et esclaves d’une dette monstrueuse. Ce filet se désagrège maintenant parce que, comme nos viaducs, il a été confectionné à la hâte et mal entretenu. Nous avons sacrifié notre futur au confort présent et nos enfants et petits enfants sont ceux qui en paieront la note. Que diraient nos aïeux?

Contrairement à nous, nos voisins du sud ont eu une nation fondée sur la méfiance de l’État. Leurs pères fondateurs ont risqué leurs vies en combattant un tyran et se sont efforcés de mettre en place des mécanismes pour éviter qu’une telle tyrannie ne vienne subjuguer leurs descendants. Ils ont fondé la seule et unique république basée sur la philosophie libérale classique. Malgré leurs bonnes intentions, ils semble que leur création commence elle aussi à prendre les allures d’un Leviathan. Mais la soif de liberté fait encore partie de leur culture, c’est pourquoi le mouvement des «Tea Parties», si peu compris ici par nos élites gauchistes, existe et prend de l’ampleur. Ils n’ont pas oublié pourquoi la préambule de leur constitutions commence par ces mots en caractères plus grands et plus foncés que tout le reste: «Nous le peuple». Leur déclaration d’indépendance dit que l’État doit gouverner avec le consentement du peuple. Dans un récent sondage Rasmussen, on a demandé aux répondants s’ils croyaient que leur gouvernement fédéral avait ce consentement. 61% des répondants ont répondu par un retentissant «Non», et ce peu importe quel parti est au pouvoir. Les américains ont les yeux grand ouverts pendant que nous sommeillons encore dans les bras de la grande fiction de l’État-providence.

Je termine avec un autre extrait de « l’État » de Bastiat:

«Quant à nous, nous pensons que l’État, ce n’est ou ce ne devrait être autre chose que la force commune instituée, non pour être entre tous les citoyens un instrument d’oppression et de spoliation réciproque, mais, au contraire, pour garantir à chacun le sien, et faire régner la justice et la sécurité.»

Philippe David. Le Minarchiste Québécois.

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Corporatisme sauvage

Par Philippe David

D’entrée de jeu, je vous avoue que je déteste les impôts sur le revenu. C’est un système très inéquitable qui font des uns les esclaves des autres et qui est si compliqué que ça prend une armée de comptables pour tout démerder. De plus, ce système favorise les super-riches. Surpris? C’est une question de simple logique. Le système d’impôt progressif pénalise ceux qui tentent d’accumuler du capital en décourageant le travail, mais il a vraiment peu d’impact sur ceux qui en ont déjà. Ceux-là ont des abris fiscaux bien sûr, mais comme ils contribuent aussi beaucoup aux caisses électorales des partis politiques, les politiciens font des pieds et des mains pour leur faire des traitements de faveur.

Prenez par exemple cette chronique de Michel Girard de La Presse qui montre comment les dirigeants de grosses corporation ont droit à une déduction de 50% lorsqu’ils encaissent leurs options d’actions. Eh oui, de temps en temps il arrive aux chroniqueurs de La Presse de viser juste. Les options d’actions sont monnaie courante dans la rémunération globale de ces dirigeants, mais contrairement à des revenus de commissions, il ne sont taxables qu’à moitié. Je vous en cite quelques passages:

« Pour l’année fiscale 2007, on rapporte que 78 502 détenteurs d’options d’achat d’actions d’entreprises cotées en Bourse ont réclamé au titre de la déduction pour option d’achat d’actions un montant total de 4,1 milliards de dollars. Selon le ministère des Finances, cette déduction a permis à ces privilégiés de la société d’économiser 1,2 milliard d’impôt fédéral. »

« Le cadeau ne s’arrête pas là. À cet impôt fédéral économisé grâce au traitement de faveur accordé aux revenus d’options, il faut également ajouter une économie d’impôt provincial d’au moins 650 millions de dollars pour cette même année fiscale. »

Et encore:

« En passant, sur les 78 502 employés qui ont réclamé en 2007 une déduction de 4,1 milliards de dollars sur les 8,2 milliards de profits encaissés avec leurs options, il faut savoir que 75% de cette déduction est allée dans les poches de seulement 7985 riches dirigeants des entreprises cotées en Bourse. »

« Toujours selon les chiffres du budget 2010, les 7985 employés de ce groupe sélect gagnaient plus de 500 000$ par année. Ils ont réclamé à eux seuls une déduction de 3,1 milliards sur les 6,2 milliards de dollars de profits encaissés à même leurs options d’achat d’actions. »

