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En critiquant SUR SA GAUCHE la plateforme électorale du parti politique QUÉBEC SOLIDAIRE

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La plateforme (pour employer la monstruosité verbale consacrée chez nous pour désigner un programme électoral) du parti politique QUÉBEC SOLIDAIRE (QS), le parti le plus à gauche du camembert politicien québécois, est un document bien aéré de seize pages (il vaut vraiment la peine de prendre le temps de le lire) disposant quatorze têtes thématiques en ordre alphabétique (pour bien faire sentir qu’elles sont de priorités égales). Comme nous sommes, grosso modo, entre camarades idéologiques, nous sommes bien d’accord sur le fait que le Parti Québécois, le Parti Libéral et la Coalition Avenir Québec sont des partis bourgeois parfaitement fétides dont la vision sert les mêmes maîtres. Pas la peine d’en dire plus long sur eux. Leur cause est clairement entendue au tribunal de l’actualité et de l’histoire. Ce qui pose des problèmes plus importants, par contre, plus cruciaux, plus douloureux aussi, c’est la vision du parti de gauche dont dispose au jour d’aujourd’hui notre beau Kébek de 2012. On a, de fait, affaire ici à une gauche molle, conciliante, parlementaire, non-radicale, écolo-démocratique, non-révolutionnaire. C’est donc une gauche qu’il faut nettement critiquer sur sa gauche… Dont acte, sur les quatorze points:

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AGRICULTURE. La doctrine agricole de QS est fondamentalement localiste. Lisez-la attentivement, ce sera pour découvrir, derrière le paravent amical et respectueux de la valorisation des produits frais transportés sur de courtes distances, l’ombre centriste du protectionnisme agricole national (québécois). Un peu comme les démocrates américains (et pas plus radicalement qu’eux d’ailleurs), QS entend surtout maintenir la concurrentialité de l’agriculture québécoise, sans trop s’étendre sur le manque de solidarité internationaliste que cela risque inévitablement de provoquer envers le prolétariat de maint sous-secteur, en Amérique du Sud notamment.

ALTERMONDIALISME. La vision altermondialiste de QS se veut universalisante et englobante. Les hommes, les femmes, l’écologie, la paix, les droits (bourgeois) de la personne (désincarnée) se voient promettre abstraitement un traitement plus juste, plus équitable. L’absence de visée sciemment internationaliste sur la lutte des classes et sur la dimension fermement anti-capitaliste de l’altermondialisme place QS, de facto, dans la portion larmoyante, généraliste, vœux-pieuzarde et petite-bourgeoise de cette mouvance complexe, corrosive, fluide et contrastée.

AUTOCHTONES. On se propose ici de maintenir la culture de ghetto et la folklorisation (linguistique notamment) des aborigènes, tout en cherchant discrètement à en contenir les abus les plus criants (atteinte aux droits des femmes, notamment). On continue de maintenir le mythe de l’entité autochtone comme peuple autonome en promettant, comme le font les partis bourgeois, des négociations de peuple à peuple. Aucune analyse du néo-colonialisme brutal et hypocrite servant de fondement à ce genre d’approche faussement égalitaire n’est avancée. On fantasme la dynamique autochtone comme une version en miroir de notre propre dynamique nationale et, surtout, on en parle (même en termes ouvertement généralistes) parce que ça fait bien. Crucialement, le fait que les aborigènes du Québec préfèrent de longue date faire affaire avec leur intendant colonial direct, le gouvernement fédéral canadien, n’est pas pris en compte ici.

CULTURE. Elle se déploie exclusivement en deux facettes. Sur la langue française, on continue de bien s’avancer dans la mythologie nationaliste du monolinguisme français. Il n’y a aucune prise en compte du fait diglossique et l’ensemble des langues du monde parlées au Québec est implicitement traité comme une menace culturelle placée au même niveau assimilateur que l’anglais. Presque identique à celle du Parti Québécois, cette lune linguistique unilatérale souffrira des mêmes carences que celle dudit Parti Québécois: crypto-xénophobie larvée et absence intégrale de solidarité envers les locuteurs des langues de la vaste constellation du not english only. Seconde facette culturelle selon QS: le mécénat culturel d’état, perpétue la négation implicite de toute dimension subversive de la culture, dont le financement continue de devoir se soumettre ronron à l’ensemble, peu reluisant et opaque, des critères fonctionnarisés.

