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1er mai. Bonne fête, Travailleur !

Les mères ont leur fête au temps du muguet, le Québec en juin, la République française  en juillet, et même le petit Jésus a la sienne, en décembre. On leur fait des cadeaux. Des fleurs, des discours ou, quand on croit que le jubilaire a vraiment tout, on s’en fait entre nous. Chouette, les fêtes ! Êtes-vous Carrefour ou Wal-Mart ?

En Amérique, où l’on a compris que se faire des cadeaux fait marcher le commerce et est le plus beau cadeau collectif qu’on puisse se faire, on a la journée de la Femme, celle des Enfants, celle des Secrétaires et bien d’autres. Comme on importe tout des USA, mais qu’on fait tout mieux que tout le monde, on finira aussi par avoir des jours de n’importe qui, puis de n’importe quoi. Une journée Lambda, par exemple, où l’on parlera des Tibétains et où l’on achètera chinois… Mais je m’égare…

Pourquoi le travail n’aurait-il pas sa fête, lui aussi ? Un jour par année, où l’on pense aux travailleurs, est-ce trop demander ? Alors on a le Premier Mai… Le problème, c’est qu’à partir d’un certain âqe, se faire souhaiter bonne fête, c’est aussi se faire dire qu’on a pris un coup de vieux. Le travail n’est plus très jeune. Il marche encore, mais… pas très alerte. Évidemment, quand on a connu Germinal et qu’on a écouté Jaurès ou Michel Chartrand, fréquenter  la Gauche aujourd’hui, c’est se sentir en pré-retraite.

Soyons sérieux. Il y a moins de travail, moins de travailleurs et la plus grande partie du travail qu’on fait, en col roulé plus souvent qu’en col blanc ou bleu;  grand-papa n’aurait même pas appelé ça du travail. On vit dans une société de services, une société d’économie tertiaire, il ne reste que 16% de la main-d’œuvre en industrie aux USA. Le cambouis et la sueur sont devenus des raretés plaisamment rétro, comme le communisme. Alors on ne se retrouve plus. Il n’y a plus de prolétaires. On a fait disparaître la classe ouvrière.

Inutile de chercher le travailleur en bas de l’échelle sociale. Il a été poussé en haut par toute une horde de non-travailleurs. Les chômeurs, bien sûr, mais ça, c’est l’aristocratie des sans-travail, les temporaires…  Il y a aussi les permanents du non-travail. Chômeur un jour, mais précaire toujours… Il y a les jeunes, il y a les vieux, les non-instruits, les pas-tout-à-fait-en-santé et les pas-tout-à-fait-doués, les immigrés et les pas-tout-à-fait-français ou pas vraiment « nous-z-autres.  Vous êtes Syndiqué et vous vous dites défavorisé ? Vous plaisantez ou vous voulez une baffe ?

Le travailleur est monté à l’étage et marche sur du solide: ils sont nombreux en dessous… L’image choc des travailleurs en marche, ce n’est plus une démonstration sur les boulevards, ce sont les millions de voitures de travailleurs qui avancent lentement, en rangs serrés vers l’Espagne , début août, ou les retraités du SFPQ qui volent du Saint-Laurent vers la Floride, comme les oies blanches à l’automne.  Le grand soir, c’est chaque soir où il y a du foot ou du hockey. Le travailleur a réussi son entrée dans la bourgeoisie.

Solidarité ? Avec qui ? Nous sommes tous disparates, avec des intérêts différents. C’est ça, une économie tertiaire. La lutte des travailleurs peut-elle être celle de ceux qui ne travaillent pas ? Comment être avec les exclus, quand on est « dedans » et qu’on a tellement peur de sortir ? « Diviser pour régner ? » Même pas, juste laisser l’égoïsme et la paresse faire leur œuvre, dans une société où il y en a assez pour que ce qui leur manque ne manque pas vraiment à ceux qui ont peu.

Ne cherchez pas le travailleur en bas. Ne le cherchez pas à gauche non plus. Sans solidarité, il n’y a plus de gauche. Il ne reste à gauche que quelques théoriciens et des journalistes qui bloquent le passage, pour qu’on n’aille pas trop loin. Pour qu’on ne tombe pas dans le vide, ou pire, qu’on ne découvre pas que la terre est ronde et qu’en poussant trop loin à gauche on ne se retrouve à droite.

