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Une histoire de deux théories de l’exploitation (2e partie)

La semaine dernière, je vous ai exposé comment Marx avait à la fois raison et tort au sujet de l’exploitation. Il avait raison dans le sens qu’il existe effectivement une classe dirigeante minoritaire qui exploite une majorité des gens. Il avait également raison sur le fait que la nature de cette exploitation est économique. «il avait également raison de prétendre que les exploiteurs utilisent la force de coercition de l’État afin de perpétrer leur pillage. Là où Marx se trompait, c’est dans l’indentification des vrais coupable, ainsi que leur modus opérandi. Je propose donc d’y jeter un peu de lumière pour vous montrer les véritables parasites grâce aux écrits d’économistes comme Eugen von Böhm Bawerk, Ludwig von Mises, Murray Rothbard et Hans Hermann Hoppe.

Le point de départ est le même que celui de la théorie marxienne, c’est-à-dire l’exploitation du serf par son seigneur ou de l’esclave par son maitre. Le serf est exploité parce qu’il n’a pas le contrôle d’une terre qu’il a lui-même développé et mise en valeur. Le seigneur n’ayant obtenu le titre que par pillage et ne contribue en rien à la mise en valeur de la terre, pas même les semences. Il en va de même pour l’esclave qui n’a pas le contrôle de son propre corps. Ce genre d’exploitation n’existe cependant pas dans un capitalisme pur. Ce n’est pas de l’exploitation de développer et mettre en valeur une ressource qui n’était utilisée par personne auparavant ou d’employer ces ressources dans la production d’autres biens, ni d’épargner ces ressources et ces produits afin de produire des biens futurs. Ces actes en eux-mêmes n’enlèvent rien à personne et des biens additionnels ont été créés. En réalité, là où il y a exploitation est lorsque le principe de première mise en valeur (le «homestead») n’est pas respecté. Ainsi, c’est lorsque le contrôle partiel ou total de ressources ou de biens est obtenu par la force par des gens qui ne l’ont ni développé, ni produit, ni épargné, ni obtenu par une entente contractuelle avec le propriétaire légitime, qu’il y a vraiment de l’exploitation. L’exploitation, c’est l’expropriation d’un bien des premiers utilisateurs, producteurs et épargnants par des non premiers utilisateurs, non-producteurs et non-épargnants. C’est l’expropriation de gens dont la prétention sur leur propriété est le travail, le contrat et l’épargne par des gens dont la prétention ne vient de nulle part et que ne tiennent absolument pas compte du travail ou des contrats des autres.

L’exploitation ainsi définie a toujours fait partie de l’histoire humaine. Nous avons toujours pu nous enrichir que de deux façons. Soit en mettant en valeur des ressources inutilisées, en produisant et en épargnant, soit en expropriant ceux qui mettent en valeur, produisent et épargnent. Il y a toujours eu en parallèle avec la première mise en valeur, la production et l’épargne; l’acquisition non-productive et non-contractuelle de propriétés. À travers le temps, tout comme les producteurs se sont constitués en sociétés et en entreprises, les exploiteurs ont également formé des entreprises d’exploitation à grande échelle, les État et gouvernements. Avec une classe dirigeante, membre de ces sociétés d’exploitation, installée sur un certain territoire et exploitant les ressources économiques de producteurs exploités, le centre de l’Histoire devient bel et bien une lutte entre exploitants et exploités. Sur cette évaluation de l’histoire, les marxistes et autrichiens pourraient trouver un terrain d’entente.

Alors que les entreprises productrices apparaissent et disparaissent grâce au soutien ou l’absence de soutien des consommateurs, la classe dirigeante n’apparait pas vraiment parce qu’il existe une demande pour ses services. Il serait plutôt absurde de croire que des producteurs consentent réellement à leur expropriation. On doit les forcer à l’accepter. La classe dirigeante ne disparait pas non plus quand on le souhaite. Nous ne pourrions pas la faire partir en s’abstenant de transiger avec elle, comme on pourrait réduire une entreprise productive à la faillite. La classe dirigeant tient son revenu de transactions non-productives et non-contractuelles, de sorte qu’elle n’est affectée par aucun boycott. La seule chose qui puisse abattre une entreprise d’exploitation est, pour reprendre un terme marxiste, un certain état de « conscience de classe », c’est à dire le degré auquel la classe exploitée est consciente de son exploitation.

