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Promotion cyclique des produits et des comportements «écologiques»

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J’appelle promotion cyclique le phénomène propagandiste qui consiste à mettre de l’avant un produit ou un comportement donné en affectant de le fonder dans une vérité incontestable puis, quelques décennies ou quelques années plus tard, mettre de l’avant le produit ou le comportement contraire en affectant de le fonder dans une vérité tout aussi incontestable (mais désormais, elle aussi, contraire) et ce, avec exactement la même ardeur et le même sens exacerbé de la certitude. C’est en matière écolo-environnementale, autour de l’intendance semi-sacrée de la ci-devant écolo-attitude, que l’on rencontre les fleurons les plus mirobolants du phénomène vu que la promotion cyclique, contrairement à la publicité ordinaire, est censée nous éclairer sur la définition fondamentale de ce qui est crucial à la vie. Et ça, bien, c’est écolo-environnemental… du moins par les temps qui courent.

Un premier exemple, l’eau. Il n’y a pas si longtemps, on ne jurait que par l’eau en bouteilles. L’eau du robinet était suspecte de ne plus bénéficier de l’assainissement qui avait été celui de nos vertes années. Elle goûtait bizarre, était d’une couleur étrange. Il ne fallait plus s’en servir que pour laver la vaisselle. Soudain, vlan, revirement aqueux généralisé. L’eau en bouteilles est possiblement empoisonnée par la surface plastique desdites bouteilles qui, en plus s’accumulent dans l’environnement, et l’eau du robinet est le nectar scintillant de la nouvelle source vive. En glissant le long de la transition des biberons, plastifiés et subitement nocifs eux aussi, on pourrait en venir à parler du lait. Lait maternel, lait de vache, simili-lait pour bébé, la faveur fluctue et les passions s’enflamment. À l’autre extrémité de bébé apparaissent ensuite les couches. Jetables ou lavables, une tension s’instaure. Les jetables polluent par accumulation mécanique alors que les lavables polluent par déversement chimique. La liste pourrait vite s’allonger, sur le chemin torve de l’accession aux ultimes vérités fortes et saines de l’écologie de notre temps. On pleure aujourd’hui d’avoir bazardé le tramway de Montréal et de l’avoir remplacé par des autobus, car le carburant fossile vient de percuter le fond de la promotion cyclique. Vive Toronto et son tram à l’ancienne. Mais demain le vieux réseau de filage électrique aérien s’avérera-t-il nuisible pour la santé torontoise tandis que les autobus montréalais vireront au vert limpide en ne fonctionnant plus au pétrole? Allez savoir. Le toutim à l’avenant…

Autorisez-moi ici un petit détour comparatif des plus singuliers: les Conservateurs canadiens. Il n’y a pas si longtemps ils ne valaient pas une guigne aux yeux de quiconque. Aujourd’hui, nos Conservateurs boivent du petit lait tranquillement, avec un centre-gauche bien divisé, comme découpé. Les Conservateurs (les vrais, les purs, les réacs bleu ciel) font désormais bel et bien partie du paysage politique canadien «de nouveau», c’est ça le plus triste… Ils n’ont plus, en ce jour, qu’à étaler doucement leur recentrage de Tartuffes et se préparer d’autres petites marées bleues bien tranquilles… Effarant… mais, soudain (et c’est ce que je vous annonçait plus haut comme hautement singulier), c’est absolument banal aussi, quelconque, plus du tout surprenant (dans le giron restreint de la politique politicienne). Ils étaient des minus sans intérêts, ils sont maintenant le moyen terme acceptable. Cela me rappelle Ronald Reagan dans les années 1970, un bouffon grotesque, un ancien cabotin de cinéma, un pantin creux et godiche, dont personne ne voulait… lui qui allait devenir le «grand président historique» de la décennie suivante. Ce qui est si singulier, c’est le fait que ces exemples criants de promotion cyclique ne surprennent plus du tout dans l’espace précis de la politique politicienne. La politique politicienne est usée. La promotion cyclique y roule à vide et plus personne ne la remarque, dans le susdit champ politicien.

