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Une histoire de deux théories de l’exploitation (2e partie)

La semaine dernière, je vous ai exposé comment Marx avait à la fois raison et tort au sujet de l’exploitation. Il avait raison dans le sens qu’il existe effectivement une classe dirigeante minoritaire qui exploite une majorité des gens. Il avait également raison sur le fait que la nature de cette exploitation est économique. «il avait également raison de prétendre que les exploiteurs utilisent la force de coercition de l’État afin de perpétrer leur pillage. Là où Marx se trompait, c’est dans l’indentification des vrais coupable, ainsi que leur modus opérandi. Je propose donc d’y jeter un peu de lumière pour vous montrer les véritables parasites grâce aux écrits d’économistes comme Eugen von Böhm Bawerk, Ludwig von Mises, Murray Rothbard et Hans Hermann Hoppe.

Le point de départ est le même que celui de la théorie marxienne, c’est-à-dire l’exploitation du serf par son seigneur ou de l’esclave par son maitre. Le serf est exploité parce qu’il n’a pas le contrôle d’une terre qu’il a lui-même développé et mise en valeur. Le seigneur n’ayant obtenu le titre que par pillage et ne contribue en rien à la mise en valeur de la terre, pas même les semences. Il en va de même pour l’esclave qui n’a pas le contrôle de son propre corps. Ce genre d’exploitation n’existe cependant pas dans un capitalisme pur. Ce n’est pas de l’exploitation de développer et mettre en valeur une ressource qui n’était utilisée par personne auparavant ou d’employer ces ressources dans la production d’autres biens, ni d’épargner ces ressources et ces produits afin de produire des biens futurs. Ces actes en eux-mêmes n’enlèvent rien à personne et des biens additionnels ont été créés. En réalité, là où il y a exploitation est lorsque le principe de première mise en valeur (le «homestead») n’est pas respecté. Ainsi, c’est lorsque le contrôle partiel ou total de ressources ou de biens est obtenu par la force par des gens qui ne l’ont ni développé, ni produit, ni épargné, ni obtenu par une entente contractuelle avec le propriétaire légitime, qu’il y a vraiment de l’exploitation. L’exploitation, c’est l’expropriation d’un bien des premiers utilisateurs, producteurs et épargnants par des non premiers utilisateurs, non-producteurs et non-épargnants. C’est l’expropriation de gens dont la prétention sur leur propriété est le travail, le contrat et l’épargne par des gens dont la prétention ne vient de nulle part et que ne tiennent absolument pas compte du travail ou des contrats des autres.

L’exploitation ainsi définie a toujours fait partie de l’histoire humaine. Nous avons toujours pu nous enrichir que de deux façons. Soit en mettant en valeur des ressources inutilisées, en produisant et en épargnant, soit en expropriant ceux qui mettent en valeur, produisent et épargnent. Il y a toujours eu en parallèle avec la première mise en valeur, la production et l’épargne; l’acquisition non-productive et non-contractuelle de propriétés. À travers le temps, tout comme les producteurs se sont constitués en sociétés et en entreprises, les exploiteurs ont également formé des entreprises d’exploitation à grande échelle, les État et gouvernements. Avec une classe dirigeante, membre de ces sociétés d’exploitation, installée sur un certain territoire et exploitant les ressources économiques de producteurs exploités, le centre de l’Histoire devient bel et bien une lutte entre exploitants et exploités. Sur cette évaluation de l’histoire, les marxistes et autrichiens pourraient trouver un terrain d’entente.

Alors que les entreprises productrices apparaissent et disparaissent grâce au soutien ou l’absence de soutien des consommateurs, la classe dirigeante n’apparait pas vraiment parce qu’il existe une demande pour ses services. Il serait plutôt absurde de croire que des producteurs consentent réellement à leur expropriation. On doit les forcer à l’accepter. La classe dirigeante ne disparait pas non plus quand on le souhaite. Nous ne pourrions pas la faire partir en s’abstenant de transiger avec elle, comme on pourrait réduire une entreprise productive à la faillite. La classe dirigeant tient son revenu de transactions non-productives et non-contractuelles, de sorte qu’elle n’est affectée par aucun boycott. La seule chose qui puisse abattre une entreprise d’exploitation est, pour reprendre un terme marxiste, un certain état de « conscience de classe », c’est à dire le degré auquel la classe exploitée est consciente de son exploitation.

