À 7h05, le 24 décembre 2009, le Sénat américain a adopté le projet de loi proposé par les Démocrates pour la réforme du programme de couverture maladie aux USA. Il y a, je crois, trois (3) choses à dire de cet événement.
Il faut dire, d’abord, que ce qui est présenté comme une victoire de la solidarité qui pemettrait de voir enfin les USA comme un pays avec une conscience sociale, apparaît, quand on y regarde de plus près, comme un très complaisant compromis avec le lobby des assureurs – lisez les grand groupes financiers – dont le résultat est surtout d’obliger les individus à s’assurer. Il oblige aussi les entreprises – lisez, les petites entreprises, les grandes le faisant déjà – à contribuer au paiement des primes pour cette couverture assurance.
Quand on comprend que ce qui est en jeu n’est pas une faveur à faire au peuple, mais une OBLIGATION pour Quidam Lambda et une charge pour les millions de petits entrepreneurs américains, on comprend que le soutien public à cette mesure ne soit pas aussi fort qu’il le serait s’il agissait vraiment d’accorder des DROITS.
Il faut dire, ensuite, que ce qui est présenté comme une affaire reglée ne l’est pas du tout. « House » et « Senate » ont approuvé deux projets différents qui doivent maintenant être conciliés et fondus en un seul, après les recommandations d’un Conference Committee où se réuniront pour en jaser des représentants de ces deux volets de la gouvernance amricaine. De nouveaux sommets y seront sans doute atteint dans la menace et la corruption. Il y a trois ( 3) points où il doivent s’entendre.
Le premier, c’est la mise en place par l’État d’un système d’assurance public qui ferait concurrence aux assureurs privés. « OUI » dit la Chambre, plus Démocrate, « NON » dit le Senat, plus Républicain. Ce point est crucial, car il va marquer la ligne des hautes eaux de la vague « socialiste » que représente l’élection d’Obama, symbole d’une volonté de changement de l’Establishment.
Sur ce point, on en arrivera sans doute à un compromis qui permettra au gouvernement fédéral de créer un tel programme – avec autant de restrictions qu’on pourra – puis en donnant à chaque État de l’Union le droit de ne PAS permettre le fonctionnement de ce système public sur leur territoire. Des heures de plaisir en famille, quand chaque individu devra en voir les effets pour lui et les siens, selon qu’ils habitent New-Yoy, Houston ou Topeka.
Le second point concerne le fardeau fiscal et les laisssés pour compte. Le plans des congressmen propose de couvrir 96 % de la population, pour 1 trillion tout net ( USD$ 1 000 000 000 000) sur dix ans, et d’en faire les frais par une surtaxe de 5,4% sur ceux qui gagnent plus de USD $ 500 000 par année ( USD$ 1 000 000 par ménage).
Le plan des sénateurs n’en couvre que 94% (pour 871 milliards de dollars durant ces 10 ans) et va chercher des sous plus bas chez les contribuables, avec une surtaxe de 2,35% pour ceux dont le revenu individuel annuel excède USD $ 200 000 (USD $ 250 000 par ménage). On choisira ici sans doute cette deuxième option. Une petite victoire de principe pour le Senat… et prendre l’option la moins chère est toujours la décision la plus facile.
Le troisième point en litige est l’un de ces amalgames bizarres qui laissent penser que le Chinois vont vraiment nous remplacer. Le lobby fondamentaliste insiste pour que les frais d’avortement ne soient pas inclus au plan de couverture des soins de santé. On fera sans doute plaisir à la fois à Eustace et à la « vieille dame de Dubuque » en laissant à chaque État d’en décider. On aggravera ainsi encore un peu la scission entre une Amérique branchée et celle qui ne l’est vraiment pas, mais on reglera ça plus tard…
La troisième chose à dire de cet événement, c’est l’importance, justement, du « plus tard ». Sur le plan de la toute petite politique, ce plan « Obama » ne sera vraiment opérationnel qu’en 2013 ou 2014. Or, il y aura une présidentielle en 2012 et il n’est pas sûr que les démocrates la gagneront. Ce plan de couverture des soins de santé en sera un facteur crucial ; le corollaire est que, si les Républicains la gagnent, ils se sentiront mandatés pour y apporter des changements majeurs, avant même qu’il n’ait été complètement appliqué….
Dès novembre 2010, d’ailleurs, les élections de mi-terme pour la Chambre et le Senat pourront en modifier la composition. On pourra donc peut-être, alors, changer déjà des pans entiers de ce plan avant même que l’on n’ait commencé sérieusement à le mettre en place !
N’est-il donc pas trop tôt pour chanter victoire ? … C’est qu’il y a aussi un aspect, de « grande » politique, celui-là. Quelle que soit la version finale du plan qui sera acceptée incessamment – avant le discours traditionnel sur l’État de l’Union à la fin janvier – le principe d’une intervention de l’État pour gérer le volet social de la société aura été accepté aux USA. A partir de là, le gouvernement qui a le pouvoir peut vite bouger ses pions, poser des gestes irréversibles et se rendre indispensable.
Les Républicains ont sans doute tort de lutter contre cette évolution, mais ils ont parfaitement raison de la prévoir ! Cette avancée de l’État dans le champ du social va d’ailleurs de paire avec son occupation de celui de la production industrielle, dont la reprise de Chrysler et de GM ont été les faits saillants. Stratégiquement, cette campagne pour la santé est une grande manœuvre qui devrait réussir et raffermir le pouvoir de ceux qui veulent le changement aux USA.
Et pendant ce temps, la pendule tourne… l’Amérique continue sa décadence sur son erre. Elle recule devant la Chine à Copenhague et son argent ne vaut plus rien. Il est urgent que ça change. Simple question de temps et d’opportunité, avant que l’État ne doive nationaliser les banques et reprendre le contrôle de la monnaie. Ce projet apporte une pierre et on bâtit pierre par pierre une nouvelle Amérique. Pour le meilleur ou pour le pire.
Pierre JC Allard