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La défense du français comme catégorie de racisme

Par Renart Léveillé

Le sujet de la défense du français est clairement un sujet glissant. Parce que dans la défense, il faut absolument prendre parti, avoir un parti-pris, et ainsi en quelque sorte délaisser. Mais est-ce que ce délaissement, cet abandon est pour autant un aveu de « détestation »?

C’est ce que semblent penser beaucoup de gens, dont l’attaché politique Pierre Morin, très présent sur Twitter, déclarant que le Parti Québécois (dont on connaît son implication pour la défense du français) « fait de la détestation des anglos un dogme ».

De l’accusation de détestation à l’accusation de racisme, il n’y a qu’un pas. Et il a presque franchit ce pas dans la mesure où il a fait un rapprochement pas même subtil entre le PQ et le Front national (parti à l’aura raciste, s’il faut le préciser). À mon avis, nous ne sommes pas loin de ce que j’ai appelé dernièrement la « godwinisation des débats », « l’aveuglement volontaire », « la lecture assistée par la mauvaise foi ». S’il faut que je le décrive aujourd’hui autrement, j’irais avec cette formule : la triste pratique de l’« extrémisation » des positions de l’adversaire.

Mais le plus bel exemple de ce glissement, c’est une discussion que j’ai eu sur Twitter à la suite du passage des deux natifs montréalais unilingues anglophones d’Epic Meal Time à TLMEP, que j’ai vertement critiqué dans mon billet « Epic Fail Time ». En réaction aux réactions très négatives des gens sur le fil #TLMEP face à ces unilingues anglos, une « Franco-Ontarienne contre l’indépendance du Québec! » a essayé de me convaincre que c’était du racisme :

ceux qui se pensent supérieurs aux anglais (dont une majorité de Québécois) sont racistes

Ce à quoi j’ai rétorqué, pour pointer le ridicule de la chose :

À ce compte-là, est raciste quiconque est en désaccord avec un autre.

La discussion a durée assez longtemps, mais, entre autres, pour tenter de gagner son point, elle m’a référé à une partie de la définition du racisme selon l’Office Québécois de la langue française (ce qui est assez ironique, puisque, en arrivant sur la page d’accueil du site, à la Une il y a un article s’intitulant « Faire du français « la langue prioritaire »). Finalement, après quelques recherches, je me suis rendu compte que la partie qu’elle me copiait-collait (visiblement de ses notes de cours) ne se retrouve plus dans la définition du grand dictionnaire terminologique de l’OQLF (?), mais seulement sur le site du Mouvement estrien pour le français, sur une page qui date de 2001 :

on qualifie de raciste toute personne qui ne croit pas à l’égalité en droit des êtres humains

Il serait intéressant de savoir pourquoi cela ne se retrouve plus dans le dictionnaire terminologique. Cela serait-il donc sujet à caution? À la place, on pointe une remise en question du concept même de « race humaine », ce qui dirige un peu, il faut l’avouer, les suppositions. (Màj : finalement, le passage en question se retrouve dans la section « Note(s) » à la suite de la définition du terme « hégémoniste ».) Quand même, il faut vraiment faire une extrême contorsion mentale pour réussir à faire un lien entre cette définition et la critique contre l’unilinguisme anglophone au Québec, ce qui n’est vraiment pas une critique générale contre les anglophones, et il faut vraiment que je le spécifie pour ceux qui n’auront pas encore compris. Si je voulais me faire un peu d’argent, je parierais que je vais encore me faire dire en commentaire que je suis anti-anglophone…

Je ne dis pas, s’il était question de faire la promotion du retrait du droit de vote des anglophones (ce qui serait bien sûr une absurdité), mais là, il est seulement question de donner son opinion, de ne pas être d’accord avec un état de fait. Est-ce que la notion de « l’égalité en droit des êtres humains » empêcherait toute possibilité de critique, même très négative, envers les Québécois anglophones qui ne parlent ni ne comprennent le français? Non. Parce que la notion de « l’égalité en droit des êtres humains » concerne seulement la discrimination, ce que la critique n’est pas, étant assujettie à la liberté d’expression. De toute façon, les francophones n’ont pas besoin d’ostraciser les unilingues anglophones, ils le font très bien par eux-mêmes dans un sens.