Un exploiteur fait des victimes et ces victimes peuvent devenir des ennemis. Il pourrait être possible pour les exploiteurs d’utiliser la simple force pour maintenir une population similaire d’exploités, mais la force seule ne saurait suffire à permettre d’exploiter une population largement supérieure en nombre. Pour y réussir, il faut que la majorité de cette population accepte comme légitime les actes d’exploitation. Il faut que la majorité ait abandonné l’idée de résister les acquisitions non-productives et non-contractuelles de propriété. Le pouvoir de la classe dirigeante ne peut être brisé que si les expropriés acquièrent une idée claire de leur état et s’unissent et s’indignent des acquisitions non-productives et non-contractuelles de propriété et refusent d’y contribuer.

L’abolition de la domination féodale et absolutisme a été le fruit d’une telle prise de conscience à travers le libéralisme des droits naturels. Cependant, suite à une dégradation de la conscience de classe, le processus de libéralisation s’est inversé et le niveau d’exploitation s’est accru de puis la fin du XIXe siècle et en particulier depuis la première guerre mondiale. Du point de vue des autrichiens, les marxistes portent une partie du blâme pour cette perte de conscience en occultant la conception correcte de l’exploitation, celle dont les développeurs initiaux, producteurs et contractants sont victimes de la part de ceux qui ne produisent rien; par la fausse opposition entre le capitaliste et le salarié.

L’institution d’une classe dirigeant exploitante sur une classe exploitée beaucoup plus nombreuse doit passer par l’imposition d’un système de droit public, superposé à un système de droit privé. La classe dirigeante protège sa situation dominante en créant une constitution pour le fonctionnement interne de son entreprise. En formalisant le fonctionnement interne de l’État, elle crée une certaine stabilité juridique qui instaure une opinion publique favorable. La constitution rationalise du même coup le « droit » des représentants de l’État de se livrer à des acquisitions de propriété de façon non-contractuelle et non-productive. Ce système de subordination du droit privé au droit public crée un dualisme dans lequel il existe un ensemble de lois pour les dirigeants et les dirigés. Contrairement à ce que croient les marxistes, ce n’est pas parce que les droits de propriétés sont reconnus par la loi qu’il existe une justice de classe, mais plutôt parce qu’il existe une distinction légale entre une classe agissant selon le droit public, et une autre agissant selon un droit privé subordonné. L’État n’est pas exploiteur parce qu’il protège les droits de propriété capitalistes, mais parce qu’il est exempt d’avoir à acquérir sa propriété par la production et le contrat.

En tant qu’entreprise exploitante, l’État a avantage à ce qu’un bas niveau de conscience de lasse règne à tout moment. La redistribution de la propriété et du revenu est un moyen efficace de « diviser pour régner ». C’est le moyen que l’État utilise pour semer la zizanie au sein de la société. La redistribution du pouvoir d’état par la démocratisation, en ouvrant à tout le monde les positions de pouvoir permet également de réduire la résistance à l’exploitation en tant que telle.

L’État est également le grand centre de la propagande. Donc, l’exploitation c’est la liberté; les impôts sont des « contributions volontaires »; les relations non-contractuelles deviennent conceptuellement contractuelles; un gouvernement pour et par le peuple; sans l’État, il n’y aurait ni droit, ni sécurité et les pauvres mourraient de faim, etc. Tout ça fait partie d’une superstructure idéologique visant à légitimer l’exploitation économique.

Les marxistes ont également raison d’identifier une collaboration entre les capitalistes et l’État, même si leur explication est fausse. Ce n’est pas parce que les bourgeois considèrent que l’État garantit les droits de propriété, il viole ces droits plutôt allègrement, mais parce que plus une entreprise est grande, plus elle est passible d’être exploitée par l’État, mais plus grands aussi sont les gains si elle se voit accorder par l’État une protection particulière des contraintes de la concurrence capitaliste. C’est pourquoi « l’establishment » bourgeois est intéressé par l’État et veut l’infiltrer.

En retour, l’État s’intéresse à la collaboration avec les capitalistes à cause de son pouvoir financier. Plus précisément, il s’intéresse à la haute finance afin mettre en œuvre en coopération avec l’élite bancaire et son système de réserves fractionnaires pour créer de la fausse monnaie dans un cartel dirigé par une banque centrale. Cette symbiose permet entre autre à la classe dirigeante de s’infiltrer à même le système nerveux de la société civile.