Un exploiteur fait des victimes et ces victimes peuvent devenir des ennemis. Il pourrait être possible pour les exploiteurs d’utiliser la simple force pour maintenir une population similaire d’exploités, mais la force seule ne saurait suffire à permettre d’exploiter une population largement supérieure en nombre. Pour y réussir, il faut que la majorité de cette population accepte comme légitime les actes d’exploitation. Il faut que la majorité ait abandonné l’idée de résister les acquisitions non-productives et non-contractuelles de propriété. Le pouvoir de la classe dirigeante ne peut être brisé que si les expropriés acquièrent une idée claire de leur état et s’unissent et s’indignent des acquisitions non-productives et non-contractuelles de propriété et refusent d’y contribuer.

L’abolition de la domination féodale et absolutisme a été le fruit d’une telle prise de conscience à travers le libéralisme des droits naturels. Cependant, suite à une dégradation de la conscience de classe, le processus de libéralisation s’est inversé et le niveau d’exploitation s’est accru de puis la fin du XIXe siècle et en particulier depuis la première guerre mondiale. Du point de vue des autrichiens, les marxistes portent une partie du blâme pour cette perte de conscience en occultant la conception correcte de l’exploitation, celle dont les développeurs initiaux, producteurs et contractants sont victimes de la part de ceux qui ne produisent rien; par la fausse opposition entre le capitaliste et le salarié.

L’institution d’une classe dirigeant exploitante sur une classe exploitée beaucoup plus nombreuse doit passer par l’imposition d’un système de droit public, superposé à un système de droit privé. La classe dirigeante protège sa situation dominante en créant une constitution pour le fonctionnement interne de son entreprise. En formalisant le fonctionnement interne de l’État, elle crée une certaine stabilité juridique qui instaure une opinion publique favorable. La constitution rationalise du même coup le « droit » des représentants de l’État de se livrer à des acquisitions de propriété de façon non-contractuelle et non-productive. Ce système de subordination du droit privé au droit public crée un dualisme dans lequel il existe un ensemble de lois pour les dirigeants et les dirigés. Contrairement à ce que croient les marxistes, ce n’est pas parce que les droits de propriétés sont reconnus par la loi qu’il existe une justice de classe, mais plutôt parce qu’il existe une distinction légale entre une classe agissant selon le droit public, et une autre agissant selon un droit privé subordonné. L’État n’est pas exploiteur parce qu’il protège les droits de propriété capitalistes, mais parce qu’il est exempt d’avoir à acquérir sa propriété par la production et le contrat.

En tant qu’entreprise exploitante, l’État a avantage à ce qu’un bas niveau de conscience de lasse règne à tout moment. La redistribution de la propriété et du revenu est un moyen efficace de « diviser pour régner ». C’est le moyen que l’État utilise pour semer la zizanie au sein de la société. La redistribution du pouvoir d’état par la démocratisation, en ouvrant à tout le monde les positions de pouvoir permet également de réduire la résistance à l’exploitation en tant que telle.

L’État est également le grand centre de la propagande. Donc, l’exploitation c’est la liberté; les impôts sont des « contributions volontaires »; les relations non-contractuelles deviennent conceptuellement contractuelles; un gouvernement pour et par le peuple; sans l’État, il n’y aurait ni droit, ni sécurité et les pauvres mourraient de faim, etc. Tout ça fait partie d’une superstructure idéologique visant à légitimer l’exploitation économique.

Les marxistes ont également raison d’identifier une collaboration entre les capitalistes et l’État, même si leur explication est fausse. Ce n’est pas parce que les bourgeois considèrent que l’État garantit les droits de propriété, il viole ces droits plutôt allègrement, mais parce que plus une entreprise est grande, plus elle est passible d’être exploitée par l’État, mais plus grands aussi sont les gains si elle se voit accorder par l’État une protection particulière des contraintes de la concurrence capitaliste. C’est pourquoi « l’establishment » bourgeois est intéressé par l’État et veut l’infiltrer.

