Archives de Tag: droit

Le nouveau totalitarisme du contrôle des appellations

.
.
.

Notre sidérante affaire débute il y a deux ans environ, quand l’actrice et chanteuse Lindsay Lohan intente une poursuite de cent millions de dollars américains contre une agence de publicité, pour l’utilisation du prénom LINDSAY dans un commercial du Super Bowl portant sur une petite bébé turbulente ayant tendance, disons, à abuser du biberon… Insistons fermement d’abord –en ouverture– sur un point. Ici, ce n’est pas mademoiselle Lohan qui déraille. C’est, plus nettement, la notion de propriété privée qui s’emballe et qui devient follement totalitaire… Il faut prudemment voir à ne pas se laisser influencer par un titre ou un sous-titre de canard racoleur et populiste. L’affirmation “The world revolves around Lindsay. [Le monde gravite autour de Lindsay]” est un commentaire d’ouverture poudre aux yeux, dans le genre de cette image bien connue du président Obama, ce bourgeois raffiné et un rien hautain, s’amenant en bras de chemise dans ses meeting populaires pour faire peuple lui-même. En ouvrant ici l’exposé de la nouvelle dans cet angle du ci-devant narcissisme de mademoiselle Lohan, un certain journalisme vous oriente sciemment la pensée. On dévie ouvertement de l’enjeu critique en cause et on manipule le propos au départ, dans la direction du petit potin sans portée. Le commentaire d’ouverture correct serait: Le prénom de Lindsay Lohan fait-il partie de la propriété intellectuelle (privée) de sa marque de commerce? La réponse reste non, mais le topo n’est plus détourné dans le style ad hominem et creux des feuilles de chou mondaines. Qui donc veut confondre ici l’entreprise qui poursuit avec l’ego de la petite vedette en cause dans la poursuite? Personne de vraiment sérieux. Pendant qu’on tape sur les doigts de mademoiselle Lohan tous en choeur, le totalitarisme privé lui, reste, en douce, bien niché dans les implicites non questionnés. Cela vient vieux à terme, ce genre de journalisme de surface. Ceci était MON ouverture sur cette question.

Traitons ladite question dans sa dimension radicalement ethnoculturelle (plutôt que superficiellement potino-anecdotique). Le problème est assez ancien. Il rejoint (sans s’y confondre) la question, toujours sensible, de l’antonomase sur marques de commerce (kodak, kleenex, et, en anglais, les verbes to hoover, to xerox, pour n’égrener que de maigres exemples qui, vieillots, ont la qualité, fort prisée vue l’ambiance, d’être sans risque). Alors, bon, les prénoms MICKEY, ELVIS et MADONNA sont-ils associés à des objets culturels spécifiques? Personnellement, je pense que oui. Par contre, cette poursuite-ci de cent millions (cela ne s’improvise pas par narcissisme individuel, une poursuite de cette amplitude) tente tout simplement le coup d’ériger LINDSAY en objet culturel similaire… À tort, je pense… mais il ne serait pas si facile de formuler un net critère démarcatif. Le problème, déjà fort emmerdant, se complique ici, en plus, d’une facette diffamatoire. On découvre, dans l’article que j’ai mis en lien, un résumé de l’argument de la poursuite. Il se lit comme suit: “They used the name Lindsay,” Ovadia said. “They’re using her name as a parody of her life. Why didn’t they use the name Susan? This is a subliminal message. Everybody’s talking about it and saying it’s Lindsay Lohan [Ils utilisent le prénom Lindsay pour parodier sa vie, a déclaré Ovadia. Pourquoi n’ont-ils pas pris le prénom Susan? C’est un message subliminal. Tout le monde en parle en disant qu’il s’agit de fait de Lindsay Lohan].” Bon, la légende urbaine du subliminal, on a compris ce que ça vaut, depuis un moment, allez. Mais ce qui m’ennuie le plus ici c’est le “Everybody’s talking about it [Tout le monde en parle]”. J’aimerais bien qu’on me cite les sources datées qui établissaient cette corrélation AVANT le buzz de cette poursuite même, qui lui, justement, désormais, impose cette susdite corrélation. En d’autre termes, bien… moquez vous de Lindsay Lohan ici et ailleurs, en rapport avec cette affaire, et vous alimentez simplement l’argumentation malhonnêtement victimisante sur laquelle se fonde justement la toute rapace poursuite en diffamation. Bonjour, le piège à con…

Cette affaire, cette flatulente énormité juridique, n’est aucunement anecdotique. Elle est bien plus qu’un fait divers. Elle a une portée qui va beaucoup plus loin que la simple trajectoire artistique ou mondaine de Lindsay Lohan. Mon tout petit rédacteur de journaux à potin qui ne veut pas voir plus loin, laisse moi maintenant t’expliquer. Tu ramènes le tout de la chose à du fricfrac interpersonnel, prouvant ici que tu n’y vois goutte. Il y a une notion que tu ne comprends pas: celle de jurisprudence. Je vais d’abord t’inviter à corréler ce débat sur la propriété commerciale du (fort répandu) prénom LINDSAY à cette poursuite-ci, agression ouverte procédant d’une dynamique similaire (sans narcissisme personnel de petite vedette à pointer du doigt, cette fois). Une entreprise privée, le Marché Saint-Pierre, poursuit une autre entreprise privé, l’éditeur d’un polar, sur la base diffamatoire: ne parle pas de moi, tu me dénigres. Une entreprise privée, l’estate de Lindsay Lohan, poursuit une autre entreprise privée, le publicitaire E-trade, sur la base diffamatoire: ne parle pas de moi, tu me dénigres. Comme le diraient ces bons ricains que, cher rédacteur de journaux à potins, tu adores et que tu prétends si bien comprendre: is there a pattern here? Dans les deux cas, une réalité publique du tout venant (un prénom, un lieu) est l’objet du délit au sein d’une poursuite en appropriation… La manœuvre juridique est identique (le reste, c’est, au pire, de l’anecdote, au mieux, de la nuance). La jurisprudence, elle aussi, est identique. Si le forban qui poursuit plante le forban qui se défend, moi, dans mon petit coin, je me prends de toute façon les tessons dans la gueule PARCE QUE LE RÉSULTAT FAIT JURISPRUDENCE. Notons au passage qu’on est finalement bien loin du narcissisme, plus proche du totalitarisme. Je pourrais, demain, ne plus avoir le droit de dire ni MARCHÉ SAINT-PIERRE (ni, la peur jurisprudente jouant: LOUVRE, TOUR EIFFEL, TOUR CN, PLACE VILLE-MARIE, CANAL RIDEAU, CANADA) ni LINDSAY (ni, la peur jurisprudente jouant: MICKEY, ELVIS, MADONNA, BRANGELINA, BARACK, YSENGRIM ou le chiffre SEPT – des 7 du Québec). Que l’objet du délit soit vague (y a pas que mademoiselle Lohan qui se prénomme Lindsay) ou clairement cerné (c’est bien du Marché Saint-Pierre qu’il s’agit dans ce polar), la constante qui se stabilise est hautement inquiétante. On peut vous accuser impunément (surtout si on a les moyens de se payer un service juridique somptuaire) de DÉNIGRER du seul  fait d’AVOIR NOMMÉ. Paniquant…

