En y regardant bien, c’est une bonne chose que Michael Ignatieff appuie le budget. Ce budget que renie la droite économique et qui obtient un accueil mitigé du côté opposé. Si on regarde tout ça en calculant, ça ressemble à un budget assez au centre, quand même. Bon bon, OK, beaucoup à gauche pour ceux qui croient que l’interventionnisme rime obligatoirement avec la gauche…
Bon, c’est maintenant officiel: il n’y a plus que des partis socialistes, corporatistes, dirigistes (utilisez votre terme favori) au Canada, c’est-à-dire des partis qui considèrent que l’État doit planifier le développement économique et contrôler les décisions économiques des individus et des entreprises.
Je suis d’accord, mais d’un autre côté « conservateur » ne veut pas dire non plus « libertarien »… Si l’idéologie politique conservatrice penche beaucoup, comme je ne suis pas le seul à le croire, vers l’interventionnisme moral, le pas vers une attitude semblable du côté économique n’est pas si surprenant. Donc, l’appui des libertarien pour le PC ne s’appuyait que sur du pur fantasme… L’image de Stephen Harper le bon papa omniprésent cadre très bien avec le budget qu’a présenté son gouvernement, somme toute. Passons là-dessus.
Mais dans un monde idéal, je n’aurais pas commencé mon billet en écrivant que c’est une bonne chose que Michael Ignatieff appuie le budget. C’est que je constate aussi surtout que c’est l’argent qui a mené le plus la danse dans cette prise de décision. Explication par des questions imagées : imaginez un système électoral qui demande peu de frais? Imaginez une vie politique et partisane qui ne s’appuie pas sur des fonds laissés à l’aléatoire des donations?
Si l’économie canadienne roulait sur l’or, si des élections ne venaient pas faire des trous dans le trésor et si le PLC avait ses coffres pleins, nous serions pour sûr en préparation pour aller aux urnes.
Voilà enfin le chat qui sort du sac: le gouvernement Harper a finalement admis publiquement qu’il va encourir de forts déficits budgétaires pendant au moins les quatre prochaines années, à commencer avec des prédictions de déficits de $30 milliards dès le budget 2009-10. Ça ne prenait pas une tête à Papineau pour prévoir cela. Avec ces $75 milliards octroyés aux banquiers canadiens par Harper, il est évident qu’un trou noir abyssal serait créé dans les finances publiques. C’est entre autres ce que je vous rapportais lors de mes deux derniers billets et c’est aussi la réalité que mes confrères collaborant à ce site ont essayés de vous convier (Voir 1, 2, 3, 4, 5). Ne comptez pas sur les Libéraux et leur nouveau chef Michael Ignatieff pour vous aider parce qu’il vient de proposer de remonter la TPS pour aider à financer tout ce gâchis.
À ce massif $75 000 000 000 que Harper a accordé aux banques à charte canadienne – sans nous consulter avant de donner notre argent à ces banquiers – se rajoutera maintenant autour de $4 milliards pour les constructeurs automobiles… jusqu’au mois de mars après quoi ils auront besoin d’un autre $4 milliards. Et ensuite d’un autre. Et un autre. Et un autre…
Les constructeurs automobiles
Il reste que nous tenons pour acquis que de prendre de l’argent d’une partie de la population pour la donner à une autre soit louable. Certains diront que nous ne pouvons pas laisser les trois géants Chrysler, Ford et GM faire faillite dans le but de protéger les emplois, mais si nous avons cessé de consommer leurs produits, c’est qu’il y a bien une raison. Même si nous leur lançons tout notre argent alors que personne n’achète leur produit, ne sont-ils pas condamnés de toute façon? Combien d’argent leur avons-nous donné ces dernières décennies? Si nous sommes pour décider de les «sauver», ne devrions-nous pas leur imposer certaines conditions, comme de prendre part aux futurs profits ainsi que les forcer à produire des véhicules qui fonctionnent avec d’autres sources d’énergie que du pétrole, chose que nous savons parfaitement faire depuis assez longtemps?
Parce que vous savez, cet argent, c’est vous qui le payez en fin de compte. Ces multichiffres dans la stratosphère des milliards seront payés à même vos fonds de pension, qui eux, sont carrément menacés de disparaitre. Le reste sera siphonné par les fonds de couverture (hedges funds) dans lesquels notre système spécial de fonds de pension capitalisés est investi en grande partie. 92% des avoirs de la Caisse de dépôt et placement du Québec sont investis à l’extérieur du Québec dont plus de 40% dans ces fonds de couvertures qui sont littéralement en train de s’écrouler. C’est la prochaine bulle financière qui va éclater. Mais attention, si vous pensiez que la bulle des hypothèques à risques était maligne, attendez de voir celle des dérivatifs. Nous parlons d’une bulle de 1,5 quadrillion de dollars ($1 500 000 000 000 000).