Dans la réalité, la théorie marxiste sert bien les véritables exploiteurs en détournant l’attention vers des boucs-émissaires de convenance. Le grossissement constant des État et la concurrence entre ceux-ci, mènera inévitablement à la concentration du pouvoir et la stagnation économique. Lorsque ça se produira, les pressions anti-étatiques viendront un jour mettre ce système à bas. Mais contrairement à ce que prétendent les marxistes, la solution ne sera certainement pas la socialisation des moyens de production. La propriété sociale est non-seulement inefficace et impraticable, comme l’expose von Mises dans son livre « Socialisme », mais il est incompatible avec l’idée que l’état puisse un jour dépérir. Si les moyens de production sont possédés collectivement et si on suppose que les idées de tout le monde concernant l’utilisation des ces moyens de production ne coïncideront pas toujours, ces moyens de production nécessiteront une intervention perpétuelle de l’État, c’est à dire d’une institution ayant la force d’imposer la volonté des uns contre la volonté des autres. Au contraire, le dépérissement de l’État et avec lui, la fin de l’exploitation et une prospérité sans précédent ne peut que passer par l’avènement d’une société de propriété privée pure sans autre régulation que le droit privé.

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Les bulles pour les nuls

bulles

Suite à mon dernier billet dans lequel je rapporte les intentions du Président Obama d’exercer une surveillance accrue sur l’économie afin de contrôler la formation de bulles dans l’économie, j’entend vous exposer l’absurdité de cette proposition en vous donnant une explication de comment ces bulles sont formées. Chose que M. Obama et ses conseillers économiques semblent ignorer.

Une seule théorie en économie peut expliquer convenablement la cause de ces bulles: la théorie autrichienne des cycles économiques développée par Ludwig Von Mises et Friedrich Hayek. Je vais essayer de vulgariser le plus possible, mais ce n’est pas une mince affaire, alors j’apprécie votre patience de le lire jusqu’au bout. Je sais que ce n’est pas tout le monde qui s’intéresse à l’économie à ce point et je ne peux pas vous blâmer, mais s’il y a une théorie que vous devriez comprendre de nos jours, c’est celle-ci.

Introduction

La compréhension actuelle du phénomène des cycles économiques par la population en général nous vient de Karl Marx, qui le premier nota que depuis le début de la révolution industrielle, l’économie a commencé à montrer des phases cycliques de boums et de crises qui n’existaient pas avant. Marx en a donc conclu que ces cycles faisaient partie intégrale du libre-marché capitaliste. Même encore aujourd’hui, cette vision est largement acceptée, même par quelques-uns des plus éminents économistes. Pourtant, rien dans la théorie générale de l’économie de marché n’explique ces phases, puisque l’offre et la demande de produits sont toujours supposés tendre vers l’équilibre. Alors pourquoi ces cycles seraient-ils inhérents à l’économie de marché?

Un autre petit détail est qu’une économie de marché est supposée être un système qui punit les mauvais entrepreneurs en leur faisant subir des pertes et en les poussant vers la faillite (si le gouvernement n’intervient pas pour les sauver, bien sûr). Alors on s’attendrait à ce que la grande majorité de ceux qui restent dans le jeu sont raisonnablement bons à anticiper les demandes du marché. Alors comment expliquer qu’un si grand nombre d’entre eux se retrouvent dans la merde lors d’une récession?

Une autre chose qui est observable lors d’une récession, est que les secteurs de l’économie les plus touchés sont les biens capitaux, c’est-à-dire, la machinerie industrielle et agricole, la construction, les matières premières ainsi que les biens de consommation durables comme l’immobilier et l’automobile, plutôt que les ventes au détails? Si les récessions étaient causées par un déficit de la consommation, comme le prétendait Keynes, Ce devrait être le secteur du détail qui serait le plus touché.

Si on veut développer une théorie des cycle économiques qui se tienne, il faut qu’elle puisse expliquer tout ça.

C’est votre intérêt qui compte…

Avant d’entrer dans la théorie des cycles comme tel, je tiens à rafraichir votre mémoire sur le rôle du taux d’intérêt dans l’économie de marché. L’économie de marché réagit à des signaux: les prix. Ces prix communiquent aux différents acteurs du marché des informations sur l’offre et la demande de divers biens et services et guident leurs décisions. Le taux d’intérêt est également un prix. C’est le prix du temps. C’est à dire que c’est ce qui nous coûte de se procurer un bien maintenant plutôt que de le reporter à plus tard. Ce signal nous donne donc de l’information sur les préférences des consommateurs dans le temps. Préfèrent-ils emprunter pour acheter maintenant, ou préfèrent-ils épargner et acheter plus tard. En quoi est-ce important? Si vous êtes un entrepreneur, vous voudrez probablement profiter du temps où les consommateurs épargnent pour faire certains investissements comme du nouvel outillage pour lancer une nouvelle ligne de produits, par exemple, étant donné que les taux d’intérêts sont à la baisse lorsque les consommateurs épargnent. Le fait qu’ils épargnent indique aussi que les banques ont des réserves réelles à prêter puisqu’en principe, c’est cet argent qu’ils sont supposés vous prêter, dans un marché libre, du moins. Le problème est que le marché n’est pas complètement libre.