En retour, l’État s’intéresse à la collaboration avec les capitalistes à cause de son pouvoir financier. Plus précisément, il s’intéresse à la haute finance afin mettre en œuvre en coopération avec l’élite bancaire et son système de réserves fractionnaires pour créer de la fausse monnaie dans un cartel dirigé par une banque centrale. Cette symbiose permet entre autre à la classe dirigeante de s’infiltrer à même le système nerveux de la société civile.

Dans la réalité, la théorie marxiste sert bien les véritables exploiteurs en détournant l’attention vers des boucs-émissaires de convenance. Le grossissement constant des État et la concurrence entre ceux-ci, mènera inévitablement à la concentration du pouvoir et la stagnation économique. Lorsque ça se produira, les pressions anti-étatiques viendront un jour mettre ce système à bas. Mais contrairement à ce que prétendent les marxistes, la solution ne sera certainement pas la socialisation des moyens de production. La propriété sociale est non-seulement inefficace et impraticable, comme l’expose von Mises dans son livre « Socialisme », mais il est incompatible avec l’idée que l’état puisse un jour dépérir. Si les moyens de production sont possédés collectivement et si on suppose que les idées de tout le monde concernant l’utilisation des ces moyens de production ne coïncideront pas toujours, ces moyens de production nécessiteront une intervention perpétuelle de l’État, c’est à dire d’une institution ayant la force d’imposer la volonté des uns contre la volonté des autres. Au contraire, le dépérissement de l’État et avec lui, la fin de l’exploitation et une prospérité sans précédent ne peut que passer par l’avènement d’une société de propriété privée pure sans autre régulation que le droit privé.

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La présomption fatale

Le socialisme est une de ces idées qui est très attrayante sur papier, du moins pour certains, mais qui n’a jamais réussi à fonctionner dans le monde réel. Ce n’est pas faute d’essayer, on a essayé d’implanter la société idéale de Karl Marx dans de nombreux pays, notamment l’URSS, les pays de l’Europe de l’est, la Chine, Cuba et la Corée du Nord. Chaque fois, le résultat a été similaire: mise en place d’une oligarchie gouvernante, appauvrissement de la population en général, exécution de masse des opposants au nouveau régime, perte de libre arbitre et violation des droits humain. Bref, le socialisme c’est l’épitomé de la pensée collectiviste et l’aboutissement logique de cette mentalité.

Certains démagogues essaieront de vous faire croire que toutes ces « expériences » passées n’étaient pas du véritable socialisme. Qu’aucun pays n’a encore établi le socialisme parfait. Qu’après la révolution et l’expropriation, le régime qui établit le socialisme par la force, laisserait sa place à une démocratie et que nous vivrions dans une sorte d’Utopie ou tous verraient leurs besoins comblés. Ils négligent le plus souvent de mentionner en gros détails comment ils y parviendront par contre. L’inconvénient pour eux est que leur Nirvana est irréalisable.

En 1920, l’économiste Ludwig von Mises fût le premier à démontrer pourquoi le socialisme est impossible. Je vous invite d’ailleurs à aller lire son essai par vous-même. Son flambeau fût ensuite repris par d’autres économistes comme Friedrich Hayek (Nobel d’économie, 1974) et Josef Schumpeter.

L’économie dirigée

Si l’expropriation des moyens de production et la répartition égale de la richesse selon le crédo « De chacun selon son habileté, à chacun selon son besoin » peuvent sembler attrayants, l’application de cette doctrine est pour le moins problématique. La premier de ces problèmes est la gestion de l’économie, puisqu’une répartition égale des richesse implique un économie dirigée. La « présomption fatale » des socialistes est de sous-estimer grossièrement la complexité d’une économie et comment la planification d’un tel système est hors de portée du commun des mortels. Si vous prenez le temps de vous imaginer tout ce qui doit être accompli pour produire une sandwich au jambon ou la fabrication d’un crayon et multipliez ça par plus d’un milliard d’industries, vous commencerez peut-être à entrevoir l’ampleur du problème à coordonner toutes ces activités. Maintenant imaginez qu’en plus, les conditions de toutes ces milliards de variables puisse changer de seconde en seconde. Une économie est complexe à ce point. Il n’existe pas un ordinateur sur terre qui soit assez puissant pour assimiler toute cette information et agir, encore moins un homme, ou un comité. Mais ce n’est que le premier problème. Il y en a d’autres

