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Des tests d’urine pour recevoir son chèque de B.S.?

 

NDLR: ARTICLE PUBLIÉ LE 22 JUILLET 2010.

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J’ai reçu ce « témoignage » par courriel la semaine dernière :

LETTRE D’UN TRAVAILLEUR

Cette lettre a été écrite par un travailleur de la construction à Fort MacMurray.

Très bon sujet.

Je travaille, je suis payé.

Je paie mes impôts et le gouvernement distribue mes impôts comme il se doit.

Afin de gagner mon chèque de paie, je travaille sur une plateforme flottante pour le projet de Fort MacMurray Construction.

Je suis tenu de passer un test d’urine, sans avertissement soit au hasard, avec lequel je n’ai aucun problème.

La chose avec laquelle j’ai un problème est la distribution de mes impôts aux gens qui n’ont pas à passer de test d’urine.

Ces gens ne devraient-ils pas avoir à passer un test d’urine pour avoir leur chèque de bien-être parce que moi je dois en passer un pour le gagner pour eux.

Veuillez comprendre que je n’ai aucun problème à aider les gens qui sont dans le besoin à se prendre en main.

Par contre, j’ai un problème à aider quelqu’un assis sur son cul – buvant de la bière et fumant de la dope.

Pouvez-vous imaginer combien d’argent les Provinces sauveraient si les personnes qui reçoivent de l’aide gouvernementale devaient elles aussi, passer un test d’urine ?

S’il vous plaît,  faites circuler ce courriel si vous êtes d’accord ou supprimez-le si vous n’êtes pas d’accord.

J’espère que vous le ferez circuler, parce que les choses doivent changer dans ce pays et ça presse !!!!

Un travailleur tanné de travailler pour faire vivre les autres qui ne font rien !!!

Ça me fait beaucoup penser à une petite réflexion que j’ai élaborée dans un court billet, nommé : « Être à la remorque de sa vie ». Qui va comme suit :

Être à la remorque de sa vie, c’est se construire en réaction. C’est réagir en animal blessé, c’est se bâtir une armure avec nos blessures, petites ou grandes, tout en pensant utiliser du solide.

C’est regarder les événements fâcheux, qui sont souvent seulement des petites broutilles que l’on a le choix de considérer sérieusement ou non, et en faire des preuves, des arguments de notre colère dirigée.

Je ne peux pas écrire que j’en suis totalement vierge, mais je tends, ouvertement, à fuir ce réflexe. C’est un filtre sur la conscience au monde, un empêcheur de tourner autour des problématiques pour en extraire le plus large possible.

C’est le contraire d’être ouvert au point de vue des autres, même si cela ne veut pas dire d’accepter tout facilement.

Quelque chose comme tenir en équilibre.

Ce travailleur croit avoir trouvé par son exemple du test d’urine un argument solide, mais il ne fait qu’éclabousser son propre mal-être. S’il était heureux dans son travail et dans sa vie, il ne sentirait pas le besoin de jalouser le peu de bonheur que sont capables de se payer les « B.S. » avec sa mince contribution à l’impôt, parce qu’en fait le pourcentage de son impôt qui sert à ça, c’est tellement pas grand chose! (Pour s’étourdir, il devrait plutôt calculer le pourcentage qui va à l’armée et considérer combien sont d’accord avec ça!) Et en plus, si ça se trouve, c’est seulement une mince minorité des « B.S. » qui boivent et se droguent. Et même si c’était la majorité! Si j’en suis réduit un jour à attendre un chèque du gouvernement pour survivre, je n’ai même pas de doute que l’alcool et la drogue seront un baume sur ma peine… Toute autre réaction serait héroïque, et les héros ne vivent pas de l’aide sociale!

Pouvez-vous imaginer combien d’argent les Provinces sauveraient si les personnes qui reçoivent de l’aide gouvernementale devaient elles aussi, passer un test d’urine ?

C’est drôle, mais moi je m’imagine plus le nombre de personnes de plus à la rue et l’augmentation de la criminalité qui irait avec. Puisque ce n’est pas parce qu’un « génie » a trouvé une manière de faire économiser « les Provinces » que ces gens-là vont arrêter du jour au lendemain de faire tout en leur pouvoir pour survivre! Et quand tu es en mode « survie », dans la rue ou sur le « B.S. », c’est bien difficile de penser plus loin que son nez! C’est bien beau le concept de « se prendre en main », mais c’est tellement facile de se prendre pour un génie de l’analyse sociale quand tu vis dans le luxe, bien que tu travailles fort fort fort pour te le payer! Et ce génie-là sera le premier à chialer — après que son idée se soit retrouvée récupérée par le Parti Conservateur ou un autre avec une vue tout aussi basse — qu’il y a trop de quêteux dans les rues quand il sera en vacances de sa plateforme…

Et il reste les autres, ceux qui n’ont pas le choix, pour plusieurs raisons : est-ce qu’eux aussi passeraient le test d’urine? Une autre question : combien ça coûterait faire ces tests?

C’est bien ça qui m’énerve avec ce raisonnement : ça semble se tenir au premier abord (et je suis généreux!), mais ça s’écroule aussitôt qu’on en fait le tour. Parlez-moi de créativité pour aider ces gens à se sortir de ce cercle vicieux, parlez-moi de tout sauf de profiteurs, parce que pour trouver des profiteurs, c’est beaucoup plus facile en pointant n’importe où ailleurs! Parlez-moi d’améliorer la société pour amoindrir la possibilité que des gens préfèrent se laisser mourir plutôt que de participer. Parlez-moi intelligemment, et de grâce, débarrassez-vous de vos frustrations avant de vouloir refaire le monde!

