Archives de Tag: maxime bernier

La loi 101 sur les dents

 

Je dois bien être le 101e (minimum) à pondre un texte en réaction à la sortie de Maxime Bernier, qui ridiculise la portée ancienne, actuelle et future de la loi 101 sur la sauvegarde et la pérennité de la langue française au Québec. Qu’à cela ne tienne, je vais ajouter ma brique au rempart qui continue de se bâtir entre les amants du je-m’en-foutisme et les gens capables de perspective dans ce monde linguistiquement chambranlant, pour ne pas dire bancal. Et, même si la tentation est forte, je vais m’abstenir de ridiculiser en retour ce charmant monsieur…

Dans les derniers jours, j’ai discuté à la suite d’un billet paru sur Anarcho-pragmatisme : « J’appuie totalement Maxime Bernier… » Tout comme l’auteur du blogue, je pense que l’abolition de la loi 101 ne pourrait logiquement se faire qu’à la suite de l’accession du Québec à la souveraineté. Si un jour le peuple a assez de courage pour faire le grand saut, nul doute qu’il prendra grand soin de sa destinée linguistique sans avoir besoin de la législation actuelle. Mais pour l’instant, on remarque plus une tendance à glorifier la mondialisation anglicisante, le franglais et autres discours d’ouverture qui balayent sous le tapis la précarité du français, pour ne nommer que cette langue-là, et pour ne pas réexpliquer encore et encore le contexte nord-américain dans lequel nous baignons.

Un commentateur a soulevé un point qui ne semble pas avoir été soulevé ailleurs (enfin pas depuis la sortie de Colonel Jos Louis), soit les conséquences démographiques de l’adoption de la loi 101, donc le départ de beaucoup d’anglophones du Québec. Ce que j’en comprends, c’est que ce fait illustre en même temps une supposée dérive étatique et est un argumentaire se basant sur une victimisation à sens unique des anglophones, ce qui élude comme par magie ce qui a mené à ce mouvement de défense du fait français. Et il doit bien y avoir un fond de ce réflexe chez Maxime Bernier et les autres de sa trempe, à différents degrés, malgré un discours soi-disant pragmatique basé sur la sacro-sainte liberté de choix.

Ce que je crois, c’est que la dynamique linguistique au Québec devrait et aurait dû toujours être arrimée à l’idée de respect. Mais l’Histoire nous a démontré que le respect de la majorité linguistique francophone (dans une perspective provinciale) n’était pas de mise à l’époque, autant individuellement que collectivement du côté de la communauté anglophone. Cette communauté qui avait en plus le quasi monopole des pouvoirs économiques. Avec la loi 101, les francophones se sont « payés » du respect qu’ils n’auraient pu obtenir autrement. Si des anglophones sont partis parce que ce respect leur faisait trop mal, bon débarras! De toute façon, il y a pratiquement toujours des conséquences à un changement, il faut vivre avec. Et imposer le respect, ce n’est pas non plus comme imposer l’insupportable.

Du commentateur désigné plus haut, je retiens quand même ces propos, qui me semblent bien sages pour quelqu’un qui est contre cette loi :

Si vous êtes en désaccord avec la loi 101, svp, ne jetez pas le blâme sur la formation politique ayant fait passer cette loi. […] les élus ne sont qu’une interface entre le peuple et ses moyens publics. Les élus d’un peuple sont à l’image dudit peuple … et de sa volonté.

Et ce qui est clair, c’est que la volonté de préserver cet acquis est encore très forte. Mais il faut rester vigilant, on tente de salir ce respect par tous les moyens, surtout par la rhétorique. À ceux qui rétorqueront que le respect ne peut pas être décrété par une loi, je ferai remarquer que nous étions précédemment « tenus en respect » par le pouvoir monétaire, qui est tout comme une loi, mais en plus arbitraire.

 

(Photo – détail : tudor)

2 Commentaires

Classé dans Actualité, Renart L'Eveillé

Le vent vient de tribord.

Ce weekend dernier à Québec, nous avons vu la première conférence d’un nouveau mouvement citoyen nommé le Réseau Liberté-Québec. La salle était comble avec 450 participants qui ont payé $25 ou $35 chacun et les organisateurs ont dû refuser des inscription à cause de la capacité de la salle. Cette conférence fut étonnamment sujette à une forte couverture médiatique. Ça faisait longtemps qu’on n’avait pas vu un rassemblement de gens se disant politiquement de droite sur la scène politique québécoise, largement dominée par le discours de la gauche sociale-démocrate. Il semble que le mouvement ait attiré la curiosité des observateurs et aussi l’ire des ténors de la gauche.