Et, bien sûr, je ne joue pas à l’autruche en niant qu’il existe des gens que l’on peut réellement traiter de « racistes» envers les anglophones. Je sais très bien qu’ils existent, et je ne me gênerai jamais pour les dénoncer. Mais il faut savoir de quoi on parle. Et de ne pas mélanger les cartes. Par exemple, qu’on soit d’accord ou non avec l’idée d’étendre les dispositions de la loi 101 aux cégeps, cette idée n’est pas du racisme dans le sens linguistique.

En fait, la sauvegarde du français ne prend pas du tout sa source du racisme, d’un rejet de l’autre. Mais c’est bien pratique d’essayer de le faire croire pour ceux qui sont contre l’idée d’être proactif dans ce sens. Ça me surprend toujours de le constater, parce que la défense du fait français est un projet positif. C’est ce qui devrait tous nous lier. C’est ce que nous devrions tous défendre jalousement pour espérer durer dans ce monde carré qui tend à nous avaler tout rond.

L’anglais comme langue mondiale commune est une bonne chose. Mais comme toute bonne chose, il y a de mauvais côtés. Est-ce que de les pointer est pour autant raciste?

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La France de gauche cocue ?

C’est la foire d’empoigne au Parti Socialiste. À la mort du Grand Charle, on avait dit que la France était veuve.  Les frasques des tout petits héritiers de Jaurès nous sortent de la tragédie pour nous conduire au vaudeville: si le PS meurt, la France de gauche est cocue…

Pour bien comprendre le résultat prévisible de ce match nul entre Royal et Aubry, il va falloir faire un retour sur des constats d’un simplisme choquant, mais il y a des moments où la gratification intellectuelle de la complexité coûte trop cher et où il vaut mieux être aussi simple que le plus simple de ceux qui auront à se prononcer sur l’avenir de la nation.  Comprendre ce qui arrive exige un regard innocent.

D’abord, comprendre qu’il y a toujours en France quatre (4) espaces politiques dans chacun desquels  peuvent  coexister une foule de partis, de tendance et de sensibilités qui s’entredéchirent avec  délectation, mais dont on peut raisonnablement prévoir qu’ils se réuniront au moment de vérité.

Ainsi, y a en France une Gauche qui veut plus d’égalité et de concertation face à une Droite qui veut plus d’initiative et de discipline. On notera que ces buts ne sont pas vraiment contradictoires ; affaire de priorité, plutôt… Quelques âmes inconstantes, frustrées par les événements ou séduites par le discours des politiciens, passent de gauche à droite ou vice-versa et font virevolter les maroquins, mais c’est sans grande importance.

Mais il y a aussi les extrêmes.L’extrême-gauche pour ceux qui sont prêts à des changement institutionnels majeurs afin obtenir plus d’égalité … et l’extrême-droite qui réunit de temps en temps ceux qui seraient prêts à tout oublier des institutions pour que les problèmes se règlent au mieux et au plus vite.

Mêlez les objectifs de ces quatre (4) groupes, pondérez par la force dont disposent leurs supporters – dont le nombre n’est que l’élément le plus visible – donnez une prime à l’inertie quand tout baigne, à l’impatience quand rien ne va plus et vous trouverez la recette de la gouvernance idéale à laquelle Quidam Lambda espère que le processus démocratique lui permettra d’accéder.