Le travailleur a trouvé sa place dans le monde de l’abondance. Elle n’est ni en bas ni à gauche, juste un peu à l’écart. Presque tout le travail qu’on fait est d’une utilité douteuse et, sans le dire, on pense que l’assistanat vaut bien le travail dans un monde de loisirs. Il faut lire l »Insurrection qui vient« .  Superbement écrit… et vrai, même si je veux y voir  un passage, alors que l’auteur semble la voir comme une fin.

Le travailleur aurait  trouvé son meilleur des mondes ? … Minute ! La moitié de la richesse nationale en France appartient à 5% de la population. 38% de la richesse aux USA appartient à 1% de la population, la moitié de l’humanité vit sur 1 euro par jour et 1 000 000 d’enfants dans le monde meurent de faim ou de malnutrition chaque mois.

Nous ne sommes plus une population démocratiquement gouvernée, mais un cheptel judicieusement exploité alors qu’il suffirait d’une décision politique pour que le niveau de vie du travailleur moyen double en quelques mois.  Une idée  troublante, si on y accorde trop d’attention. Mais seriez-vous plus heureux, qu’on nous dit ? Et ils feraient quoi, les riches, si tout le monde avait tout ? Vous imaginez la queue, chez Fouquet’s, quand Sarkozy est élu et que Paul Desmarais invite?

Allez, il n’y a plus de travailleurs, nous sommes tous des travailleurs. « Liberté, c’est une marque de yaourts » et l’Internationale est une chaîne d’hôtels. Souhaitons-nous bonne fête, entre travailleurs. Oublions nos rides, soufflons les chandelles et trinquons. Nous sommes là pour trinquer.

Pierre JC Allard

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L’indigestion des fécules

Par lutopium – Un des signes évidents du vieillissement, c’est la difficulté à digérer certains aliments. Certains d’entre vous seront d’accord pour dire que les fécules peuvent causer des douleurs intolérables. C’est le malaise que j’ai ressenti cette semaine lorsqu’on m’a informé de la publication d’un billet de Joseph Facal dans le Journal de Montréal. Je me contenterai de ce petit jeu de mots. Restons polis…

La réaction farfelue de l’ancien ministre péquiste est reliée au manifeste de Québec solidaire « Pour sortir de la crise: dépasser le capitalisme? » qui a été lancé la semaine dernière. Monsieur Facal n’hésite pas à tomber dans les insultes et les imprécisions afin de discréditer l’initiative de Qs. Même si la plupart des médias québécois n’ont eu aucun problème à informer la population sur la publication du manifeste, Monsieur Facal croit que « l’initiative est passée totalement inaperçue ». Le professeur discrédite le travail de Qs en associant ses idées au fascisme et au communisme tout en nous rappelant que Françoise David a milité dans un groupe marxiste-léniniste dans les années soixante-dix. Évidemment, pour un type qui a fait un bac et une maîtrise en sciences politiques, rien n’est plus mystérieux et dangereux qu’un ancien marxiste… Dommage, ça discrédite un grand nombre de personnalités publiques… comme Gilles Duceppe ou le journaliste Alain Dubuc. À moins que tout ça dépende de quel bord vous vous êtes rangé. Vous êtes un ancien maoiste déterminé à faire l’indépendance du Québec? Ça va. Vous êtes un ancien agitateur trostkyste maintenant au service de Maître Desmarais? Bon travail.

Monsieur Facal le prend très personnel. Parce que le manifeste de Qs utilise le terme « Lucides » pour identifier les responsables de la crise économique actuelle, il se sent directement attaqué car, ne l’oublions pas, Monsieur Facal est un des signataires du Manifeste des Lucides publié il y a quelques années, en collaboration avec Lucien Bouchard, André Pratte, Claude Montmarquette et une brochette de ténors de la droite économique québécoise. Dans cet hymne à la liberté économique, les disciples du monde des affaires proposaient le dégel des frais de scolarité, la hausse des tarifs d’électricité, des baisses d’impôts et une plus grande place au privé dans la livraison des services publics. Lucidité, responsabilité et liberté. Amen. On se rappelle que Françoise David avait répondu à l’invitation des lucides en lançant le Manifeste pour un Québec Solidaire, qui proposait des solutions progressistes qui ont finalement reçu un meilleur accueil de la population, tel que le soulignait un sondage CROP et un article d’Alexandre Shields.