« Pour vous montrer à quel point les dirigeants d’entreprises boursières sont gras durs avec leurs généreux régimes d’options d’achat d’actions, sachez qu’ils ont réussi en 2008 à encaisser des profits de quelque 5,1 milliards alors que la Bourse canadienne s’effondrait de 33%. »

Édifiant non? Ce n’est pas que je suis contre ces bonus qui sont librement consentis à ces dirigeants par leurs actionnaires, mais si je suis imposé pour le plein montant de mes revenus, ce n’est que justice que ces messieurs soient assujettis aux même règles. Je suis relativement certains qu’on pourrait combler nos déficits un peu plus rapidement de cette façon sans mettre le fardeau sur la classe moyenne.

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Pourquoi je ne suis pas libertarien (mais que je suis quand même quelque peu sous le charme)

Depuis peu, je me suis intéressé au libertarianisme. Cette philosophie politique, à forte tendance économique, selon le site Le Québécois Libre, repose sur la croyance « que la liberté individuelle est la valeur fondamentale qui doit sous-tendre les rapports sociaux, les échanges économiques et le système politique. » Ils croient « que la coopération volontaire entre les individus dans un marché libre est préférable à la coercition exercée par l’État », « que le rôle de l’État n’est pas de poursuivre des objectifs au nom de la collectivité – comme redistribuer la richesse, « promouvoir » la culture, « soutenir » le secteur agricole, ou « aider » la petite entreprise –, mais bien de se limiter à protéger les droits individuels et laisser les citoyens poursuivre leurs propres objectifs de façon libre et responsable. »

Aussi, sur l’échiquier politique, que nous caractérisons habituellement par l’antagonisme gauche-droite, ils ne veulent pas se situer d’un côté ou de l’autre, car ils considèrent que la gauche et la droite « ne sont plus que les deux revers de la même médaille étatiste. » Donc, ils veulent se distinguer comme étant « la seule véritable alternative : d’un côté, les étatistes de gauche et de droite; de l’autre, les défenseurs de la liberté, de la prospérité et de la civilisation. » Ce qu’il y a de clair, c’est que les libertariens sont contre l’interventionnisme de l’État et des groupes corporatistes, pour une implication citoyenne basée sur la responsabilité.

Sur le même site, dans un autre texte (qui se retrouve sur la même page que celle citée plus haut), « Cinq attitudes libertariennes essentielles », l’auteur Martin Masse dresse une liste, dont il élabore chaque point, qui résume bien cette philosophie :

1- assumer ses choix et cesser de rejeter la responsabilité de ses actions sur les autres
2- voir l’aventure humaine avec optimisme
3- refuser de s’en remettre à des abstractions collectives
4- viser une amélioration constante à long terme plutôt qu’une perfection statique à court terme
5- être tolérant et accepter la diversité

Voilà pour la présentation, maintenant la critique. En soi, il serait presque trop facile d’adhérer à ce système de pensée, car il est logique et répond même à la plupart des questionnements actuels si on le regarde seulement en surface. Il pourrait rallier une bonne partie de la population puisque son but est de nous débarrasser de la connivence entre l’État et les groupes d’intérêt, phénomène qui éloigne de plus en plus le peuple des considérations politiques. Par contre, après l’avoir examiné plus attentivement, il est utopique de penser que la société pourrait s’adapter rapidement à un système de la sorte : pour cela, il faudrait occulter l’histoire, remettre les pendules à l’heure au niveau socio-économique; en somme, repartir à neuf. Et cela est impossible, car à mon sens l’inégalité déjà présente se creuserait davantage, étant donné que l’implication citoyenne n’est pas de mise dans notre monde corporatiste et antidémocratique, où le conformisme est roi.

Personnellement, je pourrais vivre dans un système semblable, car je suis assez confiant de mes capacités d’adaptation, mais je ne crois pas que tout le monde pourrait suivre, même que plusieurs tomberaient encore plus bas qu’ils ne le sont maintenant si les libertariens étaient au pouvoir dans un avenir rapproché. La scission entre les individus et l’État a déjà trop fait de dégât pour que la responsabilité citoyenne soit bien exercée maintenant, à froid, par tous : il nous faudra un filet encore longtemps et beaucoup de travail à faire auprès de la population pour qu’elle reprenne goût à la démocratie. Et ce serait malheureusement l’égoïsme qui primerait si les individus étaient laissés à eux-mêmes aujourd’hui : le constat actuel sur les comportements irresponsables des automobilistes en est un bon exemple à mon avis.

