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Laïcité et valeurs, le dernier combat

Par Renart Léveillé

Depuis quelque temps, le sujet de la laïcité revient et revient sous ma plume alors que je me dois d’écrire pour mon texte de la semaine sur Les 7 du Québec. C’est un hasard, et je le trouve heureux.

Juste comme je réfléchissais à quoi choisir comme sujet, je tombe via un tweet de Jeff Plante (@JF_Plante) sur le billet « Laïcité et éthique chrétienne ». Il y est question des avis divergents de Normand Baillargeon et Jean-Marc Piotte face au livre « La culture religieuse n’est pas la foi — Identité du Québec et laïcité » de Guy Durand, défendu par Jean Laberge, l’auteur dudit billet.

Dans le premier chapitre, Durand recueille de très nombreux témoignages de Québécois qui, aujourd’hui comme hier, ont façonné le Québec par l’héritage chrétien et ce, dans tous les domaines d’activités, voire même dans les institutions démocratiques elles-mêmes du Québec. On sait que la question de la laïcité de l’État québécois s’est cristallisée autour du fameux crucifix de l’Assemblée nationale. Les tenants de la laïcité intégrale ou stricte l’ont en horreur, même des croyants. Durand plaide pour conserver le crucifix car il fait partie de notre fibre d’être québécois, que nous soyons ou non des croyants, voire chrétiens.

Premièrement, le crucifix à l’Assemblée nationale ne me semble pas tellement cristalliser la question de la laïcité, même que je crois que ce serait le dernier symbole religieux à garder sa place, vu son caractère très historique. Par contre, en fouillant plus profondément dans l’Histoire, justement, il est clair que ce crucifix, en plus d’être le premier symbole du christianisme, est le puissant symbole du contraire de ce que la laïcité prône : « ce crucifix a été donné par l’archevêque de Québec à Maurice Duplessis pour sceller l’alliance entre l’Église et l’État. »

Et j’ai pris la peine de spécifier qu’il fallait fouiller « profondément » parce qu’il est certain que ce détail de l’Histoire échappe à la grande majorité des Québécois. Alors, ça me fait bien rigoler de lire que ce crucifix « fait partie de notre fibre d’être québécois ». Et c’est encore plus drôle quand on se rappelle que le changement de dénomination (et identitaire), de Canadien-Français à Québécois, s’est produit grâce à la Révolution Tranquille, qui était beaucoup une réaction au règne de Maurice Duplessis… Tentative de réécriture de l’Histoire?

Mais je ne voulais surtout pas écrire un billet au sujet du crucifix à l’Assemblée nationale (même si je pourrais seulement me concentrer ici à développer qu’en fait la possible disparition de ce symbole fait bien plus peur aux détracteurs de la laïcité que sa présence ne fait peur aux pro-laïcité). La question qui m’intéresse concerne plus amplement le lien entre la culture (l’« Ensemble des formes acquises de comportement de l’être humain. ») et la religion au Québec. Parce que l’essentiel du discours de Jean Laberge, nourri par Guy Durand, consiste en une énumération de l’ « héritage chrétien », avec l’aide de figures emblématiques du Québec comme Michel Chartrand et Camille Laurin, afin de justifier la place de la religion, enfin de sa tradition, aujourd’hui.

Le problème que j’ai avec ce discours, c’est qu’il déborde de la question étatique. C’est que même la laïcité stricte ne pourrait empêcher la population, si elle le désire, de célébrer son héritage chrétien. La culture en est bien sûr imprégnée, et un mur vide où était précédemment un crucifix, et un employé de l’État qui laisse dans sa poche un pendentif avec une croix, et une employée d’un service étatique qui laisse son voile à la maison, ne pourront changer ça. Et, pour ce qui est des valeurs, ce vers quoi tout le discours de Laberge tend, j’ai un gros bémol…

Je vais l’écrire d’emblée, son message prône l’emprisonnement, voire même la prise en otage de la culture et des valeurs par l’héritage de la religion. Et je me pose la question à savoir si le but est d’actualiser le lien entre la société et la religion (bien sûr catholique). Je m’explique, premièrement avec une question : même si je suis d’accord que les valeurs des êtres humains ont beaucoup été influencées par la religion — par son omniprésence historique dans les sociétés —, est-ce que ces valeurs sont indissociables de cet héritage?

La réponse est bien sûr non. Et la transmission de ces valeurs ne dépend pas exclusivement de la pratique religieuse, en plus. Si « Sergio Leone, le réalisateur des fameux westerns-spaghetti, bon athée et anarchiste, n’a pu s’empêcher d’user d’images religieuses chrétiennes dans son cinéma que la longue tradition catholique lui a légué en héritage », comme le souligne Laberge dans son billet, un athée comme moi peu bien élever sa fille selon une majorité de valeurs que la religion catholique ne nierait absolument pas. Alors, pourquoi toujours revendiquer la paternité religieuse des valeurs puisqu’elles ne disparaissent visiblement pas avec la remise en question de la religion, qui vient entre autres avec la laïcité? J’irais encore plus loin, elles ne disparaîtraient pas si une pilule distribuée à la totalité de la population mondiale réussissait à faire disparaître le phénomène religieux et la croyance en Dieu. Je dis qu’elles ne disparaissent pas, mais je sais très bien que le discours religieux actuel trouve justement sa base sur la peur, ou une certaine constatation — qui relève beaucoup à mon avis de l’hypocondrie — de la perdition du mode de vie occidental. À la base, c’est le propre du conservatisme et du traditionalisme d’avoir peur de l’évolution et du changement, alors ce n’est pas bien difficile à réfuter.