Alors maintenant, avançons encore d’un cran dans l’abus de droit du «droit». Au lieu d’une entreprise attaquant une entreprise, on a une entreprise attaquant un individu ordinaire, un simple pingouin de base sans défense. C’est le cas, tout récent tout chaud, de cette pauvre institutrice française, madame FIGARO, qui vient de se prendre sur le coin de la tête, pour son petit blogue personnel sans revenu s’adressant à ses élèves, une mise en demeure… du Figaro. Oh, oh, mais vous me direz pas, après ça, que les entreprises privées contemporaines ne sont pas littéralement atteintes d’un syndrome totalitaire. Oh, mais faites excuses, voici que je m’expose moi-même à une poursuite du Collège de Médecine pour dénigrement de la notion de syndrome… Enfin, bon, je préserve mes quelques chances de non-lieu, puisque les restaurateurs d’Italie ne sont pas (encore) parvenus à imposer une appellation contrôlée sur la notion de pizza (comme il y en a une sur les notions de bordeaux, de bourgogne, de champagne, qui ne se barouettent pas comme ça). Je m’efforce ici de vous faire un peu rire avec ceci mais, batince, je la trouve pas drôle du tout, en fait, pour dire le fond de ma pensée. Privé, privé, privé! Le privé s’empare d’objets physiques ou mentaux du tout venant et dit: “c’est à moi, taisez-vous, n’en parlez plus. Silence. Baillon.”. C’est atterrant.

Et, en plus, c’est outrageusement enrichissant. Car, en conclusion de ce petit billet fort marri (en attendant les prochains abus juridiques impudents de l’hydre entrepreneuriale sur ce front), il faut signaler que mademoiselle Lohan et son estate ont fini par abandonner leur poursuite peu après l’avoir intentée mais ce, non sans avoir tiré des revenus non précisés de l’entente hors cours s’étant conclue sans trompette (the actress made some money out of the deal – noter, encore ici, le traitement incroyablement potineux et creux, sciemment minimiseur, en fait). Bilan: dans le cloaque néo-libéral du laxisme légal contemporain, il y a toujours moyen, pour une entreprise puissante, de poursuivre, de gagner, de bâillonner, d’extorquer. Le principe fondamental est singulièrement répugnant. C’est la dictature du silence culturel imposée par les accapareurs possédants. C’est puant et cela s’étend. Je demande: qui donc mettra la bride à ce nouveau totalitarisme du contrôle des appellations? Et je signe:

PAUL (Newman’s Own me guette ici)
LAURENDEAU (ici c’est le journal Le Devoir)

Poster un commentaire

Classé dans Actualité, économie, Paul Laurendeau

Fondamentalisme

Par Renart Léveillé

J’ai toujours eu un préjugé favorable envers le bouddhisme étant donné qu’on me l’a toujours pointé comme étant « une philosophie plutôt qu’une religion ». Oui, vous le savez, je suis un condensé de mauvaise foi… Quoi qu’il en soit, le chef spirituel actuel du bouddhisme, le dalaï-lama, m’a fait déchanter dernièrement en prenant la part des religions et en repoussant d’autant la liberté d’expression :

Au sein de toutes les religions – y compris le bouddhisme -, il existe des fidèles qui portent en eux les germes de sentiments destructeurs, mais il faut se garder de condamner en bloc ces religions

Je comprends tout à fait son point, mais je me demande où se trouve la ligne entre pointer le débordement extrémiste d’un fidèle d’une religion – en soulignant obligatoirement celle-ci – et « condamner en bloc » cette religion? En serons-nous bientôt à demander aux médias d’exclure toute référence à la religion quand il est question d’un attentat terroriste, par exemple? D’autant plus qu’il y a divers degrés entre le fidèle modéré et l’extrémiste, et qu’il y a les paroles et les actes comme possibilités d’expressions de la dévotion, positivement ou négativement. J’ai l’impression qu’on tente de contenir la critique envers les manifestations du religieux dans un espace aussi propre que ce que tentent de nous imposer par la publicité les fabricants de produits domestiques : l’ultime stérilité. J’en comprends aussi qu’il est question de respect. Mais serait-ce que le respect est unilatéral?

Parce que la critique envers le phénomène religieux ne se résume pas à pointer les manifestations extrémistes. Elle est globale. Voudrait-on alors lui couper l’herbe sous le pied en passant par le chemin facile, celui de condamner ceux qui réprouvent les « fidèles qui portent en eux les germes de sentiments destructeurs »? Et, par ricochet, de bannir l’ensemble de l’oeuvre, comme le souligne Mathieu Bock-Côté : de tout bonnement enlever « Le droit au blasphème »?

Il ne faut pas oublier que les propos du dalaï-lama ont eu comme écrin la Deuxième conférence mondiale sur les religions du monde où on jetait dans la mare de la Déclaration universelle des droits de l’homme la proposition d’un nouvel article, 12.4, qui se lit comme suit :

Chacun a le droit que sa religion ne soit pas dénigrée dans les médias ou dans les maisons d’enseignement.

Cette idée porte sans aucun doute pour moi la signature du fondamentalisme. Parce qu’elle fait la promotion de l’idée que la religion est fondamentale à l’humain, ce avec quoi je suis profondément en désaccord. Et le chemin n’est pas loin pour laisser de côté les droits des areligieux… C’est même implicite. On a beau essayer d’échafauder une structure démontrant que l’athéisme est une religion, il n’en est rien. Il est question d’absence, il est question d’opposition claire, si bien sûr on peut toujours s’entendre sur le sens des mots. L’agnostique, l’antireligieux, l’irréligieux, l’impie, l’incroyant, le non-croyant n’auraient pas ce droit, puisque son existence même est en soi du dénigrement.