Avec la publication de ce nouveau manifeste, Qs suggère de pousser la réflexion un peu plus loin et de remettre en cause certains fondements de notre système économique. Monsieur Facal semble renversé. Pourtant, des centaines d’experts de tous les horizons politiques et économiques proposent essentiellement cette réflexion fondamentale. Est-ce tout simplement une (autre) crise économique ou un système qui supporte mal le modèle néolibéral? Même Nicolas Sarkozy, qui est loin d’être un militant gauchiste, reconnaissait récemment que « le marché qui a toujours raison, c’est fini ». Monsieur Facal remarquera également que « la Chambre des représentants américaine a approuvé (hier) la création d’une commission d’enquête indépendante pour examiner les causes de la crise économique… ». Le problème est majeur Monsieur Facal. Ceci n’est pas un hoquet.

En fait, Monsieur Facal me rappelle la croisade qu’a menée le sénateur américain Joseph McCarthy dans les années cinquante. Le pauvre, il voyait des communistes partout et toute opposition au système capitaliste devait être sévèrement punie. McCarthy et Facal, inquisiteurs au service des Maîtres de la Cité, ont trouvé le clown maléfique de leur époque. Monsieur Facal compare Françoise David et Amir Khadir à Ding et Dong et souhaite leur disparition du paysage politique québécois. De son côté, le sénateur McCarthy a poussé Charlie Chaplin à s’exiler en Suisse suite à des accusations d’activités anti-américaines portées contre lui. La chasse aux sorcières qu’a menée McCarthy était motivée par ce qu’on appelait la « peur rouge », la peur des méchants communistes. Et celle que mène Monsieur Facal, est-elle associée à sa loyauté envers le Parti Québécois ou envers la chambre de commerce?

J’imagine que Monsieur Facal n’est pas très préoccuppé par la crise économique actuelle. Car, même s’il est l’un des grands défenseurs du libre-marché et de la croissance économique, il n’est pas le symbole de l’entrepreneur visionnaire. Après ses études collégiales et universitaires, M. Facal a travaillé pour le PQ, a siégé comme député et il est maintenant professeur aux HEC tout en vendant ses pamphlets à Maître Péladeau. Une belle carrière « publique » d’après ce que je peux constater. Il n’a probablement pas de soucis à se faire en songeant à sa belle retraite dorée qui sera payée entièrement par les fonds publics.

Photo: Scr47chy – Flickr

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L’eau Desmarais

Par lutopium – Un peu avant le déclenchement des dernières élections provinciales, je me demandais si l’entêtement de Jean Charest à former un gouvernement majoritaire était relié directement ou indirectement aux pressions des lobbies économiques qui lui font la cour afin d’influencer les orientations budgétaires de l’état. Pas facile pour un gouvernement minoritaire de faire passer ses idées, rappelons-nous la saga du Mont-Orford ou les nombreuses oppositions au projet Rabaska. Rien de mieux que d’avoir les deux mains sur le volant pour prendre le virage qu’on veut.

Il m’arrive parfois de plonger dans une atmosphère un peu parano et de m’imaginer que les grands de ce monde cherchent à manipuler nos gouvernements afin de leur imposer certains projets. Je ne sais pas. Je n’arrive toujours pas à comprendre pourquoi le Québec a décidé de se doter d’un port méthanier alors que l’utilisation du gaz naturel ne semble pas grimper en popularité. J’ai cru un moment que les promoteurs du projet – Gaz Métropolitain, Enbridge, Suez-GDF et la russe Gazprom, avaient conclu que la construction d’un port méthanier dans la région de Québec en faciliterait le transport vers les États-Unis, grand consommateur du gaz bleu. Je vous l’ai dit, j’ai cette tendance à voir des complots partout…

Les libéraux sont de grands disciples des partenariats public-privé. Ils fondent de grands espoirs dans cette approche pour le respect des budgets et des échéanciers dans les projets du CHUM, du prolongement de l’autoroute 25, de l’échangeur Turcot, et j’en passe… Le maire de Montréal, Gérald Tremblay, lui-même libéral de carrière, semble également fort inspiré par une étroite collaboration avec l’entreprise privée afin de gérer le quotidien de sa ville. Je vous accorde que ça ne va pas très bien de ce côté ces jours-ci, mais l’approche demeure la même. Ne sautons pas trop vite aux conclusions. Peut-être, comme le souligne Pierre Dubuc, que la réouverture de la soumission des compteurs d’eau permettra à Suez-GDF de finalement présenter sa proposition. Si j’étais sceptique, je croirais que certains journalistes sont complices pour redonner une chance à Suez. Non, je fabule. Comment d’honnêtes journalistes pourraient-ils influencer l’octroi d’un contrat afin de favoriser une compagnie-soeur? Non, oubliez ça. En passant, pour ceux qui ne seraient pas encore au courant, la famille Desmarais, propriétaire de La Presse, possède une importante participation dans Suez-GDF.