Et, parlant d’évolution, je crois que la religion a été nécessaire à l’évolution des sociétés humaines (beaucoup vers la gauche au Québec comme le souligne Laberge, et pourtant beaucoup vers la droite par exemple aux États-Unis…). La religion a institué une cohésion sociale qui aujourd’hui est bien assimilée (pas toujours avec bonheur, j’en conviens). Ce que la société rejette aujourd’hui de la religion est seulement ce qu’il lui reste de poussiéreux, d’archaïque. Et la religion était bien utile là où l’éducation était quasi inexistante. Alors, je crois que le défi actuel, étant donné que la population est beaucoup plus éduquée, est de remettre en question ces valeurs héritées de notre passé et, une fois le test remporté, de les célébrer en toute connaissance de cause. Cela serait bien tout le contraire d’écrire tout bonnement, comme l’a fait Guy Durand, comme une gifle à l’intelligence humaine : « Les valeurs chrétiennes sont nécessaires à la vie. » J’admets qu’en gommant l’adjectif « chrétiennes » l’énoncé a du sens, mais en gommant aussi la définition biologique en lien avec la vie. Personne ne peut mourir par manque de valeurs, encore moins chrétiennes…

Et dans cette idée de défi actuel, ce pour quoi toutes ces questions me sont intéressantes, il y a pour moi la conviction que l’abandon total de la religion (comme béquille sociale) ne pourrait que donner un coup de main à la réflexion globale. Et c’est déjà en cours de toute façon, depuis que l’État a purgé la religion de ses entrailles. Mais il reste encore des stigmates à éliminer, alors on voit clairement la terreur dans les yeux de certains croyants.

(Photo : brioso)

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La laïcité instrumentalisée

 

Par Renart Léveillé

Contrairement à moi, certains trouvent la laïcité trop stricte. Elle devient alors la laïcité ouverte. Mais en y accolant l’adjectif « ouverte », elle perd tout son sens. Il n’est plus tellement question de laïcité, mais bien seulement d’une version fade d’elle-même qui, si ça lui était possible, l’empêcherait de se regarder dans le miroir…

C’est une manière comme une autre d’instrumentaliser un concept pourtant clair : séparation de l’État et de la religion, avec tout ce que cela implique au niveau des institutions, particulièrement au niveau de l’éducation. Et il y a l’interculturalisme, comme le décrit Louise Mailloux, « Professeure de philosophie au Collège du Vieux Montréal, intellectuelle athée, féministe et laïque », dans son billet « L’interculturalisme: une imposture anti-laïque » :

En mars dernier, dans une entrevue au journal le Devoir, Gérard Bouchard affirmait que le débat sur la laïcité piétine, qu’un consensus semble impossible et qu’il conviendrait d’élargir ce débat en parlant d’interculturalisme. Deux mois plus tard, lors du Symposium international sur l’interculturalisme organisé par Gérard Bouchard et son église, ce dernier réclamait du gouvernement, une loi sur l’interculturalisme. Coïncidence ou non, les jeunes libéraux, réunis en congrès au mois d’août, réclament pour leur part, une loi pour définir la laïcité ouverte et demande à Jean Charest de créer un Office québécois d’harmonisation interculturelle.

La pilule de la laïcité ouverte ne passant pas dans la population, il faut donc l’enrober d’une gélatine afin qu’elle glisse tout en douceur. Une loi-gélatine sur l’interculturalisme, votée par l’Assemblée nationale, qui servirait  à imposer une politique de laïcité ouverte. Parce qu’ici, il ne faut pas s’y tromper, l’ouverture à la culture de l’autre, c’est l’ouverture à sa religion. Et que le respect de la diversité culturelle, c’est le respect de la religion.

Là où le bât blesse, c’est que deux blogues qui ont diffusé des extraits de ce billet l’ont introduit avec un texte où se trouvent ces mots, qui portent vraiment à confusion :

Leur seul travail consiste à infiltrer la religion des Autres dans nos institutions

Y a-t-il derrière ça le message que la religion catholique a sa place dans nos institutions, puisqu’elle ne vient pas « des Autres »? Si la laïcité sert seulement à repousser les autres religions pour laisser le champ libre au catholicisme, elle est aussi instrumentalisée. Et les deux blogues en question, ce sont « Poste de veille » et « République de Bananes », tous deux dans le même conglomérat de droite que « Pour une école libre au Québec », clairement pro-religion (en tout cas occidentale), pro-famille (je suis parent et je suis plutôt pro-choix de vie – et le nom de Jeff Plante derrière tout ça en dit déjà beaucoup) et soutenant la cause de la liberté d’expression sans limites des homophobes. Et sa participation à la campagne CLÉ montre clairement son parti-pris antilaïque, puisque cette coalition ne vise pas seulement le retrait de l’imposition obligatoire du cours « Éthique et du culture religieuse » aux jeunes, mais bien aussi à défendre certains parents et « leur indignation face à la perte de leur droit de choisir pour leurs enfants un enseignement moral ou religieux à l’école en accord avec à leurs croyances et leurs convictions. »

Il faut être logique. La laïcité va de pair avec l’idée d’État, qu’il soit minimal ou éléphantesque. On ne peut pas d’un côté défendre l’évacuation du religieux en appuyant les laïques et de l’autre participer au maintient de l’enseignement religieux dans les écoles, qui sont encore du ressort de l’État. C’est un double discours franchement tordu.

Et il y a une grosse différence entre avoir un parti-pris laïque et être contre l’islam (ce qui ressort clairement du blogue « Poste de veille »). Ce que les deux ont en commun, c’est d’être contre les tentatives de la religion d’entrer dans l’espace commun. Le premier met toutes les religions sur le même pied d’égalité. Le deuxième vise une religion en particulier, et c’est selon, tente par cela de magnifier les autres religions, du moins de leur redonner un peu de lustre.

Pour ma part, étant pro-laïcité, je suis également interpellé par toutes les tentatives d’intrusions de la religion dans la société, qu’elles viennent d’une ou l’autre. Étant donné que l’islamisme est en soi plus combatif, c’est tout à fait normal que ses tentatives d’intrusions soient plus évidentes, voire même spectaculaires : regardons l’exemple des dossiers de la charia ainsi que celui des voiles islamistes. Pour ce qui est du judaïsme, c’est beaucoup plus subtil, et ça semble se retrouver surtout du côté politique (le judaïsme ne cherchant pas à convertir). Pour ce qui est du catholicisme (et du protestantisme, par extension), la question ne se pose même pas, il a ici ses bases et joue de sa survie. Son combat est ainsi omniprésent.

