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La laïcité instrumentalisée

 

Par Renart Léveillé

Contrairement à moi, certains trouvent la laïcité trop stricte. Elle devient alors la laïcité ouverte. Mais en y accolant l’adjectif « ouverte », elle perd tout son sens. Il n’est plus tellement question de laïcité, mais bien seulement d’une version fade d’elle-même qui, si ça lui était possible, l’empêcherait de se regarder dans le miroir…

C’est une manière comme une autre d’instrumentaliser un concept pourtant clair : séparation de l’État et de la religion, avec tout ce que cela implique au niveau des institutions, particulièrement au niveau de l’éducation. Et il y a l’interculturalisme, comme le décrit Louise Mailloux, « Professeure de philosophie au Collège du Vieux Montréal, intellectuelle athée, féministe et laïque », dans son billet « L’interculturalisme: une imposture anti-laïque » :

En mars dernier, dans une entrevue au journal le Devoir, Gérard Bouchard affirmait que le débat sur la laïcité piétine, qu’un consensus semble impossible et qu’il conviendrait d’élargir ce débat en parlant d’interculturalisme. Deux mois plus tard, lors du Symposium international sur l’interculturalisme organisé par Gérard Bouchard et son église, ce dernier réclamait du gouvernement, une loi sur l’interculturalisme. Coïncidence ou non, les jeunes libéraux, réunis en congrès au mois d’août, réclament pour leur part, une loi pour définir la laïcité ouverte et demande à Jean Charest de créer un Office québécois d’harmonisation interculturelle.

La pilule de la laïcité ouverte ne passant pas dans la population, il faut donc l’enrober d’une gélatine afin qu’elle glisse tout en douceur. Une loi-gélatine sur l’interculturalisme, votée par l’Assemblée nationale, qui servirait  à imposer une politique de laïcité ouverte. Parce qu’ici, il ne faut pas s’y tromper, l’ouverture à la culture de l’autre, c’est l’ouverture à sa religion. Et que le respect de la diversité culturelle, c’est le respect de la religion.

Là où le bât blesse, c’est que deux blogues qui ont diffusé des extraits de ce billet l’ont introduit avec un texte où se trouvent ces mots, qui portent vraiment à confusion :

Leur seul travail consiste à infiltrer la religion des Autres dans nos institutions

Y a-t-il derrière ça le message que la religion catholique a sa place dans nos institutions, puisqu’elle ne vient pas « des Autres »? Si la laïcité sert seulement à repousser les autres religions pour laisser le champ libre au catholicisme, elle est aussi instrumentalisée. Et les deux blogues en question, ce sont « Poste de veille » et « République de Bananes », tous deux dans le même conglomérat de droite que « Pour une école libre au Québec », clairement pro-religion (en tout cas occidentale), pro-famille (je suis parent et je suis plutôt pro-choix de vie – et le nom de Jeff Plante derrière tout ça en dit déjà beaucoup) et soutenant la cause de la liberté d’expression sans limites des homophobes. Et sa participation à la campagne CLÉ montre clairement son parti-pris antilaïque, puisque cette coalition ne vise pas seulement le retrait de l’imposition obligatoire du cours « Éthique et du culture religieuse » aux jeunes, mais bien aussi à défendre certains parents et « leur indignation face à la perte de leur droit de choisir pour leurs enfants un enseignement moral ou religieux à l’école en accord avec à leurs croyances et leurs convictions. »

Il faut être logique. La laïcité va de pair avec l’idée d’État, qu’il soit minimal ou éléphantesque. On ne peut pas d’un côté défendre l’évacuation du religieux en appuyant les laïques et de l’autre participer au maintient de l’enseignement religieux dans les écoles, qui sont encore du ressort de l’État. C’est un double discours franchement tordu.

Et il y a une grosse différence entre avoir un parti-pris laïque et être contre l’islam (ce qui ressort clairement du blogue « Poste de veille »). Ce que les deux ont en commun, c’est d’être contre les tentatives de la religion d’entrer dans l’espace commun. Le premier met toutes les religions sur le même pied d’égalité. Le deuxième vise une religion en particulier, et c’est selon, tente par cela de magnifier les autres religions, du moins de leur redonner un peu de lustre.

Pour ma part, étant pro-laïcité, je suis également interpellé par toutes les tentatives d’intrusions de la religion dans la société, qu’elles viennent d’une ou l’autre. Étant donné que l’islamisme est en soi plus combatif, c’est tout à fait normal que ses tentatives d’intrusions soient plus évidentes, voire même spectaculaires : regardons l’exemple des dossiers de la charia ainsi que celui des voiles islamistes. Pour ce qui est du judaïsme, c’est beaucoup plus subtil, et ça semble se retrouver surtout du côté politique (le judaïsme ne cherchant pas à convertir). Pour ce qui est du catholicisme (et du protestantisme, par extension), la question ne se pose même pas, il a ici ses bases et joue de sa survie. Son combat est ainsi omniprésent.

La difficulté du laïcisme dans les débats publics, et surtout politiques, c’est que la guerre entre la gauche et la droite repose en partie sur des partis-pris religieux, même si pour certains c’est surtout en surface. Pour aller au plus simple, la droite se rallie au judaïsme et au christianisme, alors que la gauche se rallie à l’islamisme. Alors, un laïque qui pourfend l’islamisme se voit placé dans la case droite, et s’il pourfend quoi que ce soit en lien avec les deux autres, c’est dans la case gauche qu’il atterrit, nonobstant de sa réelle position. Rien pour simplifier le débat… Ma vision : la droite se sert de la laïcité comme je l’explique plus haut, la gauche s’aveugle des débordements de l’islamisme avec les bons sentiments, quelque chose qui ressemble à de la fraternité, de la solidarité, et où l’humain et sa religion sont à tort entremêlés (par exemple : supporter la cause de la Palestine et des habitants de la bande de Gaza — que l’on ne peut séparer de l’islamisme au niveau religieux — ne devrait pas pour autant donner le feu vert à leurs coreligionnaires…). Ainsi, dans le cas de la gauche, la laïcité est à la carte (une autre manière de dire « laïcité ouverte »).