Les banques centrales et le système bancaire.

Dans mon billet «La fraude à grande échelle», il y a une vidéo qui explique assez bien comment les banques, de concert avec la banque centrale, créent de la monnaie à partir de rien, grâce aux réserves fractionnaires. Ce fût les économistes classiques David Hume et David Ricardo qui furent les premiers à établir un lien entre cette institution, qui a émergé en parallèle avec l’économie de marché, et les cycles économiques. La théorie Ricardienne se résume à ceci: Lorsque les banques font de l’expansion de crédit sous forme de notes bancaires et de chèques, au-delà de leur réserves physique d’or, le surplus de monnaie crée une illusion de prospérité qui alimente un boum. Il en résulte de l’inflation qui fait monter les prix des produits locaux. Cette hausse des prix locaux favorise l’achat de produits importés qui deviennent moins chers. Les marchands étrangers n’étant pas intéressés à conserver la monnaie de papier locale, la convertissait en or, faisant ainsi baisser les réserves de banques et ainsi de suite, jusqu’à ce que les banquiers commencent à s’inquiéter de ne pas pouvoir remplir leurs obligations. Les banquiers rappellent alors leurs prêts pour réduire la quantité de billets de banques en circulation. Le boum s’effondre et une récession suit. Pendant la récession, les prix locaux baissent entrainant une hausse des exportations et une baisse des importation et l’or recommence à rentrer au pays pour regarnir les réserves des banques. Lorsque les banques se sentent plus sécures, le bal recommence. C’est déjà une explication plus plausible que l’esprit animal de Keynes, mais ça n’explique pas tout ce qui est observé des récessions, notamment, pourquoi le secteur des biens capitaux est plus durement touché.

Arrivent les autrichiens…

Pour la raison ci-haut, l’économiste autrichien Ludwig von Mises et plus tard son élève Frederich Hayek, n’étaient pas satisfaits de l’explication de Ricardo. Ils entreprirent donc d’approfondir la question. Leur travail nous a donné la théorie autrichienne des cycles économiques. Largement oubliée des économistes « populaires », elle n’a cependant jamais été discréditée et reprend maintenant de la popularité depuis le début de la présente crise.

Nous avons vu plus haut le rôle du taux d’intérêt dans une économie de marché. Nous avons aussi vu que ce taux avait la fonction d’un prix dans le marché. Comme un prix, il tend à rechercher l’équilibre entre l’offre et la demande, dans ce cas-ci, l’épargne et le crédit. Ce point d’équilibre est appelé le taux naturel. Si une influence extérieure vient pousser le taux au-dessus ou en dessous du taux naturel du marché ça provoque une réaction de la part du marché. C’est ce qui arrive avec la politique monétaire des banques centrales. Lorsque celles-ci commencent à créer de la monnaie additionnelle, au-delà de ce qui est requis pour les ressources présentes sur le marché, les fonds additionnels crées à partir de rien se retrouvent dans le système bancaire, multiplié par les réserves fractionnaires. Ce surplus est interprété par le marché comme de l’épargne et pousse le taux d’intérêt vers le bas. Mais comme ce n’est pas vraiment de l’épargne, adossée à la production, cette baisse du taux est artificielle. Et elle induit les acteurs du marché en erreur. Puisque le taux est poussé en dessous du taux naturel, les entrepreneurs interprètent ça comme un signal qu’il est temps de faire des investissement capitaux, croyant que les consommateurs ont maintenant une préférence à l’épargne et donc, reportent leur consommation à plus tard. Les entrepreneurs se retrouvent donc à investir dans le développement de nouveaux produits, alors que la demande pour les produits existants n’est pas encore en déclin. En d’autre mots, ils investissent leurs ressources dans les mauvais produits. La baisse artificielle des taux d’intérêt peut aussi faire paraitre plus rentables des activités qui ne seraient pas rentables au taux du marché et elle encourage aussi la spéculation. Les banques aussi, en se retrouvant avec beaucoup plus d’argent à prêter, sont portées à réduire leurs exigences pour les prêts et prendre plus de risques. Avec les consommateurs et les entrepreneurs qui s’endettent et consomment en même temps, un boum s’installe. Le party commence. C’est là que des bulles commencent à se former dans certains secteurs. Les bulles sont tout simplement de l’activité économique qui a lieu dans un secteur en particulier qui n’aurait pas été profitable sans le boum. Puisque le boum est artificiel et insoutenable, lorsqu’il finit, les bulles éclatent.