Les incitatifs

Un autre problème est que le socialisme oublie que la nature humaine fait que nous fonctionnons par des incitatifs et elle néglige de nous les fournir. Dans une économie de marché, ces incitatifs composent ce qu’on appelle les trois « P »: Prix, Profit et Propriété.

Les prix, quand ils sont déterminés par le jeu de l’offre et la demande, nous livrent de l’information sur la disponibilité d’une denrée. Un prix élevé peut indiquer qu’une denrée est rare tandis qu’un bas prix peut indiquer qu’elle est plus abondante. Cette information est un incitatif qui modifie le comportement des consommateurs. Par exemple, si le prix de l’essence est élevé, nous aurons tendance à utiliser moins notre auto et acheter des autos plus petites offrant une meilleure consommation d’essence. Si le prix de l’essence est plus bas, peut-être que nous allons nous laisser tenter par un VUS. Mais lorsque les prix sont contrôlés de façon arbitraire, ils ne reflètent plus l’état de rareté ou d’abondance. Si les prix sont fixés trop bas, il y aura un surplus, s’ils sont trop bas, il y aura une pénurie. Un bel exemple fût lorsque les États-Unis ont institué des contrôles de prix sur l’essence dans les années 1970. Le résultat fût une pénurie d’essence dans le pays le plus riche du monde.

La comptabilisation des profits et pertes est aussi un puissant facteur dans une économie. La production d’un bien peut se faire de différentes façons en combinant divers facteurs de production de façon différentes. Quels métaux utiliser dans la fabrication? Dans quelle proportion? Devrait-on utiliser de la main d’oeuvre ou recourir à l’automatisation? Comment décider ce qui est plus efficace? C’est ce rôle que joue les profits et pertes. Si on combine les facteurs de productions de façon efficace, nous enregistrerons un profit. Si nous le faisons de façon inefficace, nous aurons vraisemblablement des pertes. Ces variable permettent de déterminer quelles lignes de production sont efficaces et doivent être poursuivies et quelles devraient être abandonnées. Les profits et pertes dont un incitatif à utiliser efficacement les ressources disponibles. Sans profits, comme le propose le système socialiste, nous aboutissons à des résultats comme nous avons vu après l’écroulement de l’URSS: des milliers de tracteurs de fermes qui rouillaient dans les champs faute de carburant, dans un pays qui avait pourtant d’immense ressources pétrolières.

Le concept de propriété est aussi un facteur négligé. Par propriété, nous entendons l’utilisation du fruit de notre labeur dans l’acquisition de biens durables. Ceci inclut équipement, bâtiment, terrains, etc. Les droits de propriété sont un incitatif important à la croissance économique. L’Histoire a démontré que la possession publique d’un bien amène à sa dilapidation alors que la propriété privée amène à un meilleur entretien de ce bien. En d’autres mots, nous prenons mieux soin de notre propre propriété que celle des autres, ou celle qui n’appartient à personne en particulier. Un exemple fût la tragédie des communaux qui réfère à une expérience menée en Angleterre au 16e siècle de créer des pâturages communaux à la disposition de certains villageois. Ces pâturages devinrent vite surexploités alors que les villageois se concurrençaient pour l’utilisation du pâturage par leur bétail. Lorsqu’un bien nous appartient, nous avons un plus grand incitatif à en prendre soin. Puisque le socialisme est la possession commune des moyens de production, il devient de ce fait une tragédie des communaux à grande échelle.