La difficulté du laïcisme dans les débats publics, et surtout politiques, c’est que la guerre entre la gauche et la droite repose en partie sur des partis-pris religieux, même si pour certains c’est surtout en surface. Pour aller au plus simple, la droite se rallie au judaïsme et au christianisme, alors que la gauche se rallie à l’islamisme. Alors, un laïque qui pourfend l’islamisme se voit placé dans la case droite, et s’il pourfend quoi que ce soit en lien avec les deux autres, c’est dans la case gauche qu’il atterrit, nonobstant de sa réelle position. Rien pour simplifier le débat… Ma vision : la droite se sert de la laïcité comme je l’explique plus haut, la gauche s’aveugle des débordements de l’islamisme avec les bons sentiments, quelque chose qui ressemble à de la fraternité, de la solidarité, et où l’humain et sa religion sont à tort entremêlés (par exemple : supporter la cause de la Palestine et des habitants de la bande de Gaza — que l’on ne peut séparer de l’islamisme au niveau religieux — ne devrait pas pour autant donner le feu vert à leurs coreligionnaires…). Ainsi, dans le cas de la gauche, la laïcité est à la carte (une autre manière de dire « laïcité ouverte »).

Quoiqu’il en soi, la laïcité devrait servir à faire table rase des différences ethno-religio-culturelles, afin de mettre l’emphase sur le respect global. S’en servir pour mettre de l’avant ses intérêts, ce n’est pas très loin de l’ignominie.

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La Bourse et/ou la vie!?

 

Par Renart Léveillé

Les récents soubresauts de la Bourse donnent des sueurs froides à certains plus qu’à d’autres, mais au final le risque reste somme toute assez généralisé. Si le château de cartes s’effondre, les répercussions se feront sentir partout.

C’est pourquoi il serait intéressant de regarder la dynamique sociétale qu’accompagne le système de la spéculation boursière. Puisque justement ce jeu est plus qu’un simple jeu. On pourrait aller jusqu’à dire que la santé de la société en dépend : dans l’optique où l’économie y compte pour beaucoup, étant donné qu’elle est liée à la satisfaction des besoins essentiels. L’économie est bien sûr aussi très liée aux autres besoins (ceux qui ont entre autres été créés pour l’alimenter dans la fuite en avant de la croissance rapide) mais nous nous entendrons pour pointer l’importance de la survie (ou le confort) du plus grand nombre. Et avec en tête qu’une crise financière importante ne fait jamais en sorte que « les derniers seront les premiers »…

Alors, il est très facile de faire une ligne directe entre la spéculation boursière et l’équilibre sociétal, pour ne pas dire le bonheur social (selon le contexte actuel, sans pour autant occulter son imperfection et ses problèmes). Il serait donc honnête d’affirmer que la pérennité du bonheur social n’est pas entre les mains de tous, mais bien entre les mains d’une élite ayant les moyens financiers de mettre son poids dans la balance (de la Bourse). Parce qu’il faut se le dire franchement, ce qu’on pointe comme étant « la confiance dans les marchés » a tout à voir avec l’individualité, rien avec la collectivité.

À la base, les choix d’un investisseur ne concernent que son propre investissement. Il n’a pas de lien avec la causalité externe dans son cheminement décisionnel. Son but n’est que de préserver ou de faire fructifier son portefeuille, ce qui semble tout à fait légitime d’un point de vue individualiste. Pourtant, c’est l’addition de décisions de non-confiance dans les marchés qui est dangereuse pour le château de cartes (l’externalité que le spéculateur n’a pas en tête lors de sa prise de décision transactionnelle). Beau paradoxe.

Dans la possibilité d’un krach, suite à un effet domino, c’est là où la multiplication d’individualités ne va pas dans un sens positif pour le plus grand nombre : c’est par conséquent l’individu contre la collectivité. Devant ce paradoxe, serait-il utile de se poser la question à savoir pourquoi un pouvoir décisionnel aussi important est laissé à des individus qui n’ont qu’un intérêt individuel, et qui en plus n’ont aucunement conscience de son hypothétique portée collective? Sans oublier l’intrinsèque absence de coupables! (C’est à dire que le point de départ d’un effet domino ne pourrait être pointé, ni même accusé s’il pouvait être pointé; donc, aucune imputabilité possible.)

Mis à part la possibilité de faire de l’« investissement socialement responsable », il semble que l’éthique échappe tout à fait à cette activité. Et la morale de même. Il est toujours seulement question de profitabilité pure sans calcul de responsabilité. C’est pourquoi il serait bien difficile de culpabiliser qui que ce soit. Cependant, la question reste la même : sommes-nous à la merci d’un pouvoir extérieur à la société, puisque ce pouvoir n’a jamais en tête le bien de son ensemble (même si le système financier participe quand même à faire « rouler l’économie »)?

Toute cette analyse donne à penser que le système actuel n’a jamais pris en compte dans sa construction ses incohérences. C’est comme si le château de cartes avait un système d’autodestruction activé par un levier que personne ne voit, mais que quiconque peut accrocher par inadvertance (l’inadvertance étant ici la peur de tout perdre). Nous pouvons sérieusement nous demander si ce système est déjà désuet dans son évolution quand même récente. Au lieu d’un système d’autodestruction, il lui faudrait un système d’autorégulation. L’on pourrait pointer comme solution l’État ou son absence, mais cela serait beaucoup trop facile…

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La folie ordinaire

 

Par Renart Léveillé

Mon titre, je l’ai piqué à Charles Bukowski, celui qui publiait en 1972 « Erections, Ejaculations, Exhibitions, and General Tales of Ordinary Madness », traduit simplement par « Les Contes de la folie ordinaire ». Je m’en sers dans un autre sens : et par cela je vais tenter de questionner, et la folie, et l’ordinaire, aujourd’hui, devant le verdict renversant de « non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux » du cardiologue Guy Turcotte.

Pour être franc, je n’ai aucunement suivi cette histoire, sinon de très loin (alors, je ne me suis pas trop fait manipuler par les médias). Le jeune père que je suis n’est aucunement capable de savoir (même si je l’ai quand même su, comme beaucoup d’autres choses…) des détails comme celui que Guy Turcotte a eu « conscience de ce qu’il faisait, quand il a entendu son fils lui dire d’arrêter ». Sentir son coeur virer à l’envers, le moins souvent possible… Et pour cette raison, je ne devrais même pas pouvoir écrire à ce sujet, encore plus parce que je n’ai pas assisté au procès, comme le rappelle la spécialiste en droit criminel Véronique Robert.