ÉCONOMIE. Sur la fiscalité, on s’engage à graduellement/timidement remettre les entreprises au centre de leurs obligations fiscales et on entend combattre l’évasion fiscale par de la législation. Aucune saisie, aucune coercition des accapareurs n’est prévue. Ce sera de la supplique et du larmoiement. Sur les ressources naturelles, on y va du poncif de la nationalisation, totale ou partielle. On fait dans la perpétuation des pratiques, allégée par de l’atténuatif et du graduélliste. Un peu comme Salvador Allende autrefois, on pense la gabegie minière et forestière en termes de modération et d’enrichissement des communautés locales et/ou nationales (québécoises), sans qu’une remise en question radicale du postulat de l’extraction massive ne soit effectuée. Sur la croissance économique, on veut chercher à se débarrasser de la surproduction, de la surconsommation et du surendettement (vaste programme) mais on n’entend le faire qu’en organisant la production sur un axe strictement moral, en diminuant la production sale (gaz de schiste, uranium) et en amplifiant les activités propres et égalitaires (transports collectifs, agriculture de proximité). On voit bien la montagne du mythe coercitif de la croissance. On y répond par la souris du capitalisme équitable. Sur les institutions financières d’état, notamment la Caisse de Dépôt et de Placement, on entend tenir tête à l’Internationale du Pognon en recentrant ces acteurs financiers dans une perspective régionaliste, localiste, nationaliste, PME-iste. On défend le petit contre le gros, sans questionner la dimension qualitative commune à ces deux formats. On promet de mettre les entreprises au pas, dans l‘intendance de leurs subventions et dans la saine gestion du démantèlement de leurs installations désuètes. Les promesses ici sont plus détaillées (allez lire ça)… mais cela reste des promesses.

ÉDUCATION. Promoteur de la gratuité scolaire intégrale, QS ne dit cependant rien sur le noyautage intime et parasitaire des institutions universitaires par le secteur privé ni sur le conflit d’affiliation d’une portion croissante du corps universitaire spécialisé. Le gonflement chronique des frais administratifs du secteur de l’éducation (universitaire notamment) n’est pas mentionné non plus. Priorité est donnée à la partie angélique et consensuelle de la critique que les carrés rouges on produit, au sujet du secteur de l’éducation. Sur la persévérance scolaire, QS avance le lot usuel des engagements centristes au sujet de la promotion de la famille, du soutien aux enseignants, de l’appui aux communautés, de la lutte à l’intimidation. Ici encore, il n’y a pas de classes sociales, donc pas d’école de classe. On affronte une sorte de fatalité abstraite que l’on croit pourvoir résorber sans analyse sociologique réelle du bras scolaire et de ses filières, en faisant simplement couler plus de fric dans le tuyau. Même angélisme abstrait, subventionnaire et gradualiste, dans le souhait pieux de la promotion de l’école publique. La fermeture immédiate et sans compensation de l’intégralité des institutions scolaires privées et/ou confessionnelles est une clause qui NE FAIT PAS partie du programme de QS en éducation.

ENVIRONNEMENT. Sur l’énergie et le climat, on avance la batterie d’accommodements qui sont ceux, rebattus désormais, d’un parti écologique économico-apolitique (si vous me permettez cette formulation un peu ironique. Je veux dire Europe Écologie plutôt que les Verts – pour ceux qui capteront cette nuance un peu franchouillarde). En gros, on reste capitalistes mais on remplace le carburant fossile par des éoliennes et on coupe, graduellement toujours, dans le salopage environnemental le plus criant, sans toucher à la dimension socio-économique (capitaliste) du problème. On notera que l’extraction du gaz de schiste serait, ici, intégralement interdite (QS a déjà été plus mou sur cette question – mais là, d’évidence il a flairé le vent de la résistance citoyenne). Le transport collectif serait valorisé, avec un objectif de gratuité d’ici dix ans (des promesses, des promesses…). Sur la biodiversité et le droit à l’eau, on exprime la vision standard d’un parti écologiste occidental, urbanisé, jardinier et bien-pensant.

FAMILLE. La politique sur la famille de QS semble se restreindre à la promesse ritournelle de l’augmentation des places en garderies. Même les partis bourgeois brandissent cet appât scintillant, à chaque élection provinciale et fédérale, depuis deux bonnes décennies. Des promesses, des promesses… Le caractère carcéral, conformiste et rétrograde de l’institution familiale n’est pas analysé.