Promotion cyclique. Cherchez le vrai, dans tout ça. Bon, la mode est possiblement un type spécifique de promotion cyclique, mais il ne faut pas pour autant ramener les questions de promotion cyclique (surtout dans des cas aussi vitaux que ceux procédant de l’écologique) à de simples questions de mode. Ce serait alors les atténuer et, en quelque sorte, les innocenter. La mode a au moins la décence intellectuelle, toute involontaire d’ailleurs, de ne par renier systématiquement la tendance antérieure. La mode est une dérive orchestrée du goût, qui se boucle parfois. La promotion cyclique est un reniement des vérités, qui se contredit toujours. Cela se distingue dans le justificatif que se donne la promotion cyclique et que ne se donne pas la mode. Quand le discours de la mode vous annonce que l’automne sera dans les teintes de rouge et qu’on verra revenir le tricot en force, que l’été se vivra en souliers plats ou que le mauve lilas et le gris cendré sont à l’honneur, aucun justificatif n’est formulé. On ne vous dégoise pas sans fin que les talons aiguille heurtent la colonne vertébrale, que la laine respire mieux que le feutre ou que le noir attire indûment les rayons du soleil… La mode ne s’ontologise pas dans une doctrine du Vrai Souverain. C’est la mode, on n’a qu’à assumer, et advienne que pourra… qui m’aime me suive, quoi…

Dans le cas de la promotion cyclique, qu’il faut donc, en fait, crucialement distinguer de la mode, du changement frivole pour le changement frivole, une tension, un souque à la corde de justificatifs se met en place. On nous annonce subitement, il n’y a pas si longtemps, que les rayons UV, surtout chopés en salon de bronzage par des jeunôts, sont «désormais» cotés causes directes de cancer, au même titre que le tabac. Les salons de bronzage aboient, et vont rejoindre les compagnies de couches jetables, de simili-lait et de bouteilles et biberons en plastiques sous la lune variable à laquelle on hurle sa bonne foi. C’est que, derrière la promotion cyclique se profilent toujours des groupes de pressions, habituellement industriels, craignant, qui de perdre des parts de marché, qui de faire face à des poursuites, qui les deux à la fois. Ouf… Quelqu’un ment quelque part. Ce qui est (pourtant!) hurlant d’évidence dans les alternances du spectacle de notre chère petite politique politicienne devrait l’être autant sur tout ce qui fait l’objet d’une promotion «étayée» en cycles. C’est bien loin d’être le cas. On continue de tendre à croire que l’ultime vérité (sur la ligne du temps) est (enfin) la bonne (alors qu’on ne croit plus spécialement au parti politique du moment… pour le moment).

Car, fondamentalement, c’est la véracité de la promotion cyclique qui soulève les relents les plus purulents. Ne cherchez surtout pas, c’est toujours la dernière version retenue qui est la «vraie». Si nous l’endossons sans question, c’est que la promotion cyclique vient de nous épingler comme un papillon. Et nous mordons. Et nous chantons. Haro sur tout ce que se disait avant. La version actuelle est la seule qui vaille. On la sabordera dans quelques années mais qu’à cela ne tienne, c’est la «vraie». Jouant en plus à fond sur la propension du public à se culpabiliser en panavision, la promotion cyclique finit par planter dans la conscience des masses ce que l’on pourrait nommer l’angoisse des éoliennes. On promeut, dans l’abstrait, les éoliennes. Elles sont une solide alternative aux carburants plus polluants. Mais, dans le concret, on rejette les éoliennes. Elles donnent des maux de tête électrostatiques à ceux qui vivent dans leur voisinage, emmerdent les petits oiseaux, et gâchent la cruciale dimension visuelle du paysage naturel où on les implante. Éoliennes, oui? Non? La promotion cyclique se met une fois de plus à tournoyer dans tous le sens et c’est l’angoissant tournis manichéen qui nous écoeure, à nouveau, à nouveau, à nouveau.

Écoeuré, ça, je le suis. Je suis suprêmement écoeuré de tous ces pseudo-spécialistes qui recyclent leurs mensonges à géométrie variable, fonction de la puissance du groupe de pression du moment. Je n’ai jamais été trop chaud pour l’hyper-relativisation des vérités (qui est celle, par exemple, dans laquelle est désormais bien enlisée la politique politicienne… les bleus, les rouges, les verts, les orangés… faites tourner). Quand, pour l’eau, le lait, le vent, les rayons UV, le transport urbain et les pépette de nos bébé on se met à faire le girouette, justement comme pour la politique politicienne, j’ai le net sentiment qu’on se paie ma poire, soit pour me faire les poches, soit pour me donner le tournis sociopolitique sur les questions écolo-environnementales, soit les deux. La promotion cyclique, c’est, de fait, le grand confusionnisme crypto-réactionnaire de notre temps, sur lesdites questions environnementales. On brouille sciemment les cartes. On noie le poisson écolo et on détourne le cours de la rivière scintillante de l’opinion pour faire de l’argent. On manipule de nouveau, à la fois nos émotions profondes et notre sens du devoir. On sème la confusion et on nous fait nous garrocher dans tous les sens. Cela tataouine et gaspille en grande, et le seul cycle de croissance que cela enclenche en fin de compte, c’est celui de ma vive et cuisante contrariété.

