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La religion comme bâton dans les roues de l’éducation sexuelle

Par Renart Léveillé

Pour le billet que j’ai publié mardi dernier, j’ai essayé de me tenir le plus près possible des faits. Pour ceux qui ne l’ont pas lu, j’y relatais l’histoire d’un ami enseignant qui va être suspendu trois jours par le directeur de son école parce qu’il a distribué des documents traitant de la sexualité à ses élèves.

Je veux y revenir parce qu’un des soupçons que j’ai quant à la raison de cette suspension a été soulevé dans un commentaire que j’ai eu sur Facebook en lien avec cette affaire. Et ce commentaire vient d’un autre enseignant qui raconte qu’un collègue à lui a été suspendu 5 semaines. Et la cause : des parents très religieux et très organisés. Je n’en doute point, ça pourrait tout à fait être cette même raison pour ce qui est de mon ami. Et, vous vous en douterez bien, ça me fait sortir la boucane par les oreilles!

Personnellement, je n’ai aucune patience quand il s’agit de la religion qui tente d’entrer d’une façon ou d’une autre dans l’espace commun. Et c’est bien de ça qu’il est question quand des ultrareligieux tentent de mettre des bâtons dans les roues de l’éducation sexuelle des jeunes. J’en viens même à me demander si l’abandon des cours de FPS avec la Réforme ne trouve pas plus ou moins sa source dans un lobby du genre…

Parce que là ils ont tellement le beau jeu. Le gouvernement s’est lavé les mains du problème en relayant la tâche aux profs et aux parents. Et, c’est bien connu, la plupart des parents sont mal à l’aise avec la sexualité (gracieuseté de notre civilisation judéo-chrétienne), et ça doit pas mal être la même chose avec les enseignants… Il ne reste qu’à ces brebis la tâche de débusquer les exceptions comme mon ami et d’appuyer sur le bouton-pression!

Alors, vivement le retour des cours d’éducation sexuelle. Des gens compétents qui vont faire le travail de démystification, des parents normaux qui vont être contents, et pour les autres, qu’ils continuent leur vaine croisade… En espérant qu’on en entendra de moins en moins souvent parler, et qu’ils finiront par disparaître. Optimisme, quand tu nous tiens…

Certains me trouveront sans doute trop dur, mais j’assume tout à fait mon propos. Dans un monde où la science nous montre que la sexualité est une chose normale, hautement humaine et importante pour l’équilibre mental de l’individu, ceux qui voudraient qu’elle soit régie par des préceptes doctrinaires archaïques m’apparaissent réellement anormaux.

Je sais bien que de pointer la normalité est dangereux. Surtout quand la normalité est pour beaucoup synonyme d’immobilité, que le terme inspire le contraire de la créativité. Mais ce n’est pas de cette normalité dont il s’agit. Plutôt celle-là qui donne une chance à quiconque d’avoir un bon départ dans la vie. Le choix, qui vient avec la connaissance, n’est-ce pas le plus beau cadeau qu’on puisse faire à un jeune?

Parce que d’enfermer les jeunes dans le noir jusqu’à ce que leurs hormones les poussent à expérimenter (ou pire, à se replier sur eux-mêmes devant l’épouvantable de l’inconnu), cela me semble beaucoup plus nocif. Les sujets, comme la contraception, les infections transmissibles sexuellement, etc., ne manquent pas. Et on voudrait laisser toutes ces questions à la merci de la religion : ce qu’il y a de moins « mis à jour » en terme de sens sur la planète?

Les gens peuvent bien croire en Dieu, ce n’est pas tellement ça le problème. C’est l’application aux réalités terrestres qui branle dans le manche! Certains pourraient faire ressortir l’importance de la tradition qui vient avec la religion, qui vient avec Dieu, mais il s’agit d’aujourd’hui, pas d’hier! L’écho de la réalité d’il y a (soi-disant) deux-mille quelques années (en tout cas du côté chrétien) est bien insuffisante pour nous aider aujourd’hui, à moins d’y mettre une énergie folle pour en extirper quelque chose. Si je ne m’abuse, nous avons la liberté de mettre notre énergie ailleurs, et c’est bien contre cette liberté que les ultrareligieux se battent.

Pour ma part, je me bats aussi, mais avec ces quelques mots. Soyez du nombre.

