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La tyrannophobie

À la suite de mon billet de la semaine dernière au sujet (entre autres) du registre des armes à feu, certaines personnes ont argumenté en défaveur de ce registre avec l’idée de la possible menace d’un gouvernement tyrannique. Comme quoi le registre est une manière pour le gouvernement d’avoir le contrôle sur les armes à feu sur le territoire. Comme quoi s’il lui prend le goût de se radicaliser au point de provoquer le peuple à prendre les armes, le gouvernement aurait les moyens de l’empêcher. Ce qui est une autre manière d’expliquer ce qui sous-tend le deuxième amendement de la Constitution de États-Unis :

La codification du droit de porter des armes dans le Bill of Rights fut influencé par la peur que le gouvernement fédéral pourrait désarmer le peuple afin d’imposer des règles par l’intermédiaire d’une armée de métier ou d’une milice, puisque l’histoire avait montré la façon dont les tyrans éliminaient la résistance en retirant les armes au peuple et en rendant illégal le fait d’en conserver afin de supprimer les opposants politiques.

Force est de constater que, comme beaucoup de lois, cela a mal vieilli. Ou plutôt, mal évolué. Nous ne sommes plus, au Canada ni aux États-Unis, dans des sociétés où le risque de se retrouver avec un dictateur dans le sens propre du terme est très élevé. Je vois peut-être la vie trop en couleur, mais notre vie est douce, comparée à certains pays où la démocratie n’est pas loin d’être utopique. Et puis, si nous pouvons sans trop de mal comparer nos dirigeants à des dictateurs, les armes qu’ils utilisent sont légères comme des cauchemars… Avec bien sûr quelques fiers-à-bras pour empêcher des journalistes de poser des questions embarrassantes.

Mais pour revenir en soi au registre des armes à feu, même dans l’optique d’une hypothétique tyrannie du gouvernement, je me demande s’il empêcherait quoi que ce soit : c’est à dire empêcher un soulèvement armé du peuple s’il fallait légitimement que cela se rende jusque-là. À ce que je sache, il est toujours possible de se procurer des armes sur le marché noir et j’ose espérer qu’un gouvernement tyrannique n’irait pas jusqu’à enlever tout l’argent disponible des citoyens pour les empêcher de s’en acheter… Encore, le registre des armes à feu n’empêche aucunement quiconque de se procurer une arme, s’il est dans son droit d’en posséder une, selon les lois et règlements (et, personnellement, je vois plus de dangers à ce que tous puissent se procurer une arme facilement qu’à continuer de tenir un registre avec le supposé risque de tyrannie gouvernementale). Encore plus, même si le registre permet de savoir où toutes les armes se trouvent, il faudra quand même aller les confisquer, ce qui n’est pas une mince affaire… Où est le problème alors?

À mon sens, cet argumentaire tyrannophobique ne tient pas la route parce qu’il réduit une problématique technique à un point philosophique pour le peu archaïque. Quand on entendra parler de cas de désarmement de citoyens sans fondements, ou que les lois changeront dans ce sens, je regarderai cet argumentaire avec un peu plus de sérieux.

Et puis, c’est quand même Stephen Harper qui veut couper le registre, et ce n’est sûrement pas pour empêcher la tyrannie du gouvernement, et ni pour cette raison que les états-uniens pro armes à feu militent… La tyrannophobie est dans le fin fond une forme d’hypocrisie.

Peut-être inconsciente.

Bang! Bang!

(Photo : upicks)

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Maire Jean Tremblay : quand la religion est une sangsue

Par Renart Léveillé

Quand le maire d’une ville fait tout pour donner l’impression qu’il fait passer sa religiosité devant ses responsabilités d’élu, il est une bonne chose de le ramener à l’ordre. Et c’est ce que le Tribunal des droits de la personne a fait en ordonnant « à la ville de Saguenay de retirer le crucifix de son hôtel de ville en plus d’interdire la tenue de la prière avant le Conseil municipal ».