J’en prends note, mais je continue de voir qu’il y a un trop grand écart ici entre la Justice et ce que la moyenne des gens est capable d’en comprendre, surtout à la suite de ce verdict. Et ça me fait revenir à mon titre. On a l’impression que ce verdict rend la folie ordinaire. Plus précisément, que toute folie (ou ce que l’on considère comme tel devant la loi) est égale. Que la folie qui gagne quelqu’un suite à des problèmes relationnels est égale à la folie de quelqu’un qui est en proie à des épisodes schizophréniques, par exemple, qui sont franchement plus du domaine génétique.

Si vous voyez où je veux en venir, c’est que rien dans les gestes de Guy Turcotte n’écarte l’histoire d’amour déchue. L’absurdité ne se retrouve que dans la teneur des gestes, pas dans ce qui y mène, dans le sens où la vengeance soutire le pire de l’humain, en tout cas au niveau du fantasme. Nous comprenons que le père cocufié ait fantasmé le pire (tuer ses enfants) pour détruire la mère qui ne voulait plus être son épouse, et c’est bien là où se trouve la capacité de faire « la distinction entre le bien et le mal » et « d’apprécier la nature et la qualité de ses actes ». Mais c’est tellement lié qu’il est difficile de croire que le chemin pour se rendre du fantasme à la réalité soit seulement de la pure folie. Comment Guy Turcotte a-t-il pu se perdre en chemin alors que tout le reliait au noyau de son trouble? Il y a dans la folie cette irrationalité que je n’arrive pas à percevoir dans ce cas-ci, puisque le lien de cause à effet me semble fluide. Le meurtre des enfants représente le comble de la vengeance et c’est ce qui a été fait. Guy Turcotte semble s’être planté lui-même ce germe comme un drogué consomme ce qui peut le rendre inconscient de la réalité. Mais un meurtrier drogué ne s’en tire pas même s’il était « inconscient » lors de l’acte, comme me l’a indiqué un ami avocat. Alors, la différence entre les deux me semble ténue.

Le jury a décidé qu’il s’était perdu en route dans la folie et je ne comprends pas, comme beaucoup de gens. Comme le blogueur Patrick Lévesque, je crois que notre « système de justice a […] une responsabilité envers les citoyens, soit de les éduquer. Cette responsabilité est essentielle afin de conserver sa crédibilité, ce qui est en retour essentiel au maintien d’un système de droit, l’un des piliers de notre vie démocratique. Au-delà du choc, de la colère, de la tristesse, il est temps de passer à la compréhension. Les explications doivent venir; elles doivent être fournies rapidement, et elles doivent être fournies en tenant compte des émotions que vit en ce moment le grand public (dont je fais partie) ».

J’ai bien relu le texte de Véronique Robert, hyperlié plus haut, qui s’y connaît beaucoup plus que la majorité, et pourtant je ne comprends toujours pas. Quand j’y lis que le jury a décidé, « à l’unanimité, que « le monstre » était vraiment en état de déséquilibre mental au moment des faits », je me dis qu’il faut bien de toute façon être « en état de déséquilibre mental » pour tuer ses enfants, c’est un pré requis : une personne équilibrée mentalement ne va pas faire ça. Et pourtant, je ne doute pas que ce raisonnement ne fasse pas le poids au niveau de la Justice. Mais bon, je ne suis pas juriste. Et ça doit être le problème de la majorité de la population qui n’est pas d’accord avec ce verdict.

Voilà, la question de la folie est posée. Et elle n’est surtout pas simple. Quant à l’ordinaire, le choix du terme est peut-être abusif en soi, mais il sert au moins de contrepoids. La folie comme concept ultime ne peut pas être remise en question. En l’acoquinant à l’ordinaire je le rendais au moins un peu plus malléable. Et, il n’y a pas de doute pour moi, le concept de folie au niveau de la Justice est très discutable.

C’est ce que bien humblement j’ai essayé de faire ressortir ici.

 

(Photo : amandajane)

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Discrimination, racisme, xénophobie et autres confusions

Par Renart Léveillé

[Avertissement : lorsque vous lisez un texte, si vous n’êtes pas assez intelligent pour l’analyser et en comprendre les sens et les subtilités, comme l’ironie et le sarcasme, abstenez-vous donc de le commenter…]

 

C’est bien connu, je suis le pire des racistes. Puisque « pro-laïcité » et « athée » en sont des synonymes avérés, paroles de quelques génies autoproclamés. Dans son habitat naturel, qu’il voit sombre alors qu’il est en vérité rose nanane sucé longtemps, le raciste remet en question maladivement tout ce qui touche à la religion, ce qui est mal, par définition. Le Mal.

La preuve, je trouve vraiment très drôle l’image qui suit (en fait, je ne la trouve pas juste drôle) :

(Traduction maison, sujette à caution : La religion, c’est comme un pénis. C’est bien d’en avoir un. C’est bien d’en être fier. Mais S’IL VOUS PLAÎT, ne le sortez pas en public pour le montrer à tout le monde, et, DE GRÂCE, ne tentez pas de le faire avaler de force à mes enfants.)

Aussi, à la place d’écrire que quelqu’un est pour la défense du français au Québec, on peut écrire qu’il est raciste, ça va plus vite. Ça va moins vite d’écrire « xénophobe », mais ça fonctionne aussi. Petit tuyau, les chasseurs de racistes devraient regarder du côté de Charles Castonguay, un traître anglophone ontarien, qui avoue bien candidement qu’au Québec le français dégringole! alors qu’en vérité il n’y a vraiment, mais vraiment aucun problème (ce que je suis incapable de me rendre compte, comme tout bon xénophobe, ça va de soi).

En plus, je suis pour la discrimination (ici, il faut vraiment bien suivre). Je serais d’accord pour qu’on écrive « une loi qui prohibe la discrimination » arbitraire (Arbitraire : « Qui provient de la volonté, du caprice, du bon plaisir de qqn. » « Qui ne tient pas compte de la réalité, de la raison. » « Qui est choisi sans règles précises; qui ne relève d’aucune règle. »). Donc, pour ce qui est du marché du travail, je suis d’accord qu’à l’embauche il y a toujours lieu de faire de la discrimination, puisqu’il faut faire des choix et y aller par élimination. Par exemple, je crois que le critère de beauté est acceptable pour un patron de bar lorsqu’il a à choisir une nouvelle serveuse, et même de choisir exclusivement des femmes pour ce travail, comme des hommes pour le travail de « bussboy ». Et encore, et c’est là que ça rejoint le racisme comme c’est pas possible, je crois que « cela justifierait d’emblée le refus par l’État d’engager des gens incapables de ne pas arborer des signes religieux ostentatoires pendant qu’ils travaillent », dans le sens où l’État choisirait la laïcité stricte (mais bon, il serait raciste, alors…). Je sens vos regards froids en direction de ma turpitude.