Contexte

Pour les cousins européens qui pourraient lire ces lignes et les autres qui pourraient nous observer de l’extérieur sans connaître le contexte politique spécifique au Québec, j’aimerais faire une brève mise en scène. Après la conquête de la Nouvelle-France par les britanniques, les colons français qui sont restés se sont retrouvés seuls dans une mer anglophone en Amérique du Nord. Il n’est donc pas trop surprenant qu’il se soit développé une mentalité de siège, culturellement parlant, chez les canadiens français, un peu comme un village d’irréductibles gaulois.

Nous avons pendant longtemps été dominés par l’Église Catholique, mais en 1960, nous avons troqué cette religion pour celle de l’état social-démocrate. Peu après, le mouvement souverainiste est né et depuis ce temps, les débats politiques se sont centrés sur la question de l’indépendance du Québec. Pour le reste des questions politiques, nous nous sommes soumis aveuglément à l’État. Après plus de 50 ans de débats constitutionnels et de social-démocratie, nous sommes devenus la Grèce du Canada. Le Québec croule sous une dette publique qui est 94% de son PIB selon les normes de calcul de l’OCDE, ce qui en ferait le 5e état le plus endetté au monde s’il était indépendant. Nous sommes bénéficiaires net du système de péréquation fédéral qui redistribue la richesse des provinces riches aux provinces pauvres, au montant de $8,5 milliards/an. Nous sommes parmi les provinces/états les plus pauvres (57e sur 60) d’Amérique du Nord. Mais étrangement, nous vivons comme si nous étions les plus riches. Nous nous offrons des programmes sociaux plus luxueux que toutes les autres provinces canadiennes et états américains, comme les garderies subventionnées à $7 par jour et les congés parentaux. Nous distribuons plus de subventions aux entreprises que toutes les autres provinces également, mais sans que ça nous bénéficie sur le plan économique. Nous sommes en déficit structurel, ce qui veut dire que notre gouvernement doit emprunter pour payer les salaires et les dépenses courantes. Notre régime des rentes sur lequel des milliers de québécois dépendent comme leur seule source de revenus de retraite est un schéma de Ponzi qui va être à sec en 2037, laissant ces retraités sans un sou. Tel est l’héritage que nous allons léguer à nos enfants, si rien n’est fait pour y remédier.

Qu’est-ce que le RLQ?

Le RLQ est un mouvement citoyen fondé par 6 personnes, soit Éric Duhaime, Joanne Marcotte, Ian Senechal, Guillaume Simard-Leduc, Roy Eappen et Gérard Laliberté. Selon son site web, c’est «un organisme sans but lucratif visant à favoriser le réseautage de tous les Québécois qui partagent des idéaux de liberté et de responsabilité individuelles.» Leur but primaire est de former un groupe capable d’influencer les partis politiques à accomplir un programme de réduction de l’état afin de diminuer notre endettement et rétablir l’équité inter-générationnelle. N’en déplaise à certains détracteurs, il existe une vaste clientèle au Québec pour un tel mouvement. À preuve, lorsqu’il y a eu une rumeur de la formation d’un nouveau parti politique de droite dirigé par François Legault, un ex-ministre du Parti Québécois, les sondages lui ont donné 39% du votre, ce qui, dans notre système est presque suffisant pour remporter une majorité des sièges à l’Assemblée Nationale. Tel est le nombre d’orphelins politiques au Québec qui cherchent à être représentés, mais qui ne se retrouvent dans aucun véhicule politique présentement. Le RLQ, c’est le quidam lambda qui paie ses impôts et qui en a marre de les voir gaspillés par les politiciens et bureaucrates. Qui a marre aussi de payer toujours plus pour de moins en moins de services. Ce sont les 45 ans et moins qui paient pour la retraite dorée de plusieurs dans la génération précédente, mais qui n’auront plus rien quand ce sera leur tour. Ce sont aussi des fonctionnaires qui n’en peuvent plus de voir le gaspillage perpétré par leurs collègues. Ce sont aussi un bon nombre de syndiqués qui n’en peuvent plus de voir leur cotisations syndicales utilisées pour toute sortes de causes qui n’ont rien à voir avec la défense de leurs droits et ceux qui voudraient avoir le choix d’adhérer ou non au syndicat, mais qui ont été privés de ce choix. Ce sont ceux qui constatent que le soit-disant modèle québécois ne fonctionne tout simplement pas. Mais afin de laisser les gens se faire une idée par eux même, je vous livre quelques-uns des discours prononcés pendant cette conférence. Écoutez ou lisez à vos propres risques:


