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Partir du pied gauche…

Pierre JC Allard, 8 juin

L’Europe a voté. Sans beaucoup d’enthousiasme et sans se prononcer pour de grands changements. Avec la prudence qui sied à un temps où l’on peut encore se bercer de l’illusion que cette crise n’est pas terminale de la société que nous avons connue. Prudence, mais, ici et là, en Angleterre et aux Pays-Bas, entre autres, une radicalisation se dessine qui n’est pas une surprise… À moins qu’on ne veuille voir comme une surprise que cette radicalisation n’aille que vers la Droite…

Le message le plus clair de ces élections, c’est que la Gauche stagne. Les Écolos font en France un aussi bon carton que les héritiers de Jaures, pendant que les Besancenot et Melenchon ne rejoignent même pas le score d’un Le Pen pourtant bien vieux ! Pourquoi la Gauche ne représente-t-elle plus l’alternative du changement ? Parce que la Gauche s’est scindée en deux factions.

Un Parti Socialiste corporatiste, qui a réussi sa rentrée à la mezzanine, sinon au piano nobile de la société moderne … et les autres. Les autres, c’est-à-dire les démunis, les marginaux, les précaires, les irrécupérables, dont les bien-pensants se sont sommairement délestés pour parvenir à la respectabilité électorale républicaine et dont ils n’assument plus vraiment les combats, sauf du bout de la plume, tenue à longueur de bras par des intellectuels qui ne voient même pas le clivage.

On a un PS de centre-gauche qui se veut « Mouvement Démocrate », n’attendant que la naissance d’un « Mouvement Républicain » à sa droite qui lui donnera les répliques attendues pour devenir la moitié d’une démocratie à l’Américaine où il n’existera qu’un seule politique qui fera consensus et dont tout désir de changement sera exclu. Cette Gauche n’a pas de projet de société, Elle n’a pas un grand dessein à proposer. Cette Gauche ennuie.

À gauche de cette Gauche sans dessein, se coagulent en groupuscules ceux qui voudraient des changements plus radicaux, mais qui n’ont ni la voix ni les moyens de devenir un parti de gouvernance. Ils pourraient innover et tracer les plans pour une nouvelle société, mais seuls ils ne constitueront jamais une option électorale crédible. Il resteront du folklore, si le PS ne leur tend pas la main.

Si le PS préfère se mettre en ligne au centre, pour avoir épisodiquement accès au peu de pouvoir que peuvent avoir les gouvernements élus dans un régime néolibéral, ceux qui veulent de vrais changements ne pourront espérer un progrès lent, mais au moins constant vers la justice sociale par les voies de la démocratie. Tôt ou tard ces démunis, ces marginaux, ces précaires, ces irrécupérables dont le nombre et la colère augmenteront reviendront en force et par la force. Il est dommage qu’on ne lise plus l’Histoire.

Si la Gauche veut se refonder sur ses racines, et non dans une potiche, il faut que le PS aille vers cette gauche radicale et non vers le centre. Il en naitraît une alternative. Une Gauche unie pourrait tout de suite se fixer au moins quelques objectifs…