(Image : formfaktor)

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La folie ordinaire

 

Par Renart Léveillé

Mon titre, je l’ai piqué à Charles Bukowski, celui qui publiait en 1972 « Erections, Ejaculations, Exhibitions, and General Tales of Ordinary Madness », traduit simplement par « Les Contes de la folie ordinaire ». Je m’en sers dans un autre sens : et par cela je vais tenter de questionner, et la folie, et l’ordinaire, aujourd’hui, devant le verdict renversant de « non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux » du cardiologue Guy Turcotte.

Pour être franc, je n’ai aucunement suivi cette histoire, sinon de très loin (alors, je ne me suis pas trop fait manipuler par les médias). Le jeune père que je suis n’est aucunement capable de savoir (même si je l’ai quand même su, comme beaucoup d’autres choses…) des détails comme celui que Guy Turcotte a eu « conscience de ce qu’il faisait, quand il a entendu son fils lui dire d’arrêter ». Sentir son coeur virer à l’envers, le moins souvent possible… Et pour cette raison, je ne devrais même pas pouvoir écrire à ce sujet, encore plus parce que je n’ai pas assisté au procès, comme le rappelle la spécialiste en droit criminel Véronique Robert.

J’en prends note, mais je continue de voir qu’il y a un trop grand écart ici entre la Justice et ce que la moyenne des gens est capable d’en comprendre, surtout à la suite de ce verdict. Et ça me fait revenir à mon titre. On a l’impression que ce verdict rend la folie ordinaire. Plus précisément, que toute folie (ou ce que l’on considère comme tel devant la loi) est égale. Que la folie qui gagne quelqu’un suite à des problèmes relationnels est égale à la folie de quelqu’un qui est en proie à des épisodes schizophréniques, par exemple, qui sont franchement plus du domaine génétique.

Si vous voyez où je veux en venir, c’est que rien dans les gestes de Guy Turcotte n’écarte l’histoire d’amour déchue. L’absurdité ne se retrouve que dans la teneur des gestes, pas dans ce qui y mène, dans le sens où la vengeance soutire le pire de l’humain, en tout cas au niveau du fantasme. Nous comprenons que le père cocufié ait fantasmé le pire (tuer ses enfants) pour détruire la mère qui ne voulait plus être son épouse, et c’est bien là où se trouve la capacité de faire « la distinction entre le bien et le mal » et « d’apprécier la nature et la qualité de ses actes ». Mais c’est tellement lié qu’il est difficile de croire que le chemin pour se rendre du fantasme à la réalité soit seulement de la pure folie. Comment Guy Turcotte a-t-il pu se perdre en chemin alors que tout le reliait au noyau de son trouble? Il y a dans la folie cette irrationalité que je n’arrive pas à percevoir dans ce cas-ci, puisque le lien de cause à effet me semble fluide. Le meurtre des enfants représente le comble de la vengeance et c’est ce qui a été fait. Guy Turcotte semble s’être planté lui-même ce germe comme un drogué consomme ce qui peut le rendre inconscient de la réalité. Mais un meurtrier drogué ne s’en tire pas même s’il était « inconscient » lors de l’acte, comme me l’a indiqué un ami avocat. Alors, la différence entre les deux me semble ténue.

Le jury a décidé qu’il s’était perdu en route dans la folie et je ne comprends pas, comme beaucoup de gens. Comme le blogueur Patrick Lévesque, je crois que notre « système de justice a […] une responsabilité envers les citoyens, soit de les éduquer. Cette responsabilité est essentielle afin de conserver sa crédibilité, ce qui est en retour essentiel au maintien d’un système de droit, l’un des piliers de notre vie démocratique. Au-delà du choc, de la colère, de la tristesse, il est temps de passer à la compréhension. Les explications doivent venir; elles doivent être fournies rapidement, et elles doivent être fournies en tenant compte des émotions que vit en ce moment le grand public (dont je fais partie) ».