Il l’espère, mais conscient en France, plus que dans les pays anglo-saxons, que ce n’est pas toujours un processus démocratique qui le permet.    Contrairement aux USA – où un coup d’État ne se ferait qu’en invoquant le démocratie ! –  on peut très bien concevoir que les Français  puissent souhaiter ouvertement, au moins pour un temps, autre chose que la démocratie.

Au débat assez inoffensif entre la gauche et la droite institutionnelles qui est l’ordinaire de la politique française, se surimpose donc parfois un autre débat, plus dur, entre ceux pour qui les institutions sont une fin et ceux – les « extremistes » – pour qui elles ne sont qu’un moyen.  Des temps en temps, ce débat prend plus d’importance.  

Il y a 50 ans qu’on n’a pas vraiment remis en question les institutions. Depuis la chute de l’URSS, le communisme ne joue plus du tout son rôle d’extrême-gauche crédible. Le FN n’a jamais atteint 20% de soutien populaire et personne n’a jamais craint sérieusement qu’il prenne le pouvoir par la force.  Les extrêmes sont en dormance. 

Ils sont entrés en sommeil profond l’an dernier, quand l’UMP a raqvi la moitié de la cliente lepéniste et que ce qui était à gauche du PS est devenu si marginal qu’il n’y avait plus à y porter attention. Dans ce contexte où tout gravitait vers le centre et loin des extrêmes, s’est développé un Centre qui, au lieu de voir sa vocation comme un arbitrage éventuel entre la Gauche et la Droite pour déterminer une direction de gouvernance, s’est identifié comme une option permanente. 

Ce Centre s’est trouvé un porte-parole en Bayrou et a fait l’impasse sur le clivage idéologique Gauche-Droite, posant implicitement pour axiome qu’il existait désormais un consensus social sur ce que l’on attend de l’État.   Le débat politique devait donc porter sur les moyens a prendre pour atteindre ces buts désormais incontestés…  et sur la compétence et la personnalité de ceux à qui l’on confierait le gouvernail.  Une vision politique toute à l’américaine.

Dans le contexte de 2007, Bayrou aurait pu accéder à la présidence. Segolène ne voulant pour rien au monde y renoncer, toutefois, elle s’est niée au sacrifice qui aurait pu stopper  Sarkozy.  Elle a ensuite habilement manœuvré le PS pour l’amener non vers Bayrou, mais vers l’espace qu’occupait Bayrou. Un espace qu’elle aurait pu occuper et qu’elle se croyait encore capable  d’occuper en utilisant les ressources du PS pour reléguer ce dernier au rôle de gentil précurseur…    Le pouvoir semblait là.

Le PS de Ségolène, sans le dire, deviendrait un parti du centre et la France de gauche serait cocue

Mais c’était en 2007…   En 2008, avec la crise, ceux qui réfléchissent comprennent que l’heure du Centre a passé. Il y aura une radicalisation, une renaissance des idéologies et la France choisira de changer ses institutions.  Démocratiquement… ou autrement.

La moitié du PS a dit non à la marche vers le Centre et n’en démordra pas ; ceux avec Segolène qui veulent prendre cette voie ne changeront cependant pas non plus d’avis. Plus ou moins formellement, le PS va donc se scinder en deux clans.

La moitié du PS avec Ségolène se joindra au Modem ou se l’adjoindra, créant une alternative de centre-gauche  qui visera à prendre démocratiquement le pouvoir des mains de Sarkozy en 2012. Simultanément, l’autre moitié du PS rejoindra Besancenot et Mélenchon, constituant à gauche une force significative.

Cette force ne pourrait gagner des élections que si la crise se traduisait par un déplacement énorme de l’opinion publique vers la gauche.  Bien avant que ce seuil ne soit atteint, cependant, elle peut devenir le lieu de ralliement de ceux qui veulent des changements institutionnels profonds.   Si ce ralliement de ceux qu’on peut appeler les « extrémistes »  a lieu, ce n’est peut-être pas la France de gauche qui aura été cocue…

 Pierre JC Allard

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