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Fondamentalisme

Par Renart Léveillé

J’ai toujours eu un préjugé favorable envers le bouddhisme étant donné qu’on me l’a toujours pointé comme étant « une philosophie plutôt qu’une religion ». Oui, vous le savez, je suis un condensé de mauvaise foi… Quoi qu’il en soit, le chef spirituel actuel du bouddhisme, le dalaï-lama, m’a fait déchanter dernièrement en prenant la part des religions et en repoussant d’autant la liberté d’expression :

Au sein de toutes les religions – y compris le bouddhisme -, il existe des fidèles qui portent en eux les germes de sentiments destructeurs, mais il faut se garder de condamner en bloc ces religions

Je comprends tout à fait son point, mais je me demande où se trouve la ligne entre pointer le débordement extrémiste d’un fidèle d’une religion – en soulignant obligatoirement celle-ci – et « condamner en bloc » cette religion? En serons-nous bientôt à demander aux médias d’exclure toute référence à la religion quand il est question d’un attentat terroriste, par exemple? D’autant plus qu’il y a divers degrés entre le fidèle modéré et l’extrémiste, et qu’il y a les paroles et les actes comme possibilités d’expressions de la dévotion, positivement ou négativement. J’ai l’impression qu’on tente de contenir la critique envers les manifestations du religieux dans un espace aussi propre que ce que tentent de nous imposer par la publicité les fabricants de produits domestiques : l’ultime stérilité. J’en comprends aussi qu’il est question de respect. Mais serait-ce que le respect est unilatéral?

Parce que la critique envers le phénomène religieux ne se résume pas à pointer les manifestations extrémistes. Elle est globale. Voudrait-on alors lui couper l’herbe sous le pied en passant par le chemin facile, celui de condamner ceux qui réprouvent les « fidèles qui portent en eux les germes de sentiments destructeurs »? Et, par ricochet, de bannir l’ensemble de l’oeuvre, comme le souligne Mathieu Bock-Côté : de tout bonnement enlever « Le droit au blasphème »?

Il ne faut pas oublier que les propos du dalaï-lama ont eu comme écrin la Deuxième conférence mondiale sur les religions du monde où on jetait dans la mare de la Déclaration universelle des droits de l’homme la proposition d’un nouvel article, 12.4, qui se lit comme suit :

Chacun a le droit que sa religion ne soit pas dénigrée dans les médias ou dans les maisons d’enseignement.

Cette idée porte sans aucun doute pour moi la signature du fondamentalisme. Parce qu’elle fait la promotion de l’idée que la religion est fondamentale à l’humain, ce avec quoi je suis profondément en désaccord. Et le chemin n’est pas loin pour laisser de côté les droits des areligieux… C’est même implicite. On a beau essayer d’échafauder une structure démontrant que l’athéisme est une religion, il n’en est rien. Il est question d’absence, il est question d’opposition claire, si bien sûr on peut toujours s’entendre sur le sens des mots. L’agnostique, l’antireligieux, l’irréligieux, l’impie, l’incroyant, le non-croyant n’auraient pas ce droit, puisque son existence même est en soi du dénigrement.

Mais il n’est pas tellement besoin d’un nouvel article de la Déclaration universelle des droits de l’homme pour bâillonner. Les exemples fusent, et pas seulement du côté musulman, et pas seulement du côté critique. L’exemple qui suit est à classer dans l’anodin (et elle est classée sur Cyberpresse dans la section « Insolite »), et pourtant…

Le régulateur britannique de la publicité a interdit comme «irrévérencieuse» une caricature montrant Jésus le pouce levé et le clin d’oeil appuyé, utilisée par un opérateur téléphonique pour vanter ses «rabais miraculeux» à l’occasion des dernières fêtes pascales.

C’est déjà bien planté, et très profondément. Là où il y a de la (grande) noirceur.

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La loi 101 sur les dents

 

Je dois bien être le 101e (minimum) à pondre un texte en réaction à la sortie de Maxime Bernier, qui ridiculise la portée ancienne, actuelle et future de la loi 101 sur la sauvegarde et la pérennité de la langue française au Québec. Qu’à cela ne tienne, je vais ajouter ma brique au rempart qui continue de se bâtir entre les amants du je-m’en-foutisme et les gens capables de perspective dans ce monde linguistiquement chambranlant, pour ne pas dire bancal. Et, même si la tentation est forte, je vais m’abstenir de ridiculiser en retour ce charmant monsieur…

Dans les derniers jours, j’ai discuté à la suite d’un billet paru sur Anarcho-pragmatisme : « J’appuie totalement Maxime Bernier… » Tout comme l’auteur du blogue, je pense que l’abolition de la loi 101 ne pourrait logiquement se faire qu’à la suite de l’accession du Québec à la souveraineté. Si un jour le peuple a assez de courage pour faire le grand saut, nul doute qu’il prendra grand soin de sa destinée linguistique sans avoir besoin de la législation actuelle. Mais pour l’instant, on remarque plus une tendance à glorifier la mondialisation anglicisante, le franglais et autres discours d’ouverture qui balayent sous le tapis la précarité du français, pour ne nommer que cette langue-là, et pour ne pas réexpliquer encore et encore le contexte nord-américain dans lequel nous baignons.

Un commentateur a soulevé un point qui ne semble pas avoir été soulevé ailleurs (enfin pas depuis la sortie de Colonel Jos Louis), soit les conséquences démographiques de l’adoption de la loi 101, donc le départ de beaucoup d’anglophones du Québec. Ce que j’en comprends, c’est que ce fait illustre en même temps une supposée dérive étatique et est un argumentaire se basant sur une victimisation à sens unique des anglophones, ce qui élude comme par magie ce qui a mené à ce mouvement de défense du fait français. Et il doit bien y avoir un fond de ce réflexe chez Maxime Bernier et les autres de sa trempe, à différents degrés, malgré un discours soi-disant pragmatique basé sur la sacro-sainte liberté de choix.

Ce que je crois, c’est que la dynamique linguistique au Québec devrait et aurait dû toujours être arrimée à l’idée de respect. Mais l’Histoire nous a démontré que le respect de la majorité linguistique francophone (dans une perspective provinciale) n’était pas de mise à l’époque, autant individuellement que collectivement du côté de la communauté anglophone. Cette communauté qui avait en plus le quasi monopole des pouvoirs économiques. Avec la loi 101, les francophones se sont « payés » du respect qu’ils n’auraient pu obtenir autrement. Si des anglophones sont partis parce que ce respect leur faisait trop mal, bon débarras! De toute façon, il y a pratiquement toujours des conséquences à un changement, il faut vivre avec. Et imposer le respect, ce n’est pas non plus comme imposer l’insupportable.

Du commentateur désigné plus haut, je retiens quand même ces propos, qui me semblent bien sages pour quelqu’un qui est contre cette loi :

Si vous êtes en désaccord avec la loi 101, svp, ne jetez pas le blâme sur la formation politique ayant fait passer cette loi. […] les élus ne sont qu’une interface entre le peuple et ses moyens publics. Les élus d’un peuple sont à l’image dudit peuple … et de sa volonté.

Et ce qui est clair, c’est que la volonté de préserver cet acquis est encore très forte. Mais il faut rester vigilant, on tente de salir ce respect par tous les moyens, surtout par la rhétorique. À ceux qui rétorqueront que le respect ne peut pas être décrété par une loi, je ferai remarquer que nous étions précédemment « tenus en respect » par le pouvoir monétaire, qui est tout comme une loi, mais en plus arbitraire.

 

(Photo – détail : tudor)

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