Afin de finir de mettre la table à l’opprobre général en ma direction, je vous avoue avoir lu un article relatant une étude qui indique que l’adolescence (le règne de l’impulsivité) se termine à l’âge de 22 ans, et de tout de suite avoir fait un lien avec le sujet des permis de conduire délivrés à partir de l’âge de 16 ans. J’ai aussi pensé à la petite Bianca Leduc, fauchée par un testostéroné adolescent en 2007. Qu’est-ce que c’est si ce n’est pas un heureux mélange de discrimination et de xénophobie, alors qu’en plus j’entame la quarantaine? Et, si on pouvait trouver le moyen de classer les tranches d’âge par races, je serais encore plus raciste!

Mais le comble de mon ignominie, c’est d’avoir le goût d’acheter le livre du scientifique Stephen Hawking, « Y a-t-il un grand architecte dans l’Univers? », qui explique sans rire que « L’Univers n’a pas besoin de Dieu pour exister ». C’est raciste parce qu’il a des gens de toutes les races, la mienne incluse, qui croient le contraire et qui ne veulent surtout pas se faire contrarier, ce qui est bien normal. C’est aussi de la xénophobie parce qu’il y a des étrangers qui sont croyants. C’est discriminatoire, parce qu’en m’acoquinant de cet avis (minoritaire en plus!), je fais une séparation entre un groupe social et un autre, j’ostracise les croyants.

Je ne devrais même pas avoir le droit d’offrir gratuitement mes écrits sur le web.

(Image du haut trouvée là : http://www.webdesigncore.com/2009/12/15/30-unusual-and-incredible-surreal-artworks/)

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Quand la Boussole électorale ne va pas dans le même sens pour le Québec et le Canada…

Par Renart Léveillé

Lors de la dernière élection fédérale, la Boussole électorale ne semblait pas faire l’unanimité. Quoi qu’il en soit, les résultats sont maintenant en ligne, et « plus d’un million de Canadiens ont répondu » à ce sondage, ce qui semble un échantillonnage assez important. Il faut quand même regarder ces résultats avec prudence, mais il y a tout de même des tendances importantes qui en ressortent.

Ce qui ressort le plus, c’est que le Québec est sans conteste une société distincte. Chaque question est illustrée par une carte du Canada où les couleurs de chaque région démontrent dans quel sens vont les opinions. Et dans la majorité des cartes, on voit que les Québécois pensent différemment du ROC, cela dit en ne dissimulant pas la diversité d’opinion des Québécois eux-mêmes. Je le répète, il est bien sûr question de tendances.

Là où les Québécois sont vraiment différents de la majorité des Canadiens, il n’y a pas d’équivoque. Ils sont beaucoup plus contre la mission afghane, contre la présence militaire en Arctique, contre les dépenses militaires tout court. Aussi, ils sont pas mal les seuls à vouloir d’avantage de relations économiques avec les États-Unis et à vouloir se doter d’une taxe sur le carbone. Pour continuer dans les enjeux environnementaux, le Québec est vraiment plus du côté de croire que l’industrie des sables bitumineux d’Alberta cause des dommages, contrairement au ROC qui pense plus que c’est de l’exagération. Encore, le Québec partage avec une infime partie du Canada un désir plus grand de normes environnementales plus sévères, « même si elles entraînent une augmentation des prix pour les consommateurs ».

Pour ce qui est de la question de la place du secteur privé dans le système de santé, le Québec partage une préférence minoritaire pour davantage de place avec certaines autres régions. Pour ce qui est de l’immigration, le Québec est le plus favorable avec le fait d’exiger l’anglais ou le français comme condition d’admission pour les immigrants. Encore à ce sujet, et ce n’est pas très surprenant, ce sont les Québécois qui ont le plus, et de beaucoup, répondus « Préférence pour moins » à la question : « Combien d’efforts devrait-on faire pour accommoder les minorités religieuses au Canada? »

Encore, ils sont les plus modérés quant à juger comme des adultes les « jeunes délinquants qui commettent des crimes violents », les moins d’accord avec l’abolition du registre des armes à feu et plus en accord avec « le droit de mettre fin à leur vie avec l’aide d’un médecin » des « patients en phase terminale ». Du côté politique, ils sont le plus contre le Sénat, les moins d’accord avec des coupures au niveau du financement public des partis politiques et, la différence est extrême, pour que seules les personnes bilingues (anglais et français) puissent être nommées à la Cour suprême.

Pour ce qui est des questions constitutionnelles et du rapport entre le Québec et le Canada, à contrario du Québec, le ROC pense que « Le gouvernement fédéral devrait avoir son mot à dire dans les décisions concernant la culture au Québec », n’est franchement pas favorable à ce que « Le Québec [soit] formellement reconnu en tant que nation dans la Constitution » et, bien sûr, à ce que « Le Québec [devienne] un État indépendant ».

Et, pour terminer, les Québécois sont plus amplement d’accord que « Les travailleurs devraient contribuer davantage à leur régime de pension (RPC/RRQ) pour avoir des pensions plus généreuses », et que les plus riches devraient payer plus d’impôt, idem pour les entreprises.

À la lumière de tout cela, et avec les résultats de la dernière élection fédérale où le Québec a placé le NPD comme opposition officielle, il n’y a pas de doute que le Québec fait cavalier seul et ne se retrouve pas dans cette fédération centralisatrice, qui sera menée par un gouvernement conservateur, ce parti très impopulaire dans la belle province. Est-ce que les Québécois pourront continuer de faire du déni alors que le ROC est farouchement contre le caractère particulier du Québec? La quintessence de cette hypocrisie étant, pour les Canadiens hors Québec, le total refus de reconnaître la nation québécoise alors que le parti qu’ils ont porté au pouvoir se vante de l’avoir reconnu (bien que ce soit en réalité de la poudre aux yeux!).