Si je continue encore sur cette lancée paranoiaque, je serais tenté de croire que les libéraux opteront pour un partenariat public-privé pour gérer le projet hydroélectrique La Romaine. Pourrait-on croire que Thierry Vandal, un autre libéral du temps de Robert Bourassa, appuiera Jean Charest dans une démarche PPP pour la construction et la gestion du sixième plus important barrage au Québec? Et si je vous disais que Suez a récemment remporté le contrat de construction et d’exploitation du barrage de Jirau au Brésil, est-ce que vous me traiteriez encore de paraneau?

Photo: Jarod 81 – Flickr

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Le mystère Falardeau

pierre-falardeau-fx

C’est drôle, je viens de tomber sur un billet d’un confrère Français qui est la preuve qu’on ne voit pas toujours les choses du même angle. Il parle de la sortie d’un nouveau livre de Pierre Falardeau (je viens de vérifier, et ça fait environ deux semaines qu’il est sorti), qu’il introduit par cette phrase :

C’est l’évènement au Québec actuellement.

Ah! bon…

Sans blague, je lui souhaite que la sortie de son livre brasse la cage, mais j’y étais étranger, tout comme mon cercle blogosphérique, qui compte pourtant quelques souverainistes.

En quelques clics, ça m’a donné l’occasion de découvrir aussi que le bonhomme a pignon sur web maintenant, presque malgré lui :

Je n’ai pas d’ordinateur. J’écris à la main, avec un crayon à mine ou une plume. […] Et me voilà maintenant sur Internet. Quelle contradiction ! Tout ça c’est la faute d’un jeune militant d’origine française, Christophe Waharte. Il aime mon travail, je crois et il m’a convaincu que ça valait la peine de rendre tout ça accessible. Pour lui, Internet est un outil de lutte, une façon de résister, une arme de combat. Alors, si ça peut servir…Allons-y !

Et dans la conclusion de ce billet, il y a une perle, d’un autre temps, mais qui est tellement actuelle, qu’on exprime ici et là de différentes manières dans la blogosphère, citation du cinéaste Gilles Groulx :

Si vous n’aimez pas ce que vous êtes en train de regarder, allez voir ailleurs

Autrement, je pense que cet homme-là, Falardeau, est un mystère sur patte, et l’extrait du livre qu’a choisi le blogueur Kamerun Scoop ne vient surtout pas l’éventer. En un paragraphe énonciatif, Pierre mitraille les uns et les autres, des gens de tous les horizons, entre autres : Jacques Hébert, Steven Guilbault, Hubert Reeves, Bernard Voyer, Les Cowboys Fringants, David Suzuki, Gesca, Paul Desmarais, Jacques Godbout, Boom Desjardins, Lysiane Gagnon, Patrick Lagacé, Léo-Paul Lauzon, Marie-France Bazzo, René-Homier Roy, Amir Kadhir et Françoise David. Au moins, les deux derniers sont raccords… Et le seul nom qu’il promeut positivement dans le lot, c’est Dieudonné, en le traitant d’ami. (Et c’est sans doute parce qu’il s’y trouve que le blogueur a choisi cet extrait : il est un spécialiste de Dieudonné, avec lequel je suis pas mal d’accord — c’est un artiste à mon avis, pas un simple xénophobe qui enrobe son trouble de rigoloteries…)

Parlant de spécialiste, je crois qu’il faut vraiment en être un de Falardeau pour trouver une logique là-dedans, ce que je ne suis pas, évidemment.

J’ai l’impression de me trouver devant pire qu’un diagramme touffu, vous savez les démonstrations conspirationnistes remplies de noms et de liens! Ou encore pire, un casse-tête de milles pièces, moi qui ne suis pas très porté là-dessus.

Mais le mystère, c’est une qualité ou un défaut?

Màj :

Un commentateur ici a pointé le fait que ledit paragraphe du livre de Falardeau n’en est pas un de lui. C’est un paragraphe d’une critique de Didier Fessou du journal Le Soleil où il tente de synthétiser les cibles de Falardeau.

Décidément, je devrai à l’avenir y regarder à deux fois avant de me fier à ce blogueur Français…

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Pour Sarkozy, les aspirations du Québec ne sont que « sectarisme », « enfermement sur soi-même » et « détestation de l’autre »

De passage à Radio-Canada, dans le cadre du lancement de son sixième Tome, Le désarroi contemporain, Jean-Claude Guillebaud était sidéré des propos qu’a tenus Nicolas Sarkozy sur le Québec. « Nicolas Sarkozy est un voyou ! », a lancé l’auteur.