1. Mettre en place un programme universel de recyclage/formation afin que TOUS puissent être réinsérés dans le processus de production ;
2. Augmenter les salaires et le prix du travail, pour qu’ils coïncident avec le niveau de consommation compatible avec la production ;
3. Éliminer toute sécurité d’emploi et la remplacer par une sécurité du revenu par paliers ;
4. Modifier le système électoral pour que les élus représentent leurs électeurs et non des partis ;
5. Nationaliser les banques et redonner à l’État le contrôle direct sur l’émission de monnaie ;
6. Eliminer l’impôt sur le revenu et la TVA, ainsi que toute mesure fiscale à l’exception d’un impôt sur le capital;
7. Rembourser la dette publique en la portant au patrimoine des contribuables au prorata de leurs avoirs;
8. Restructurer la profession médicale et augmenter le nombre des ressources en santé pour en faire la première priorité
9. Nationaliser la recherche médicale et l’industrie pharmaceutique ;
10 Assurer la totale gratuité de tout processus judiciaire et universaliser l’arbitrage en matières contractuelles;
11 Reconnaître la violence comme une pathologie et en tirer les conséquences sur le crime, la récidive et le système carcéral ;
12 Rendre toute immigration conditionnelle à l’adhésion formelle à un « Contrat Social » explicitant les valeurs républicaines;
13 Mettre fin à toute immigration illégale, en réservant l’accès aux services aux signataires de ce contrat social ;
14 Alléger la fonction publique et en accélérer les processus, en réglant par Internet la plus grande partie des contacts avec les administrés ;
15 Remplacer le mondialisme par un politique d’import-export en complémentarité avec l’optimisation de la production interne ;
16 Reconnaître les effets négatifs de la colonisation et payer durant 50 ans aux ex-colonies une compensation annuelle à débattre ;
17 Assurer la défense nationale, mais en réaffirmant les principes de non agression et de non ingérence ;
18 Favoriser l’intégration à l’Europe et l’appartenance à des entités supranationales, en ce qui ne contrevient pas aux objectifs ci-dessus.

Cela pour un début, bien sûr, car il y a bien plus à faire… Mais agir vite, car la crise actuelle est une invitation au voyage. Si on ne part pas du pied gauche, on pourrait se retrouver bien loin de ce à quoi profondément l’on aspire.

Pierre JC Allard

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La France de gauche cocue ?

C’est la foire d’empoigne au Parti Socialiste. À la mort du Grand Charle, on avait dit que la France était veuve.  Les frasques des tout petits héritiers de Jaurès nous sortent de la tragédie pour nous conduire au vaudeville: si le PS meurt, la France de gauche est cocue…

Pour bien comprendre le résultat prévisible de ce match nul entre Royal et Aubry, il va falloir faire un retour sur des constats d’un simplisme choquant, mais il y a des moments où la gratification intellectuelle de la complexité coûte trop cher et où il vaut mieux être aussi simple que le plus simple de ceux qui auront à se prononcer sur l’avenir de la nation.  Comprendre ce qui arrive exige un regard innocent.

D’abord, comprendre qu’il y a toujours en France quatre (4) espaces politiques dans chacun desquels  peuvent  coexister une foule de partis, de tendance et de sensibilités qui s’entredéchirent avec  délectation, mais dont on peut raisonnablement prévoir qu’ils se réuniront au moment de vérité.

Ainsi, y a en France une Gauche qui veut plus d’égalité et de concertation face à une Droite qui veut plus d’initiative et de discipline. On notera que ces buts ne sont pas vraiment contradictoires ; affaire de priorité, plutôt… Quelques âmes inconstantes, frustrées par les événements ou séduites par le discours des politiciens, passent de gauche à droite ou vice-versa et font virevolter les maroquins, mais c’est sans grande importance.

Mais il y a aussi les extrêmes.L’extrême-gauche pour ceux qui sont prêts à des changement institutionnels majeurs afin obtenir plus d’égalité … et l’extrême-droite qui réunit de temps en temps ceux qui seraient prêts à tout oublier des institutions pour que les problèmes se règlent au mieux et au plus vite.

Mêlez les objectifs de ces quatre (4) groupes, pondérez par la force dont disposent leurs supporters – dont le nombre n’est que l’élément le plus visible – donnez une prime à l’inertie quand tout baigne, à l’impatience quand rien ne va plus et vous trouverez la recette de la gouvernance idéale à laquelle Quidam Lambda espère que le processus démocratique lui permettra d’accéder.