Dans ces conditions, le statu quo qui prévaut encore en ce moment est une insulte à l’intelligence. Si le Québec était un individu, franchement, comment peut-il se regarder dans le miroir? L’amour-propre, cela veut-il encore dire quelque chose?

(Photo : topsteph53)

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Question de tirer au fusil sur les subventions publiques aux partis…

Durant cette campagne électorale, il y a deux thèmes chers aux conservateurs qui me font tiquer : la promesse de Stephen Harper d’abolir une grande partie du registre des armes à feu et son voeu de couper les subventions publiques aux partis politiques.

Pour ce qui est des armes à feu, il y a quelque chose qui me semble contradictoire. N’est-il pas celui qui donne beaucoup d’importance à la lutte contre la criminalité (à sa manière) en allongeant « les peines minimales pour les crimes graves commis avec des armes à feu »? N’est-il pas celui qui a fait augmenter les dépenses dans les services correctionnels « de près de 80 % »?

Il ne veut pas améliorer le registre, mais bien l’abolir, enfin, « abolir l’obligation d’enregistrer les armes longues, comme les fusils de chasse » (lire : faire plaisir aux chasseurs). Ça dépasse l’entendement quand on ne comprend pas ce que cela signifie entre les lignes. ll y a un lien à faire avec ce satané désir de liberté calqué sur nos voisins du sud, comme quoi l’État ne va pas nous dire quoi faire (je suis d’accord en partie avec ça, mais il y a des limites : posséder une arme n’est pas la même chose que faire ce qu’on veut dans notre chambre à coucher). Pourtant, ça prend un permis pour conduire une voiture et il faut qu’elle soit enregistrée (même que le coût de tout ça n’est jamais remis en question). On parle d’armes, pas de jouets pour les enfants. Et quand on sait que les « corps de police canadiens, dont la SQ et la GRC, sont contre l’abolition », c’est encore plus absurde.

D’un côté, on amplifie la répression alors que le taux de criminalité baisse (au Canada — et aux États-Unis, où « on incarcère cinq fois plus qu’au Canada »). Et de l’autre on veut laisser libre court à la liberté des armes de chasse, celles-là mêmes qui peuvent autant tuer des humains que les autres. C’est là où le bât blesse. Parce qu’en soi, une arme, c’est un condensé de possibilités de meurtres. Le seul fait qu’elle existe crée un danger qu’il faut au moins baliser. C’est la moindre des choses. Et puis, je ne comprends tout simplement pas ce qu’il y a de si excitant pour les chasseurs et agriculteurs dans cette promesse électorale. Est-ce vraiment une si grande insulte à leur intelligence que de leur demander d’inscrire leurs armes dans un registre? À moins que cette obligation ne soit prise comme une injure, l’injure d’être mis dans le même panier que les membres des clubs de tirs…

Pour ce qui est de la question de couper les subventions publiques aux partis politiques, elle est très certainement partisane. C’est bien connu, le parti conservateur n’a pas trop de problèmes, comparativement aux autres partis, à remplir ses coffres. Il ferait ainsi une pierre deux coups! Couper l’herbe sous le pied de ses adversaires et, pour l’avenir, s’installer comme nouveau parti naturel de gouvernance du Canada « (Natural Governing Party) ». Mais, globalement, le plus grave dans tout ça, c’est que ce possible abandon des subventions aux partis ouvre toute grande la porte à une augmentation du pouvoir des plus riches, à une ploutocratie. Déjà que la démocratie comme on la vit est déjà bien malmenée.

Dans le fond, il n’y a rien de plus simple comme calcul. Ce ne sont pas les pauvres ni même la classe moyenne qui ont les moyens d’encourager les partis politiques. Quel que soit le parti qui donnera le plus de bonbons à la classe riche, il obtiendra le plus d’argent. Oublions alors l’idée même d’équité en politique et quelque chose qui ressemblerait un peu à l’équilibre des chances. Encore plus loin, imaginons tous les partis tentant de séduire la classe riche dans le but de simplement survivre. Pour contrer cela, il faudrait un puissant mouvement populaire qui ne semble pas près de poindre à l’horizon.

Certains argueront qu’il est question de liberté individuelle versus de la mainmise de l’État, mais ils oublieront de dire qu’au final cette idée de liberté se monnaye. Dans ce cas, peut-on encore parler de liberté?

 

(Photo : roel1943)

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Le multiculturalisme pour les nuls (et autres considérations)

 

Par Renart Léveillé

 

Le multiculturalisme n’est pas synonyme de tolérance. L’anti-multiculturalisme n’est pas synonyme de racisme ni de xénophobie. Et en discuter ne devrait pas être tabou. Le multiculturalisme représente le message étatique de la politique d’immigration. Le message, en amont et en aval. Autant pour ceux qui accueillent que pour ceux qui sont accueillis.

Pour ce qui nous concerne, c’est la position du Canada, celle du Québec se retrouvant sous le vocable « interculturalisme » (et je n’essayerai pas de faire ressortir dans ce billet les différences entre les deux, et s’il y en a). Bien que l’État québécois ait son « mot à dire » sur l’immigration, les immigrants débarquent officiellement au Canada. Alors, le message multiculturaliste a toujours priorité.

Le multiculturalisme, c’est donner le message aux nouveaux arrivants qu’ils peuvent « conserver leur identité », ce qui, dans un contexte d’intégration, n’est pas très loin de l’absurdité (la citation qui précède provient du site « Citoyenneté et Immigration Canada »). Dans l’optique que l’identité d’une personne est en constante évolution, le message du multiculturalisme est donc de ralentir cette évolution, voire de l’empêcher — comme dans le cas des immigrants qui s’enferment dans des ghettos culturels et qui n’ont aucun lien avec la société d’accueil.

Et internationalement, les critiques se font de plus en plus entendre. Après Nicolas Sarkozy et Angela Markel, c’était au tour de David Cameron de fustiger cette politique :

Avec la doctrine du multiculturalisme d’État, nous avons encouragé les différentes cultures à vivre des vies séparées, séparées les unes des autres et coupées de celle de la majorité. Nous avons échoué en ne proposant pas une vision de la société à laquelle ces communautés auraient pu se sentir appartenir. Nous avons toléré des communautés pratiquant la ségrégation et se comportant de manière totalement opposée à nos valeurs.