Pourquoi les boums sont-ils insoutenables?

Lorsque la banque centrale fait baisser les taux d’intérêts artificiellement en injectant de l’argent neuf dans l’économie, plusieurs choses se produisent. Tout d’abord la demande de crédit augmente puisque les taux sont bas. Puisque le marché est à la base autorégulateur (malgré ce qu’en pensent certains), cette augmentation devrait pousser le taux d’intérêt à la hausse. Si la banque centrale continue à pomper de l’argent dans l’économie pour maintenir le taux d’intérêt artificiellement bas, c’est comme retenir un ballon sous l’eau. Aussitôt qu’on le relâche, il remonte violemment vers la surface. Or les dirigeants de la banque centrale sont très conscients qu’au fur et à mesure qu’ils injectent de l’argent neuf dans l’économie, la valeur de l’unité monétaire est diluée parce que la quantité de biens disponibles dans l’économie n’a pas augmenté en conséquent. Les prix commencent à grimper, particulièrement dans les secteurs de l’économie où il y a surchauffe grâce au boum. Alors pour maintenir le « contrôle » de cette inflation, la banque centrale doit éventuellement freiner son expansion pour éviter une inflation trop rapide des prix. Et le ballon remonte. Malheureusement, il remonte trop vite et la demande de crédit nécessaire à soutenir le boum ne s’ajuste pas immédiatement. Nous avons donc une crise de crédit. C’est la même chose quand on essaie de maintenir le prix d’une marchandise trop bas. Ça crée une pénurie. Lorsque la banque centrale cesse d’imprimer de l’argent, les banques doivent recommencer à prêter à partir de l’épargne accumulée dans leurs comptes, au lieu de l’argent neuf. Sauf que les réserves d’épargne sont sévèrement diminuées parce que les consommateurs n’épargnaient pas, ils étaient stimulés à dépenser par les taux maintenus artificiellement bas. Nous constatons donc maintenant toute la bêtise du contrôle des taux d’intérêt par les banques centrales et du système de monnaie fiduciaire qui crée de l’argent à partir de rien. Les banques n’ayant plus d’argent à prêter, serrent la vis et les activités qui dépendaient de l’abondance du crédit se retrouvent sans financement. Le party est fini, on retourne sur terre. C’est la récession.

La récession

Si on en croit les théorie de Lord Keynes, les récessions sont causées par une baisse de la consommation aggrégée, due au manque de confiance des consommateurs et des investisseurs dans les prospect économiques futurs. Ils paniquent. Pourquoi? Sais pas! Ce doit être « l’esprit animal ». Toujours est-il que pour compenser le manque de dépenses des consommateurs, il faut que le gouvernement dépense pour continuer à faire rouler l’économie. Mis à part le côté ridicule de ce raisonnement. On constate que Keynes ignorait complètement la cause sous-jacente des récessions, et donc prescrivait le mauvais remède. Mais puisque lorsque l’économie va mal, les gens ont tendance à réclamer l’intervention des politiciens et que Keynes leur a envoyé un os en prescrivant une solution qui donnait un rôle au gouvernement, ça ne devrait être une surprise pour personne pourquoi les théories de Keynes sont populaires auprès de la classe politique. Et comme la classe politique contrôle l’éducation, on ne devrait pas s’étonner que ce soit ces théories qui ont la cote dans nos universités. Que Keynes ait été complètement « à côté de la track » n’avait aucune importance. Dites aux pouvoir de l’état ce qu’il veut entendre, et vous serez une vedette. Faites le contraire, et vous serez enterrés.

