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La santé publique n’est-elle qu’un vœu pieux au Québec ?

On parle beaucoup de santé publique ces temps-ci. Or, qui sait que le Québec s’est doté, en 2001, d’une loi qui oblige les ministères à évaluer les impacts sur la santé publique d’une loi, d’un règlement ou de toute autre mesure qu’ils envisagent mettre en application? Sept ans plus tard, l’Observatoire de l’administration publique constate que dans les faits très peu d’évaluations ont été réalisées, et que dans le cas des ministères à vocation économique c’est encore pire (Télescope, volume 14, numéro 2, page 79).

Deux exemples, qui sont venus jeter des bâtons dans les roues de projets mis de l’avant par le gouvernement, aident à comprendre cette réticence. Le premier est la tentative avortée du déménagement du Casino à Pointe-Saint-Charles, la Direction de la santé publique de Montréal n’avait pas hésité à mettre en lumière les dangers inhérents au déménagement du casino en 2006.

Le second exemple est plus récent. Deux directions régionales de santé publique (celle de Chau­diè­re-Ap­pa­la­ches et celle de la Ca­pi­ta­le-Na­tio­na­le) exprimaient de sérieuses réserves à propos du projet de port méthanier Rabaska, auquel le ministère de la Santé et des Services sociaux a néanmoins donné le feu vert.

Curieusement, les ministères semblent plus sensibles aux impacts environnementaux qu’aux impacts sur la santé publique que peuvent avoir leurs décisions.

Ce ne sont pourtant pas les outils qui manquent pour évaluer les impacts sur la santé publique: outre les directions régionales de santé publique, le Québec dispose d’une direction générale de santé publique et d’un Institut national de santé publique.

Où est le problème?

Alors que l’environnement est devenu un incontournable, la santé publique est toujours loin d’être une priorité, en dehors du ministère de la Santé et des Services sociaux et du réseau de la santé. Cela est normal: ce n’est pas non plus perçu comme un sérieux problème par «l’opinion publique».

Lorsque des crises surviennent, comme la contamination des fromages par des bactéries listeria, tout le monde s’émeut et c’est le branle-bas de combat dans le ou les ministères concernés. Le ministre est sur la sellette.

Pour ce qui concerne les impacts à plus long terme de décisions sur la santé publique, cela devient beaucoup plus nébuleux.

Une possible solution serait de renforcer le rôle du Commissaire à la santé et au bien-être.

Ah ! Ah ! Je vous ai bien eu. Vous ne saviez pas qu’il y a un Commissaire à la santé et au bien-être au Québec. Vous avez par contre sûrement entendu parler du Commissaire au développement durable, Harvey Mead. Son premier rapport a été assez médiatisé, merci.

Mead a des dents, enfin pas vraiment lui, mais la Loi qui a instauré son poste. Comme il l’expliquait lors d’une conférence en avril 2007, son rôle est de «signifier les défaillances [des ministères et organismes à l’égard des principes du développement durable] directement aux parlementaires».

Dans le cas du Commissaire à la santé et au bien-être, qui s’appelle Robert Salois en passant, son mandat se limite au système de santé et de services sociaux. Il n’a donc pas, contrairement à Mead, à examiner ce que font les autres ministères et organismes du gouvernement pour assurer une meilleure santé publique, notamment l’analyse ou non qu’ils font des impacts des lois, règlements ou toute autre mesure qu’ils envisagent de mettre en application.

Bref, que l’on me pardonne cette image, le Commissaire à la santé publique et au bien-être est complètement édenté dès qu’il sort du périmètre du ministère de la santé et des services sociaux.

L’ironie veut que monsieur Salois a fait un brillante carrière en médecine dentaire avant d’être nommé Commissaire à la santé et au bien-être en 2006.

Post scriptum

Je n’ai pas abordé ce qui se passe du côté d’Ottawa, mais sachez qu’il y a un Administrateur en chef de la santé publique. Je n’ai rien vu concernant l’impact des décisions des autres ministères et organismes fédéraux sur la santé publique.

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Classé dans Actualité, Michel Monette

Des élections pour couvrir des morts: Harper et la listériose

Tout le monde est au courant de l`affaire de la listériose qui a sévit au Canada ces derniers temps. La bactérie Listeria monocytogenes est à l’origine du décès d`une quinzaine de personnes au pays. Ce qui est moins connu, c`est l`origine réelle de cette tragédie et c`est probablement un des raison pour laquelle le gouvernement Harper a décidé de transgresser sa propre loi sur les élections à date fixe et de nous lancer en élection: pour faire oublier un scandale.

Je m`explique. J`ai obtenu d`une source très fiable l`information selon laquelle le gouvernement Harper, au printemps dernier, a mis en place très discrètement un plan qui consistait à couper dans le budget de l`Agence canadienne de l`inspection des aliments. L`idée était de demander aux fonctionnaires responsables de l`inspection des aliments de cesser de se rendre sur les lieux de production en usine et d`importuner les barons de la viande. On voulait sauver de l`argent en demandant au compagnies de produire leur propre inspection et d`envoyer leur rapport à Ottawa pour que les inspecteurs puissent en faire l`étude de leur bureaux, bien chaud assis sur leur chaise.

On venait de demander à ces usines de production de la viande de s`auto-inspecter, s`auto-réglementer et d`évaluer eux-mêmes les produits qui atteindront les étagères des épiceries. Les inspecteurs du gouvernement détermineront selon les documents qui leur sont envoyés s`il y a risque de contamination.