Puis finalement, on oublie l’incitatif le plus important. Si tout le monde gagne le même revenu peu importe leur effort, quel incitatif auront-ils à se dépasser? Tous les jours, beaucoup d’entre nous se lèvent tôt le matin pour aller ensuite passer 7 ou 8 heures par jour à travailler. Il n’y a en réalité qu’une raison pour laquelle nous nous soumettons à ce genre de routine: Le salaire qu’on nous offre en échange a une plus grande utilité à nos yeux, que les heures de loisir que nous aurions autrement. Cependant, la plupart d’entre nous ne fourniront à notre employeur que l’effort suffisant pour qu’il ne soit pas tenté de nous remplacer, donc le strict minimum requis. Certains fourniront plus dans le but d’obtenir un meilleur salaire et de l’avancement. Par contre, si cet effort supplémentaire n’est pas récompensé, nous retombons dans le strict minimum. Encore une fois, c’est la nature humaine.

Pourquoi les mauvais se retrouvent toujours au sommet?

Nous entendons souvent les socialistes dire que telle ou telle expérience socialiste aurait réussi, si seulement elle avait été menée par une personne éclairée (comme eux-même, par exemple), mais elles sont toutes tombées sous la coupe d’un horrible dictateur. Pourquoi? Au chapitre 10 de « La route de la servitude », Hayek offre une explication. Je vous la résume en quelques lignes. Puisque le socialisme requiert une économie dirigée et que celle-ci requiert le contrôle absolu de toute l’activité économique, ça confère à celui qui la dirige une pouvoir énorme. Comme l’a si bien dit Lord Acton, « le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument ». Ce genre de pouvoir va tout naturellement attirer des hommes qui ont une certaine soif du pouvoir et le fait d’exercer un pouvoir absolu a tôt fait de dénuer même un saint de tout scrupule. Il ne devrait donc pas être surprenant lorsqu’on veut installer un régime suffisamment puissant pour exproprier (et liquider) ces parasites bourgeois, puis ensuite établir une économie dirigée, que tôt ou tard, un despote comme Staline, Pol Pot, Mao, Ho Chi Minh ou Kim Jong Il vienne qu’à en prendre le contrôle. Ce n’est pas un accident, c’est inhérent au système. Le gouvernement qui est assez puissant pour tout vous donner est aussi assez puissant pour tout vous enlever, même votre libre arbitre.

Le socialisme est une maitresse jalouse

Comme une maitresse jalouse, il ne tolère aucune concurrence. Il ne peut donc pas y avoir de dissension sous un régime socialiste. Tous doivent y adhérer sans réserve. Puisque la nature humaine à tendance vers le scepticisme, il est dans la nature de l’homme de tout questionner. Comme vous pouvez l’imaginer, pour les socialistes, ça cause de petits ennuis. Mais les écrits de Marx sont très explicites à ce sujet. C’est soit on suit, soit on meurt. Lénine, Staline et Mao en particulier, se sont fait un devoir de le prendre à cœur.

Selon Einstein, la folie est de toujours répéter le même comportement et espérer un résultat différent. Je vous laisse ruminer sur la sagesse de répéter une autre expérience socialiste.

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La futilité de l’interventionnisme étatique

Hier, j’ai eu une plaisante discussion avec un collègue pour lequel j’ai une grande estime, même si nous ne partageons pas les mêmes opinions sur tout. Ce que je préfère des gens auxquels je m’associe, c’est qu’ils aient des convictions et qu’ils les assument, même si je ne ne partage pas ces convictions. Les débats sont d’ailleurs beaucoup plus intéressants lorsque votre interlocuteur n’est pas 100% d’accord avec vous. Je ne le nommerai pas, mais je sais qu’il se reconnaitra instantanément. Toujours est-il que quelque part dans la conversation, nous avons touché le sujet de l’interventionnisme.

Ceux qui comprennent la philosophie libertarienne comprennent bien que les libertariens s’opposent farouchement aux interventions de l’état, mais peut-être ai-je négligé d’expliquer clairement pourquoi nous y sommes si opposés. Je pourrais probablement vous offrir une longue dissertation de mon propre crû, mais je suis en vacances, alors je me permet quelques petits raccourcis. Je cèderai donc la place à Ludwig von Mises sous la forme d’un article paru dans la revue « Christian Economics » en 1964 mais qui, comme vous le constaterez sûrement, est encore plus d’actualité aujourd’hui.