La réalité, aussi impopulaire soit-elle auprès de la classe politique, c’est que la récession est plutôt ce que j’appellerais « la revanche du marché » qui nous punit pour nos excès. Loin d’être la panique causée par un esprit animal irrationnel, c’est la tentative naturelle du marché de se ré-équilibrer. Lorsque le boum se termine, les entrepreneur réalisent qu’ils ont mal investi et que cet investissement n’est pas profitable. Si vous faisiez face à ce même choix, vous feriez exactement la même chose. Vous liquidez pour récupérer tout ce que vous pouvez de votre investissement et vous le réinvestissez dans quelque chose de plus profitable. Pour leur part, les consommateurs se retrouvent avec un surplus de dettes et aucune épargne et des paiements d’intérêt plus élevés. Il est donc parfaitement sain et normal qu’ils réduisent leur consommation pendant un certain temps et qu’ils repayent leurs dettes et regarnissent leur compte de banque. Certaines compagnies feront faillite ou feront des compression à cause des pertes qu’elle auront subies en prenant trop de risques pendant le boum et beaucoup de gens perdont leur emploi. Les ressources de ces compagnies en faillite seront récupérées par d’autres qui n’avaient pas pris autant de risques et qui ont continué d’être productive. L’économie se débarasse ainsi de son « bois mort ». Il devrait aussi être apparent à n’importe quelle personne sensée que ce processus doit suivre son cours, si nous voulons que l’économie reparte sur des bases solides, sinon nous ne ferions que balayer la poussière sous le tapis pour qu’elle revienne nous hanter plus tard.

Mais, les banques privées ne font-elle pas partie du libre-marché?

Les banques ont beau être privées, mais leur pouvoir de créer de l’argent leur vient du gouvernement qui leur en a attribué le monopole. Dans le billet « La fraude à grande échelle », nous avons vu comment les gouvernements ont sanctionné et légalisé la fraude qu’est le système de réserve fractionnaire, mais en instituant une banque centrale et en lui donnant le pouvoir exclusif d’émettre des billets de banques, et en forçant les autres banques à y déposer leurs réserves, comme c’est le cas à la Réserve Fédérale américaine, on leur a conféré la faculté de faire de l’expansion monétaire de concert avec toutes les autres banques. De facto, elles forment un oligopole protégé par l’état et dans le cas de la Fed, qui n’a aucune supervision provenant des autres branches du gouvernement. Imaginez le pouvoir que ces banquiers tiennent dans leurs mains.Croyez-vous un instant qu’ils voudront qu’on leur enlève?

Dans un marché véritablement libre, un tel monopole ne pourrait pas exister. Des banques qui doivent survivre dans un environnement compétitif ne pourraient se permettre des prendre trop de risques sans se rendre vulnérable à ses compétiteurs. Si une banque venait à émettre trop de billets, ses compétiteurs pourraient accumuler ces billets et ensuite exiger de les convertir en or, poussant cette banque vers la faillite si ses réserves sont insuffisantes. C’est pourquoi dans un marché libre, les banque ne feraient guère plus que de servir d’intermédiaire entre les prêteurs (les déposants) et les emprunteurs, empochant une commission, soit la différence entre l’intérêt payé aux déposants et celui chargé aux emprunteurs. Ce serait moins profitable, mais plus sûr.

C’est la nature perverse de notre système bancaire qui crée les cycles de boums et récessions et qui perpétue le cycle, puisque typiquement, aussitôt que l’économie reprend, la banque centrale recommencera à faire de l’expansion monétaire et le cycle reprend de plus belle.

Conclusion

La théorie autrichienne est la seule théorie qui explique de façon logique et cohérente les mécanismes qui causent les cycles de boums et récession. Elle explique comment les boums se produisent et ensuite explique pourquoi il y a baisse de la consommation durant la récession et pourquoi les secteurs des biens capitaux, plus sensibles aux fluctations des taux d’intérêt sont plus touchés que le secteur de la vente au détail. Elle explique également la formation de bulles, ce qu’aucune autre théorie ne peut faire.

Mais si vous cherchez quelque chose d’un peu plus concret à vous mettre sous la dent. Je sais que ceux qui me lisent ici qui ont eu une éducation néoclassique sont friands de données économétriques. Je vais donc vous satisfaire. JC Clement est un fréquent contributeur dans les commentaires sur mon blogue, ce qui est très apprécié. Dans ce billet sur son blogue, il discute de signaux qui peuvent laisser prévoir à l’avance une récession. Un des signaux qu’il mentionne repose sur une interprétation particulière de la courbe des rendements des bons du trésor américain. Cette courbe est basée sur le différentiel entre les taux de bons à long-terme et ceux à court-terme et elle indique la préférence des investisseur soit vers des bons à court-terme, soit vers des bons à plus long termes. Un renversement de cette courbe vers le bas signale un retournement de cette préférence vers les bons à long-terme, ce qui présagent qu’ils cherchent à protéger leurs argent en prévision d’une situation économique incertaine. Historiquement, un tel renversement de la courbe se produit toujours peu de temps avant le début d’une récession. Ils appellent cela la théorie des attentes (Expectations Theory). Par contre, si on interroge les partisans de cette théorie sur le pourquoi et le comment que les investisseurs semblent pressentir l’approche d’une récession pour ainsi brusquement vouloir changer leur préférence vers les bons à long-terme, ils n’ont aucune réponse à vous offrir. « C’est psychologique », m’a dit JC.