Nous faisons partie des quelques pays qui risquent de souffrir le plus de l’effondrement des fonds de pension capitalisés avec les États-Unis, le Japon l’Angleterre, la Hollande et le Danemark. Seulement qu’en 2008, ces fonds de pension ont perdu de $1500 à 4000 milliards et il est estimé qu’ils perdront au moins un autre $3000 milliards au courant de 2009. Ces gouvernements devront éventuellement nationaliser ces fonds de pension comme l’a fait l’Argentine dernièrement.
Ceci s’accompagnera de coupures importantes dans les services sociaux et autres dépenses publiques, de mises à pied massive qui mènera à l’effondrement des finances publiques tant au niveau fédéral que provincial, entrainant une accentuation et accélération de la privatisation de l’état laissant une plus grande emprise des créanciers sur l’appareil politique et un appauvrissement général de la population.
Terrorisme économique
Nous assistons ainsi à une forme pernicieuse de terrorisme économique. Henry Paulson, le Secrétaire du Trésor américain, a menacé plusieurs congressistes américains lors des débats sur le plan de sauvetage en septembre au Congrès: s’ils ne votaient pas pour le passage du plan de sauvetage de $700 milliards (qui se chiffre maintenant plutôt autour des $8500 milliards), alors ils verraient l’économie américaine s’effondrer la semaine suivante et la loi martiale serait imposée sur le territoire américain en suspendant la Constitution. Voilà ce que j’appelle du terrorisme économique. Ils ont d’ailleurs instauré une procédure spéciale qui accélère le passage de lois urgentes au Congrès qui est nommée «loi martiale», qui, celle-là, n’a rien à voir avec le déploiement de troupes dans les rues. À titre de comparaison, le programme lunaire Apollo des États-Unis pour aller sur la lune aurait couté 267 milliards en dollars ajustés d’aujourd’hui.
Bien sûr, un coup que l’argent fut approuvé, l’urgence disparue et l’argent fut distribué secrètement par la FED à divers amis banquiers et financiers de Wall Street qui en profitèrent pour se payer de gras bonus et salaire de l’ordre de $1.6 milliards en gage de récompense pour avoir si mal géré ces institutions financières en jouant au grand casino mondial, entrainant ainsi la crise que nous vivons présentement. D’ailleurs, une grande partie de cet argent servira au rachat d’autres institutions financières et autres compagnies et infrastructures publiques alors que le reste demeurera entre les mains des banques privées qui ont décidé de s’asseoir dessus en attendant de nous prêter plus tard cet argent qui nous appartient, en prenant soin d’y rajouter les intérêts.
Déjà plusieurs experts s’entendent pour dire que les États-Unis approchent l’insolvabilité et risquent de voir les finances du pays complètement s’effondrer d’ici l’été 2009 et commencer à faire défaut sur sa dette extérieure qui dépasse de loin 100% de son PIB.
Il est à prévoir que le déroulement de la crise systémique globale va atteindre un nouveau sommet vers mars 2009. À cette période de l’année, le public en général va devenir conscient de trois forces majeures déstabilisatrices qui sont à l’oeuvre dans l’économie globale:
– La durée de la crise qui ne se stabilisera pas avant la fin de 2010 et pas de croissance réelle avant 2018 selon le rapport LEAP/E2020 produit par GEAB;
– L’explosion du chômage à travers la planète;
– Le risque d’un soudain effondrement de tout le système des fonds de pension capitalisés.
Cela aura des conséquences. Dans le domaine de la prédiction des tendances du monde futur et des évènements économiques, Gerald Celente, le directeur du Trends Research Institute, est l’homme le plus respecté pour son exactitude. C’est celui qui a prédit le crash des marchés boursiers en 1987, l’éclatement de la bulle des hypothèques à risques (subprime) et la chute de l’Union Soviétique; et qui prédit maintenant qu’il y aura révolution aux États-Unis, des émeutes pour la nourriture et une rébellion contre les impôts et taxes d’ici les quatre prochaines années. Vers la fin de l’an 2012, il annonce que les États-Unis seront devenus un pays sous-développé. C’est que les gens seront furieux lorsqu’ils prendront conscience que les mauvaises décisions prises par leur gouvernement, industries et par la communauté financière les ont complètement ruinés. Ceci est corroboré par un mémo interne de la Citibank (autre responsable de la débâcle économique) qui prévoit que la création massive de nouvel argent par la FED et les autres banques centrales du monde mènera à un ou plusieurs de ces scénarios: une résurgence catastrophique de l’inflation et/ou à une profonde dépression suivit de troubles d’ordre civil et possiblement de guerres.