Mais il n’est pas tellement besoin d’un nouvel article de la Déclaration universelle des droits de l’homme pour bâillonner. Les exemples fusent, et pas seulement du côté musulman, et pas seulement du côté critique. L’exemple qui suit est à classer dans l’anodin (et elle est classée sur Cyberpresse dans la section « Insolite »), et pourtant…

Le régulateur britannique de la publicité a interdit comme «irrévérencieuse» une caricature montrant Jésus le pouce levé et le clin d’oeil appuyé, utilisée par un opérateur téléphonique pour vanter ses «rabais miraculeux» à l’occasion des dernières fêtes pascales.

C’est déjà bien planté, et très profondément. Là où il y a de la (grande) noirceur.

2 Commentaires

Classé dans Actualité, Renart L'Eveillé

La laïcité instrumentalisée

 

Par Renart Léveillé

Contrairement à moi, certains trouvent la laïcité trop stricte. Elle devient alors la laïcité ouverte. Mais en y accolant l’adjectif « ouverte », elle perd tout son sens. Il n’est plus tellement question de laïcité, mais bien seulement d’une version fade d’elle-même qui, si ça lui était possible, l’empêcherait de se regarder dans le miroir…

C’est une manière comme une autre d’instrumentaliser un concept pourtant clair : séparation de l’État et de la religion, avec tout ce que cela implique au niveau des institutions, particulièrement au niveau de l’éducation. Et il y a l’interculturalisme, comme le décrit Louise Mailloux, « Professeure de philosophie au Collège du Vieux Montréal, intellectuelle athée, féministe et laïque », dans son billet « L’interculturalisme: une imposture anti-laïque » :

En mars dernier, dans une entrevue au journal le Devoir, Gérard Bouchard affirmait que le débat sur la laïcité piétine, qu’un consensus semble impossible et qu’il conviendrait d’élargir ce débat en parlant d’interculturalisme. Deux mois plus tard, lors du Symposium international sur l’interculturalisme organisé par Gérard Bouchard et son église, ce dernier réclamait du gouvernement, une loi sur l’interculturalisme. Coïncidence ou non, les jeunes libéraux, réunis en congrès au mois d’août, réclament pour leur part, une loi pour définir la laïcité ouverte et demande à Jean Charest de créer un Office québécois d’harmonisation interculturelle.

La pilule de la laïcité ouverte ne passant pas dans la population, il faut donc l’enrober d’une gélatine afin qu’elle glisse tout en douceur. Une loi-gélatine sur l’interculturalisme, votée par l’Assemblée nationale, qui servirait  à imposer une politique de laïcité ouverte. Parce qu’ici, il ne faut pas s’y tromper, l’ouverture à la culture de l’autre, c’est l’ouverture à sa religion. Et que le respect de la diversité culturelle, c’est le respect de la religion.

Là où le bât blesse, c’est que deux blogues qui ont diffusé des extraits de ce billet l’ont introduit avec un texte où se trouvent ces mots, qui portent vraiment à confusion :

Leur seul travail consiste à infiltrer la religion des Autres dans nos institutions

Y a-t-il derrière ça le message que la religion catholique a sa place dans nos institutions, puisqu’elle ne vient pas « des Autres »? Si la laïcité sert seulement à repousser les autres religions pour laisser le champ libre au catholicisme, elle est aussi instrumentalisée. Et les deux blogues en question, ce sont « Poste de veille » et « République de Bananes », tous deux dans le même conglomérat de droite que « Pour une école libre au Québec », clairement pro-religion (en tout cas occidentale), pro-famille (je suis parent et je suis plutôt pro-choix de vie – et le nom de Jeff Plante derrière tout ça en dit déjà beaucoup) et soutenant la cause de la liberté d’expression sans limites des homophobes. Et sa participation à la campagne CLÉ montre clairement son parti-pris antilaïque, puisque cette coalition ne vise pas seulement le retrait de l’imposition obligatoire du cours « Éthique et du culture religieuse » aux jeunes, mais bien aussi à défendre certains parents et « leur indignation face à la perte de leur droit de choisir pour leurs enfants un enseignement moral ou religieux à l’école en accord avec à leurs croyances et leurs convictions. »

Il faut être logique. La laïcité va de pair avec l’idée d’État, qu’il soit minimal ou éléphantesque. On ne peut pas d’un côté défendre l’évacuation du religieux en appuyant les laïques et de l’autre participer au maintient de l’enseignement religieux dans les écoles, qui sont encore du ressort de l’État. C’est un double discours franchement tordu.

Et il y a une grosse différence entre avoir un parti-pris laïque et être contre l’islam (ce qui ressort clairement du blogue « Poste de veille »). Ce que les deux ont en commun, c’est d’être contre les tentatives de la religion d’entrer dans l’espace commun. Le premier met toutes les religions sur le même pied d’égalité. Le deuxième vise une religion en particulier, et c’est selon, tente par cela de magnifier les autres religions, du moins de leur redonner un peu de lustre.

Pour ma part, étant pro-laïcité, je suis également interpellé par toutes les tentatives d’intrusions de la religion dans la société, qu’elles viennent d’une ou l’autre. Étant donné que l’islamisme est en soi plus combatif, c’est tout à fait normal que ses tentatives d’intrusions soient plus évidentes, voire même spectaculaires : regardons l’exemple des dossiers de la charia ainsi que celui des voiles islamistes. Pour ce qui est du judaïsme, c’est beaucoup plus subtil, et ça semble se retrouver surtout du côté politique (le judaïsme ne cherchant pas à convertir). Pour ce qui est du catholicisme (et du protestantisme, par extension), la question ne se pose même pas, il a ici ses bases et joue de sa survie. Son combat est ainsi omniprésent.

