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Maire Jean Tremblay : quand la religion est une sangsue

Par Renart Léveillé

Quand le maire d’une ville fait tout pour donner l’impression qu’il fait passer sa religiosité devant ses responsabilités d’élu, il est une bonne chose de le ramener à l’ordre. Et c’est ce que le Tribunal des droits de la personne a fait en ordonnant « à la ville de Saguenay de retirer le crucifix de son hôtel de ville en plus d’interdire la tenue de la prière avant le Conseil municipal ».

Selon Mathieu Bock-Côté, « ce n’est pas aux juges de décider à la place de nos élus de la bonne manière de trancher cette question ». Le sociologue qualifie de « despotisme éclairé » le travail des juges et pourtant il est clair qu’à ce jeu, le despotisme politico-religieux du maire Jean Tremblay ne gagnerait même pas le qualificatif « éclairé ». Et, je me serais attendu à une analyse un peu plus « éclairée » de la part du doctorant… Mais bon, avec des prémisses comme les siennes, aussi teintées du conservatisme, il fallait bien s’attendre à une architecture idéationnelle de la sorte qui actualise, comme par gêne, une volonté de soutenir, coûte que coûte, la tradition.

Encore plus, je crois qu’il faudrait faire ressortir à l’attention de Bock-Côté que les électeurs de la ville de Saguenay ont élu un homme politique et non un homme de foi, même si pour certains électeurs, être religieux est une qualité appréciable, j’en conviens (comme des électeurs votent pour un politicien parce qu’ils le trouvent agréable à regarder — et ça tombe plutôt bien, Jean Tremblay a une bien belle et bonne bouille télévisuelle, photogénique). Mais, revenons à nos moutons (!), faudrait-il laisser le fin mot de l’histoire à un élu qui mélange les choses à ce point? Au moins, un juge n’appuie pas son jugement sur ses propres élucubrations, mais bien sur des textes de loi! (Mais que diantre! quel hasard! qui vote les lois?) On peut toujours critiquer les lois, mais la position du maire encourage encore plus : la raillerie.

Et tenir mordicus à imposer son goût personnel pour la religiosité en public et utiliser les institutions juridiques pour y arriver (avec les frais collectifs qui viennent avec), c’est pour le moins louche, et cela manque cruellement de sérieux (et qu’il soit obligé de faire une levée de fonds pour poursuivre sa croisade me semble un juste retour des choses). Pour cette raison, j’avoue d’emblée que je ne suis pas tellement regardant quant à qui lui tape sur les doigts… Dans un monde politiquement idéal, la laïcité serait respectée par tous, et c’est bien là où se trouve la base de la problématique. (Et je ne veux lire personne déclamer que la laïcité est un complot de la religion athée…)

Et Mathieu Bock-Côté tente de faire un rapprochement entre l’idée des accommodements raisonnables et le « plaignant » qui a porté cette « cause » devant les tribunaux pour dénigrer la décision prise contre la ville de Saguenay. Ça me semble un terrain très glissant dans l’optique où la laïcité est en quelque sorte le terrain d’entente pour ce qui est de la question religieuse, la base sur laquelle on se réfère pour « accommoder raisonnablement » ensuite (hypothétiquement : il me semble qu’une demande d’accommodement pour obtenir le droit d’imposer une prière catholique — ou de toute autre confession — de vive voix dans une réunion municipale ne serait pas très bien vue…). Et, dans toute cette problématique, il faut remarquer que les administrations municipales sont les dernières à résister à la séparation du religieux et des affaires publiques. Vers où peut bien se tourner un citoyen qui se sent lésé (avec raison) par la dictature de la prière et de la tradition, sinon du côté des tribunaux? De toute façon, dans le cas qui nous concerne, l’élu Jean Tremblay ne semble pas « raisonnable »…

En passant, je ne suis pas le plus grand apôtre de la Charte des droits et libertés de la personne. Mais pour avoir la légitimité de refuser le religieux d’où il vient et où il se trouve, il faut bien d’abord remettre à leur place les hurluberlus de la trempe de ce maire«-là là » pour qu’ils cessent de se justifier du passé où la religion catholique faisait la pluie et le beau temps au Québec. C’est plutôt difficile de mettre le doigt aujourd’hui sur ce que seraient les valeurs communes des Québécois, mais il y a belle lurette que ce n’est plus la religion catholique qui en est le ciment, n’en déplaise aux gens du « bel âge », enfin à ceux qui ne se sont pas rendu compte que la Terre n’a pas arrêté de tourner depuis leur endoctrinement forcé.

