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La fin de l’Âge du Labeur


Dans le sillage de la crise financière en marche et du chômage qui en découle, on voit poindre à nouveau maintenant les interrogations sur l’évolution de la main-d’œuvre qui réapparaissent de temps en temps et qu’on fait tout pour faire oublier.  Il faudrait peut-être, cette fois, faire le point avec lucidité. La révolution industrielle nous a apporté l’abondance… et le chomâge.

Le chômâge qui vient de notre manque d’imagination pour réaffecter une RESSOURCE précieuse – la main-d’œuvre – à des tâches utiles, sans provoquer l’opposition féroce de ceux qui, par leur propriété du capital, ont la main mise sur la production, donc sur la richesse, donc sur la gouvernance.   Mais cette opposition n’est pas invincible… et n’est même pas inévitable…

On est maintenant dans une économie tertiaire où le capital humain a la primauté sur le capital matériel. Pas par quelque grandeur d’âme d’un quelconque providence, mais par la simple et rigoureuse logique de la rareté respective de ces deux facteurs et des contraintes techniques à leur appropriation.  C’est la logique du marché qui soumet le capital au travail. On doit en tirer les dix  (10) conclusions en sorite qui s’imposent, quant à un inévitable transformation de la nature et du rôle du travail dans la production

1. Les emplois dans le secteur industriel doivent disparaître pour assurer la productivité: le travail de jadis, ce sont maintenant des machines qui le font et elles peuvent produire bien plus que nos besoins matériels l’exigent. La haute technologie ne créera qu’un nombre relativement minime d’emplois et, si un investissement en équipement n’est pas rentable, c’est le travail à vil prix des pays en voie de développement qui prend la relève.

2. Nous n’avons donc besoin que de moins en moins de travailleurs industriels. Ce dont nous avons besoin, désormais, c’est de produire plus de services dans les secteurs éducation, santé, culture, loisir, sécurité, communications, distribution, et d’assurer la gestion courante et le progrès de notre économie et de notre qualité de vie.

3. Même dans le tertiaire, les emplois répétitifs vont de plus en plus être confiés à des ordinateurs et la hausse de notre niveau de vie, qui découlera de la rationalisation du secteur industriel, rentabilisera la programmation de toute une gamme de services « simples », éliminant encore d’autres emplois.

4. Les services « simples » qui ne seront pas programmés ne pourront offrir à court terme qu’une rémunération au niveau de subsistance ou plus bas; ils vaudront uniquement pour apporter un revenu d’appoint. Il en sera ainsi jusqu’à ce que le développement de l’éducation ait ouvert à la masse des travailleurs l’accès à la fourniture de services complexes et ceci prendra … disons quelque temps.

5. En attendant, le revenu découlant des services simples restera « au noir » et créera des problèmes croissants, jusqu’à ce qu’on ait la sagesse de le « blanchir », c’est-à-dire de le traiter comme un revenu d’appoint acceptable et accessible à tous, en parallèle à un emploi et à un paiement de transfert.

6. . À moyen terme, tout ce qui peut être fait par une machine sera fait par une machine. Le plus tôt sera le mieux, car il n’y a rien d’évolutif à demander à un être humain un travail d’automate. Le travail digne d’un être humain, ce sont les fonctions de créativité, d’initiative et de relations humaines, celles que la machine ne peut pas fournir. Tous les emplois qui ne font pas appel à une ou plusieurs de ces trois (3) aptitudes fondamentalement humaines doivent disparaître et VONT disparaître. Toutes les fonctions et tâches qui ne consistent pas uniquement à appliquer ces aptitudes « inprogrammables » seront modifiées pour restreindre le travail humain  à celles-ci

7. Dans le domaine des activités inprogrammables, il y a un travail infini à faire, mais un emploi salarié traditionnel n’est pas le meilleur encadrement pour ce genre de travail. Les employeurs privilégient la substitution par des machines et la réduction des coûts plutôt que l’amélioration des services, tandis que la structure d’emploi empêche l’utilisateur, qui est seul capable de le faire, de contrôler les aspects essentiels de la qualité du service inprogrammable qui lui est rendu. Ce sont donc des travailleurs professionnels autonomes qui prendront peu à peu la relève des travailleurs salariés dans une structure d’emploi.