La difficulté du laïcisme dans les débats publics, et surtout politiques, c’est que la guerre entre la gauche et la droite repose en partie sur des partis-pris religieux, même si pour certains c’est surtout en surface. Pour aller au plus simple, la droite se rallie au judaïsme et au christianisme, alors que la gauche se rallie à l’islamisme. Alors, un laïque qui pourfend l’islamisme se voit placé dans la case droite, et s’il pourfend quoi que ce soit en lien avec les deux autres, c’est dans la case gauche qu’il atterrit, nonobstant de sa réelle position. Rien pour simplifier le débat… Ma vision : la droite se sert de la laïcité comme je l’explique plus haut, la gauche s’aveugle des débordements de l’islamisme avec les bons sentiments, quelque chose qui ressemble à de la fraternité, de la solidarité, et où l’humain et sa religion sont à tort entremêlés (par exemple : supporter la cause de la Palestine et des habitants de la bande de Gaza — que l’on ne peut séparer de l’islamisme au niveau religieux — ne devrait pas pour autant donner le feu vert à leurs coreligionnaires…). Ainsi, dans le cas de la gauche, la laïcité est à la carte (une autre manière de dire « laïcité ouverte »).

Quoiqu’il en soi, la laïcité devrait servir à faire table rase des différences ethno-religio-culturelles, afin de mettre l’emphase sur le respect global. S’en servir pour mettre de l’avant ses intérêts, ce n’est pas très loin de l’ignominie.

12 Commentaires

Classé dans Actualité, Renart L'Eveillé

La folie ordinaire

 

Par Renart Léveillé

Mon titre, je l’ai piqué à Charles Bukowski, celui qui publiait en 1972 « Erections, Ejaculations, Exhibitions, and General Tales of Ordinary Madness », traduit simplement par « Les Contes de la folie ordinaire ». Je m’en sers dans un autre sens : et par cela je vais tenter de questionner, et la folie, et l’ordinaire, aujourd’hui, devant le verdict renversant de « non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux » du cardiologue Guy Turcotte.

Pour être franc, je n’ai aucunement suivi cette histoire, sinon de très loin (alors, je ne me suis pas trop fait manipuler par les médias). Le jeune père que je suis n’est aucunement capable de savoir (même si je l’ai quand même su, comme beaucoup d’autres choses…) des détails comme celui que Guy Turcotte a eu « conscience de ce qu’il faisait, quand il a entendu son fils lui dire d’arrêter ». Sentir son coeur virer à l’envers, le moins souvent possible… Et pour cette raison, je ne devrais même pas pouvoir écrire à ce sujet, encore plus parce que je n’ai pas assisté au procès, comme le rappelle la spécialiste en droit criminel Véronique Robert.

J’en prends note, mais je continue de voir qu’il y a un trop grand écart ici entre la Justice et ce que la moyenne des gens est capable d’en comprendre, surtout à la suite de ce verdict. Et ça me fait revenir à mon titre. On a l’impression que ce verdict rend la folie ordinaire. Plus précisément, que toute folie (ou ce que l’on considère comme tel devant la loi) est égale. Que la folie qui gagne quelqu’un suite à des problèmes relationnels est égale à la folie de quelqu’un qui est en proie à des épisodes schizophréniques, par exemple, qui sont franchement plus du domaine génétique.

Si vous voyez où je veux en venir, c’est que rien dans les gestes de Guy Turcotte n’écarte l’histoire d’amour déchue. L’absurdité ne se retrouve que dans la teneur des gestes, pas dans ce qui y mène, dans le sens où la vengeance soutire le pire de l’humain, en tout cas au niveau du fantasme. Nous comprenons que le père cocufié ait fantasmé le pire (tuer ses enfants) pour détruire la mère qui ne voulait plus être son épouse, et c’est bien là où se trouve la capacité de faire « la distinction entre le bien et le mal » et « d’apprécier la nature et la qualité de ses actes ». Mais c’est tellement lié qu’il est difficile de croire que le chemin pour se rendre du fantasme à la réalité soit seulement de la pure folie. Comment Guy Turcotte a-t-il pu se perdre en chemin alors que tout le reliait au noyau de son trouble? Il y a dans la folie cette irrationalité que je n’arrive pas à percevoir dans ce cas-ci, puisque le lien de cause à effet me semble fluide. Le meurtre des enfants représente le comble de la vengeance et c’est ce qui a été fait. Guy Turcotte semble s’être planté lui-même ce germe comme un drogué consomme ce qui peut le rendre inconscient de la réalité. Mais un meurtrier drogué ne s’en tire pas même s’il était « inconscient » lors de l’acte, comme me l’a indiqué un ami avocat. Alors, la différence entre les deux me semble ténue.

Le jury a décidé qu’il s’était perdu en route dans la folie et je ne comprends pas, comme beaucoup de gens. Comme le blogueur Patrick Lévesque, je crois que notre « système de justice a […] une responsabilité envers les citoyens, soit de les éduquer. Cette responsabilité est essentielle afin de conserver sa crédibilité, ce qui est en retour essentiel au maintien d’un système de droit, l’un des piliers de notre vie démocratique. Au-delà du choc, de la colère, de la tristesse, il est temps de passer à la compréhension. Les explications doivent venir; elles doivent être fournies rapidement, et elles doivent être fournies en tenant compte des émotions que vit en ce moment le grand public (dont je fais partie) ».

J’ai bien relu le texte de Véronique Robert, hyperlié plus haut, qui s’y connaît beaucoup plus que la majorité, et pourtant je ne comprends toujours pas. Quand j’y lis que le jury a décidé, « à l’unanimité, que « le monstre » était vraiment en état de déséquilibre mental au moment des faits », je me dis qu’il faut bien de toute façon être « en état de déséquilibre mental » pour tuer ses enfants, c’est un pré requis : une personne équilibrée mentalement ne va pas faire ça. Et pourtant, je ne doute pas que ce raisonnement ne fasse pas le poids au niveau de la Justice. Mais bon, je ne suis pas juriste. Et ça doit être le problème de la majorité de la population qui n’est pas d’accord avec ce verdict.

Voilà, la question de la folie est posée. Et elle n’est surtout pas simple. Quant à l’ordinaire, le choix du terme est peut-être abusif en soi, mais il sert au moins de contrepoids. La folie comme concept ultime ne peut pas être remise en question. En l’acoquinant à l’ordinaire je le rendais au moins un peu plus malléable. Et, il n’y a pas de doute pour moi, le concept de folie au niveau de la Justice est très discutable.

C’est ce que bien humblement j’ai essayé de faire ressortir ici.

 

(Photo : amandajane)

5 Commentaires

Classé dans Actualité, Renart L'Eveillé

Discrimination, racisme, xénophobie et autres confusions

Par Renart Léveillé

[Avertissement : lorsque vous lisez un texte, si vous n’êtes pas assez intelligent pour l’analyser et en comprendre les sens et les subtilités, comme l’ironie et le sarcasme, abstenez-vous donc de le commenter…]

 

C’est bien connu, je suis le pire des racistes. Puisque « pro-laïcité » et « athée » en sont des synonymes avérés, paroles de quelques génies autoproclamés. Dans son habitat naturel, qu’il voit sombre alors qu’il est en vérité rose nanane sucé longtemps, le raciste remet en question maladivement tout ce qui touche à la religion, ce qui est mal, par définition. Le Mal.