Ludwig Von Mises (1881-1973)

L’illusion de l’intervention gouvernementale

Publié pour la première fois dans Christian Economics, 4 février 1964.

Les facultés intellectuelles et morales de l’homme ne peuvent s’épanouir que là où les gens s’associent entre eux de manièrent pacifique. C’est la paix qui est à l’origine de toutes les choses humaines, et non — comme le disait le philosophe antique grec Héraclite — la guerre. Mais la nature humaine étant ce qu’elle est, la paix ne peut être établie et préservée que par un pouvoir capable d’écraser les briseurs de paix et disposé à la faire.

Le gouvernement, l’État, est l’appareil social de coercition et de contrainte. Son but est de rendre le monde sûr pour permettre la coopération humaine, et ce en protégeant la société face aux attaques des agresseurs étrangers et des bandits nationaux. La marque caractéristique du gouvernement est de disposer, dans une région donnée du globe, du pouvoir et du droit exclusifs d’avoir recours à la violence.

Dans l’orbite de la civilisation occidentale, le pouvoir et les fonctions du gouvernement sont limités. Plusieurs centaines, voire des milliers d’années de rudes conflits ont conduit à une situation garantissant aux citoyens individuels la liberté et de véritables droits, et non de simples libertés. Dans une économie de marché les individus sont à l’abri de toute intervention du gouvernement tant qu’ils ne violent pas les lois dûment promulguées du pays. Le gouvernement n’entre en jeu que pour protéger les gens honnêtes et respectueux de la loi contre des attaques violentes et frauduleuses.

Il y a des gens qui disent que le gouvernement est un mal, mais qu’il s’agit d’un mal nécessaire. Cependant, ce qui est nécessaire en vue de parvenir à une fin donnée ne doit pas être qualifié de mal au sens moral du terme. C’est un moyen, mais ce n’est pas un mal. On peut même dire que le gouvernement est la plus bénéfique de toutes les institutions terrestres car sans lui il ne pourrait y avoir ni coopération pacifique entre les hommes, ni civilisation, ni vie morale. C’est dans ce sens que l’apôtre a dit qu’ « il n’y a point d’autorité qui ne vienne de Dieu » a.

Mais l’existence même d’un appareil gouvernemental de coercition et de contrainte fait surgir un nouveau problème. Les hommes détenant cet appareil cèdent trop facilement à la tentation de mésuser de leur pouvoir. Ils tournent leurs armes vers ceux qu’ils devaient servir et protéger. Le principal problème politique de toutes les époques fut et est le suivant : comme éviter que les dirigeants ne se transforment en despotes et ne créent un État totalitaire. Défendre le liberté individuelle contre les empiètements des gouvernements tyranniques, contre les dangers d’un régime totalitaire, voilà quel était et quel est la question fondamentale de l’histoire de la civilisation occidentale.

Or à notre époque la cause du totalitarisme a trouvé une nouvelle vigueur par le biais d’une ruse. L’élimination radicale de toute liberté de l’individu à choisir sa propre voie, et ce au bénéfice de l’autorité politique suprême, est saluée sous les noms de socialisme, de communisme ou de planisme comme la victoire de la véritable liberté. Ceux qui visent à un état de fait où tout le monde sera réduit au statut de simple rouage dans les plans des « ingénieurs sociaux » paradent et s’affichent comme les successeurs des grands champions de la liberté. L’assujettissement d’une nation libre par les forces du régime le plus tyrannique qu’ait connu l’Histoire est appelé « libération ».

La politique de la voie médiane

Face au formidable défi du totalitarisme, les partis au pouvoir en Occident ne cherchent pas à préserver le système de la libre entreprise qui a offert à leurs nations le plus haut niveau de vie jamais atteint dans l’Histoire. Ils ignorent que la situation de tous les citoyens de États-Unis et des autres nations qui n’ont pas placé trop d’obstacles sur la route de la libre entreprise est bien plus favorable que la situation des habitants des pays totalitaires. Ils pensent qu’il est nécessaire d’abandonner l’économie de marché et d’adopter une politique de la voie médiane, supposée éviter les prétendus défauts de l’économie capitaliste. Ils cherchent un système qui, comme ils le disent, serait aussi éloigné du socialisme que du capitalisme et qui serait supérieur aux deux. Ils veulent éliminer, au moyen de l’intervention directe du gouvernement, ce qu’ils considèrent être insatisfaisant dans l’économie de marché.