Nicolas Sarkozy est incapable d’accepter les règles de la diplomatie, voire même de la bienséance. L’homme, je dis bien l’homme, se croit tout permis, jusqu’à déshonorer sa fonction de président de la République. Le premier ministre du Québec a été élevé, dans le salon d’honneur de l’Elysée, au grade de commandeur avec une volée de bois verts. Nicolas Sarkozy maitrise parfaitement les mécanismes de la controverse, dans laquelle il adore se vautrer.

Nicolas Sarkozy, à l’occasion de la remise de la Légion d’honneur au Premier ministre du Québec, et en présence de personnalités québécoises, canadiennes et françaises, dont Paul Desmarais, Grand-Croix de la Légion d’honneur, s’est livré à une pitoyable ingérence politique dont lui seul est capable. Selon l’homme, « les aspirations du Québec ne sont que « sectarisme », « enfermement sur soi-même » et « détestation de l’autre ». L’autre étant le Canada. C’est la vision manichéenne de Nicolas Sarkozy sur les relations du Québec avec le Canada. Impossible pour lui de rester dans les limites de la dignité protocolaire. Un commentateur français déclarait sur les ondes de Radio-Canada que le Quai d’Orsay n’avait pas été habitué, ces dernières décennies, à autant de crises sur plusieurs scènes de la diplomatie internationale. Il voyait en Nicolas Sarkozy une volonté de mettre une couche sur la tombe du Général de Gaule, et sur son héritage. Nicolas Sarkozy aura été le dernier chef d’État du monde occidental à coller au Bushisme. C’est le voyou, comme l’indiquait l’écrivain français, qui transcende. Les aspirations du Québec en matière de souveraineté sont le fait, selon l’homme d’État, « du sectarisme, de la division, de l’enfermement sur soi-même ». Le petit homme d’État mesure-t-il le poids des mots ?

Sur un ton proprement vulgaire, frôlant la familiarité, au vu des circonstances, l’homme d’État a lancé : « Honnêtement, ce n’est pas mon truc ». Si le Québec n’est pas son truc, l’homme aurait été mieux avisé d’éviter d’étaler son mépris à l’égard d’un peuple qui défend sa culture, sa langue et son aspiration à une autodétermination depuis plus d’un siècle. Défendre la langue française, la francophonie, et aspirer à l’indépendance selon les règles démocratiques est une faute grave aux yeux de Nicolas Sarkozy. Que connaît-il de l’histoire du Québec et du Canada ? Ce qu’a bien voulu lui dire Paul Desmarais, tant s’en faut. L’homme d’État aurait dû savoir que, selon un sondage fin janvier, 43% des Québécois sont actuellement favorables à l’indépendance de la province francophone et 57% contre. L’ingérence politique est coutumière chez Nicolas Sarkozy. Elle accompagne ses aptitudes aux turbulences sismiques. La question que se posent plusieurs québécois est la suivante : « pourquoi, face à de tels propos, Jean Charest n’a-t-il pas refusé cette Légion d’Honneur ? » Picasso l’a bien refusée à deux reprises. Le Premier ministre du Québec a évité d’ajouter aux propos disgracieux de Nicolas Sarkozy. La diplomatie était de mise.

André Pratte est éditorialiste en chef du quotidien La Presse, propriété de Paul Desmarais. Si si. De Paul Desmarais. Et que dit André Pratte : « Les lecteurs de La Presse connaissent mon point de vue là-dessus, je suis d’accord avec le président. Mais celui-ci a été trop loin en associant les indépendantistes du Québec au «sectarisme», à l’«enfermement sur soi-même», à la «détestation» de l’autre. Dieu sait si je suis en désaccord profond avec la thèse souverainiste. Mais je ne dirai jamais que les souverainistes sont des gens «sectaires» ou repliés sur eux-mêmes. Ce n’est certainement pas le cas des leaders du mouvement, qu’il s’agisse de Mme Marois, de M. Duceppe, et des autres. C’est toujours le risque quand un politicien étranger se mêle de débats dont il ne maîtrise pas toutes les nuances: il exagère, il caricature ».