8. Quant à la masse des décideurs, à tous les niveaux de la structure de production, la tendance est claire vers de nouvelles modalités de relations de travail et de rémunération qui se rapprochent bien plus du travail autonome que de l’emploi traditionnel. Il restera toujours des salariés dans le secteur public – juges et ministres, par exemple – mais ce sera ceux dont on peut raisonnablement supposer que le salaire n’est qu’un aspect trivial de leur motivation. Pour l’immense majorité des travailleurs, la « job » est une structure désuète d’encadrement du travail.

9. Cessons donc de nous leurrer et d’agir comme si nous vivions une récession comme les autres et qu’on devait espérer que demain, l’année prochaine, ou dans 20 ans, ‘il y aura, comme avant, « une job steady et un bon boss » pour tout le monde. Nous ne vivons pas une récession, mais la phase finale, engagée depuis quelques décennies, d’une transition en marche depuis le début de la révolution industrielle.

10. Nous ne vivons pas une crise québécoise, mais une crise mondiale. Il y aura de moins en moins d’emplois, jusqu’à ce qu’il n’en reste que ce qu’il faut pour encadrer  avec souplesse et protéger une masse de travailleurs autonomes qui ne penseront pas dur labeur, sueur et corvée, mais recherche, reflexion et communications.

L’Âge du labeur est fini. L’avenir du travail, c’est le travailleur qui découvre qu’il est un entrepreneur.

Il manque un gouvernement qui ait le courage de faire ce qui doit être fait pour adapter la main-d’oeuvre à cette réalité.

Pierre JC Allard

Pour ceux qui lisent l’anglais et ont un peu de temps…  Crisis and Beyond

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Prix à la consommation : comme une odeur de prise d’otage

Il y a de ces choses qu’on sait, mais quand on se les refait remettre en pleine face, elles puent. C’est ce qui m’est arrivé quand j’ai cliqué sur le lien donnant la réponse à la question d’un blogueur : « Combien ça coute à fabriquer les cochonneries que l’on achète? »

Ça m’a mené sur le site Sympatico, section Finances, où on explique combien ça coute approximativement produire un CD :

Le coût pour convertir les chansons d’un musicien en un CD inclut le prix de l’enregistrement et du mixage audio. Il faut aussi payer les droits d’auteur et la licence pour la distribution. Avec les dépenses supplémentaires des matières premières et de l’artwork, James Wilkinson de Goldirock Records évalue le coût de production pour une grande nouveauté à 2,50 dollars. L’album Dangerous – Remastered [de Michael Jackson] se vend présentement à 14,99 dollars.

Le site donne quelques autres exemples. L’iPod Nano (8 Go) coute 96 dollars à produire, « un chiffre qui n’inclut pas le coût de la main-d’œuvre », et il est vendu à l’Apple Store 169 dollars. Pour 300 grammes de café, le plus récent prix était de 85 cents, pour une revente de 5 dollars, après « avoir été torréfié, moulu et emballé ». Pour le riz, c’est 33 cents versus 3 dollars pour un kilo. Les souliers de course, 10 dollars versus 80 dollars (« ce chiffre n’inclut pas les budgets des compagnies en ce qui concerne la recherche et développement, la publicité et le transport »). Les jeans, 20 dollars versus 70 dollars.

D’un autre côté, on apprend que Sony ne fait pas de profit avec sa Playstation 3, mais se rattrape un peu avec son lecteur Blu-ray : 115 dollars versus entre 300 et 350 dollars. Apple avec son iPhone 3G en fait beaucoup moins que les premiers exemples : un prix de vente à 299 dollars pour un cout de production de 208 dollars. Et pour terminer, la voiture électrique Tesla se vend environ 120 000 dollars pour un cout de production de 90 000 dollars.