Une telle politique d’immixtion du gouvernement dans les phénomènes du marché avait déjà été recommandée par Marx et Engels dans le Manifeste communiste. Mais les auteurs du Manifeste communiste considéraient les dix groupes de mesures interventionnistes qu’ils suggéraient comme devant conduire petit à petit au socialisme intégral. Tandis que de nos jours les porte-parole du gouvernement et les politiciens de gauche préconisent ces mêmes mesures comme étant une méthode, voire l’unique méthode, pour sauver le capitalisme.

Les avocats de l’interventionnisme ou de l’immixtion du gouvernement sur le marché se défendent de vouloir le socialisme et disent vouloir conserver au contraire la propriété privée des facteurs de production matériels, la libre entreprise et l’échange marchand. Mais ils prétendent que ces institutions de l’économie de marché pourraient facilement être utilisées de travers, et qu’elles le sont d’ailleurs souvent, par les classes possédantes afin d’exploiter de manière injuste les couches pauvres de la population. Pour éviter un tel résultat ils souhaitent restreindre la liberté d’action des individus par des ordres et des interdictions édictés par le gouvernement. Le gouvernement devrait s’immiscer dans toutes les actions des hommes d’affaires qu’il considère comme nuisant à l’intérêt public ; sur les autres aspects, toutefois, il devrait laisser fonctionner le marché et lui seul.

Selon cette doctrine interventionniste seul le gouvernement est qualifié pour décider dans chaque cas si « l’intérêt public » réclame ou non l’intervention du gouvernement. La véritable signification du principe interventionniste revient par conséquent à déclarer : Le monde des affaires est libre d’agir tant qu’il suit exactement les plans et les intentions du gouvernement. Il ne reste ainsi rien d’autre au marché que le droit d’exécuter humblement ce que le gouvernement veut qu’il fasse. Il ne reste à l’économie de marché que quelques mots, bien que leur signification ait radicalement changé.

La doctrine interventionniste n’arrive pas à comprendre que les deux systèmes — l’économie de marché et sa suprématie des consommateurs d’une part, l’économie dirigée par le gouvernement d’autre part — ne peuvent pas être combinés au sein d’un composé viable. Dans l’économie de marché les entrepreneurs sont soumis sans restriction à la suprématie des consommateurs. Ils sont obligés d’agir de façon à ce que leurs opérations soient approuvées par les achats des consommateurs et deviennent de ce fait rentables. S’ils échouent dans leurs tentatives, ils subissent des pertes et doivent, s’ils n’arrivent pas à modifier leurs méthodes, changer de métier.

Toutefois, même si le gouvernement empêche les entrepreneurs de choisir les projets que les consommateurs veulent que ces derniers exécutent, il ne parvient pas aux fins qu’il voulait atteindre par ses ordres et ses prohibitions. Producteurs et consommateurs sont tous deux forcés d’adapter leur comportement au nouvel état de choses consécutif à l’intervention du gouvernement. Mais il se peut que la façon dont eux, producteurs et consommateurs, réagissent, apparaisse encore moins souhaitable aux yeux du gouvernement et des avocats de l’intervention que la situation précédente du marché libre de toute entrave et que le gouvernement voulait modifier. Dès lors, si le gouvernement ne veut pas s’abstenir de toute intervention et revenir sur sa première mesure, il est obligé d’ajouter une nouvelle intervention à la première. La même histoire se répète alors à un autre niveau. Et à nouveau le résultat de l’intervention du gouvernement lui apparaît encore moins satisfaisant que la situation précédente à laquelle il désirait remédier.

