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Gaz de schiste : un libertarien notoire d’accord pour un moratoire

J’ai bien l’impression que la mâchoire de quelques droitistes va tomber lorsqu’ils vont apprendre que le libertarien Martin Masse est pour un moratoire sur l’exploitation des gaz de schiste. Cela aura au moins l’avantage de séparer le grain de l’ivraie…

Et je mentirais si j’écrivais que ça ne m’a pas surpris. Mais en lisant l’argumentaire, j’ai constaté que c’est tout à fait logique. Si le libertarianisme est tout à fait contre l’État, il faut bien qu’il soit pour les citoyens, et pas seulement quand il s’agit des questions économiques. Et il est limpide que la question de l’exploitation des gaz de schiste n’est pas qu’économique, a contrario de ce que le gouvernement actuel et ses copains gazants essayent de nous faire croire.

Je vais me permettre ce citer l’auteur avant de continuer :

Le «développement économique» n’est pas une valeur en soi, il doit toujours se faire dans le respect de la propriété et des droits individuels de chacun. C’est ce point de vue qui différencie le libertarianisme d’une droite affairiste et corporatiste qui vise uniquement à engranger les recettes en exploitant tout ce qui s’offre à elle et par n’importe quel moyen, y compris en s’acoquinant avec l’État. C’est justement ce qui semble se produire dans cette industrie.

Donc, ici, l’État devient le contraire de ce que j’appellerais le « syndicat général des citoyens » (je le nomme ainsi même si je sais que cette formulation donnera pour certains l’impression d’être le son des ongles grattant fortement sur un tableau noir…). Pour le formuler autrement, les retombées positives pour les citoyens semblent être dans le bas de la liste du gouvernement, puisqu’on ne prend pas au sérieux la peur légitime de retombées négatives, alors qu’il n’est pas dit lesquelles retombées pèseraient le plus dans la balance, et s’il est acceptable qu’il y en ait des négatives, globalement ou en partie.

Et, comme il est soulevé dans le texte au niveau de l’exploitation des ressources naturelles dans le sous-sol, la réglementation ne fait pas de différence entre un sous-sol en région sauvage, peu peuplée ou habitée, voilà où le bât blesse! Le gouvernement n’a qu’à décider de fermer ou d’ouvrir l’oreille selon ses désirs, selon ce que lui dicte la boule de cristal de l’électoralisme. Et en ce moment, avec un parti libéral en train d’imploser, est-ce que ce seront les décisions de la dernière chance? (« Take the money and go, Johnny go! »)

Quant à la question de la pollution versus les industries que Martin Masse soulève, je suis tout à fait d’accord, même que j’ai toujours considéré les pollutions comme étant liberticides :

avec la nationalisation non seulement du sous-sol, mais de l’environnement dans son ensemble, la pollution, qui devrait être considérée comme une atteinte à un droit de propriété, est devenu un problème d’«externalité» géré par l’État au moyen d’une réglementation. Dans les faits, l’État donne depuis plus d’un siècle des permis de polluer à des industries et empêche les victimes de poursuivre les pollueurs. On ne peut ainsi s’opposer au «développement économique» si ça fait l’affaire du gouvernement et de ses copains du secteur privé qui finance sa caisse électorale, même si ce développement nous agresse, détériore notre environnement et notre propriété et tue notre qualité de vie.

Par contre, j’ai un peu de difficulté avec l’idée du « droit de propriété » dans ce contexte, que je remplacerais par une formulation plus proche du « droit au respect », ce qui serait plus global. Je pense par exemple à un respect égal, à un endroit donné, des propriétaires et des locataires, ce que le « droit de propriété » ne suggère pas.

Autre bémol, j’en ai contre cette vision, détaillée en conclusion :

Voilà un bon dossier où les libertariens doivent absolument se démarquer de la droite affairiste et corporatiste et défendre les citoyens ordinaires pour rester crédibles, même si ça signifie qu’on se range pour une fois du côté des bien-pensants étatistes.