Selon Mathieu Bock-Côté, « ce n’est pas aux juges de décider à la place de nos élus de la bonne manière de trancher cette question ». Le sociologue qualifie de « despotisme éclairé » le travail des juges et pourtant il est clair qu’à ce jeu, le despotisme politico-religieux du maire Jean Tremblay ne gagnerait même pas le qualificatif « éclairé ». Et, je me serais attendu à une analyse un peu plus « éclairée » de la part du doctorant… Mais bon, avec des prémisses comme les siennes, aussi teintées du conservatisme, il fallait bien s’attendre à une architecture idéationnelle de la sorte qui actualise, comme par gêne, une volonté de soutenir, coûte que coûte, la tradition.

Encore plus, je crois qu’il faudrait faire ressortir à l’attention de Bock-Côté que les électeurs de la ville de Saguenay ont élu un homme politique et non un homme de foi, même si pour certains électeurs, être religieux est une qualité appréciable, j’en conviens (comme des électeurs votent pour un politicien parce qu’ils le trouvent agréable à regarder — et ça tombe plutôt bien, Jean Tremblay a une bien belle et bonne bouille télévisuelle, photogénique). Mais, revenons à nos moutons (!), faudrait-il laisser le fin mot de l’histoire à un élu qui mélange les choses à ce point? Au moins, un juge n’appuie pas son jugement sur ses propres élucubrations, mais bien sur des textes de loi! (Mais que diantre! quel hasard! qui vote les lois?) On peut toujours critiquer les lois, mais la position du maire encourage encore plus : la raillerie.

Et tenir mordicus à imposer son goût personnel pour la religiosité en public et utiliser les institutions juridiques pour y arriver (avec les frais collectifs qui viennent avec), c’est pour le moins louche, et cela manque cruellement de sérieux (et qu’il soit obligé de faire une levée de fonds pour poursuivre sa croisade me semble un juste retour des choses). Pour cette raison, j’avoue d’emblée que je ne suis pas tellement regardant quant à qui lui tape sur les doigts… Dans un monde politiquement idéal, la laïcité serait respectée par tous, et c’est bien là où se trouve la base de la problématique. (Et je ne veux lire personne déclamer que la laïcité est un complot de la religion athée…)

Et Mathieu Bock-Côté tente de faire un rapprochement entre l’idée des accommodements raisonnables et le « plaignant » qui a porté cette « cause » devant les tribunaux pour dénigrer la décision prise contre la ville de Saguenay. Ça me semble un terrain très glissant dans l’optique où la laïcité est en quelque sorte le terrain d’entente pour ce qui est de la question religieuse, la base sur laquelle on se réfère pour « accommoder raisonnablement » ensuite (hypothétiquement : il me semble qu’une demande d’accommodement pour obtenir le droit d’imposer une prière catholique — ou de toute autre confession — de vive voix dans une réunion municipale ne serait pas très bien vue…). Et, dans toute cette problématique, il faut remarquer que les administrations municipales sont les dernières à résister à la séparation du religieux et des affaires publiques. Vers où peut bien se tourner un citoyen qui se sent lésé (avec raison) par la dictature de la prière et de la tradition, sinon du côté des tribunaux? De toute façon, dans le cas qui nous concerne, l’élu Jean Tremblay ne semble pas « raisonnable »…

En passant, je ne suis pas le plus grand apôtre de la Charte des droits et libertés de la personne. Mais pour avoir la légitimité de refuser le religieux d’où il vient et où il se trouve, il faut bien d’abord remettre à leur place les hurluberlus de la trempe de ce maire«-là là » pour qu’ils cessent de se justifier du passé où la religion catholique faisait la pluie et le beau temps au Québec. C’est plutôt difficile de mettre le doigt aujourd’hui sur ce que seraient les valeurs communes des Québécois, mais il y a belle lurette que ce n’est plus la religion catholique qui en est le ciment, n’en déplaise aux gens du « bel âge », enfin à ceux qui ne se sont pas rendu compte que la Terre n’a pas arrêté de tourner depuis leur endoctrinement forcé.

S’agripper à cette époque révolue c’est carrément jouer le jeu des guerres de religion. Et la laïcité est justement une manière de désarmer tout le monde.

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