 

Et il faut ajouter que ce discours se place dans un contexte autrement plus difficile que le nôtre, où, par exemple, les intégristes sont beaucoup plus proactifs qu’ici. Mais ce n’est pas parce que ça va beaucoup mieux ici qu’en Europe qu’il faut pour autant balayer la question sous le tapis.

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Mais ici, au Québec, le piège du multiculturalisme s’amplifie par la problématique du fait français. Dans ces conditions, il est aisé de faire un lien entre le multiculturalisme et le multilinguisme (synonyme de bilinguisme). On en vient même à se demander si c’est seulement un hasard si l’ancien Premier Ministre du Canada Pierre-Elliot Trudeau, celui qui est derrière la politique du multiculturalisme, a déjà tenu les propos suivants :

Quand tous les Québécois seront bilingues, ils ne verront pas d’objection à passer à l’anglais.

 

Il est clair pour moi que son idée a déjà fait un bon bout de chemin. Les exemples fusent, on ne compte plus les francophones qui préparent le terrain à ce possible changement de paradigme linguistique. Et P.E.T. ne se doutait même pas comment la mondialisation allait l’aider…

Parlant mondialisation et multilinguisme, cet extrait trouvé sur Wikipédia est assez représentatif du contexte actuel :

 

Il existe une politique officielle du multilinguisme dans l’Union Européenne. Cependant, les résultats de cette politique ne sont pas aujourd’hui à la hauteur de l’espérance : livrés à eux-mêmes, les Européens se sont tournés logiquement vers la langue la plus utile, l’anglais […]

Cette attitude, pourtant prévisible, a grandement contribué à faire progresser l’influence de cette langue sur le plan mondial. Ironiquement, le laisser-faire européen a surtout profité aux intérêts commerciaux des États-Unis d’Amérique, en leur permettant d’exporter leurs chansons, leurs films et leurs livres, aux dépens des langues nationales et régionales de l’Europe, mais aussi aux dépens de la richesse du patrimoine culturel européen.

 

Ici, il est bien clair que ce phénomène est beaucoup plus marqué, dans cette américanité du nord hautement anglo-saxonne. Et quand le multiculturalisme se propose « d’aider les immigrants à apprendre une des deux langues officielles », on se retrouve véritablement avec des citoyens qui baragouinent l’anglais lors de leurs rares excursions hors de leurs ghettos. Et bien sûr aussi ceux qui s’intègrent à la minorité anglophone. Une chance que ce n’est pas la totalité, et que ça tend à s’améliorer pour la génération suivante.

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Donc, je ne donne pas ici dans le fatalisme. Mais je me dresse contre ceux qui ne voient pas le piège, ceux qui font de l’aveuglement volontaire. Et je n’écris pas non plus en réaction à de mauvaises expériences personnelles avec des immigrants. C’est plutôt le contraire. La garderie de ma fille est tenue par un couple d’Arabes et tout va très bien. (Par contre, alors que nous magasinions les places de garderies, nous avons remarqué que toutes les garderies disponibles étaient tenues par des gens d’origine arabe. Serait-ce le signe d’une certaine peur de beaucoup de parents de notre région? En tout cas, le lien est facile à faire…)

Et, pour terminer ce billet, je vais me permettre de raconter une anecdote. Elle illustre très bien un exemple d’intégration réussie (en tout cas, pas vraiment dans l’optique du multiculturalisme…).

En revenant de la garderie, en sortant de la voiture, ma fille de deux ans pointe le ciel et dit : manjou nouné! (Elle dit « mangou » pour « manger » et « nouné » pour « lune »). J’ai trouvé ça drôle, mais n’ai pas compris le sens sur le coup. Juste avant de me coucher le soir, j’ai fini par comprendre : comme la lune n’était pas pleine, elle pensait que le bout qu’elle ne voyait pas avait été mangé!

Le lendemain soir, quand je suis allé la chercher à la garderie, j’ai raconté l’anecdote à la dame qui s’en occupe. Elle a rétorqué, avec le sourire :

— Non, non, non! Je ne parle pas aux enfants en arabe! Je ne parle même pas arabe avec mes propres filles, elles ne le parlent pas de toute façon!

(Elle vient d’un pays arabe qui a comme deuxième langue le français et son conjoint non, visiblement, avec son fort accent.)

Encore, pour ce qui est de la religion, si elle est croyante rien ne m’indique qu’elle soit pratiquante. Vous pourrez me lancer autant de tomates que vous le voudrez, mais je dois avouer que c’est la situation idéale. Si ma fille a un rendez-vous avec Dieu, j’aimerais qu’elle le rencontre en toute connaissance de cause… Et je ne veux personne pour lui apporter l’existence de Dieu comme une vérité toute faite, ce qui est bien sûr le modus operandi de la perpétuation du religieux.

Et c’est ici que ça se termine, enfin, pour l’instant.

 

(Photo : appoulsen)

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Le chaos de l’aménagement et les éoliennes

Jean-Pierre Bonhomme

Image Flickr par Mr.freak

Cette semaine deux compagnies privées ont annoncé leur intention de construire des éoliennes dans la Plaine de Montréal, près des villages et sans la permission des conseils municipaux.

Il ne s’agit pas d’une affaire dont la gravité équivaut à celle de la guerre en Lybie. Elle ne concerne, au total, qu’une douzaine ou deux de ces grands moulins à vent. Alors pourquoi des villageois descendent-ils dans la rue pour protester?

L’affaire est symptomatique car elle montre jusqu’à quel point l’État, au Québec, fait fi de l’intérêt public et démissionne devant les intérêts privés.

Il faut rappeler que, dans les pays les plus évolués, les services publics sont justement cela…publics. C’est le cas pour la poste, le gaz, et l’électricité, notamment… sans parler de l’aménagement territorial.

Or l’établissement de systèmes de production de l’électricité par le moyen du vent, est un service public. Dans le cas présent, la protestation des deux villages situés non loin de Montréal, fait ressortir l’absence de structures d’aménagement au lieu souverain en la matière, soit le gouvernement du Québec.  L’État,  maintenant, permet à des intérêts privés de harnacher les puissances naturelles pour le profit de particuliers pas toujours connus et de disposer les systèmes n’importe où au gré du vent et des prébendes fournies à des maires complaisants.

L’absence d’un ministère de l’aménagement, au Québec, est coupable. La petite affaire de cette semaine l’illustre abondamment; selon votre serviteur cela suffirait à renverser un gouvernement.