Je ne crois vraiment pas que l’expression « bien-pensants étatistes » ait tellement de prise sur la réalité. Combien de citoyens impliqués se réclament clairement et réellement de l’étatisme? Pour la plupart des gens, l’État est un (bien ou un) mal nécessaire, qui en soi relève plus de la tradition que du désir. Il est (supposément) utile et s’il s’avère franchement un jour ne plus l’être, j’espère bien que ce ne sera pas la tradition qui le maintiendra en vie…

Si les citoyens, même les artistes, se dressent pour contester le chemin qu’emprunte l’industrie gazière et le gouvernement, ce n’est assurément pas pour glorifier la pensée étatiste! Il ne faut pas prendre des vessies pour des lanternes!

(Photo : Shandchem)

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La droite québécoise et les syndicats

Par lutopium – Suite aux récents déboires de la FTQ Construction, les partisans de la droite et du libre-marché n’ont pas raté l’occasion de discréditer le syndicalisme en l’associant au crime organisé, allant même jusqu’à présumer que toutes les centrales sont reliées à la mafia… Utilisant sa rhétorique néolibérale habituelle, le blogue libertarien Le Québécois Libre profite de l’occasion pour transmettre encore une fois le message de ses maîtres: « …ce qui distingue les syndicats des organisations criminelles est que les premiers disposent de privilèges légaux considérables pour légitimer leurs actions, mais la méthode est essentiellement la même…. La violence et le vol font intrinsèquement partie des méthodes syndicales…» On fait encore une fois dans le plus grand des délires.

Aucune nuance n’est apportée dans les nombreux billets parus sur les blogues de droite. Selon eux, tous les syndicats utilisent ces méthodes doûteuses, ne cherchent qu’à protéger leurs intérêts et ont une attirance naturelle avec les organisations criminelles de Montréal. À les entendre, ce sont les syndicats qui cherchent à tisser des liens avec le crime organisé et non le contraire. Tout le monde est coupable. On va même jusqu’à ressortir le squelette d’André Desjardins pour argumenter le tout…

Personnellement, et ce même si je n’ai jamais été syndiqué, j’appuie inconditionnellement le droit d’association des travailleurs. Nous en avons fait du chemin depuis le 1er mai 1886 où ceux de Chicago ont obtenu la journée de travail de huit heures après une grève qui a mobilisé 300,000 personnes. Même si des militants furent arrêtés et condamnés à mort (quatre d’entre eux furent pendus), le mouvement syndical ne s’est pas laissé intimidé et a poursuivi sa lutte afin d’établir un équilibre dans les négociations avec les patrons.

Au Québec, le patronat s’est doté de plusieurs associations et lobbies afin d’établir un rapport de force avec les donneurs d’ouvrage, particulièrement les services publics. Chambres de commerce, Conseil du Patronat et quelques think tanks bien financés leur permettent d’influencer les dépenses et les attributions de contrats. Si les patrons ont le droit d’unir leurs forces – tout en contrôlant directement ou indirectement la majorité des médias d’information – pourquoi les travailleurs n’auraient-ils pas accès à ce droit fondamental?

Évidemment, pour la nouvelle classe néolibérale, les syndicats sont un obstacle au développement économique, à l’augmentation des profits et à l’enrichissement de quelques privilégiés.  Je n’arrive pas à comprendre ce qui motive de simples citoyens québécois à appuyer la classe dirigeante sans réserve tout en rejetant le principe que les travailleurs (groupe auquel ils appartienent sans doute) ont tout à gagner en unissant leurs forces.  De plus, si j’utilise le même raisonnement que celui présenté par ces blogueurs réactionnaires, il faudrait peut-être songer à interdire les firmes de courtage financier, fermer certaines banques et quelques entreprises. Car, ces temps-ci, les fraudeurs et les tricheurs se retrouvent beaucoup plus de ce côté que dans les centrales syndicales… Ce n’est pas parce qu’une dizaine d’individus assoiffés de quelques dollars et d’une vie de pacha sur un yatch qu’il faut discréditer l’ensemble du mouvement syndical. Croyez-vous vraiment que l’Ordre des Infirmières, le syndicat des techniciens de Bell Canada et celui des journalistes de Quebecor sont parrainés par la mafia?

D’ailleurs, il ne faudrait pas oublier que ce sont des journalistes syndiqués d’une entreprise publique (Radio-Canada) qui ont dénoncé les agissements des dirigeants de la FTQ Construction. Même s’il semble évident que l’organisation connait des problèmes innacceptables, il ne faudrait pas jeter le bébé avec l’eau du bain.

Illustration: Maria Olegovna – Flickr

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