La preuve, je trouve vraiment très drôle l’image qui suit (en fait, je ne la trouve pas juste drôle) :

(Traduction maison, sujette à caution : La religion, c’est comme un pénis. C’est bien d’en avoir un. C’est bien d’en être fier. Mais S’IL VOUS PLAÎT, ne le sortez pas en public pour le montrer à tout le monde, et, DE GRÂCE, ne tentez pas de le faire avaler de force à mes enfants.)

Aussi, à la place d’écrire que quelqu’un est pour la défense du français au Québec, on peut écrire qu’il est raciste, ça va plus vite. Ça va moins vite d’écrire « xénophobe », mais ça fonctionne aussi. Petit tuyau, les chasseurs de racistes devraient regarder du côté de Charles Castonguay, un traître anglophone ontarien, qui avoue bien candidement qu’au Québec le français dégringole! alors qu’en vérité il n’y a vraiment, mais vraiment aucun problème (ce que je suis incapable de me rendre compte, comme tout bon xénophobe, ça va de soi).

En plus, je suis pour la discrimination (ici, il faut vraiment bien suivre). Je serais d’accord pour qu’on écrive « une loi qui prohibe la discrimination » arbitraire (Arbitraire : « Qui provient de la volonté, du caprice, du bon plaisir de qqn. » « Qui ne tient pas compte de la réalité, de la raison. » « Qui est choisi sans règles précises; qui ne relève d’aucune règle. »). Donc, pour ce qui est du marché du travail, je suis d’accord qu’à l’embauche il y a toujours lieu de faire de la discrimination, puisqu’il faut faire des choix et y aller par élimination. Par exemple, je crois que le critère de beauté est acceptable pour un patron de bar lorsqu’il a à choisir une nouvelle serveuse, et même de choisir exclusivement des femmes pour ce travail, comme des hommes pour le travail de « bussboy ». Et encore, et c’est là que ça rejoint le racisme comme c’est pas possible, je crois que « cela justifierait d’emblée le refus par l’État d’engager des gens incapables de ne pas arborer des signes religieux ostentatoires pendant qu’ils travaillent », dans le sens où l’État choisirait la laïcité stricte (mais bon, il serait raciste, alors…). Je sens vos regards froids en direction de ma turpitude.

Afin de finir de mettre la table à l’opprobre général en ma direction, je vous avoue avoir lu un article relatant une étude qui indique que l’adolescence (le règne de l’impulsivité) se termine à l’âge de 22 ans, et de tout de suite avoir fait un lien avec le sujet des permis de conduire délivrés à partir de l’âge de 16 ans. J’ai aussi pensé à la petite Bianca Leduc, fauchée par un testostéroné adolescent en 2007. Qu’est-ce que c’est si ce n’est pas un heureux mélange de discrimination et de xénophobie, alors qu’en plus j’entame la quarantaine? Et, si on pouvait trouver le moyen de classer les tranches d’âge par races, je serais encore plus raciste!

Mais le comble de mon ignominie, c’est d’avoir le goût d’acheter le livre du scientifique Stephen Hawking, « Y a-t-il un grand architecte dans l’Univers? », qui explique sans rire que « L’Univers n’a pas besoin de Dieu pour exister ». C’est raciste parce qu’il a des gens de toutes les races, la mienne incluse, qui croient le contraire et qui ne veulent surtout pas se faire contrarier, ce qui est bien normal. C’est aussi de la xénophobie parce qu’il y a des étrangers qui sont croyants. C’est discriminatoire, parce qu’en m’acoquinant de cet avis (minoritaire en plus!), je fais une séparation entre un groupe social et un autre, j’ostracise les croyants.

Je ne devrais même pas avoir le droit d’offrir gratuitement mes écrits sur le web.

(Image du haut trouvée là : http://www.webdesigncore.com/2009/12/15/30-unusual-and-incredible-surreal-artworks/)

18 Commentaires

Classé dans Actualité, Renart L'Eveillé

Entrons en guerre contre la pollution alimentaire (et les autres)

Par Renart Léveillé

Il faut vraiment que la guerre contre la pollution alimentaire soit le prochain grand combat citoyen (avec bien sûr celui plus général de toutes les pollutions environnementales, sans liens avec les changements climatiques). Parce que ce « qu’on mange contient des résidus de pesticides, de fongicides et d’insecticides, de l’aspartame et des colorants artificiels. Et ça nous rend malades ». C’est le propos du livre de la journaliste française Marie-Monique Robin « Notre poison quotidien, la responsabilité de l’industrie chimique dans l’épidémie des maladies chroniques, qui vient de paraître chez Stanké. »

Personnellement, je suis très heureux que ce livre pousse les grands médias à parler de ce problème (enfin, au moment d’écrire ces lignes, seulement La Presse et Radio-Canada en ont parlé). Parce que j’ai publié en 2007 un billet, titré « Bisphénol? Ah! », qui soulevait bien sûr le grand danger du bisphénol A, composé chimique utilisé dans la fabrication « d’une variété de produits de consommation en plastique, notamment des grands contenants en plastique servant à embouteiller l’eau. Il entre également dans la composition des résines de scellement appliquées sur les dents des enfants, de la résine composite des matériaux de restauration dentaire et des résines utilisées pour le revêtement des boîtes de conserve et des canettes. »

En 2009, dans « 243 entorses à la liberté », je soulignais plus généralement le problème (tous les produits chimiques dans l’environnement qui agressent les humains) en le reliant au fait que nous n’avons pas le choix de les « côtoyer » :

Comment peut-on parler de liberté, de souveraineté sur son propre corps quand l’environnement est chimiquement hostile, nous inoculant de multiples et hypothétiques bombes à retardement?

[…]

Comment se prémunir contre cette agression tout en conservant sa liberté de mouvement? Car oui, il serait possible de se terrer chez soi et de contrôler au maximum son environnement, de sortir de la maison avec un masque à gaz…

Alors, une chance que l’on puisse, avec beaucoup de plantes, minimum sept, purifier son environnement immédiat puisqu’il semblerait que dans un appartement ou une maison, l’« air y serait plus pollué que dans une rue de Montréal à l’heure de pointe »!