Personnellement, je crois qu’il y a toujours une raison qui explique le comportement d’un individu ou un groupe d’individus. L’explication que c’est psychologique ne me satisfait donc pas, justement parce que la psychologie enseigne que tout comportement a une raison, qu’elle soit logique ou non. Or, si on reprend la théorie autrichienne des cycles économiques, on peut trouver une explication plus satisfaisante. En premier lieu, si on s’appuie sur cette théorie autrichienne, il existe un lien direct entre les cycles économiques et les fluctuations du taux directeur de la Fed. Or ce taux a une grande influence sur les taux des bons du trésor à court-terme, puisque pour imprimer de l’argent la Fed doit acheter des bons du trésor (à court-terme, bien sûr), les payant avec de l’argent nouvellement créé. Ceci influence directement le rendement des bons à court-terme. Lorsque la Fed cesse d’acheter des bons du trésor, ou décide de réduire la masse monétaire en les revendant, (comme c’est le cas lorsque la Fed veut freiner une poussée inflationniste) les taux de rendement des bons à court terme diminue et la courbe des rendements s’aplatit et commence à plonger. Voyant cela, un investisseur perspicace peu interpréter cela comme un signal propice à placer son argent à plus long-terme, puisque le rendement à long-terme devient meilleur qu’à court-terme. Ce mouvement complèterait le mouvement descendant de la courbe. Donc le véritable déclencheur du renversement de la courbe serait les transactions d’achat et revente de la Fed sur les bons à court-terme, et non le mystérieux sixième sens des investisseurs. Des preuves? Voilà:

Taux directeur vs Courbe de rendement.

Bel effet miroir n’est-ce pas? Des questions?

Pour les néoclassiques, je vous ai déniché un petit modèle du Dr Robert Murphy. Peut-être qu’il arrivera à vous convaincre.

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Classé dans Actualité, économie, Philippe David

Vive la monnaie libre!

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Philippe David, publié sur le Minarchiste Québécois

Bon voilà le moment venu de discuter de monnaie. Dans mon billet «La destruction de la richesse», je vous ai montré les effets néfastes de l’inflation et comment cette inflation est responsable du cycle économique de boums et de récessions. Cette situation n’est pas inhérente au libre-marché, mais c’est plutôt l’intervention étatique dans la production de la monnaie qui est à blâmer. Nos problèmes actuels viennent en réalité de deux sources: le système bancaire avec banque centrale et réserves fractionnaires et la monnaie fiduciaire. Je me propose donc d’élaborer un peu sur le sujet.

L’argent et la richesse.

Il y a un sophisme économique persistant qui veut que plus on a d’argent, plus on est riche. C’est peut-être vrai du point de vue d’un individu en particulier (et encore!), mais c’est faux à l’échelle d’une économie. Dans une économie, la richesse provient de la quantité de biens produits et non de la quantité d’argent en circulation. Il est donc important de se souvenir que la masse monétaire ne devrait jamais être plus grande que la production de l’économie. Imprimer de l’argent ne produit pas de richesse. Si c’était si simple, il y a longtemps qu’on aurait éliminé la pauvreté.

Les banques centrales et les réserves fractionnaires.

Je ne tiens pas à me lancer dans des explications trop élaborées de notre système bancaire. Je vais donc essayer de me limiter à l’essentiel. Le principe de réserve fractionnaire veut dire que pour chaque dépôt, la banque peut prêter une partie ou la totalité de l’argent déposé sous forme de prêt. Par exemple, aux États-Unis, les banques doivent maintenir une réserve minimum de 10%, ce qui veut dire que pour un dépôt de $100, la banque peut prêter $90, tout en gardant votre dépôt original de $100 dans ses livres. Si la banque prête ces $90 à une autre banque, celle-ci peut également prêter 90% de cet argent, et ainsi de suite. Ce qui veut dire que chaque dépôt de $100 peut « créer » jusqu’à $1000 de crédit à partir de rien.

