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Grandeurs et misères de la technologie

Par Renart Léveillé

 

Comme ceux qui me lisent, enfin la plupart si je ne m’abuse, l’ère technologique dans laquelle nous nous trouvons m’apparaît tout à fait positive. Elle nourrit beaucoup plus mes espoirs que mon cynisme, bien que le flot d’informations tend à démontrer le contraire. C’est-à-dire qu’elle fait miroiter un futur plus en phase avec le citoyen, bien qu’elle cultive l’impatience de ne pas y être déjà parfaitement et de toujours avoir l’impression qu’il y a pelletage en avant. Tout ce qui touche à la politique en est déjà un bon exemple.

D’un côté, en Islande, les travaux pour reviser la Constitution de ce pays avec l’aide des citoyens via les médias sociaux sont un succès :

en trois mois et demi de travaux, il y a eu plus de 3600 commentaires et 370 suggestions

La démarche doit maintenant faire le test de la réalité parlementaire pour se voir approuvée, modifiée ou rejetée, mais voilà déjà une belle preuve de l’utilité de la technologie. Et en espérant qu’elle fera d’autres petits (« le Maroc a aussi mis en place un site Internet où les citoyens du royaume peuvent discuter de la réforme constitutionnelle en cours »).

Plus près de nous, le gouvernement du Québec a mis en ligne un site de « Consultation publique Web 2.0 » où on peut y soumettre des idées. Au moment où j’écris, 80 idées y ont été soumises et c’est par celle de Nicolas Roberge (concernant nos chères infrastructures), promulgué sur Twitter, que j’ai pu le découvrir. Je suis quand même bien surpris de ne pas en avoir entendu « parler » avant…

Pour ce qui est de l’Islande, il n’y a aucun doute que le processus marquera cette société, si ce n’est pas déjà fait. Pour ce qui est de l’initiative québécoise, j’ai bien peur que ce ne soit que cosmétique, mais l’avenir nous le dira. Parce qu’il faut bien se l’avouer, c’est tout à fait dans l’air du temps de se donner des airs participatifs. Avoir l’air de se soucier de ce que pense le citoyen est bien utile pour adoucir l’air de supériorité d’un gouvernement. Mais au final, si la valeur de cette consultation ne fait qu’égaler les échanges banals de n’importe qui sur Twitter, Google + et Facebook, cela ne fera qu’engraisser le cynisme déjà balourd à souhait. Cela ne sera que de l’air. Aussi inutile que le phénomène du « air guitar »!

Mais là où la technologie prend des airs de film d’horreur, c’est au niveau « du marquage électronique de l’humain » :

Le congrès des États-Unis d’Amérique vient il y a quelques mois d’adopter une loi (HR 3200) qui permet de pucer l’être humain. Sous prétexte d’un accès au remboursement des soins de santé, par une identification des patients et des informations relatives à la santé, cette loi qui était un projet datant officiellement du 10 Décembre 2004 obligera l’américain moyen à se faire implanter un transpondeur à radiofréquences (qui réagira donc aux ondes radios) sous cutané capable de durer l’équivalent d’une vie.

Pour dire vrai, si c’est sur une base volontaire, je ne suis pas contre l’idée de voir la technologie faire son entrée dans le corps humain. Mais vous lirez l’article d’Agoravox, c’est loin d’être une superbe introduction en la matière… Cependant, au-delà de ça, si notre expérience humaine peut se magnifier par un mariage heureux entre la biologie et la technologie, nous serions bien perdants de le rejeter parce que cela serait « contre nature ». À ce compte-là, depuis que l’humanité est sortie de sa nudité originelle, tous les progrès sont en soi contre nature. Alors pourquoi la peau serait-elle l’ultime barrière du progrès?