INTÉGRATION CITOYENNE. Dans ce programme, l’intégration des immigrants garde une perspective insidieusement assimilatrice (la francisation abstraitement axiomatique est importante) tout en maintenant un prudent mutisme sur la fameuse question des accommodements. L’idée que les communautés culturelles doivent s’intégrer en bonne discipline au sein d’une société athée, non-sexiste, non-patriarcale, non-homophobe et rationaliste n’est pas abordée. On tient surtout ici à ce que les communautés culturelles puissent travailler, vite et bien, au sein de tous nos petits dispositifs socioprofessionnels aux postulats inchangés. Dans cette perspective, on fera notamment tout pour faciliter l’efficacité sociale, toujours solidement circonscrite, des travailleurs étrangers sous permis de travail temporaire (au Québec, ce sont principalement des travailleurs agricoles sud-américains exploités, précarisés et extorqués).

JUSTICE SOCIALE. La politique du logement promet du logement pour tous en maintenant un flou artistique sur le jeu insidieux entre le locatif et la propriété domiciliaire. La lutte aux petits propriétaires usuriers-véreux-privés de logements locatifs n’est pas mentionnée. On parle abstraitement de lutte à la grande spéculation immobilière, sans la corréler au problème crucial de l’urbanisme et de l’étalement urbain. Le revenu minimum garanti et le régime universel de retraite pour les pauvres ne se complètent pas d’une saisie unilatérale et sans compensation de l’excès de fortune des riches, tant et tant que la société civile sera appelée à financer le soutien des pauvres sans saisie des richesses des riches. Donc, aucune redistribution radicale des richesses n’est effectivement envisagée. On se contente d’accommoder et d’amplifier l’assistance. L’aide juridique sera un peu étendue, elle aussi, sans que le droit bourgeois ne soit remis en question et on promet une vague politique sur l’itinérance.

SANTÉ. Des pilules et des médecins de famille pour tout le monde, un système de santé qui roule et est efficace (des promesses, des promesses…) mais surtout une étanchéité complète entre le public et le privé en santé. L’engeance qu’ils ne voient pas dans les universités, ils la voient ici. Mais comment ils vont maintenir cette étanchéité paradoxale tout en maintenant la susdite engeance privée en place (quand on sait qu’elle colle en santé comme un vrai parasite hargneux), cela n’est pas précisé. Le rejet radical de toute radicalité finit vraiment par vous immerger dans des mixtures sociologiques fort bizarres et hautement insolubles.

SOUVERAINETÉ. L’erreur définitoire de QS est ici: c’est un parti souverainiste (comme le Parti Québécois). Son erreur définitoire serait tout aussi funeste s’il était un parti fédéraliste (comme le Parti Libéral du Québec). Au lieu de lire et de méditer ceci, QS promet la mise en place d’une assemblée constituante souveraine. La réaction politico-militaire de l’occupant anglo-canadien n’est pas prévue dans le calcul. Cette plateforme a d’ailleurs une remarquable propension à ouvertement ignorer les effets les plus sordides du poids du réel crasse. Elle a de l’idéal (cela n’est pas un tort, entendons-nous) mais à faire sciemment abstraction de toutes les luttes, on fini tout simplement défait.

TRAVAIL. Hausse du salaire minimum, égalité et équité salariale, amplification des droits syndicaux. Les travailleurs ne sont pas une classe révolutionnaire. On s’engage ici à renforcer leur position fixe au sein d’un capitalisme inchangé. La procédure réformiste par laquelle les formidables résistances du capital aux hausses de salaires et à la syndicalisation (les deux grands serpents de mer capitalistes des deux derniers siècles) seront brisées par QS en 2012 et ce, sans révolution sociale, n’est pas précisée. Les très déterminantes particularités anti-syndicales et hautement aristocratie-ouvrière-jet-set-col-blanc de l’immense corps du secteur tertiaire ne sont pas analysées.