Mais pour revenir à la pollution alimentaire, au-delà de la somme d’informations que l’on peut trouver simplement dans l’article de Marie Allard, et qui fait dresser les cheveux sur la tête, les propos de l’auteure du livre envers notre gouvernement actuel sont très durs, tout autant que la comparaison avec l’Europe :

«Au Canada, excusez-moi, mais vous êtes mal barrés avec ce gouvernement très proche de l’industrie», a-t-elle estimé. En Europe, une nouvelle réglementation sur les substances chimiques a désigné 12 000 produits problématiques parmi les 100 000 examinés. «Les industriels ont cinq ans pour fournir de nouvelles données prouvant qu’il n’y a pas de problèmes», a indiqué Mme Robin. Déjà, 700 substances actives ont été retirées.

J’espère bien que ce combat contre ce fléau moderne, nous allons tous le mener ensemble, quelles que soient nos idéologies, puisque cela va au-delà de nos choix et de nos habitudes. Nous avons le droit d’exiger des produits de consommation exempts de substances chimiques possiblement dangereuses pour notre santé; et que ce soit la norme, et que nous n’ayons pas à payer plus, comme ce qui se passe actuellement avec la nourriture bio. C’est une question de précaution et de prévention.

La santé ne devrait jamais être un luxe.

(Photo : myaktinephoto)

6 Commentaires

Classé dans Actualité, Renart L'Eveillé

Quand la Boussole électorale ne va pas dans le même sens pour le Québec et le Canada…

Par Renart Léveillé

Lors de la dernière élection fédérale, la Boussole électorale ne semblait pas faire l’unanimité. Quoi qu’il en soit, les résultats sont maintenant en ligne, et « plus d’un million de Canadiens ont répondu » à ce sondage, ce qui semble un échantillonnage assez important. Il faut quand même regarder ces résultats avec prudence, mais il y a tout de même des tendances importantes qui en ressortent.

Ce qui ressort le plus, c’est que le Québec est sans conteste une société distincte. Chaque question est illustrée par une carte du Canada où les couleurs de chaque région démontrent dans quel sens vont les opinions. Et dans la majorité des cartes, on voit que les Québécois pensent différemment du ROC, cela dit en ne dissimulant pas la diversité d’opinion des Québécois eux-mêmes. Je le répète, il est bien sûr question de tendances.

Là où les Québécois sont vraiment différents de la majorité des Canadiens, il n’y a pas d’équivoque. Ils sont beaucoup plus contre la mission afghane, contre la présence militaire en Arctique, contre les dépenses militaires tout court. Aussi, ils sont pas mal les seuls à vouloir d’avantage de relations économiques avec les États-Unis et à vouloir se doter d’une taxe sur le carbone. Pour continuer dans les enjeux environnementaux, le Québec est vraiment plus du côté de croire que l’industrie des sables bitumineux d’Alberta cause des dommages, contrairement au ROC qui pense plus que c’est de l’exagération. Encore, le Québec partage avec une infime partie du Canada un désir plus grand de normes environnementales plus sévères, « même si elles entraînent une augmentation des prix pour les consommateurs ».

Pour ce qui est de la question de la place du secteur privé dans le système de santé, le Québec partage une préférence minoritaire pour davantage de place avec certaines autres régions. Pour ce qui est de l’immigration, le Québec est le plus favorable avec le fait d’exiger l’anglais ou le français comme condition d’admission pour les immigrants. Encore à ce sujet, et ce n’est pas très surprenant, ce sont les Québécois qui ont le plus, et de beaucoup, répondus « Préférence pour moins » à la question : « Combien d’efforts devrait-on faire pour accommoder les minorités religieuses au Canada? »

Encore, ils sont les plus modérés quant à juger comme des adultes les « jeunes délinquants qui commettent des crimes violents », les moins d’accord avec l’abolition du registre des armes à feu et plus en accord avec « le droit de mettre fin à leur vie avec l’aide d’un médecin » des « patients en phase terminale ». Du côté politique, ils sont le plus contre le Sénat, les moins d’accord avec des coupures au niveau du financement public des partis politiques et, la différence est extrême, pour que seules les personnes bilingues (anglais et français) puissent être nommées à la Cour suprême.

Pour ce qui est des questions constitutionnelles et du rapport entre le Québec et le Canada, à contrario du Québec, le ROC pense que « Le gouvernement fédéral devrait avoir son mot à dire dans les décisions concernant la culture au Québec », n’est franchement pas favorable à ce que « Le Québec [soit] formellement reconnu en tant que nation dans la Constitution » et, bien sûr, à ce que « Le Québec [devienne] un État indépendant ».

Et, pour terminer, les Québécois sont plus amplement d’accord que « Les travailleurs devraient contribuer davantage à leur régime de pension (RPC/RRQ) pour avoir des pensions plus généreuses », et que les plus riches devraient payer plus d’impôt, idem pour les entreprises.

À la lumière de tout cela, et avec les résultats de la dernière élection fédérale où le Québec a placé le NPD comme opposition officielle, il n’y a pas de doute que le Québec fait cavalier seul et ne se retrouve pas dans cette fédération centralisatrice, qui sera menée par un gouvernement conservateur, ce parti très impopulaire dans la belle province. Est-ce que les Québécois pourront continuer de faire du déni alors que le ROC est farouchement contre le caractère particulier du Québec? La quintessence de cette hypocrisie étant, pour les Canadiens hors Québec, le total refus de reconnaître la nation québécoise alors que le parti qu’ils ont porté au pouvoir se vante de l’avoir reconnu (bien que ce soit en réalité de la poudre aux yeux!).

Dans ces conditions, le statu quo qui prévaut encore en ce moment est une insulte à l’intelligence. Si le Québec était un individu, franchement, comment peut-il se regarder dans le miroir? L’amour-propre, cela veut-il encore dire quelque chose?

(Photo : topsteph53)

4 Commentaires

Classé dans Actualité, Élections, Renart L'Eveillé

La défense du français comme catégorie de racisme

Par Renart Léveillé

Le sujet de la défense du français est clairement un sujet glissant. Parce que dans la défense, il faut absolument prendre parti, avoir un parti-pris, et ainsi en quelque sorte délaisser. Mais est-ce que ce délaissement, cet abandon est pour autant un aveu de « détestation »?