Mais il faut le dire, alors que la technologie devient de plus en plus intime, il y a un effet de balancier entre la peur de perdre le caractère privé de sa vie et l’immense joie de se la faciliter. C’est un cliché de dire que l’apparition de la radio en a épouvanté plusieurs, idem pour la télévision… C’est aussi un cliché de dire que nous n’avons pas besoin d’obligation pour embarquer dans le train des nouvelles technologies, puisqu’il y a l’effet d’entraînement pour jouer son rôle consensuel à merveille. Ceux-là diront que les médias sociaux sont une sorte de prison, et les prisonniers en question continueront avec raison leurs danses aériennes malgré leurs chaînes et leurs boulets. Tout ça pour dire que c’est du donnant donnant. Hier contre demain. On délaisse un peu d’un mode de vie pour en apprivoiser un nouveau. Et ainsi de suite.

Avec le progrès, la notion de liberté est en perpétuel changement. L’exemple du « puçage » états-unien est parfait pour jouer le rôle de signal d’alarme. Sinon, il faut creuser plus longtemps pour débusquer les possibles dangers (tous capable de tenir dans l’image du « Big Brother »), et la majorité des gens n’a pas de pelle, encore moins d’énergie pour creuser. Et entre l’alarmisme et l’angélisme, tenir en équilibre est assez étourdissant.

Voilà où nous sommes.

(Photo : lgb06)

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Pourquoi Barack Obama verse-t-il dans la démagogie ?

Jean Gagnon Dossier Actualité économique

Les dirigeants politiques tendent à dire de plus en plus haut et fort que la récession est terminée et que la reprise économique est amorcée. Lundi, jour de la fête du Travail, c’était au tour de Barack Obama de clamer :” Nous avançons dans la bonne direction, nous sommes sur la route de la reprise, ne laissez pas personne vous dire le contraire “.

image Le président semblait encouragé par les statistiques de l’emploi qui avaient été publiées trois jours plus tôt. Bien que le taux de chômage atteint 9,7 %, Barack Obama a trouvé un certain réconfort dans le fait que les pertes d’emploi ont été moins nombreuses que ce que les économistes avaient prévu. Mais il y en a quand même eu 216 000.

Mais cette façon de s’exprimer du président, c’est-à-dire que l’on n’a pas le choix entre le croire et ne pas le croire, me désole, et surtout m’étonne. Elle me désole parce que M. Obama semble faire fi de l’intelligence et du jugement de la population, ce à quoi il ne nous avait habitué jusqu’à ce jour. Et elle m’étonne, car cette affirmation que nous sommes indubitablement sur la voie d’une reprise soutenable peut être vivement contestée.

C’est d’ailleurs justement ce que vient de faire Joseph Stiglitz, récipiendaire du Prix Nobel d’économie en 2001. M. Stiglitz connaît bien le terrain. Il a été conseiller économique du président Clinton, et il a œuvré comme économiste en chef à la Banque mondiale.

Dans un discours prononcé à Reykjavik en Islande, Joseph Stiglitz dit redouter un scénario de reprise économique en W. Ceci veut dire que l’amélioration des conditions qu’indiquent actuellement certaines statistiques économiques ne sera que temporaire et qu’une rechute importante suivra.

L’embellie économique que certains dirigeants distinguent maintenant provient du fait que les entreprises sont à regarnir leurs inventaires qu’elles avaient liquidés mais n’avaient pas remplacer durant toute l’année 2008. Mais lorsque cet exercice sera terminé, et ce moment approche, il craint que l’économie s’en gouffre à nouveau, ce deuxième creux étant aussi sévère que le premier.

Joseph Stiglitz n’affirme pas, comme le président Obama, que sa prévision est infaillible. Mais il pense qu’il est probable que les nombreux risques pesant toujours sur le secteur financier et le secteur immobilier rattraperont à nouveau l’économie dès que la reconstruction des inventaires sera achevée.

Warren Buffet aussi s’inquiète

Lorsque les marchés bousiers se sont écroulés durant l’automne 2008, Warren Buffet n’a pas hésité à investir les liquidités de sa société de gestion Berkshire Hathaway. Mais l’oracle d’Omaha, comme le surnomment ses admirateurs, semble maintenant plus inquiet, lui aussi. Il expliquait en début de semaine lors d’une entrevue au New York Times que sa société de gestion achetait maintenant moins d’actions et investissait plutôt dans des obligations de gouvernements et de sociétés. Cette attitude prudente vient du fait qu’il affirme que les problèmes que connaît l’économie demeurent profonds.