Patrick Lagacé est chroniqueur au quotidien La Presse. Le même quotidien que l’éditorialiste-en-chef André Pratte. Qui appartient toujours à l’ami de Sarkozy, Paul Desmarais. Que dit Patrick Lagacé : « J’écoutais d’une oreille distraite, voyez-vous. Mais j’ai failli emboutir l’auto devant moi quand j’ai réalisé que Sarkozy parlait des souverainistes québécois. Sur René-Lévesque, en plus ! » […] « On n’est même plus dans le registre de l’opinion, de la subjectivité, ici. On est dans le domaine de la fabulation, de l’erreur factuelle, de la lecture totalement faussée du monde. Ce qui est inquiétant ! Car notre « conflit » Québec-Canada est mille fois moins compliqué que le conflit israélo-palestinien, par exemple, conflit dans lequel Nicolas Sarkozy s’est mis le gros orteil, au début de l’année… »

Louise Beaudoin, francophile et ex-ministre dans des gouvernements péquistes, répond avec nonchalance : « J’ai plutôt envie de sourire. (…) Nous, agressifs, repliés sur nous-mêmes? Je ne me reconnais pas là-dedans. M. Sarkozy fait la preuve de sa méconnaissance du Québec. Le Québec, c’est au-delà de Sagar ». Sagard est le lieu de la résidence somptueuse de Paul Desmarais, dans Charlevoix, qui a accueilli à quelques reprises Nicolas Sarkozy, avant son élection à la présidence française.

Christian Rioux, du quotidien Le Devoir, était à l’Élysée, en tant que journaliste, lors de cette deuxième sortie intempestive de Nicolas Sarkozy contre le Québec. Ce dernier rapporte que Nicolas Sarkozy voit dans la formule « non-ingérence et non-indifférence » une forme de haine de l’autre. Nicolas Sarkozy a lancé, sur le ton familier qui, à ses yeux, excuserait ses outrances : « Croyez-vous, mes amis, que le monde, dans la crise sans précédent qu’il traverse, a besoin de division, a besoin de détestation? Est-ce que pour prouver qu’on aime les autres, on a besoin de détester leurs voisins? Quelle étrange idée! »

Relisez attentivement cette phrase du président de la France : « Ceux qui ne comprennent pas cela, je ne crois pas qu’ils nous aiment plus, je crois qu’ils n’ont pas compris que, dans l’essence de la Francophonie, dans les valeurs universelles que nous portons au Québec comme en France, il y a le refus du sectarisme, le refus de la division, le refus de l’enfermement sur soi-même, le refus de cette obligation de définir son identité par opposition féroce à l’autre ».

Nous n’en sommes plus, en effet, à la « non-ingérence et non-indifférence » mais à l’ingérence tout court. Henri Henrard, de Branchez-vous Matin, écrit : « De quoi se mêle le père du célèbre « Casse-toi, pauv’ con » ? Et l’auteur répond : « Fidèle à sa maniaco-oligarchie, le monarque français n’a écouté que lui-même en nous concoctant des phrases tellement simplistes qu’elles pourraient faire l’objet d’une chanson dans le prochain album de son épouse ».

De quelle courtoisie est capable cet homme d’une profonde vulgarité ! Nicolas Sarkozy a réussi à éclipser l’événement : ce n’est plus à une remise de Légion d’honneur à laquelle ont assisté des personnalités du Québec mais à une sortie en règle du président de la France contre le Québec. Et cela en présence même du Premier ministre du Québec et d’autres personnalités : Luc Plamondon et Carole Laure, l’ancien premier ministre Jean-Pierre Raffarin, les hommes d’affaires Ernest-Antoine Seillière et Bernard Arnault, le secrétaire général de la Francophonie, Abdou Diouf, ainsi que le maire de Québec, Régis Labeaume.

Il ne faut pas oublier quelques bonnes perles lancées par Nicolas Sarkozy. Dont celle-ci : « le message de la francophonie » en est un « d’union », « d’ouverture » et « de tolérance ». Et cette autre citation qui va passer à la postérité : « Pour vous aimer, je n’ai pas besoin de détester les autres ».

Gérald Larose, président du Conseil de la souveraineté, tient à préciser que « s’il y a du sectarisme, ce n’est pas au Québec. S’il y a de l’agressivité, ce n’est pas au Québec. Ce mouvement de la souveraineté et de l’indépendance se vit dans un rapport démocratique exemplaire. C’est un projet qui a de l’envergure, qui a de la hauteur. Ce ne sont pas des petits mots plutôt mesquins sifflés dans l’oreille de M. Sarkozy qui vont arrêter ce projet-là ».