C’est ce que semblent penser beaucoup de gens, dont l’attaché politique Pierre Morin, très présent sur Twitter, déclarant que le Parti Québécois (dont on connaît son implication pour la défense du français) « fait de la détestation des anglos un dogme ».

De l’accusation de détestation à l’accusation de racisme, il n’y a qu’un pas. Et il a presque franchit ce pas dans la mesure où il a fait un rapprochement pas même subtil entre le PQ et le Front national (parti à l’aura raciste, s’il faut le préciser). À mon avis, nous ne sommes pas loin de ce que j’ai appelé dernièrement la « godwinisation des débats », « l’aveuglement volontaire », « la lecture assistée par la mauvaise foi ». S’il faut que je le décrive aujourd’hui autrement, j’irais avec cette formule : la triste pratique de l’« extrémisation » des positions de l’adversaire.

Mais le plus bel exemple de ce glissement, c’est une discussion que j’ai eu sur Twitter à la suite du passage des deux natifs montréalais unilingues anglophones d’Epic Meal Time à TLMEP, que j’ai vertement critiqué dans mon billet « Epic Fail Time ». En réaction aux réactions très négatives des gens sur le fil #TLMEP face à ces unilingues anglos, une « Franco-Ontarienne contre l’indépendance du Québec! » a essayé de me convaincre que c’était du racisme :

ceux qui se pensent supérieurs aux anglais (dont une majorité de Québécois) sont racistes

Ce à quoi j’ai rétorqué, pour pointer le ridicule de la chose :

À ce compte-là, est raciste quiconque est en désaccord avec un autre.

La discussion a durée assez longtemps, mais, entre autres, pour tenter de gagner son point, elle m’a référé à une partie de la définition du racisme selon l’Office Québécois de la langue française (ce qui est assez ironique, puisque, en arrivant sur la page d’accueil du site, à la Une il y a un article s’intitulant « Faire du français « la langue prioritaire »). Finalement, après quelques recherches, je me suis rendu compte que la partie qu’elle me copiait-collait (visiblement de ses notes de cours) ne se retrouve plus dans la définition du grand dictionnaire terminologique de l’OQLF (?), mais seulement sur le site du Mouvement estrien pour le français, sur une page qui date de 2001 :

on qualifie de raciste toute personne qui ne croit pas à l’égalité en droit des êtres humains

Il serait intéressant de savoir pourquoi cela ne se retrouve plus dans le dictionnaire terminologique. Cela serait-il donc sujet à caution? À la place, on pointe une remise en question du concept même de « race humaine », ce qui dirige un peu, il faut l’avouer, les suppositions. (Màj : finalement, le passage en question se retrouve dans la section « Note(s) » à la suite de la définition du terme « hégémoniste ».) Quand même, il faut vraiment faire une extrême contorsion mentale pour réussir à faire un lien entre cette définition et la critique contre l’unilinguisme anglophone au Québec, ce qui n’est vraiment pas une critique générale contre les anglophones, et il faut vraiment que je le spécifie pour ceux qui n’auront pas encore compris. Si je voulais me faire un peu d’argent, je parierais que je vais encore me faire dire en commentaire que je suis anti-anglophone…

Je ne dis pas, s’il était question de faire la promotion du retrait du droit de vote des anglophones (ce qui serait bien sûr une absurdité), mais là, il est seulement question de donner son opinion, de ne pas être d’accord avec un état de fait. Est-ce que la notion de « l’égalité en droit des êtres humains » empêcherait toute possibilité de critique, même très négative, envers les Québécois anglophones qui ne parlent ni ne comprennent le français? Non. Parce que la notion de « l’égalité en droit des êtres humains » concerne seulement la discrimination, ce que la critique n’est pas, étant assujettie à la liberté d’expression. De toute façon, les francophones n’ont pas besoin d’ostraciser les unilingues anglophones, ils le font très bien par eux-mêmes dans un sens.

Et, bien sûr, je ne joue pas à l’autruche en niant qu’il existe des gens que l’on peut réellement traiter de « racistes» envers les anglophones. Je sais très bien qu’ils existent, et je ne me gênerai jamais pour les dénoncer. Mais il faut savoir de quoi on parle. Et de ne pas mélanger les cartes. Par exemple, qu’on soit d’accord ou non avec l’idée d’étendre les dispositions de la loi 101 aux cégeps, cette idée n’est pas du racisme dans le sens linguistique.

En fait, la sauvegarde du français ne prend pas du tout sa source du racisme, d’un rejet de l’autre. Mais c’est bien pratique d’essayer de le faire croire pour ceux qui sont contre l’idée d’être proactif dans ce sens. Ça me surprend toujours de le constater, parce que la défense du fait français est un projet positif. C’est ce qui devrait tous nous lier. C’est ce que nous devrions tous défendre jalousement pour espérer durer dans ce monde carré qui tend à nous avaler tout rond.

L’anglais comme langue mondiale commune est une bonne chose. Mais comme toute bonne chose, il y a de mauvais côtés. Est-ce que de les pointer est pour autant raciste?

2 Commentaires

Classé dans Actualité, Renart L'Eveillé

La tyrannophobie

À la suite de mon billet de la semaine dernière au sujet (entre autres) du registre des armes à feu, certaines personnes ont argumenté en défaveur de ce registre avec l’idée de la possible menace d’un gouvernement tyrannique. Comme quoi le registre est une manière pour le gouvernement d’avoir le contrôle sur les armes à feu sur le territoire. Comme quoi s’il lui prend le goût de se radicaliser au point de provoquer le peuple à prendre les armes, le gouvernement aurait les moyens de l’empêcher. Ce qui est une autre manière d’expliquer ce qui sous-tend le deuxième amendement de la Constitution de États-Unis :

La codification du droit de porter des armes dans le Bill of Rights fut influencé par la peur que le gouvernement fédéral pourrait désarmer le peuple afin d’imposer des règles par l’intermédiaire d’une armée de métier ou d’une milice, puisque l’histoire avait montré la façon dont les tyrans éliminaient la résistance en retirant les armes au peuple et en rendant illégal le fait d’en conserver afin de supprimer les opposants politiques.

