Par Renart Léveillé
Dans mon billet de la semaine dernière, concernant la lubie catholique du maire Jean Tremblay, par boutade, je soumettais un anti-souhait :
(Et je ne veux lire personne déclamer que la laïcité est un complot de la religion athée…)
Mon collègue des 7 du Québec, Yan Barcelo, l’a en quelque sorte brisé, en titrant un billet récent : « Le laïcisme, nouvelle religion ». Malheureusement, il ne creuse pas tellement dans cette direction dans son texte, mais promet de le faire en conclusion dans un futur billet.
Quoi qu’il en soit, ce n’est pas bien difficile d’imaginer ce qu’aura l’air ce prochain billet quand pour lui le laïcisme est « un nouveau terrorisme intellectuel ». Pour arriver à une formule aussi chargée que celle-là, il faut visiblement être du côté, ou des croyants, ou du conservatisme moral, ou des deux.
En laissant quand même de côté les suppositions, j’en viens à me dire que les croyants (enfin certains) sont tellement pris dans leur monde qu’ils ne peuvent comprendre que les manifestations de leur foi peuvent être agressant pour d’autres, non-croyants et croyants d’autres confessions. À partir du moment où il est possible pour un croyant de prier en silence (même en étant en public), et que ce serait bien l’accommodement le plus raisonnable pour tous, crier haut et fort son supposé droit de prier à haute voix est le comble de la mauvaise foi…
Je vais prendre un exemple simple : le métal (dans le sens du style de musique). Si un maire décidait de faire jouer en début de réunion une pièce musicale de ce style, tout le monde serait d’accord pour dire que cela n’a pas sa place (même si personnellement le métal m’agresse vraiment moins qu’une prière, même pas du tout, d’ailleurs). Les amateurs de métal ont des occasions de se réunir pour en écouter ou ils le font en solitaire. La plupart sont des gens civilisés qui comprennent que leurs goûts musicaux ne doivent pas être imposés aux autres. Pourquoi certains croyants ne comprennent-ils pas cette évidence?
Je les entends déjà rétorquer que la prière est un héritage de notre passé, mais pas le métal, ce qui justifierait là toute cette croisade du maire (ainsi que ses forts appuis). Globalement, je ne nie aucunement cet héritage en pensant que la prière n’a pas sa place, puisque je vis sur cette planète : je sais que nous sommes en civilisation judéo-chrétienne, avec ses valeurs intrinsèques; valeurs que je ne peux nier en bloc, même si, séparément, elles me semblent avoir besoin d’un examen… Mais accepter le fait que c’est un héritage important veut-il dire pour autant qu’il faille cautionner ces manifestations de piété d’un autre temps, cette religiosité qui n’a plus sa place dans un monde (occidental) où adhérer à la religion n’est plus, heureusement! un préalable à l’acceptation d’un individu à la société?
Et encore, la tentative de lier par la force la laïcité (et même l’athéisme) à la religion dans son sens dogmatique est menée par la peur. C’est essayer de tout mettre sur un pied d’égalité pour espérer gagner des points. C’est chercher à imposer dans le débat un handicap à l’autre partie : c’est le réflexe de ceux qui se sont peinturés dans un coin, de ceux qui sont acculés au mur. La laïcité, c’est tout simplement nettoyer l’ardoise, repartir sur des bases plus propres, plus respectueuses de chacun, puisque chacun se « garde une petite gêne » en public quant à ses croyances, d’autant plus les personnes en situation de pouvoir, hein? Monsieur Tremblay!
Et puis, est-ce que le laïcisme a ses prières, son iconographie comme la religion? Idem pour l’athéisme? Oh! que non! Et ce n’est pas parce que le terme « doctrine » peut être utilisé pour nommer une religion ou un système de pensée qu’ils sont pour autant synonymes. Démagogie, quand tu nous tiens…
Dans le fond, qu’est-ce qu’on perd à réserver les affaires publiques aux affaires publiques? Absolument rien, les gens religieux sont bien libres de se pavaner avec leur foi avant et après les réunions. Si ça peut leur faire plaisir, je ne m’empêcherai pas en retour de ressentir à leur endroit un parfait mépris.
(Photo : analogian)
La défense du français comme catégorie de racisme
Par Renart Léveillé
Le sujet de la défense du français est clairement un sujet glissant. Parce que dans la défense, il faut absolument prendre parti, avoir un parti-pris, et ainsi en quelque sorte délaisser. Mais est-ce que ce délaissement, cet abandon est pour autant un aveu de « détestation »?
C’est ce que semblent penser beaucoup de gens, dont l’attaché politique Pierre Morin, très présent sur Twitter, déclarant que le Parti Québécois (dont on connaît son implication pour la défense du français) « fait de la détestation des anglos un dogme ».