Nicolas Sarkozy a également un sens aigu des amitiés. Il remet au Premier ministre du Québec, Jean Charest, le grade de Commandeur. Le premier ministre, René Lévesque, avait reçu, en 1977, des mains de Valéry Giscard d’Estaing, la dignité de Grand Officier. Paul Desmarais, grand ami de Nicolas Sarkozy, reçoit pour sa part la plus haute distinction de l’Ordre, celle de Grand-Croix. Le club prestigieux des Grand-Croix ne regroupe qu’une soixantaine de personnes. L’histoire ne dit pas si c’est pour services rendus à la France ou à Nicolas Sarkozy.

En terminant, le président, qui ne voit dans les aspirations du Québec qu’un sectarisme est l’objet d’une chute vertigineuse dans les sondages. S’il veut disposer de tout, il indispose partout. À l’étranger comme en France. Deux Français sondés sur trois (62%) estiment que la politique actuelle du gouvernement ne permet pas de lutter efficacement contre les effets de la crise. Et 59% des personnes interrogées ne sont « pas satisfaites » des réactions du chef de l’État et du gouvernement, quelques jours seulement après la grande journée de mobilisation du 29 janvier, rapporte Le Figaro. Qui plus est, 61% des 1002 personnes sondées disent souhaiter que les syndicats poursuivent la mobilisation. Nicolas Sarkozy déclarait, il y a quelques semaines : « Dans notre famille politique, j’ai plus de respect, d’amitié, de reconnaissance pour ceux qui conduiront le combat que pour ceux qui suivent le combat des autres ». Le combat du Québec pour sa survie ne trouve pas grâce auprès de Nicolas Sarkozy, inspiré qu’il est en cela par son ami, Paul Desmarais.

L’homme de la rupture est en fracture complète avec la France. Et avec la modernité du Québec qu’il n’a jamais su approfondir, par paresse intellectuelle. L’homme qui ne lit pas ne peut approfondir. S’instruire par ouïe-dire comporte son lot de risques et de pièges dans lesquels tombe invariablement Nicolas Sarkozy.

(Caricature de Renart L’éveillé)

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Classé dans Actualité, Pierre R Chantelois

Un million pour Sarkozy

Bonjour, les cousins français

Coucou ! C’est moi qui m’était plaint de la façon dont le Nouvel Obs avait traité Carla … Je récidive. Français, Françaises, en vérité je vous le dis : il est malsain que vous soyez si mesquins avec vos dirigeants. Il n’est pas normal que vous ne donniez pas, bon an mal an, un million d’euros à votre président.

De quoi j’me mêle ? Si je viens vous parler finance, c’est que que j’ai comme vous l’héritage mixte de Jacques Cœur et de Surcouf, mais aussi parce que vous saurez, Mossieu, que je suis Canadien. Moi qui vous parle, j’ai marché à Montréal sur le bout de trottoir de la Place Victoria que traverse souvent, par beau temps, pour aller de sa limousine à son bureau, l’homme qui s’est précipité à la cuisine pour régler l’ardoise, le soir du 6 mai au Fouquet’s.

J’ai même déjà vu, derrière les rideaux, la silhouette de Paul Desmarais. Ce n’est pas rien. Combien de vous avez frôlé de si près un Grand-Croix de la Légion d’honneur ? Et pas n’importe lequel, celui qui s’y connait en fric. Donc, si je vous parle finance et politique, vous saurez que je sais de quoi je parle. Je veux vous parler finance et politique, plus précisément, de corruption.

On jase de démocratie et des détails de son fonctionnement, en oubliant qu’une conséquence de la démocratie est de donner le pouvoir politique a des gens qui ne sont pas toujours riches, dans un monde où la richesse achète presque tout. De là à penser que le pouvoir politique est à vendre, il y a un pas à franchir que je ne franchirai pas, car ce trottoir est bien achalandé. Je dirai simplement, comme Surcouf, qu’on ne devient pirate que pour avoir ce qui nous manque et que je trouve gênant que les oints du Seigneur Peuple soient si imprudemment induits en tentation.

Ils sont aiguillonnés vers le péché avec d’autant plus de perversité, qu’on les prive du minimum dont doit jouir un homme de pouvoir. Parce que vraiment, là, les cousins, côté rémunération, vous êtes d’un minable… Vous n’écoutez pas CNN, comme tout le monde ? Tous ces financiers qu’on désigne aujourd’hui à la télévision à la vindicte populaire, pour le dérapage de l’économie, touchaient chacun en salaires et primes 10, 50, 100 millions de dollars par année. Comment osez-vous parler en milliers d’euros de la rémunération du Président de la République ?