Il l’espère, mais conscient en France, plus que dans les pays anglo-saxons, que ce n’est pas toujours un processus démocratique qui le permet.    Contrairement aux USA – où un coup d’État ne se ferait qu’en invoquant le démocratie ! –  on peut très bien concevoir que les Français  puissent souhaiter ouvertement, au moins pour un temps, autre chose que la démocratie.

Au débat assez inoffensif entre la gauche et la droite institutionnelles qui est l’ordinaire de la politique française, se surimpose donc parfois un autre débat, plus dur, entre ceux pour qui les institutions sont une fin et ceux – les « extremistes » – pour qui elles ne sont qu’un moyen.  Des temps en temps, ce débat prend plus d’importance.  

Il y a 50 ans qu’on n’a pas vraiment remis en question les institutions. Depuis la chute de l’URSS, le communisme ne joue plus du tout son rôle d’extrême-gauche crédible. Le FN n’a jamais atteint 20% de soutien populaire et personne n’a jamais craint sérieusement qu’il prenne le pouvoir par la force.  Les extrêmes sont en dormance. 

Ils sont entrés en sommeil profond l’an dernier, quand l’UMP a raqvi la moitié de la cliente lepéniste et que ce qui était à gauche du PS est devenu si marginal qu’il n’y avait plus à y porter attention. Dans ce contexte où tout gravitait vers le centre et loin des extrêmes, s’est développé un Centre qui, au lieu de voir sa vocation comme un arbitrage éventuel entre la Gauche et la Droite pour déterminer une direction de gouvernance, s’est identifié comme une option permanente. 

Ce Centre s’est trouvé un porte-parole en Bayrou et a fait l’impasse sur le clivage idéologique Gauche-Droite, posant implicitement pour axiome qu’il existait désormais un consensus social sur ce que l’on attend de l’État.   Le débat politique devait donc porter sur les moyens a prendre pour atteindre ces buts désormais incontestés…  et sur la compétence et la personnalité de ceux à qui l’on confierait le gouvernail.  Une vision politique toute à l’américaine.

Dans le contexte de 2007, Bayrou aurait pu accéder à la présidence. Segolène ne voulant pour rien au monde y renoncer, toutefois, elle s’est niée au sacrifice qui aurait pu stopper  Sarkozy.  Elle a ensuite habilement manœuvré le PS pour l’amener non vers Bayrou, mais vers l’espace qu’occupait Bayrou. Un espace qu’elle aurait pu occuper et qu’elle se croyait encore capable  d’occuper en utilisant les ressources du PS pour reléguer ce dernier au rôle de gentil précurseur…    Le pouvoir semblait là.

Le PS de Ségolène, sans le dire, deviendrait un parti du centre et la France de gauche serait cocue

Mais c’était en 2007…   En 2008, avec la crise, ceux qui réfléchissent comprennent que l’heure du Centre a passé. Il y aura une radicalisation, une renaissance des idéologies et la France choisira de changer ses institutions.  Démocratiquement… ou autrement.

La moitié du PS a dit non à la marche vers le Centre et n’en démordra pas ; ceux avec Segolène qui veulent prendre cette voie ne changeront cependant pas non plus d’avis. Plus ou moins formellement, le PS va donc se scinder en deux clans.

La moitié du PS avec Ségolène se joindra au Modem ou se l’adjoindra, créant une alternative de centre-gauche  qui visera à prendre démocratiquement le pouvoir des mains de Sarkozy en 2012. Simultanément, l’autre moitié du PS rejoindra Besancenot et Mélenchon, constituant à gauche une force significative.

Cette force ne pourrait gagner des élections que si la crise se traduisait par un déplacement énorme de l’opinion publique vers la gauche.  Bien avant que ce seuil ne soit atteint, cependant, elle peut devenir le lieu de ralliement de ceux qui veulent des changements institutionnels profonds.   Si ce ralliement de ceux qu’on peut appeler les « extrémistes »  a lieu, ce n’est peut-être pas la France de gauche qui aura été cocue…

 Pierre JC Allard

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