S’agripper à cette époque révolue c’est carrément jouer le jeu des guerres de religion. Et la laïcité est justement une manière de désarmer tout le monde.

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Charest : retour sur la populaire pétition

Après mon dernier billet chez moi, j’avais bien l’intention de revenir sur le sujet de la pétition qui demande, entre autres, la démission de John James « Jean » Charest, pétition qui en est à environ 188 800 signatures au moment où j’écris.

Mais il y a Stéphane Laporte, celui que je surnomme bien affectueusement « le philosophe des pauvres » (vous vous douterez bien que je ne parle pas de pauvreté pécuniaire…), qui donne son avis le plus simpliste à cette question sur le site Cyberpresse. J’irais même jusqu’à dire que c’est de la cyberparesse…

C’est qu’en commentaire à mon dernier billet, j’ai eu des avis similaires à celui-là, mais beaucoup plus étoffés, et ce ne sont que de simples citoyens, tout comme moi. Passons là-dessus.

Il reste qu’un de ses paragraphes représente bien ce qui m’agace le plus dans le discours des contradicteurs de la pétition :

Au lieu de signer des pétitions et de répondre aux sondages, les citoyens devraient aller voter. C’est ce qui compte. Le reste, c’est du bruit.

Cela occulte complètement le fait que la vie en société est en constante évolution, ce qui est encore plus vrai entre les élections. Du simple bruit sans importance? Aussi, cela implique que ceux qui répondent aux sondages et qui signent les pétitions n’ont pas voté, ce qui est tout simplement gratuit comme affirmation (et comme réflexion…). Avouez que c’est d’une pauvreté affligeante…

Et je rajouterai que ce discours donne l’impression de vouloir taire ce que la totalité des gestes citoyens — et par ricochet, certainement corporatifs — apporte : un désir de changement profond, ce qui inclut bien sûr un grand ménage. Je comprends que pour certains cela peut donner l’impression d’être n’importe quoi, mais il faut rappeler que pour pouvoir ordonner le chaos, il faut bien qu’il y en ait d’abord un, chaos! Et j’ai l’impression que les événements de cette semaine en sont la démonstration.

Alors, on peut bien le prendre aussi comme étant du populisme, comme le fait allègrement un dénommé Nicolas Laurendeau dans les pages (web) du journal Le Devoir :

L’idée de réclamer la démission d’un élu en cours de mandat, le «recall» est une idée très populaire parmi les adeptes de la droite nord-américaine et les animateurs de radio démagogues. On nage ici en plein populisme.

Je crois qu’il y a une différence entre « populisme » et « mouvement populaire ». Visiblement, c’est extrêmement facile de les mélanger. Et encore plus facile d’interpréter un simple mouvement de domino qui prend sa source d’un mécontentement général comme étant une erreur de jugement. C’est de l’élitisme mal placé, du mépris. Voir que la grande majorité croit dur comme fer que le résultat de cette pétition — et même n’importe laquelle — est du domaine de la prescription! Voir que la majorité ne comprend pas le contexte politique actuel et à ce point le fonctionnement de nos institutions pour signer cette pétition par simple ignorance!

Alors oui, j’accuse les Stéphane Laporte et Nicolas Laurendeau de ce monde de contribuer amplement au cynisme en dénigrant ce qui contribue à l’amoindrir : si ça prend cette étincelle (une pétition très très bien garnie) pour qu’ensuite — hypothétiquement — les gens sortent dans la rue, se précipitent aux bureaux de scrutin aux prochaines élections, et encore mieux, que Jean Charest arrête de faire du surplace, soit dans sa position de Premier Ministre, soit dans sa décision de ne pas déclencher une large commission d’enquête sur la construction et le financement des partis, entre autres.

J’accuse les dénigreurs de cette pétition, et surtout ceux qui refusent de la signer (pour n’importe quelle raison) de souffrir d’un « complexe de supériorité », de faire un culte de leur individualité. Comme si c’était si demandant (physiquement et moralement) de se joindre à un mouvement de masse (bien imparfait je le concède!) en cliquant quelque fois sur une page web et en tapant un peu sur son clavier. Comme si au contraire c’était une tare que ça prenne aussi peu de temps. Comme si l’efficacité qu’apportent le web et la technologie était seulement symptomatique d’une léthargie sociétale individualisée, comme si c’était inscrit dans nos gênes…

Ainsi, l’expression « ne pas bouger le petit doigt » prend dorénavant un sens plus large, et beaucoup plus triste.

(Modification d’une photo de Le Chibouki frustré.)

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