Avec la banque centrale comme chef d’orchestre, les banques forment un cartel qui détient le monopole de la création d’argent dans une zone monétaire donnée, avec le concours de l’état. Ce système permet une expansion monétaire coordonnée entre les banques.

La monnaie fiduciaire.

Depuis l’abandon de l’étalon-or par les États-Unis en 1971, toutes les monnaies sont fiduciaires. C’est à dire que leur valeur repose strictement sur la confiance envers l’émetteur de cette monnaie, en l’occurence le gouvernement. Le papier-monnaie n’a aucune valeur intrinsèque. Le problème avec ce concept, est qu’il impose très peu de limites sur la capacité d’un gouvernement à imprimer de la monnaie, alors qu’avec une contrepartie métallique, le gouvernement doit maintenir des réserves suffisantes de ce métal, ce qui a tendance à mettre un frein à la production monétaire. Le graphique ci-dessous illustre la croissance de la masse monétaire aux États-Unis depuis 1960. Notez comment l’expansion monétaire s’accentue depuis 1970 alors qu’elle était pratiquement plate avant.

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C’est juste pour démontrer l’effet limiteur de l’étalon-or sur la création de monnaie. Il y a dans l’histoire plusieurs expériences qui ont été tentées d’introduire une monnaie fiduciaire en papier, que ce soit la monnaie de carte de la Nouvelle-France ou les assignats et la monnaie de John Law en France, pour n’en nommer que quelques unes, elles se sont toutes soldées par des désastres économiques. Naturellement, ceux qui n’apprennent rien de l’histoire sont condamnés à la répéter. Alors qu’est-ce qui nous fait croire qu’on évitera le désastre ce coup-ci?

Des alternatives?

Sachant que la monnaie fiduciaire et les banques centrales sont à la racine du problème, c’est évident que nous devons revenir à une monnaie qui est plus solide, abolir les banques centrales et désétatiser la monnaie. Lorsque je mentionne ça dans des discussions, des rigolos me lancent « c’est ça! on va retourner au troc! ». Si c’était maintenant votre intention, laissez-moi vous dire que c’est une réflexion totalement ignorante et stupide. Réformer le système monétaire ne signifie pas un retour au troc! Et une monnaie qui n’est pas contrôlée par l’état n’est pas nécessairement moins fiable, car croyez-le ou non, ce n’est pas l’état qui a inventé l’utilisation de la monnaie, mais les gros méchants capitalistes et le libre-marché. L’état, y voyant un certain avantage, a tout simplement utilisé son pouvoir pour s’en attribuer le monopole, mais ce n’est pas pour votre plus grand bien, mais plutôt celui de la classe politique. Rappelez-vous aussi qu’au Canada, il n’y avait pas de banque centrale avant 1934. Que diable faisions-nous avant !?! Échanger des fourrures? Non, nous utilisions des notes émises par nos banques et convertibles en or ou en argent.

Pourquoi un système bancaire libre?

Croyez-le ou non, un des problèmes du système actuel est que les banques bénificient de trop de protection de l’état, ce qui leur permet de prendre plus de risques. Par exemple, le fait que vos dépots à la banque soient assurés par le gouvernement permet aux banque de maintenir une moins grande réserve, puisqu’elles n’ont plus à craindre de ruées. Sans cette protection, les banques devraient maintenir une réserve plus grande pour pallier une panique des déposants. Un dirigeant de banque y pense deux fois avant de se risquer à faire trop de prêts ou faire des prêts à risque si l’état n’est pas là pour le protéger de la faillite. Les banques seraient responsables des notes qu’elles émettent, elles auraient donc un intérêt à la prudence. De plus, sans banque centrale, les banques ne peuvent plus créer du crédit de façon coordonnée. Si une banque individuelle fait une expansion de crédit trop forte, elle devient vulnérable à ses compétiteurs qui peuvent démarrer une ruée sur cette banque.

Les économistes de l’école autrichienne sont pour la plupart, en faveur d’une monnaie étalonnée avec des banque qui maintiennent une réserve à 100%. C’est à dire qu’elle ne peuvent prêter que l’argent qu’elles reçoivent sous forme de dépôt à terme. Ce ne serait pas dans l’esprit libertarien d’imposer ceci par règlementation par contre, alors on se fierait aux forces du marché. Il est évident que dans un marché libre, je ne déposerais mon argent que dans une banque à 100% de réserve. Présumément, la majorité des gens feraient de même.

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Classé dans Actualité, économie, Philippe David