Donc, la solution libertarienne est trop statique, trop extrémiste pour moi qui pense aux répercussions à court terme (et à long terme aussi bien sûr…). Je crois que la société idéale ne pourrait s’appuyer sur un seul dogme, car les individus sont trop dissemblables : le système se devrait d’être toujours malléable, équilibré. Et cette philosophie, même dans son équilibre (implicitement centriste, par son rejet de la gauche et la droite) n’est pas équilibrée, puisqu’elle n’est pas relative et repose sur un monde rêvé où les individus n’ont que des qualités, où l’optimisme serait un idéal partagé par tous.

Si la liberté individuelle est la valeur fondamentale, qu’est-ce qu’on fait avec les défauts des individus? Comment la société pourra freiner la cupidité, l’égoïsme qui caractérise déjà les comportements de l’élite économique? Et si l’État est réduit au maximum et que le secteur privé prend le contrôle de tout le reste, qu’est-ce qui nous assurera que le facteur humain ne deviendra pas encore plus secondaire qu’il ne l’est aujourd’hui? Je le répète encore, mais c’est de l’équilibre qu’il nous faut entre l’État et les citoyens.

Aussi, leur diabolisation de l’État est compréhensible dans le contexte actuel, et je la partage. Mais si l’État était vraiment une extension de notre individualité, basé sur les forces vives de chacun, leur critique, et surtout leur dogme, ne tiendrait pas la route. C’est la corruption actuelle qui lui donne sa légitimité. En réexaminant la thèse libertarianiste, alors que l’on expulse momentanément le parasite corporatiste de l’appareil étatique, il apparaît clairement que l’idée d’abandon de l’État comme régulateur et filet social serait une erreur monumentale pour les mêmes raisons que j’ai décrites plus haut.

Pourtant, après avoir discuté et débattu avec certains libertariens sur leur blogue, j’ai bien vu que leur philosophie est noble, et qu’elle tend vers le bien-être de la communauté. Par contre, elle est peut-être trop optimiste, justement, et j’irais même jusqu’à dire qu’elle se rapproche de la pensée magique : leur position sur la charité privée au détriment d’une concertation étatique sur la pauvreté est fortement utopiste à mon humble avis. Si on laisse le choix aux riches de partager, ils ne le font qu’en minorité alors qu’il faudrait qu’ils le fassent en majorité, et je n’ai pas besoin de donner d’exemple pour le prouver… Peut-être que si dans une société où tous les individus étaient éduqués globalement à leur juste valeur, selon leur capacité, où les superstitions seraient disparues, où la science médicale et le système de santé serait axé sur la prévention, où l’économie serait au diapason avec les vrais besoins de la population (sans création de besoins artificiels pour nourrir la production), où l’environnement serait considéré avec le plus grand des respects, il y aurait place pour un système comme celui-là. Pas avant.

Pour l’instant, je pense qu’il faut collectivement laisser une grande place au dynamisme que provoquent les libertés individuelles, tout en se dotant d’une « assurance tout risque » que prendrait en charge un État vraiment démocratique. Donc, en conservant un système public fort qui regrouperait le bien commun — soit les domaines reliés à la santé, à l’éducation fondamentale (et à tous les domaines de la connaissance, ceux qui ne concernent pas la technique), à l’aide à la famille et à des mesures d’aide aux gens en difficulté, aux relations de travail (dans le but de rendre caduc les différents syndicats, afin de faire profiter de meilleures conditions possibles à tous les travailleurs), entre autres — et en laissant les individus (donc le privé) s’occuper du reste — entre autres l’économie, les biens de consommation (incluant tous les alcools…), la culture de masse, toute éducation qui sert seulement aux besoins de main-d’oeuvre des entreprises — selon des règles justes et équitables qui seraient assujetties le plus possible au bien-être de la collectivité.

Si la responsabilité est une valeur importante pour les libertariens, il faudra aussi qu’ils la confrontent à la responsabilité des autres, tant que l’idéologie ne pourra prendre sa vraie place, dans une société à sa mesure. C’est en faisant la promotion de l’éducation citoyenne de base et en l’instaurant ensuite pour tous que la responsabilité deviendra importante pour tous les individus. Car je crois que l’individualisme, la liberté individuelle acquise sans préparation aurait tendance à se transformer facilement en égocentrisme, je le répète. Et l’égocentrisme est bien le contraire de l’humanisme.

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