De l’accusation de détestation à l’accusation de racisme, il n’y a qu’un pas. Et il a presque franchit ce pas dans la mesure où il a fait un rapprochement pas même subtil entre le PQ et le Front national (parti à l’aura raciste, s’il faut le préciser). À mon avis, nous ne sommes pas loin de ce que j’ai appelé dernièrement la « godwinisation des débats », « l’aveuglement volontaire », « la lecture assistée par la mauvaise foi ». S’il faut que je le décrive aujourd’hui autrement, j’irais avec cette formule : la triste pratique de l’« extrémisation » des positions de l’adversaire.
Mais le plus bel exemple de ce glissement, c’est une discussion que j’ai eu sur Twitter à la suite du passage des deux natifs montréalais unilingues anglophones d’Epic Meal Time à TLMEP, que j’ai vertement critiqué dans mon billet « Epic Fail Time ». En réaction aux réactions très négatives des gens sur le fil #TLMEP face à ces unilingues anglos, une « Franco-Ontarienne contre l’indépendance du Québec! » a essayé de me convaincre que c’était du racisme :
Ce à quoi j’ai rétorqué, pour pointer le ridicule de la chose :
La discussion a durée assez longtemps, mais, entre autres, pour tenter de gagner son point, elle m’a référé à une partie de la définition du racisme selon l’Office Québécois de la langue française (ce qui est assez ironique, puisque, en arrivant sur la page d’accueil du site, à la Une il y a un article s’intitulant « Faire du français « la langue prioritaire »). Finalement, après quelques recherches, je me suis rendu compte que la partie qu’elle me copiait-collait (visiblement de ses notes de cours) ne se retrouve plus dans la définition du grand dictionnaire terminologique de l’OQLF (?), mais seulement sur le site du Mouvement estrien pour le français, sur une page qui date de 2001 :
Il serait intéressant de savoir pourquoi cela ne se retrouve plus dans le dictionnaire terminologique. Cela serait-il donc sujet à caution? À la place, on pointe une remise en question du concept même de « race humaine », ce qui dirige un peu, il faut l’avouer, les suppositions. (Màj : finalement, le passage en question se retrouve dans la section « Note(s) » à la suite de la définition du terme « hégémoniste ».) Quand même, il faut vraiment faire une extrême contorsion mentale pour réussir à faire un lien entre cette définition et la critique contre l’unilinguisme anglophone au Québec, ce qui n’est vraiment pas une critique générale contre les anglophones, et il faut vraiment que je le spécifie pour ceux qui n’auront pas encore compris. Si je voulais me faire un peu d’argent, je parierais que je vais encore me faire dire en commentaire que je suis anti-anglophone…
Je ne dis pas, s’il était question de faire la promotion du retrait du droit de vote des anglophones (ce qui serait bien sûr une absurdité), mais là, il est seulement question de donner son opinion, de ne pas être d’accord avec un état de fait. Est-ce que la notion de « l’égalité en droit des êtres humains » empêcherait toute possibilité de critique, même très négative, envers les Québécois anglophones qui ne parlent ni ne comprennent le français? Non. Parce que la notion de « l’égalité en droit des êtres humains » concerne seulement la discrimination, ce que la critique n’est pas, étant assujettie à la liberté d’expression. De toute façon, les francophones n’ont pas besoin d’ostraciser les unilingues anglophones, ils le font très bien par eux-mêmes dans un sens.
Et, bien sûr, je ne joue pas à l’autruche en niant qu’il existe des gens que l’on peut réellement traiter de « racistes» envers les anglophones. Je sais très bien qu’ils existent, et je ne me gênerai jamais pour les dénoncer. Mais il faut savoir de quoi on parle. Et de ne pas mélanger les cartes. Par exemple, qu’on soit d’accord ou non avec l’idée d’étendre les dispositions de la loi 101 aux cégeps, cette idée n’est pas du racisme dans le sens linguistique.
En fait, la sauvegarde du français ne prend pas du tout sa source du racisme, d’un rejet de l’autre. Mais c’est bien pratique d’essayer de le faire croire pour ceux qui sont contre l’idée d’être proactif dans ce sens. Ça me surprend toujours de le constater, parce que la défense du fait français est un projet positif. C’est ce qui devrait tous nous lier. C’est ce que nous devrions tous défendre jalousement pour espérer durer dans ce monde carré qui tend à nous avaler tout rond.
L’anglais comme langue mondiale commune est une bonne chose. Mais comme toute bonne chose, il y a de mauvais côtés. Est-ce que de les pointer est pour autant raciste?
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Classé dans Actualité, Renart L'Eveillé
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