Mais il y a fort à parier que ces manifestations légitimes de la part du public seront attendues de pied ferme par les autorités. Il y a plus de 20 000 troupes de combat qui se trouvaient en Irak qui seront déployées graduellement sur le territoire américain pour maintenir l’ordre en cas de troubles civils. Le U.S. Army War College parle dans son dernier rapport d’utiliser des ressources et troupes du Pentagone dans le cas où la crise économique mènerait à des troubles civils, comme des protestations contre des corporations et le gouvernement ou contre des banques assiégées. Donc, on ne va pas protéger la population, mais bien les riches possédants de corporations et les banquiers.
De ce grand chaos dont l’élite est volontairement responsable viendra la possibilité de faire émerger leur grand rêve d’une gouvernance mondiale. La venue de ce gouvernement global, aussi connu sous l’appellation du nouvel ordre mondial, est maintenant admise et annoncée par le prestigieux journal de Londres, The Financial Times, dans cet article nommé «And now for a world government». L’élite ne se cache plus et leur but est annoncé publiquement. À vous d’en prendre note. Ils ont déterminé que ce nouvel ordre mondial sera imposé par la force, ou encore mieux, sera demandé et accepté par la population mondiale qui, trop terrorisée par le chaos engendré par la crise financière, se rendra à cette élite pour être sauvée.
Ottawa est en crise, dit-on dans les milieux bien informés. Nous devrions plutôt dire que le parti conservateur, au pouvoir, est en crise. Je n’ose imaginer un seul instant que la population lui eut accordé sa confiance en élisant son chef à la tête d’un gouvernement majoritaire. Coup d’état, clament les caciques du parti, contre un gouvernement légitiment élu. Je serais porté à répondre : coup d’état d’un gouvernement contre sa population qui lui a signifié, par son vote, qu’il ne devait pas se comporter comme un gouvernement suffisant, imbu de lui-même, cynique et au-dessus de la volonté populaire. Le Devoir écrit : « Si le Bloc n’avait pas empêché le Parti conservateur de former un gouvernement majoritaire le 14 octobre, les mesures ahurissantes que James Flaherty a annoncées dans son énoncé économique de la semaine dernière auraient eu force de loi. Les dommages causés à la société canadienne auraient pu être incalculables ».
Une crise qui fait rougir les conservateurs !
Selon un stratège conservateur, la présente situation n’est rien de moins « qu’une attaque contre le Canada, une attaque contre la démocratie, une attaque contre l’économie ».
Au Québec, nous sommes en période électorale. Jean Charest ne pouvait résister à la tentation, tant il s’en satisfait, de reprendre à son avantage cette crise d’Ottawa pour maintenir la position qu’il défend depuis le déclenchement des élections : il est important d’élire un gouvernement majoritaire. « Ce qui se passe à Ottawa, ça prouve que ça prend un gouvernement stable, surtout dans une période de turbulence économique. Ça prouve clairement que ça prend un gouvernement de stabilité, ça n’a pas de sens », répète Jean Charest à qui veut l’entendre. Ce que ne dit pas monsieur Jean Charest est que son vœu traduit une volonté de n’en faire qu’à sa tête, une fois élu. Au sein d’un gouvernement majoritaire, il faudra vivre pendant quatre ans avec les décisions d’un gouvernement, jadis réputé arrogant, sans pouvoir remettre en question aucune d’entre elles.
Au-delà du comportement indigne de Stephen Harper et de son ministre des Finances, qui ont présenté un plan idéologique en lieu et place d’un plan de relance économique, au sein duquel les conservateurs réglaient de vieux comptes sortis tout droit des cartons alliancistes empoussiérés, ce qui fâche dans l’Ouest est de devoir faire reposer l’avenir dupays sur un vote prépondérant des vilains séparatistes du Québec. « Ce n’est pas le temps pour le Canada d’avoir un gouvernement non élu dépendant de l’appui des séparatistes du Bloc québécois », déclarait le premier ministre de la Saskatchewan, Brad Wall. « Le Canada mérite beaucoup mieux », a soutenu Brad Wall. N’en déplaise à Wall, c’est surtout l’Ouest qui a soutenu Stephen Harper et c’est le Québec qui a fait en sorte que le Canada ne soit pas aux prises avec un gouvernement majoritaire.
Et les conservateurs n’ont rien d’autre à faire, face à la crise qu’ils viennent de provoquer, que de s’emmêler dans leurs cassettes en écoutant, enregistrant et diffusant une conférence téléphonique privée du NPD. En défense devant un geste aussi insensé, qui s’ajoute aux actions passées du parti lors de leur premier mandat, les conservateurs plaident qu’il n’était pas contraire à l’éthique d’écouter à la dérobée, d’enregistrer et de diffuser aux médias des délibérations privées du NPD.