Je ne remettrai pas en cause ici l’idée du profit, mais il faut avouer qu’il y a de l’abus pour quelques produits, comme les CD de musique. Et il semble que les consommateurs prennent leur revanche en ce moment avec les possibilités de téléchargement illégaux, et même légalement, puisqu’on peut se payer des chansons à la pièce. Mais loin de moi l’idée de blâmer toute l’industrie de la musique. Elle était une pompe à fric pour les grands « majors », pas vraiment pour les petits joueurs, puisque pour ces derniers il n’y a pas de volume, enfin si peu.

Mais pour des produits comme le riz, aliment de base d’une grande partie de l’humanité, c’est tout à fait déraisonnable. Il y a comme une odeur de prise d’otage qui se dégage. L’article dit clairement que malgré une baisse de près de la moitié (de 62 cents à 33 cents le kilo), le prix coutant était à la hausse en 2008. En sachant cela, j’ai le loisir d’opter pour d’autres aliments, et je pourrais très bien arrêter mon raisonnement là…

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Des sociétés en symbioses

Ce qui va suivre est une bien humble réflexion, qui trouve ses racines dans le questionnement qui suit : comment pourrait-on collectivement amoindrir un système où certains talents sont plus payants que d’autres? Bien sûr, cette question est en lien avec le fait qu’actuellement le travail de certaines personnes réussit à peine à les maintenir à flot et que pour d’autres, on parle d’une vie très luxueuse. Il y a une grande différence entre le pauvre qui se « tue » à l’ouvrage et, par exemple, le milliardaire aventurier Steve Fossett qui est mort dans un accident d’avion. Et, on ne peut pas parler d’un côté comme de l’autre d’un travail surhumain. Mais il est certain qu’il y a un côté plus agréable à un qu’à l’autre, en dehors de l’impondérable. Aussi, je ne voudrais pas aborder le débat concernant les salaires mirobolants (pour ne pas écrire indécents) des dirigeants d’entreprises. À part les principaux intéressés, je me risquerais à dire qu’une bonne majorité est d’accord.

Sans vouloir tomber dans le socialisme ou le communisme, je me dis seulement que si les entreprises ne veulent pas, soit d’une coercition étatique intense qui leur enlèverait une part de leurs profits pour le redistribuer, soit des syndicats qui les obligent à payer un salaire tel et des conditions telles, il faudrait alors que ces entreprises soient elles-mêmes la réponse au problème. Je m’explique. Imaginez un système où chaque entreprise calculerait sa masse salariale en conséquence de ses profits. Un peu comme si chaque employé était actionnaire et profitait à la hausse ou à la baisse du fruit de son travail concerté. Y’aurait-il besoin de syndicat, de lutte pour des augmentations de salaire, de conditions, etc., si toutes les entreprises fonctionnaient de la sorte? En tout cas, entre autres, cela permettrait sûrement de hausser la performance générale. Se battre pour son propre salaire est plus encourageant que de se battre pour ne pas se faire mettre à la porte par son patron…

Et surtout, la plus grande question : pourquoi une entreprise qui ne permet pas à ses employés de bien vivre du fruit de ses labeurs pourrait-elle survivre et faire des profits? Oui, je sais que la notion du « bien vivre » est discutable et hautement subjective. Elle est aussi beaucoup comparative, dans le sens où un pauvre du Québec ne se compare pas avec un pauvre d’Afrique, mais bien avec un riche ou quelqu’un de la classe moyenne du Québec. L’impératif d’une société n’est-il pas le bonheur de la totalité de ses individus selon l’étalon de sa culture? Si la culture fait en sorte de maintenir de la pauvreté dans sa société, il est là le problème.

Et par culture, on s’entend que la culture d’entreprise en fait hautement parti. Dans mon idée, le pouvoir de ces entreprises est la solution, et elles devraient voir leur participation à la société comme un beau défi, et non seulement considérer la main d’oeuvre comme un dommage collatéral à la recherche de profit.

(Photo : Bēn on holiday 😉 )

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