S’il y avait une structure de l’aménagement territorial, au Québec, le gouvernement, directement ou par le moyen d’Hydro-Québec, aurait déterminé des lieux où implanter des éoliennes. Il aurait circonscrit des parcs publics où les éoliennes pourraient être construites. Après quoi des intérêts privés auraient pu être mis à contribution, mais sous la gouverne de l’intérêt public.

Actuellement la ruine environnementale de certains villages de la région de la Gaspésie est un fait établi. Qui voudra monter sa tente sous le ronron d’une gigantesque éolienne ou admirer un clocher ayant pour fond de scène une usine électrique aux pales géantes? Où est-il parti le charme gaspésien?

La controverse de cette semaine montre que la gangrène s’étend jusqu’à Montréal. Rappelons que la production de l’électricité par le vent, au Québec, est une infime proportion – et sera toujours une infime proportion – de l’électricité produite par la force de l’eau. Le scandale, en l’instance, c’est que l’État risque de ruiner la vie – et les paysages – de citoyens établis en douceur dans des cadres naturels en permettant à des entrepreneurs de faire des profits avec un service public dont la nécessité est pour le moins….douteuse. Qui pis est, l’État se met la corde au cou en fixant à l’avance le prix ce cette électricité «écologique».

Les principes, dans cette affaire sont les mêmes que ceux relatifs au domaine des gaz dits de schistes. Le gaz, comme l’électricité hydraulique, est un service public. Il doit relever de l’État. Et le forage doit n’être permis que dans des lieux fixés à l’avance par l’État; le forage doit être exclu des périmètres municipaux; il doit se faire hors de la vue des citoyens.

Mais où est-il donc parti l’État? Il est parti dans les copinages libéraux et conservateurs et l’opposition fait attendre désespérément que sa pensée soit formée sur le sujet.

Je fais remarquer ici que les hommes politiques, à Québec, qui passent à côté de cette question de l’aménagement territorial d’État, passent à côté de la politique et que s’ils n’ont pas de pensée à cet égard ils n’ont pas d’affaire dans l’Assemblée nationale.

Je viens de relire l’ouvrage fétiche de Ian McHarg sur le design territorial. Il me convainc davantage, si cela est possible que notre société doit composer AVEC ses paysages, pas s’y opposer ou les détruire.

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Le syndrome du larbin et la révolution islandaise

Par Renart Léveillé

Deux trucs inédits pour moi voilà quelques heures encore, et que je me dois d’imprimer ici. À défaut d’être journaliste, et donc seulement blogueur (et d’aimer adorablement ce passe-temps ingrat), je peux au moins faire ça…

Le syndrome du larbin

Définition sommaire :


Chez un individu, le syndrome du larbin est un comportement pathologique visant à prendre systématiquement la défense des classes les plus favorisées au détriment de celles dont il est issu. Ce syndrome diminue les capacités d’analyse du larbin et se traduit par un blocage psychologique l’incitant à agir préférentiellement contre ses propres intérêts au profit de ceux qui l’exploitent.

Ne vous lancez pas sur votre téléphone pour conseiller à votre beau-frère un bon psychologue, c’est plus humoristique que sérieux, même s’il semble exister de véritables cas de ce syndrome. Il ne manque qu’un scientifique pour s’y pencher, mais je doute fort qu’il reçoive des subventions privées ou gouvernementales, alors c’est déjà mort dans l’oeuf…

En fait, si c’était vrai, ou plutôt avéré, la presque totalité des gens penchants à droite en serait, étant donné qu’il y a un très petit pourcentage de droitistes très riches. Mais je ne passerai pas trop de temps là-dessus, parce que dans le fond, ce sujet est seulement un clin d’oeil pour introduire le prochain.

La révolution islandaise

Visiblement, la population islandaise aurait un taux de syndrome du larbin assez bas si on regarde ce qui s’y passe depuis 2008.

C’est vraiment une histoire incroyable et pourtant, il n’y a vraiment pas eu beaucoup d’écho depuis ce qu’on a appelé « la révolution des casseroles », que relatait Le Figaro le 4 février 2009 :

Le tintamarre des casseroles et des poêles à frire, chaque samedi devant le Parlement, a fini par avoir raison du premier ministre islandais […] Geir Haarde, chef d’un Parti conservateur qui dominait la scène islandaise depuis l’indépendance du pays en 1944 […] Mais la «révolution des casseroles», comme on l’appelle à Reykjavik, n’est pas terminée : ce samedi, pour la 17e fois depuis le début de la crise [financière] en octobre, ils étaient encore plusieurs centaines à crier leur colère. «Rendez-nous notre argent !», proclament des pancartes. «On veut de nouvelles têtes dans les banques et au gouvernement » […]

Une coalition de partis de gauche ainsi qu’une première femme au poste de premier ministre, Jóhanna Sigurðardóttir, ont été portées au pouvoir, mais assez rapidement, le peuple a pris les choses en main en refusant par référendum à 93% le remboursement de la dette et en élisant une Assemblée citoyenne chargée de rédiger une nouvelle constitution (« Parmi les propositions qui reviennent le plus souvent, on peut noter la séparation de l’Église et de l’État, la nationalisation de l’ensemble des ressources naturelles et une séparation claire des pouvoirs exécutif et législatif. »). Leurs travaux commenceront en février pour se terminer à la fin du printemps.

Le reste de l’Histoire est à écrire.

*

Avouez que c’est assez inspirant! C’est quelques crans au-dessus d’une pétition demandant la démission de notre premier ministre John James Charest, quand même… (Ce n’est surtout pas pour dénigrer la chose, si seulement c’est le début de quelque chose de plus vaste, espérons-le!)

Voilà la preuve qu’il y a plus grand et plus profond que la démocratie comme on la voit théoriquement. Les supposés chiens de garde de cette démocratie molle sont apathiques, il n’en tient qu’à moi, qu’à vous, citoyens, d’y fouetter les sangs!

Voilà mon humble contribution. Ne vous gênez surtout pas pour faire suivre.

*

(Merci à Eric Bondo de m’avoir pointé ces sujets.)

 

(Peinture : Pierre Marcel, « Bringing democraty », Acrylique sur toile, 150 x 150 cm, France 2001.)

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