VIE DÉMOCRATIQUE. Entendre: vie électorale et vie parlementaire des gras durs éligibles. Réforme de la carte électorale (ils le font tous), élections à date fixe (Le Parti Québécois veut faire ça aussi), plus de femmes au parlement (les partis bourgeois s’y engagent aussi). Le fait que le mode de fonctionnement électoral occidental est une arnaque généralisée de longue date, dévidée de toute dimension citoyenne ou démocratique, n’est pas pris en compte. Le mode d’intendance politicien bourgeois, parlementaire, Westminster, provincial à vote majoritaire tripotable (auquel on veut ici ajouter un zeste, une raclure de représentation proportionnelle) est quasi-intégralement postulé. Encore une fois: pas de révolution dans mon salon…

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Ma génération se souvient de ses frémissements socialistes (hautement illusoires) quand René Lévesque avait, tout pudiquement, déclaré circa 1974 que son parti politique avait un préjugé favorable envers les travailleurs. La formulation fait bien sourire aujourd’hui, avec le recul historique que l’on sait. Qu’est-ce qu’on rêvait en couleur, alors… Mollasson, gentillet, bien-pensant, moraliste, un rien baveux et historiquement myope, le parti politique QUÉBEC SOLIDAIRE nous engage, avec la lenteur usuelle, sur le même genre de petit chemin en forme d’arc-en-ciel social scintillant. On peut bien voter pour ça, une clopinette parlementaire de plus ne changera pas grand-chose. Restons simplement froidement conscient(e)s que la révolution ne se fera par comme ça et que le socialisme ne s’instaurera pas via ce genre de canal là. Il est trop lent, trop petit-bourgeois, trop abstrait, trop généraliste, trop angélique, trop moralisateur, trop démarxisé, trop déprolétarisé, trop lobotomisé, trop creux, trop mielleux, trop niaiseux, trop graduélliste, trop mou, trop restreint, trop étroit, trop nationaleux, trop pleurnicheux, trop centriste, trop réaliste et aussi, déjà, trop compromis, conciliant, coopté, récupérable, trop gauche parlementaire s’ouvrant déjà aux formes de social-populisme ayant fait la gloire «gauchiste» des Clear Grits et de la Co-operative Commonwealth Federation d’autrefois… Tu peux bien voter pour ça mais bon, ce sera encore et toujours du vote (dit) utile.

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La mise en place de la Commission Charbonneau sur les collusions dans le secteur de la construction… ou JE ME SOUVIENS DE LA PATENTE À GOSSE (2)

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Et la Commission Charbonneau de lancer, justement cette semaine, la portion visible au public de ses fameux et tant attendus travaux. Et nous, bien nous continuons de bien nous souvenir car… il faudra revoir tout ça avec le recul, un jour. La listes des instances de la société civile québécoise ayant réclamé, entre 2009 et 2011, une commission d’enquête sur les collusions entre le secteur de la construction et les partis politiques au Québec se résume comme suit (liste non-exhaustive): Association des policiers provinciaux du Québec, Association des procureurs de la Couronne du Québec, CSD Construction, Centrale des syndicats du Québec, CSN Construction, FTQ Construction, Centrale des syndicats nationaux, Maire de Québec, Municipalités, MRC et conseils d’arrondissements, Fédération québécoise des municipalités, Fraternité des policiers de Montréal, Ordre des ingénieurs du Québec, Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec, Syndicat de la fonction publique du Québec, Ville de Montréal, maire et conseil municipal, Ville de Longueuil, mairesse et conseil municipal, PQ, ADQ. Les commentateurs proviendront de ces différents milieux et parleront d’une voix de plus en plus unanime. Tout le monde souhaite alors ou affecte de souhaiter que cesse la corruption dans le secteur de la construction aux niveaux municipal et provincial et que la collusion entre firmes d’ingénierie, pègre urbaine et partis politiques soit mise en lumière et éradiquée. La soif de savoir ce qui se passe et de comprendre clairement les méandres du système de corruption et de collusion est un puissant incitatif de pression dans toute cette dynamique. Les critiques de différentes origines s’opposent ici très massivement et fort unanimement au premier ministre Charest, tout en le rejoignant autour d’un postulat commun, celui de l’existence de malversations, de corruption et de collusions dans les secteurs de la construction de grandes infrastructures, au niveau municipal et provincial. C’est sur la solution à apporter, à cette étape de cette crise de confiance, qu’on ne s’entend pas. On peut donc résumer ce que furent les arguments des acteurs de la façon suivante.