Force est de constater que, comme beaucoup de lois, cela a mal vieilli. Ou plutôt, mal évolué. Nous ne sommes plus, au Canada ni aux États-Unis, dans des sociétés où le risque de se retrouver avec un dictateur dans le sens propre du terme est très élevé. Je vois peut-être la vie trop en couleur, mais notre vie est douce, comparée à certains pays où la démocratie n’est pas loin d’être utopique. Et puis, si nous pouvons sans trop de mal comparer nos dirigeants à des dictateurs, les armes qu’ils utilisent sont légères comme des cauchemars… Avec bien sûr quelques fiers-à-bras pour empêcher des journalistes de poser des questions embarrassantes.

Mais pour revenir en soi au registre des armes à feu, même dans l’optique d’une hypothétique tyrannie du gouvernement, je me demande s’il empêcherait quoi que ce soit : c’est à dire empêcher un soulèvement armé du peuple s’il fallait légitimement que cela se rende jusque-là. À ce que je sache, il est toujours possible de se procurer des armes sur le marché noir et j’ose espérer qu’un gouvernement tyrannique n’irait pas jusqu’à enlever tout l’argent disponible des citoyens pour les empêcher de s’en acheter… Encore, le registre des armes à feu n’empêche aucunement quiconque de se procurer une arme, s’il est dans son droit d’en posséder une, selon les lois et règlements (et, personnellement, je vois plus de dangers à ce que tous puissent se procurer une arme facilement qu’à continuer de tenir un registre avec le supposé risque de tyrannie gouvernementale). Encore plus, même si le registre permet de savoir où toutes les armes se trouvent, il faudra quand même aller les confisquer, ce qui n’est pas une mince affaire… Où est le problème alors?

À mon sens, cet argumentaire tyrannophobique ne tient pas la route parce qu’il réduit une problématique technique à un point philosophique pour le peu archaïque. Quand on entendra parler de cas de désarmement de citoyens sans fondements, ou que les lois changeront dans ce sens, je regarderai cet argumentaire avec un peu plus de sérieux.

Et puis, c’est quand même Stephen Harper qui veut couper le registre, et ce n’est sûrement pas pour empêcher la tyrannie du gouvernement, et ni pour cette raison que les états-uniens pro armes à feu militent… La tyrannophobie est dans le fin fond une forme d’hypocrisie.

Peut-être inconsciente.

Bang! Bang!

(Photo : upicks)

123 Commentaires

Classé dans Actualité, Élections, Renart L'Eveillé

La laïcité, ou nettoyer l’ardoise

Par Renart Léveillé

Dans mon billet de la semaine dernière, concernant la lubie catholique du maire Jean Tremblay, par boutade, je soumettais un anti-souhait :

(Et je ne veux lire personne déclamer que la laïcité est un complot de la religion athée…)

Mon collègue des 7 du Québec, Yan Barcelo, l’a en quelque sorte brisé, en titrant un billet récent : « Le laïcisme, nouvelle religion ». Malheureusement, il ne creuse pas tellement dans cette direction dans son texte, mais promet de le faire en conclusion dans un futur billet.

Quoi qu’il en soit, ce n’est pas bien difficile d’imaginer ce qu’aura l’air ce prochain billet quand pour lui le laïcisme est « un nouveau terrorisme intellectuel ». Pour arriver à une formule aussi chargée que celle-là, il faut visiblement être du côté, ou des croyants, ou du conservatisme moral, ou des deux.

En laissant quand même de côté les suppositions, j’en viens à me dire que les croyants (enfin certains) sont tellement pris dans leur monde qu’ils ne peuvent comprendre que les manifestations de leur foi peuvent être agressant pour d’autres, non-croyants et croyants d’autres confessions. À partir du moment où il est possible pour un croyant de prier en silence (même en étant en public), et que ce serait bien l’accommodement le plus raisonnable pour tous, crier haut et fort son supposé droit de prier à haute voix est le comble de la mauvaise foi…

Je vais prendre un exemple simple : le métal (dans le sens du style de musique). Si un maire décidait de faire jouer en début de réunion une pièce musicale de ce style, tout le monde serait d’accord pour dire que cela n’a pas sa place (même si personnellement le métal m’agresse vraiment moins qu’une prière, même pas du tout, d’ailleurs). Les amateurs de métal ont des occasions de se réunir pour en écouter ou ils le font en solitaire. La plupart sont des gens civilisés qui comprennent que leurs goûts musicaux ne doivent pas être imposés aux autres. Pourquoi certains croyants ne comprennent-ils pas cette évidence?

Je les entends déjà rétorquer que la prière est un héritage de notre passé, mais pas le métal, ce qui justifierait là toute cette croisade du maire (ainsi que ses forts appuis). Globalement, je ne nie aucunement cet héritage en pensant que la prière n’a pas sa place, puisque je vis sur cette planète : je sais que nous sommes en civilisation judéo-chrétienne, avec ses valeurs intrinsèques; valeurs que je ne peux nier en bloc, même si, séparément, elles me semblent avoir besoin d’un examen… Mais accepter le fait que c’est un héritage important veut-il dire pour autant qu’il faille cautionner ces manifestations de piété d’un autre temps, cette religiosité qui n’a plus sa place dans un monde (occidental) où adhérer à la religion n’est plus, heureusement! un préalable à l’acceptation d’un individu à la société?

Et encore, la tentative de lier par la force la laïcité (et même l’athéisme) à la religion dans son sens dogmatique est menée par la peur. C’est essayer de tout mettre sur un pied d’égalité pour espérer gagner des points. C’est chercher à imposer dans le débat un handicap à l’autre partie : c’est le réflexe de ceux qui se sont peinturés dans un coin, de ceux qui sont acculés au mur. La laïcité, c’est tout simplement nettoyer l’ardoise, repartir sur des bases plus propres, plus respectueuses de chacun, puisque chacun se « garde une petite gêne » en public quant à ses croyances, d’autant plus les personnes en situation de pouvoir, hein? Monsieur Tremblay!

Et puis, est-ce que le laïcisme a ses prières, son iconographie comme la religion? Idem pour l’athéisme? Oh! que non! Et ce n’est pas parce que le terme « doctrine » peut être utilisé pour nommer une religion ou un système de pensée qu’ils sont pour autant synonymes. Démagogie, quand tu nous tiens…

Dans le fond, qu’est-ce qu’on perd à réserver les affaires publiques aux affaires publiques? Absolument rien, les gens religieux sont bien libres de se pavaner avec leur foi avant et après les réunions. Si ça peut leur faire plaisir, je ne m’empêcherai pas en retour de ressentir à leur endroit un parfait mépris.

(Photo : analogian)

16 Commentaires

Classé dans Actualité, Renart L'Eveillé