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Classé dans Actualité, environnement, Paul Laurendeau

Le chaos de l’aménagement et les éoliennes

Jean-Pierre Bonhomme

Image Flickr par Mr.freak

Cette semaine deux compagnies privées ont annoncé leur intention de construire des éoliennes dans la Plaine de Montréal, près des villages et sans la permission des conseils municipaux.

Il ne s’agit pas d’une affaire dont la gravité équivaut à celle de la guerre en Lybie. Elle ne concerne, au total, qu’une douzaine ou deux de ces grands moulins à vent. Alors pourquoi des villageois descendent-ils dans la rue pour protester?

L’affaire est symptomatique car elle montre jusqu’à quel point l’État, au Québec, fait fi de l’intérêt public et démissionne devant les intérêts privés.

Il faut rappeler que, dans les pays les plus évolués, les services publics sont justement cela…publics. C’est le cas pour la poste, le gaz, et l’électricité, notamment… sans parler de l’aménagement territorial.

Or l’établissement de systèmes de production de l’électricité par le moyen du vent, est un service public. Dans le cas présent, la protestation des deux villages situés non loin de Montréal, fait ressortir l’absence de structures d’aménagement au lieu souverain en la matière, soit le gouvernement du Québec.  L’État,  maintenant, permet à des intérêts privés de harnacher les puissances naturelles pour le profit de particuliers pas toujours connus et de disposer les systèmes n’importe où au gré du vent et des prébendes fournies à des maires complaisants.

L’absence d’un ministère de l’aménagement, au Québec, est coupable. La petite affaire de cette semaine l’illustre abondamment; selon votre serviteur cela suffirait à renverser un gouvernement.

S’il y avait une structure de l’aménagement territorial, au Québec, le gouvernement, directement ou par le moyen d’Hydro-Québec, aurait déterminé des lieux où implanter des éoliennes. Il aurait circonscrit des parcs publics où les éoliennes pourraient être construites. Après quoi des intérêts privés auraient pu être mis à contribution, mais sous la gouverne de l’intérêt public.

Actuellement la ruine environnementale de certains villages de la région de la Gaspésie est un fait établi. Qui voudra monter sa tente sous le ronron d’une gigantesque éolienne ou admirer un clocher ayant pour fond de scène une usine électrique aux pales géantes? Où est-il parti le charme gaspésien?

La controverse de cette semaine montre que la gangrène s’étend jusqu’à Montréal. Rappelons que la production de l’électricité par le vent, au Québec, est une infime proportion – et sera toujours une infime proportion – de l’électricité produite par la force de l’eau. Le scandale, en l’instance, c’est que l’État risque de ruiner la vie – et les paysages – de citoyens établis en douceur dans des cadres naturels en permettant à des entrepreneurs de faire des profits avec un service public dont la nécessité est pour le moins….douteuse. Qui pis est, l’État se met la corde au cou en fixant à l’avance le prix ce cette électricité «écologique».

Les principes, dans cette affaire sont les mêmes que ceux relatifs au domaine des gaz dits de schistes. Le gaz, comme l’électricité hydraulique, est un service public. Il doit relever de l’État. Et le forage doit n’être permis que dans des lieux fixés à l’avance par l’État; le forage doit être exclu des périmètres municipaux; il doit se faire hors de la vue des citoyens.

Mais où est-il donc parti l’État? Il est parti dans les copinages libéraux et conservateurs et l’opposition fait attendre désespérément que sa pensée soit formée sur le sujet.

Je fais remarquer ici que les hommes politiques, à Québec, qui passent à côté de cette question de l’aménagement territorial d’État, passent à côté de la politique et que s’ils n’ont pas de pensée à cet égard ils n’ont pas d’affaire dans l’Assemblée nationale.

Je viens de relire l’ouvrage fétiche de Ian McHarg sur le design territorial. Il me convainc davantage, si cela est possible que notre société doit composer AVEC ses paysages, pas s’y opposer ou les détruire.

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Classé dans Actualité, Jean-Pierre Bonhomme