Arguments du premier ministre: Une commission d’enquête est un mécanisme lourd, médiatisé et spectaculaire qui risque de nuire aux enquêtes policières en cours, qui sont délicates et complexes, en exposant sur la place publique, de façon désordonnée et surchargé politiquement, des personnalités qui en profiteront soit pour se refermer comme des huîtres et ne rien avouer, soit pour employer l’impunité dont elles disposeront pour s’en prendre aux autres, y compris à leurs ennemis personnels, tout en se protégeant eux même. Ces questions sont déjà difficiles à tirer au net dans le huis clos des interrogatoires de police ou de rencontre avec des juges d’instruction, elles deviendraient intraitables dans une commission d’enquête sur la place publique. Arguments du reste des intervenants: À des degrés divers (mais parfois très explicitement), on accuse le premier ministre de vouloir maintenir la discrétion et le secret des enquêtes non pour protéger leur efficacité effective mais pour dissimuler son implication personnelle et celle de son parti politique dans les activités illicites qui seront mises à jours. En se privant d’une commission d’enquête publique, on accuse le premier ministre et le parti au pouvoir de se priver du seul mécanisme juridique et politique d’ampleur nationale susceptible de procéder à une mise à plat complète et contraignante de tous les mécanismes de malversation, de collusion et de corruption dont l’existence ne peut-être que soupçonnée. Cette analyse fait valoir que les enquêtes policières ne capturent que les lampistes, épargne les grosses pointures, et que toutes les pressions politiques sont possibles quand les étapes de l’investigation se déroulent hors de la vue du public. Les intervenants publics, autre que le premier ministre et son cabinet, réclament une commission d’enquête publique (au sens classique du terme) sur les collusions entre le secteur de la construction et les partis politiques au Québec et ils exigent qu’elle opère avec pouvoirs pleins et entiers. Leurs arguments ne changeront pas tout le long de l’exercice et leur pression s’exercera de façon constante et, en fait, plus unanime que concertée.

Le premier ministre, pour sa part, va finir par se rentre à la position du reste de la société civile en trois étapes. 1) d’abord il préconisera une solution strictement juridico-policière au problème, dans le cadre de l’Opération Marteau et des travaux de l’Unité permanente anti-corruption. Il exigera qu’on laisse les corps policiers et les services d’enquête spéciale procéder à leurs recherches et dépositions à leur manière et sans qu’une commission d’enquête ne soit instaurée. 2) à la demande de toutes les instances précédemment citée, le premier ministre optera ensuite pour une commission aux pouvoirs restreints (la fameuse patente à gosse) ne pouvant ni obliger les prévenus à témoigner ni leur assurer l’équivalent de l’immunité parlementaire pour leurs témoignages. 3) quand la juge Louise Charbonneau, désignée par le gouvernement pour présider la commission, réclamera la capacité de contraindre les prévenus à témoigner et le pouvoir de leur assurer une immunité, le premier ministre Charest, qui s’était engagé à se soumettre à toutes les exigences de la juge Charbonneau, obtempérera, supprimant de ce fait la patente à gosse et rendant la commission d’enquête pleinement opérationnelle, comme l’avait été la Commission Cliche de 1975 ou la Commission d’enquête sur les comptes publics de 1936.

Pour faire triompher leurs idées et finir par faire fléchir leur premier ministre, les intervenants des divers segments de la société civile utiliseront absolument tous les arguments et procédés disponibles. Le chef politique de droite Gérard Deltell, de l’ADQ, écrira une lettre aux débutés libéraux d’arrière bancs, les invitant à relayer la pression populaire sur le corps ministériel. Des anciens PDG du secteur parapublic, des anciens hauts fonctionnaires, des juristes, des historiens, des philosophes, analyseront les incohérences logiques, juridiques et historiquesde l’option retenue par leur premier ministre. Ils jetteront leur expérience dans la balance pour faire la démonstration du raisonnement qui finira par détruite l’option patente à gosse: personne n’acceptera de témoigner (si on ne peut pas les forcer) quand tout ce qu’il diront peut se retourner contre eux (si on ne leur assure pas l’immunité). Dans un tel modèle de commission, les témoins les plus importants n’oseront pas parler sans protection, ne seront pas forcés de le faire, donc ne le feront pas. Les militants du regroupement Génération d’idées organiseront l’Opération Balai, une intervention militante devant l’Assemblée Nationale du Québec pour promouvoir la mise en place d’une commission d’enquête, de type classique, en bonne et due forme. Finalement, des intervenants souverainistes utiliseront même les tergiversations de premier ministre Charest comme élément d’un bouquet garni argumentatif contre le fédéralisme canadien.