Et si on traite ainsi le chef, imaginez l’indigence des ministres, la misère des hauts fonctionnaires ! Il faut combler les décideurs publics. Le salaire des décideurs publics, nommés ou élus, doit être doublé ou triplé ! Être un mandataire du peuple et décider en son nom doit être le plus prestigieux des emplois et il doit s’y rattacher un salaire exceptionnel.

Si on veut que leur enrichissement se fasse ailleurs que dans des comptes en Suisse, il faut que la rémunération des décideurs responsables de l’État augmente de façon spectaculaire. Les sommes nécessaires pour leur consentir ces salaires décents sont insignifiantes en regard des budgets de l’État et tout avantage financier raisonnable qu’on pourrait leur consentir est négligeable, si on le compare au coût d’une seule mauvaise décision de l’État.

Pourquoi cette aberration d’un salaire parcimonieux à ceux qui devraient être le mieux rémunérés ? Et le plus bête, c’est que ce n’est pas faute de moyens que les décideurs publics sont si mal payés, mais à cause d’un vieux fond de puritanisme qui voudrait laisser croire qu’ils sont parfaitement désintéressés et ne veulent PAS s’enrichir.

Cet angélisme naïf est délétère pour la démocratie, car c’est une corruption rampante et tolérée qui vient nous dire chaque jour que ce n’est pas vrai. Or, on ne peut imaginer crime plus néfaste dans ses conséquences sociales que de mettre à profit un mandat reçu de toute la société pour toucher un pot-de-vin et sacrifier les intérêts et les espoirs de milliers ou de millions de personnes qui vous ont fait confiance.

La corruption est le péché de Judas, le péché des « félons qui, s’étant acquis la confiance d’un autre, se servent de cette confiance pour tromper celui qui la leur a accordée et lui nuire en en tirant profit ». Dans l’Enfer de Dante, ce sont ces félons qui sont dans les bras mêmes de Satan.

La corruption est la maladie mortelle de la démocratie. Pourtant, elle est souvent accueillie aujourd’hui avec un haussement d’épaules. Pourquoi ? Parce que le citoyen sent confusément que les dirigeants ont une possibilité de s’enrichir bien au-dela de leur traitement et se dit in petto que lui-même… Bref, qui volerait un œuf est bien peu enclin à s’émouvoir de leurs indélicatesses.

Mais si le politicien ou le fonctionnaire coupable avait un traitement bœuf, à faire rêver Quidam Lambda, soyez sûr que ce dernier, envieux, ne lui pardonnerait rien. Or c’est cette réprobation universelle qui est nécessaire pour faire disparaître la corruption. Pour stopper la corruption, il faut rendre le corrompu odieux.

Comme le fait CNN aux USA. En dénonçant chaque soir, un par jour, les financiers qui se sont accaparé des centaines de millions de dollars en salaires et bonis alors qu’ils conduisaient la pays à la ruine; on cherche indubitablement à mettre fin à la complaisance du citoyen américain face à cet enrichissement éhonté… et à lui désigner des boucs émissaires.

Cessons donc de croire qu’il est condamnable qu’un ministre, qui gère 10 ou 20 milliards des fonds publics, touche une rémunération annuelle de 500 000 ou d’un million d’euros, alors que n’importe quel bon joueur de foot ou acteur a belle gueule, est encouragé à en exiger encore plus.

Il n’y a rien d’inconvenant à ce que, durant son mandat, on assume aussi pour un décideur public des frais divers qui lui feront une vie de pacha. Il mérite une vie de pacha. Il EST le pacha. Il faut que le décideur public se SENTE riche et soit satisfait. Il faut qu’il soit su de tous qu’il est riche. Ce qui est inconvenant, c’est que ceux qui gère nos milliards n’aient pas les moyens de boire les mêmes vins que le milliardaire qui veut les amadouer pour nous vendre des avions ou nous construire des autoroutes.

Donc, allez hop ! Investissons dans la gouvernance et le fonctionnariat. Prevoyez annuellement un demi-million pour Fillon et tout qu’il faut pour Rachida – ce qui est bon pour la haute-couture et bon pour la France – et tout les autres a l’avenant.

Sarkozy ? Le président devrait avoir son propre yacht, mais, faute de mieux, disons un million pour commencer. Prenons un million, prenons en deux. À la santé du Roi de France…

Pierre JC Allard

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