L’extrême gauche syndicale a la chiasse

Naturellement, un nouveau mouvement de droite ne pourrait pas voir le jour sans rencontrer une vive opposition de la part de certains éléments de la gauche. Les journalistes des grands médias montréalais, notoires pour leurs sympathies gauchistes ont pour la plupart fait preuve de grande retenue, mais on y détectait une grande réserve dans leurs reportages. Cependant d’autres éléments syndicalistes et extrémistes, ne se sont pas gênés pour vertement critiquer le RLQ sans même savoir la teneur de leur discours. Jean Lapierre, par exemple, qui les décrivait comme des vieux mécontents, parce que supposément on devient plus à droite en vieillissant, pour qu’on apprenne ensuite que la moyenne d’âge des participants à la conférence se situait dans la mi-trentaine. Réjean Parent en fut un autre qui a critiqué le mouvement sans pour autant avoir d’arguments et s’est dégonflé dans un débat face à face contre Éric Duhaime. Il y a aussi ceux qui n’ont d’autres arguments que des attaques ad hominem du genre que nous sommes des apologistes de Pinochet. Venant d’un apologiste de Castro et Che Guevarra, c’est vraiment la marmite qui accuse le chaudron d’être noir. Qui plus est, je ne connais personne dans ce mouvement qui ait fait l’apologie de Pinochet, mais ils ne se gêneront pas d’applaudir les progrès économiques que le Chili a fait depuis le départ de Pinochet et leur réforme des retraites qui devrait nous servir d’exemple. Mais ce qui était particulièrement édifiant fut le tas de fumier déversé à l’entrée de l’hôtel où avait lieu la conférence et la quinzaine de manifestants qui se sont tenus à l’extérieur. Mis à part leurs nombres pitoyables, leur présence et leur carte de visite témoignent du peu de respect que ces gens ont pour autrui et pour les droits individuels, comme la liberté d’expression et la liberté d’association et le respect de la propriété. Mais plus encore, ces gens ont vraiment peur que les idées de droite puissent un jour trouver un terreau fertile au Québec et prendre racine.

Je dois tout de même lever mon chapeau à Denise Bombardier, qui même si ses sympathies sont à gauche, fait preuve de grande maturité en saluant la diversification des idées qu’une organisation de droite apportera au débat public. Car c’est ça la véritable démocratie et la véritable liberté.

47 Commentaires

Classé dans Actualité, Philippe David

Il faut réinventer l’information en région

Plusieurs docteurs se penchent doctement sur l’état de la démocratie, après la faible participation aux élections fédérales du 14 octobre. Or, un rapport que vient tout juste de publier le Conseil de presse sur l’information régionale pourrait bien fournir une part de l’explication du décrochage électoral. «Les entreprises de presse et les journalistes doivent réfléchir sur leurs pratiques professionnelles et repenser l’information qu’ils offrent au public», écrit d’entrée de jeu le CPQ dans le communiqué annonçant la publication de ce rapport.

C’est à la suite d’une tournée de cinq mois dans 17 régions du Québec, au cours de laquelle il a rencontré plus de 200 organismes socioéconomiques et 250 citoyens, que le CPQ fait ce constat. Que réclame tout ce beau monde: à la fois plus d’information sur les enjeux de leur région et une nouvelle façon de concevoir la nouvelle.

Tiens donc. Les «consommateurs» d’information réfléchissent et osent même dire ce qui ne va pas!

Le reproche fait aux médias commerciaux régionaux est la piètre qualité de l’information qu’ils véhiculent. Soyons plus précis: sensationnalisme, préséance à couvrir des événements-chocs, spectaculaires et négatifs (au détriment de nouvelles d’intérêt public et constructives), manque d’équilibre et de mise en contexte, uniformisation du contenu, absence de suivi, contenu simpliste et superficiel.

Qui peut nommer un enjeu de sa région qui a été couvert par les médias au cours de la dernière campagne électorale? Non, amis de la Beauce, les déboires de Maxime avec Julie Couillard ne sont pas un enjeu régional.

Ceux qui se sont présentés aux audiences du CPQ sont venus se plaindre du fait que plusieurs secteurs sont carrément négligés par les médias régionaux. Trop souvent, seule l’information nationale est accessible, et elle est à des années lumières des préoccupations de la population.

Pire, le manque de couverture médiatique régionale, tant factuelle qu’éditoriale, n’est même pas compensé par une présence des enjeux régionaux dans les médias nationaux.

L’exception à cette critique acerbe des médias régionaux concerne les hebdos. Ceux-ci font un effort apprécié pour offrir une couverture locale. Le dévouement des journalistes œuvrant pour ces médias a même été souligné par plusieurs citoyens.