 

(Photo : Monyart)

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Un système gangréné, du pain et des jeux…

Quand les dignitaires romains offraient au peuple les spectacles de l’arène, ils faisaient étalage de leur puissance et de leur richesse. Ils s’assuraient aussi une certaine paix sociale, en maintenant la plèbe hors du jeu politique. Juvénal résuma ce que le peuple de Rome demandait à ses dirigeants en deux mots: Du pain et des jeux (Panem et circensens).

2000 ans plus tard si le sanguinaire a laissé place au spectacle cette volonté de faire passer provisoirement un évènement sportif en premier plan de manière à occulter une certaine réalité reste la même. Les combattants de l’époque, ont laissé la place aux sportifs de haut niveau. Ballons ronds et maintenant ovales remplacent glaives et tridents

Offrir au peuple des divertissements fait toujours parti de la vie publique, la notion de propagande reste la même[…]

Du pain et des jeux

Comme en parlait notre collègue Pierre JC Allard dans son billet «Les hommes de confiance», le monde ordinaire souffre de ne plus faire confiance à personne. Je dirais même plus, le monde ordinaire se sent trahis par tout le système et ses représentants. Il n’y a plus de modèles, seulement des exemples d’échecsToute notre démocratie apparait comme un leurre, une entreprise de manipulation médiatique et de corruption pour garantir, sous couvert de choix vides de sens,  la pérennité de la dictature d’une certaine élite cooptée qui exploite tous ceux qui n’en sont pas.

Nous sommes entrés dans l’ère de l’éthique il y a quelque temps, ayant pour résultat de faire prendre conscience à la masse que la corruption a été érigée en système et que les repères du passé n’existent plus. C’est le moment de vérité. Nous sommes entourés de scandales. Il n’y a qu’à regarder ce qui tient les Québécois occupés de ces temps-ci: l’affaire Bastarache,  les gaz schistes, le refus de John James Charest d’ouvrir des enquêtes indépendantes publiques pour faire la lumière sur les contrats mafieux de la construction et sur les pertes faramineuses de la Caisse de dépôts et de placement.

La grogne et la frustration sont à leur paroxysme dans la population. Pour s’assurer une paix sociale et éviter la révolte générale, la classe dirigeante doit fournir du pain et des jeux, comme à l’époque de Rome. On n’a certainement pas réinventé la roue, ni les principes de la propagande. Le sport professionnel et le divertissement constituent la soupape de sécurité pour éviter que la population explose de rage.

Divertissement: 2. Au fig., littér. Élément qui détourne des choses sérieuses. Synon. mod. diversion. Spéc. [P. réf. à la conception pascalienne du divertissement] Occupation, ensemble de données qui détourne l’Homme de l’essentiel et l’éloigne des problèmes propres à sa condition. (Source)

À voir ce dont les médias et les Québécois parlent présentement, il semble qu’une des grandes préoccupations de l’heure ne soit pas la politique et la gangrène qui désagrège rapidement le Système, mais bien le sort des Canadiens de Montréal et de Carey Price! On dirait qu’une bonne frange de la population opère tranquillement un transfert psychologique de leur malaise vers le sport en en faisant une question démesurément importante. Les gens ont besoin de trouver des héros pour combler leur sentiment (injustifié) d’impuissance. Le peuple cherche une soupape pour relâcher un peu de frustration sous pression, mais comble du malheur, ils sont même privés de leur pain et leurs jeux.

Les héros n’existent plus au niveau politique ni judiciaire. Alors on se tourne vers le sport professionnel. Et comme le hockey est la religion du Québec, c’est de là que plusieurs cherchent le sauveur qui incarne ce qui reste des valeurs que le peuple chérit. Jaroslav Halak avait transporté les foules lors de la dernière série de la Coupe Stanley, incarnant le succès face à l’adversité. Le nouveau héros était trouvé. Mais dans la froideur d’un geste incompréhensible de l’organisation des Canadiens qu’on justifie comme étant un choix d’affaire dû au plafond salarial de la LNH, Halak fut échangé, venant ainsi frustrer une grande quantité de fans de hockey. Une grande indélicatesse de la part des dirigeants des Canadiens qui semblent souvent oublier que bien qu’ils sont les propriétaires du club de hockey, c’est les gens qui leur permettent de vivre. Encore une fois, on fait fi de la volonté du peuple. La soupape ne fonctionne plus et on s’en prend à Carey Price, le pauvre! La grande maladresse des Canadiens a été de ne pas reconnaitre qu’on ne peut pas ne pas tenir compte de ce que les gens ont dans le coeur. C’est le même problème avec la classe dirigeante au Québec qui ignore complètement ceux qui détiennent le pouvoir, mais qui l’ont oublié: le Peuple.

Ce n’est pas dans mes habitudes de parler de sport, mais je pense réellement qu’il y a beaucoup plus dans l’air qu’un simple mécontentement des partisans et de la population face à un gardien de but. Il n’est plus possible de se détourner des choses sérieuses et essentielles! Si seulement on pouvait canaliser cette énergie pour effectuer un grand ménage au Québec, mettre au chômage tous les politiciens véreux et corrompus, remettre à leur place le secteur privé et financier qui a opéré un coup d’État silencieux et contrôle la nation québécoise. Au lieu de chercher des héros dans le monde du sport, il serait opportun de remettre nos valeurs en place, de retrouver le sens de la vie et de réaliser que les héros, c’est tous et chacun. Le pouvoir, c’est le Peuple. Si on ne le représente plus, si on le trompe, le trahis, le vole et le ridiculise, et bien que ce peuple se défende. Que notre rage soit dirigée vers l’essentiel, l’important et que le sport redevienne une joie momentanée de se réjouir ensemble lorsque tout ira mieux dans notre nation québécoise.

François Marginean

Image Flickr par Guillaume Boisseau

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