Pendant ce temps, les chefs d’opposition à Ottawa se sont réunis et ont procédé à des négociations pour la mise en place d’un gouvernement de coalition. Rien n’est plus déplaisant aux yeux de plusieurs observateurs que d’envisager un Stéphane Dion occupant la fonction de Premier ministre du Canada. Autant l’Ouest rejette un appui des vilains séparatistes du Québec, autant le Québec, dans un sondage de la Presse, rejette l’idée de voir Dion occuper cette fonction.
Selon les termes d’un accord intervenu entre les trois chefs d’opposition, de nouveaux crédits seront déployés pour des projets municipaux. La loi sur l’assurance-emploi sera amendée pour permettre de créer une caisse autonome qui s’autofinancera. Les chômeurs bénéficieront à nouveau de leur prestation, les deux semaines de carence étant abolies. Les réductions d’impôt aux entreprises ne seront pas annulées. Les fonds des agences de développement économique régional et les 45 millions de dollars supprimés en culture seront restaurés. La coalition n’imposera pas la taxe sur le carbone, si chère à Stéphane Dion.
Le Bloc québécois ne sera pas représenté au sein de l’équipe ministérielle de la coalition. Jusqu’au 30 juin 2010, le Bloc s’engage à ne pas déposer de motion de censure et à ne pas appuyer celles qu’une opposition conservatrice pourrait présenter. Beaucoup de choses ont été dites sur cette nouvelle alliance circonstancielle. Le Bloc pouvait-il exiger des libéraux qu’ils choisissent un autre chef que Stéphane Dion, le politicien le plus impopulaire au pays, qui vient tout juste de mener son parti à la pire défaite de son histoire ? Les trois aspirants à la direction du PLC, Dominic LeBlanc, Michael Ignatieff et Bob Rae ont salué cette décision de façon unanime. La population canadienne jugera aux prochaines élections cette décision du Parti libéral de ne pouvoir, dans les circonstances, proposer un chef qui soit à la mesure des attentes des électeurs, qu’ils soient de l’Ouest ou du Québec. Pour l’heure, « il faudra faire avec », comme diraient nos ados.
Dans la présente situation, que vit le Canada, il est inutile de monter aux barricades et de s’inspirer des dictatures, comme n’a pas hésité à le faire Lysiane Gagnon, de La Presse : « Les putsch se justifient sous les dictatures ou dans des situations d’une gravité inouïe. Pas parce qu’on n’aime pas l’approche économique du gouvernement ». Fort heureusement que la chroniqueure de La Presse émet une opinion personnelle et non un avis en droit constitutionnel. Il faut se rappeler cet acte de foi du propriétaire de Power Corporation, monsieur Paul Desmarais : « Notre position est connue : nous sommes fédéralistes. Ça nous a valu des conflits très durs. Au final, on est arrivé à un compromis : je ne dois pas intervenir dans le journal. Le point de vue des séparatistes peut apparaître, mais la ligne éditoriale est fédéraliste. Il n’y a pas d’ambiguïtés. Si le Québec se sépare, ce sera sa fin. Moi, je suis attaché à la liberté et à la démocratie ». Élus selon les mêmes règles, les députés bloquistes ont la même légitimité que les députés conservateurs.
« Notre régime politique est un régime parlementaire, et non un régime présidentiel », rappelle Bernard Descôteaux, du Devoir. Pour ma part, j’incline à penser que le putsch vient de Stephen Harper qui a tenté, sous le fallacieux prétexte de redressement de la situation économique, d’imposer un agenda de droite, malgré le rejet de la population canadienne.
Celui qui a le plus à craindre est Stephen Harper lui-même. S’il devait être vraiment chassé du pouvoir, comme un malotru, en raison d’un vote de confiance, le parti conservateur ne lui pardonnera pas ses bévues et son caractère fantasque. La sérénité bien artificielle du PC replongera rapidement dans les abimes des années 1960 et des luttes de pouvoir internes. Harper l’aura bien cherché.
Les conservateurs ont beau se draper dans les principes de la démocratie, cette tentative de putsch à l’égard du parlement en imposant un déni du droit de grève des fonctionnaires et en éliminant le remboursement des partis politiques illustre ce qu’aurait pu être un gouvernement majoritaire conservateur. James Moore, ministre du Patrimoine canadien et des Langues officielles, devrait s’imposer un examen avant de clamer haut et fort que les séparatistes veulent prendre le bureau du premier ministre. James Moore, comme certains journalistes proches du beau pays de Paul Desmarais devrait songer au fait que Harper pourrait proroger la session pour gagner quelques semaines ou même replonger le pays en élections générales.
S’agissant des élections au Québec, qui des électeurs peut dire en quoi consisteront les mesures de redressement de l’économie de Jean Charest ? Donner un gouvernement majoritaire à Jean Charest, sans connaître au préalable son plan de redressement, équivaut à voter à l’aveuglette en souhaitant qu’il n’y ait pas trop de dommages collatéraux pour les quatre prochaines années.