En revanche, le ratio trop élevé de publicité dans ces mêmes hebdos irrite, de même que la trop grande proximité entre les journalistes et les acteurs locaux, susceptibles d’engendrer des conflits d’intérêt selon la bonne vieille maxime voulant que l’on ne morde pas la main qui nous nourrit.

J’aurais aimé pouvoir consulter le document synthétisant les interventions faites à l’occasion de cette tournée régionale – « L’état de la situation médiatique au Québec : l’avis du public » – mais celui-ci n’est pas disponible au moment où j’écris ces lignes, malgré ce qu’annonce pourtant le communiqué du CPQ.

Soyons bon prince et reconnaissons que le CPQ dispose de bien peu de moyens. D’ailleurs, plusieurs ont souhaité que le CPQ soit renforcé, ainsi que son financement et son indépendance, par le biais d’une loi-cadre.

Faudra-t-il en venir là?

L’idée n’est pas à rejeter, d’autant plus que celle d’obliger les électeurs à se rendre dans les bureaux de vote le jour du scrutin ne règlerait pas le problème fondamental de l’incapacité qu’ont plusieurs à faire un choix éclairé, faute justement d’information en lien avec leurs préoccupations.

En tout cas, l’information régionale a besoin d’un sérieux coup de barre, mais pour cela les médias devront changer en profondeur.

Des idées?

4 Commentaires

Classé dans Actualité, Michel Monette

Le pari conservateur

Et c’est reparti. De nouvelles élections auront lieu au Canada en moins de trois ans. Ce dimanche, le premier ministre Stephen Harper a rendu visite à la gouverneure générale afin de lui permettre de déclencher des élections.

Cette tournure des événements en surprend plusieurs. Les conservateurs ont tout de même réussi à faire passer l’ensemble de leurs projets de loi avec une opposition divisée et affaiblie qui se lance la balle d’un parti à un autre afin de retarder le déclenchement d’un scrutin général. Contre toute attente, le premier ministre Harper a décidé à la place des partis d’opposition et convoque les électeurs aux urnes même si cela contrevient à sa propre loi obligeant la tenue d’élections à date fixe.

En fait, seules des raisons opportunistes peuvent motiver le déroulement de ces élections. Le parlement fonctionne relativement bien. Ce n’est pas comme si la machine législative s’était retrouvée au point mort.

Alors, quels sont ces motifs?

– Stephen Harper, en fin stratège qu’il est, veut mettre K.O. l’éternel rival libéral même si le PC hériterait encore d’un mandat minoritaire. Le Parti Libéral du Canada est pratiquement au bord de la banqueroute avec des coffres vides et l’avènement d’élections précipitées le placerait encore plus près du précipice.

– Les derniers sondages favorisent les conservateurs, tout autant au Canada anglais qu’au Québec, et ceux-ci pourraient être tentés de briguer un gouvernement majoritaire On sait qu’un gouvernement majoritaire ne peut se constituer sans un nombre important de députés québécois l’appuyant. Néanmoins, on peut douter du véritable fond conservateur du peuple québécois qui demeure encore suspicieux envers des politiques de droite. On peut le constater avec la baisse marquée de la popularité de l’Action Démocratique du Québec (ADQ) sur la scène provinciale. Au Québec, rien n’est garanti pour les forces conservatrices malgré son récent investissement électoraliste de 4 milliards dans les infrastructures.

– L’actuel premier ministre veut peut-être s’assurer de conserver le pouvoir avant que les scandales (affaire Maxime Bernier- Julie Couillard, Cadman, etc.) ne dérapent encore plus et hypothèquent grandement les chances des conservateurs d’être réélus.

– Le Parti Conservateur du Canada a atteint tous ses objectifs « modérés » et désire maintenant faire passer des législations plus radicales, ce qu’il ne peut faire sans une majorité au parlement. On peut songer ici au projet de loi C-484 contre le droit à l’avortement.

Mais, surtout, ce sont les considérations économiques qui poussent les conservateurs à ouvrir le bal électoral. Le Canada frôle la récession et l’expérience suggère que dans le passé les gouvernements au prise avec un contexte économique peu favorable ont souvent payé le prix en perdant le pouvoir. Cela, Stephen Harper et ses conseillers le savent très bien et n’ont pas hésité à contourner la loi sur les élections à date fixe même si cela soulève des questions d’éthique et coûte des millions de dollars aux contribuables canadiens.

Ici, les bénéfices escomptés pour les conservateurs paraissent plus grands que les pertes éventuelles. Un pari qu’ils sont prêts à relever.

Jimmy St-Gelais
http://pourquedemainsoit.wordpress.com/

3 Commentaires

Classé dans Actualité, Jimmy St-Gelais