Tous ne partagent donc pas l’optimisme du président. Le taux de popularité de Barack Obama est passé de 69 % à 51 % récemment. Est-ce la raison pour laquelle il adopte le ton « crois ou meurs » ?

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La faillite des nations

Adam Smith avec sa Richesse des Nations peut se rhabiller.

Les dernières semaines ont remises en question ce que nous consacrions il n’y pas si longtemps comme des vérités économiques inaltérables : le concept d’un État minimal, de l’infaillibilité du marché et du libre-échange global. Au gré des déchéances actuelles du crédit bancaire, de la crise du subprime et des désastreuses chutes boursières, ces soi-disant sacro-saints paradigmes mordent la poussière.

Dans les deux dernières semaines, ce fut à Wall Street de subir un « Krach au ralenti » encore pire que celui de 1929 et vendredi dernier c’était au tour des bourses européennes et asiatiques de connaître une séance parmi les plus sombres de leurs histoires.

Et pour la première fois depuis le début de cette tourmente économique, une nation occidentale est au bord de la faillite.

L’Islande, un pays considéré comme un modèle de réussite économique depuis quelques années, est sur le point de déclarer banqueroute!

Dès les années 90 ce pays a procédé à une déréglementation massive de l’économie et à une privatisation des services publics s’étant résulté par une poussée temporaire de la croissance économique de l’Ile. Par ailleurs, le secteur financier islandais devint au cours des années le principal pilier de l’économie islandaise. En fait, la valeur de son système financier équivalait à huit fois le PIB national en 2007!

Alors comment expliquer cette déroute économique nationale?

C’est bien simple. Le gouvernement islandais s’est rabattu sur le libre-échange, le commerce financier international, la déréglementation touts azimuts et la vente de ses leviers économiques que constituaient les sociétés d’État tout en négligeant le développement de son infrastructure économique interne.

Pourtant, cette nation avait tout pour réussir, malgré son isolement relatif, dont un secteur industriel présent en énergie, en recherche biomédicale, en tourisme et en pharmaceutique contribuant à près du tiers de son PIB.

Il ne suffisait qu’une crise financière internationale pour acculer les banques islandaises et par ricochet l’ensemble de l’économie du pays au bord du gouffre. En fait, on a mit tous les œufs dans le même panier sans se soucier de diversifier davantage les activités économiques.

Les politiques néolibérales ont affaibli la santé économique de l’Islande, mais désormais l’État se doit de revenir sur ses positions en nationalisant la Landsbanki, la deuxième banque du pays, et il devra sans doute réévaluer la totalité de son idéologie non-interventionniste.

Quel sera la prochaine nation à tomber? Vous vous en doutez.

Plus globalement, l’échec des théories fumeuses des génies néolibéraux se confirme avec les investissements d’urgence à coups de centaines de milliards des diverses banques centrales occidentales afin de maintenir à flot le système bancaire international et surtout avec les intentions du secrétaire au trésor américain Henry Paulson de porter le gouvernement fédéral acquéreur d’une portion des actions bancaires! Autrement dit, une socialisation partielle!

Les temps changent en Occident. La situation impose une intervention accrue des pouvoirs publics dans l’économie et une remise en question des préceptes dogmatiques du libéralisme économique. Les nombreuses délocalisations d’entreprises, les fermetures d’usines, le dépérissement entier de franches économiques autrefois prospères au nom du libre-échangisme international soulèvent aussi des interrogations.

Face à la dépression économique appréhendée, les nations s’éveilleront à la nouvelle donne économique et s’inspiront dans l’avenir d’une philosophie économique plus socialisante devant l’écroulement du capitalisme sauvage et le dépérissement de l’économie.

Les affairistes ont maintenant raté leur coup depuis leur prise du pouvoir dans les années 80 et nous devrions bientôt assister à un retour de balancier salutaire en faveur du bien collectif.

Jimmy St-Gelais
http://pourquedemainsoit.wordpress.com/

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