Ce plan a tout d`abord été mis en place de façon ciblé dans une usine, celle de Maple Leaf, nommé 97B à Toronto, Ontario. Et étrangement, par pure coïncidence et par hasard total, au mois d`août la bactérie Listeria est apparue dans l`usine 97B de Maple Leaf en Ontario. Le problème s`est alors propagé ailleurs comme au fromage tel que nous le savons. Le gouvernement Conservateur de Harper, pour sauver de l`argent de bout de chandelle, a sacrifié notre sécurité alimentaire tout en donnant plus de possibilité d`augmenter les profits aux grosses compagnies de production alimentaire et d`être plus compétitif. Ce n`était évidemment qu`une question de temps avant qu`un drame se produise. À quoi sert-il d`avoir des inspecteurs s`ils n`inspectent plus?

Bien sûr que le PDG de Maple Leaf a pris tout le blâme et a tenté de réassurer les consommateurs en disant que c`était de leur faute et non dû a une défaillance de notre système d`inspection des aliments. Ils n`aiment pas avoir des bureaucrates dans leurs pattes, il faut maximiser le profit, créer la richesse. Bien sûr que les produit visés par cette dérèglementation n`était pas le caviar ou autres produits haut de gamme pour l`élite et les maîtres de ce monde, mais bien la nourriture du petit peuple. Pour eux, les règlements et mesures de sécurité sont passés au tordeur, c`est du laxisme professionnel. Imaginez si la bactérie Listeria se serait retrouvée dans le caviar pour les palais fins de la haute société: on aurait assisté à tout un effort du gouvernement et des compagnies pour contrôler la situation.

Nous y voilà donc, notre chaîne alimentaire est contaminée parce que le gouvernement Harper a décidé de jouer avec nos vies en coupant dans le budget de l`Agence canadienne de l`inspection des aliments. Ce scandale en attente d`éclater risque de faire tomber le gouvernement Harper et c`est pourquoi ils avaient besoin d`une distraction importante: des élections.

Du pain et des jeux. Comme à Rome.

Pensez-y…

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Classé dans Actualité, François Marginean

UPA et Union des paysans: il est temps d’enterrer la hache de guerre

Les producteurs agricoles membres de l’UPA n’ont rien à craindre des «paysans-artisans» qui font des produits du terroir de plus en plus appréciés. Bien au contraire. La guerre sourde qui fait rage depuis quelques années entre les «agriculteurs» et les «paysans» doit prendre fin. Cela urge.

Dans le coin droit: l’UPA, «43 147 producteurs et productrices agricoles œuvrant au sein d’environ 30 463 entreprises agricoles», comme le précise leur site. De l’autre, l’Union paysanne (nombre de membres non divulgué sur leur site Web). Plus de 85 % des produits agricoles québécois sont mis sur le marché collectivement par l’UPA. David contre Goliath.

Dernières victimes: quelques centaines d’artisans fromagers qui font des «produits du terroir» laissés à eux-mêmes, peu organisés, quoique la crise de la listeria les a amenés enfin à se regrouper, comme l’a confirmé Eric Proulx de la Ferme Tourilli lors d’une récente émission Maisonneuve en direct.

Vous et moi sommes pris en otage dans cette guerre stupide entre deux modes de production qui doivent plutôt se comprendre et s’unir. J’aime les fromages de la ferme Tourigny. J’aime aussi le lait de la Coop fédérée. Parfois, j’achète du lait de chèvre de provenance «bio».

Pourquoi n’aurais-je pas le droit d’être au deux?

Mesdames et messieurs les agriculteurs et paysans, mesdames et messieurs les fabricants en usine et artisans, j’en appelle à votre solidarité envers les pauvres témoins de vos chicanes que nous sommes. Bas les armes !

Si, comme moi, vous avez vu «Le reel du fromager» et senti le «motton» monter en vous, vous comprenez à quel point la guéguerre entre l’UPA et l’Union des paysans fait des ravages.

Si, comme moi, vous entendez les sophismes du ministre de l’UPA – pardon de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec -, vous comprenez à quel point nous ne sommes pas sortis du bois.

Dans toutes les fermes du Québec, peu importe leur grandeur, il y a des chiens et des chats qui s’entendent, ma foi fort bien, entre eux. Pourquoi n’est-ce pas le cas de l’UPA et de l’Union paysanne?

Le rapport Pronovost est un modèle de compromis et pourtant il est perçu par les uns comme une condamnation en règle des agriculteurs, par les autres comme un deuxième Capital menant vers le Grand Soir.

De grâce, lisez-le.

Les auteurs du rapport ne condamnent pas plus l’UPA et les agriculteurs plus «industriels» qu’il ne sanctifie les «paysans-artisans» du milieu alimentaire. Il dit simplement ceci: il faut régler le problème de la pollution et donner aux produits du terroir le même soutien dont bénéficient les autres agriculteurs.

Il me semble que ce n’est pas sorcier.

Si j’ai envie d’un bon fromage artisanal, est-ce que je devrai bientôt me contenter des produits du terroir de la France parce que mon gouvernement veut ménager la chèvre et la chèvre?

L’UPA est perdante dans son attitude actuelle. Je suis «un gars de la ville» fatigué de regarder le triste spectacle de ces frères ennemis qui se chamaillent pendant que la grange brûle. Allez, un petit effort, serrez-vous la main et commencez enfin à travailler ensemble dans l’intérêt des Québécoises et des Québécois.

Avant que les géants de l’alimentation d’ici vous aient définitivement tourné le dos.

On pourra toujours boire du lait coupé à la mélamine.

Addendum: si vous comprenez l’anglais, je vous conseille l’excellente conférence What’s wrong with what we eat de Mark Bittman. Les femmes et les hommes du Québec qui produisent ce que nous mangeons auraient tellement mieux à faire pour notre santé que de se chicaner entre eux.

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Classé dans Actualité, Michel Monette