Quoiqu’il en soi, la laïcité devrait servir à faire table rase des différences ethno-religio-culturelles, afin de mettre l’emphase sur le respect global. S’en servir pour mettre de l’avant ses intérêts, ce n’est pas très loin de l’ignominie.

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Stéphane Gendron : futur roi de l’ADQ?

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À y regarder de plus près, à mon avis, le projet de Stéphane Gendron de briguer la direction de l’ADQ ne semble pas si loufoque, cela en considérant que le précédent chef s’est lui-même projeté dans un projet de pipolariser la figure traditionnelle du politicien sur son trône élitiste. Et qui dit peuple, dit ville, alors quoi de mieux qu’un ancien maire pour donner l’impression qu’un chef de parti (ou hypothétiquement un chef de gouvernement) peut venir souper chez soi!

Je vais essayer de regarder le phénomène sans mettre devant moi le voile gauchiste qui, en passant, m’apparaît de moins en moins confortable (pour ce qui est de celui de la droite, je le trouve trop criard…). Stéphane Gendron « dit avoir réfléchi à des pistes de réforme pour l’ADQ, dont à une rupture nette avec les obsessions identitaires », et rien ne me fait lever les cheveux sur la tête, quand je les regarde une à une. Justement, pour ce qui est de cette « obsession identitaire », moi aussi je crois qu’« être Québécois est une notion géographique », mais je rajouterais « premièrement » entre « québécois » et « est », parce qu’être côte à côte dans un territoire provoque des dommages collatéraux que l’on nomme communément « culture »… et que cette culture a un véhicule linguistique dont il faut tenir compte.

Je crois donc que le débat québécois se déroulerait beaucoup mieux en lui coupant le boulet identitaire, propice à la xénophobie, aux positions extrêmes. Donc, je vois dans cette position de Gendron une lueur encourageante, mais pas autant que son « idéal d’une société laïque, où il n’y aurait aucun accommodement raisonnable dans la gestion de l’État. »

Pour ce qui est de l’« abolition des commissions scolaires », je n’ai vraiment jamais compris le but de tout ça, surtout si cela repose seulement sur l’idée de couper dans les dépenses. Je n’arrive pas à croire que tous les gens qui travaillent dans ces commissions scolaires ne font absolument rien d’utile, qu’ils sont payés à tourner à vide.

Et son idée de ramener le « vouvoiement obligatoire dans les écoles » ne me semble pas si mal, mais le problème c’est que le vouvoiement ne semble plus vouloir rien dire à partir de la génération Y…

Encore, il poursuivrait avec cette fixation de limiter à « deux années les prestations d’aide sociale pour les personnes aptes au travail ». Le pire, c’est que je serais d’accord avec cette idée si notre société était tout autre, s’il y avait le plein emploi, etc. En plus, quoi de plus arbitraire que de proposer le chiffre magique de deux ans! Si quelqu’un ne s’est pas retrouvé sur le marché du travail après deux ans, permettez-moi de douter qu’il réussisse un jour… À part quelques exceptions, être sur l’aide sociale n’est surtout pas un cadeau, il faut être mal en point. Au lien de pointer le temps, il faudrait miser sur la réhabilitation globale de ces gens qui sont dans une période creuse.

Pour ce qui est de ramener la semaine de travail à 40 heures, je suis tout à fait contre. L’économie devrait s’ajuster à la vie des citoyens et non le contraire, surtout qu’on nous promet depuis quelque part au début du siècle dernier la société des loisirs, il serait temps qu’on lui voie le bout du nez! Il y a des ordinateurs, des machines, des robots, il serait temps que ça paraisse!

Autre sujet, je suis d’accord avec son idée d’abolir « les libérations conditionnelles dans les prisons ». Tant que la société n’aura pas assez évoluer pour que la Justice soit caduque, il y aura des prisons et des détenus pour y compléter leurs peines, point à la ligne. Si les prisons coûtent trop cher, investissons dans la prévention pour qu’il y ait moins de crimes et donc moins de prisonniers.

À la question de demander « au gouvernement du Canada d’abroger la Loi sur les Indiens et de transformer les réserves en municipalités sous juridiction provinciale », je me sens ambivalent. D’un côté, je crois que les réserves sont seulement des ghettos, et je ne vois rien de bon dans l’idée de ghetto. De l’autre, je comprends qu’historiquement les blancs sont redevables de la situation dans laquelle se retrouvent ces peuples, mais il serait peut-être temps de sortir de cette dynamique revancharde. Moi, aujourd’hui, j’ai des ancêtres blancs et, je suis certain, des ancêtres amérindiens, alors comment culpabiliser seulement une partie de moi?

J’ai lu quelque part que Stéphane Gendron aime le pouvoir, mais il ne doit pas l’aimer à un point absolu puisqu’il « imposerait des élections à date fixe » et il proposerait que les « élus provinciaux et municipaux seraient (sic) limités à deux mandats de quatre ans ». Mais bon, il aurait bien le temps de changer d’idée, rendu sur son trône…

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