J’ai bien relu le texte de Véronique Robert, hyperlié plus haut, qui s’y connaît beaucoup plus que la majorité, et pourtant je ne comprends toujours pas. Quand j’y lis que le jury a décidé, « à l’unanimité, que « le monstre » était vraiment en état de déséquilibre mental au moment des faits », je me dis qu’il faut bien de toute façon être « en état de déséquilibre mental » pour tuer ses enfants, c’est un pré requis : une personne équilibrée mentalement ne va pas faire ça. Et pourtant, je ne doute pas que ce raisonnement ne fasse pas le poids au niveau de la Justice. Mais bon, je ne suis pas juriste. Et ça doit être le problème de la majorité de la population qui n’est pas d’accord avec ce verdict.

Voilà, la question de la folie est posée. Et elle n’est surtout pas simple. Quant à l’ordinaire, le choix du terme est peut-être abusif en soi, mais il sert au moins de contrepoids. La folie comme concept ultime ne peut pas être remise en question. En l’acoquinant à l’ordinaire je le rendais au moins un peu plus malléable. Et, il n’y a pas de doute pour moi, le concept de folie au niveau de la Justice est très discutable.

C’est ce que bien humblement j’ai essayé de faire ressortir ici.

 

(Photo : amandajane)

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Pas même la prière à Voltaire…

Par Renart Léveillé

Du côté de nos voisins « Politicoblogue », un dénommé Loup Kibiloki prend la défense de la croisade anti-laïcité du maire Jean Tremblay. Pour ce faire, il lui propose de s’inspirer de la Prière à Dieu de Voltaire, qui était lui-même un déiste anticlérical. Il pointe donc une prière « qui ne réfère à aucune religion en particulier » et qui pourrait rallier tout le monde, enfin presque… Serait-ce donc là la solution tant rêvée? Je suis loin de le croire. Encore moins quand cette idée prend sa source dans cette conception de la « fonction » de la prière :

Quoi qu’on dise, quoi qu’on pense, la prière demeure une fonction radicale, vitale, fondamentale, de la psyché humaine, elle existe sous une multitude de formes depuis la nuit des temps, elle existe aujourd’hui, continuera à exister dans l’avenir, elle ne s’éteindra pas.

Fonction radicale, ça se défend, si on y tient vraiment. Fonction fondamentale, c’est hautement subjectif. Et fonction vitale, c’est purement mensonger. Manger et boire, c’est vital, mais y’a-t-il un seul cas de mort pour s’être abstenu de prier? Mais bon, je vais peut-être trop loin, étant donné qu’il est seulement question de « psyché humaine ». Alors, une autre question plus réaliste : existe-t-il un seul cas prouvé de maladie mentale causé par le fait de s’être abstenu de prier? Encore plus, le fait d’être athée est-il à risque pour la santé mentale?

Si on lit tout le texte, il est très facile d’y voir aussi que la prière serait en quelque sorte l’assurance d’une société meilleure. Comme quoi une certaine idée de la perdition de la société passerait par l’abandon des rites traditionnels comme la prière avant les réunions, les repas, etc. Et, pour aller encore plus loin, on a l’impression que Jean Tremblay serait le porte-flambeau d’un mouvement de réhabilitation dans ce sens. Par la quantité de ses appuis et de ses détracteurs, on le désigne puissant comme le chef du village des irréductibles Gaulois qui résistent contre l’oppresseur romain, c’est-à-dire les méchants défenseurs de la laïcité dans le monde politique.

Mais si on revient à la question de base, que la prière soit la représentation d’une religion en particulier ou une confession de foi théiste ne change pas grand-chose. Une prière, quelle qu’elle soit, est une manifestation. On ne peut pas dire qu’une absence de manifestation (ce que les laïcistes demandent) est une manifestation. Comme on ne peut pas dire que l’athéisme est une religion. Idem pour ce qui est de la laïcité. Soyons sérieux et regardons ce que les mots veulent dire!

Je ne nie pas qu’une prière peut avoir du sens pour un croyant et participer à son bonheur. Ça serait de la malhonnêteté de ma part. Par contre, il faudrait que les croyants qui veulent l’imposer dans la sphère publique soient aussi honnêtes. À partir du moment où possiblement une seule personne se sentirait étrangère à cette pratique, c’est la base du civisme que de la mettre de côté. Et, pour moi, c’est de cette éventualité dont il est le plus question avec le mouvement laïc.

Et pour ceux qui comme Loup Kibiloki voient le sujet de la prière comme une question de vie ou de mort, j’espère que leurs prières personnelles en privé pourront contrebalancer la perte future des prières publiques pour leur équilibre mental…

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