De cette façon le gouvernement est forcé d’ajouter à sa première intervention de plus en plus de décrets d’ingérence, jusqu’à éliminer de fait toute influence des facteurs du marché — entrepreneurs, capitalistes, ainsi qu’employés et consommateurs — de la détermination de la production et de la consommation.

Note

a. Épître de Paul aux Romains (13:1). NdT.

Ça fait déjà plusieurs décennies que nous subissons la politique de la voie médiane telle que von Mises l’a décrite ci-haut. Le résultat est peu édifiant: Crise après crise nous maintient dans un état de terreur constant et les banquiers et la classe dirigeante s’enrichissent aux frais des contribuables. Profits privés et pertes socialisées et un endettement à ce point astronomiques que nous ne pourrons jamais le rembourser. Tout ça grâce à l’interventionnisme de politiciens qui ne reconnaissent plus aucune limite à leur pouvoir. Ils profitent de la naïveté des gens pour exercer ce pouvoir impunément. Une seule chose peut les arrêter: Vous!

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La coopération humaine

Pour promouvoir la culture générale et pour instruire ceux qui sont intéressés au courant libertarien, je vous propose la traduction que j’ai faite d’un texte de Ludwig von Mises, un des piliers de l’École Autrichienne d’économie, qui parle de la coopération humaine. Bonne lecture.

Ludwig Von Mises (1881-1973)

La Coopération Humaine

par Ludwig von Mises

La coopération humaine est différente des activités qui ont eu lieu dans des conditions pré-humaines au royaume animal et parmi les personnes isolées et groupes de l’ère primitive. La faculté spécifique qui distingue l’homme de l’animal est la coopération. Les hommes coopèrent. Ce qui veut dire que, dans leurs activités, ils anticipent que les activités des autres gens accomplissent certaines choses afin d’obtenir les résultats qu’ils visent dans leur propre travail.

Le marché est cet état des choses sous lequel je vous donne quelque chose dans le but de recevoir quelque chose de vous. Je ne sais pas combien d’entre vous ont une quelconque connaissance du latin, mais dans une élocution latine datant d’il y a 2000 ans déjà, il y avait la meilleure description du marché – do ut des – « Je donne afin que vous donniez. » Je contribue quelque chose afin que vous puissiez contribuer autre chose. De ceci s’est développé la société humaine, le marché, la coopération pacifique des individus. La coopération sociale signifie la division du travail.

Les différents membres, les différents individus dans une société ne vivent pas leurs propres vies sans aucune référence ou connection avec d’utres individus. Grâce à la division du travail, nous sommes connectés aux autres en travaillant pour eux et en recevant et en consommant ce que d’autres ont produit pour nous. Comme résultat, nous avons une économie d’échange qui consiste en la coopération de plusieurs individus. Tous produisent non seulement pour eux-mêmes, mais pour d’autres gens, dans l’attente que ceux-ci vont produire pour eux. Ce système requiert des actes d’échange.

La coopération pacifique, les accomplissements pacifiques des hommes sont effectués sur le marché. La coopération signifie nécessairement que les gens échangent des services et des biens, le produit des services. Ces échanges créent le marché. Le marché est précisément la liberté des gens de produire, de consommer, de déterminer ce qui devrait être produit, dans n’importe quelle quantité, dans n’importe quelle qualité et pour n’importe qui. Un tel système libre sans un marché est impossible; un tel système est le marché.

Nous avons idée que les institutions de l’homme sont soit (1) le marché, l’échange entre individus, ou (2) le gouvernement, une institution qui, dans la tête de bien des gens, est supérieure au marché et pourrait exister dans l’absence d’un marché. La vérité est que le gouvernement – c’est à dire le recours à la violence, nécessairement le recours à la violence – ne peut rien produire. Tout ce qui est produit est produit par les activités des individus et est utilisé dans le marché afin d’obtenir quelque chose en échange.

Il est important de se souvenir tout ce qui est fait, tout ce que l’homme a fait, tout ce que la société a fait est le résultat d’une telle coopération et ententes volontaires. La coopération sociale entre les hommes – c’est à dire le marché – est ce qui amène la civilisation et c’est ce qui a amené toutes les améliorations de la condition humaine dont nous jouissons présentement.

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