La collusion et la corruption entre le secteur de la construction et les paliers municipaux et provinciaux du gouvernement est une réalité ancienne, institutionnalisée, solide et secrète dans un contexte socio-économique comme celui du Québec. Faire la lumière sur cette question est un enjeu important, dans les conditions actuelles où la remise en ordre des grandes infrastructures et l’austérité budgétaire créent une conjoncture nécessitant le minimum de gaspillage et de détournements de fonds, et le maximum d’efficacité et de sobriété, si possible. La société civile a vu un malaise profond dans son intendance politico-économique et cherche à mobiliser des outils juridiques, grandioses mais traditionnels, pour y remédier. Il est cependant indéniable ici, que l’histoire se répète. Le discrédit généralisé du gouvernement Charest l’a rendu parfaitement inapte à défendre l’argument selon lequel la Commission Charbonneau sera un grand spectacle collectif que les québécois se donneront, en pleine lumière, longtemps après, pour reprendre le mot d’un des ministres du gouvernement, que les coquerelles se seront bien cachées, chassées justement par la lumière. Considérant que le premier ministre et ses ministres défendaient, avec duplicité, des vues leur assurant la position de juge et de parti, les québécois se sont objectés collectivement. Or, on a ici un cas d’espèce où gagner c’est perdre. Dans un monde idéal, des enquêtes policières discrètes auraient certainement été préférables. Miné par son fardeau de scandale, le premier ministre du Québec a été totalement inapte à défendre cet argument sans paraître vouloir se défiler, avec le parti ministériel, entre les mailles du filet de la justice. Monsieur Charest n’a convaincu personne. Les idées des objecteurs du premier ministre ont triomphé. La Commission Charbonneau a été instauré. 2012 la verra se mettre en branle. Mais ici aussi gagner, c’est perdre. Que fera t’elle de plus que toutes les commissions d’enquête qui jalonnent notre cahotante histoire et dont, en fait, elle ne diffère en rien… et dont, en fait, on sait parfaitement, avec notre recul historique, riche, dense et jalonné, justement, qu’elles n’ont rien pu vraiment régler, vue que nous en sommes encore là… Mon sentiment est limpide sur toute cette histoire: la vraie PATENTE À GOSSE ne fait que commencer…

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Classé dans Actualité, Paul Laurendeau

La mise en place de la Commission Charbonneau sur les collusions dans le secteur de la construction… ou JE ME SOUVIENS DE LA PATENTE À GOSSE (1)

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Arrestation de monsieur Zampino. Voici dont que l’Opération Marteau frappe de nouveau. Ce n’est justement pas une raison pour escamoter le fait, crucial et sensible, que la Commission Charbonneau continue de couver sous le boisseau. Il est capital de se souvenir clairement des particularités les plus saillantes du régime gouvernemental actuel au Québec, sur cette question récurrente et purulente des collusions et de la corruption. La réminiscence à laquelle je vous convie ici porte donc sur l’ensemble de pressions publiques ayant été exercées entre le 15 septembre 2011 et le 9 novembre 2011, et ayant menés à la mise sur pied, en deux phases, de la fameuse Commission Charbonneau. La mise sur pied d’une commission d’enquête sur les collusions entre le secteur de la construction et les partis politiques au Québec fut, je vous supplie de vous en souvenir, le résultat d’un ensemble complexe de pressions politiques exercées par la société civile sur le gouvernement du Québec et le Parti Libéral au pouvoir. Je me propose donc ici, modestement, de pérenniser la dynamique de cet ensemble de pressions politiques, élitaires et citoyennes, s’étant exercées, fort intensément, entre 2009 et 2011, sur cette question dont les répercussion se feront sentir longtemps encore dans la vie sociale et politique québécoise. La chose étant particulièrement hallucinante en soi, je me propose d’adopter le ton le plus pudique imaginable pour procéder à sa présentation.

Depuis avril 2009 des irrégularités et des problèmes de collusion de diverses natures se manifestent au Québec autour du secteur de la construction, et de nombreux intervenant, voyant le caractère général du problème, se sont mis à réclamer des enquêtes et des investigations sur la question. La possibilité d’une profonde implication du crime organisé et de liens intimes entre ce dernier, les acteurs importants du secteurs de la construction et les paliers de gouvernements municipaux et provinciaux crée un conteste de suspicion généralisée qui oblige le gouvernement du Québec à mettre sur pied, en février 2011, une Unité permanente anti-corruption, inspirée d’une unité semblable existant à New York. Le 15 septembre 2011, une fuite du rapport du directeur de cette unité (Jacques Duchesneau) confirme une nette corrélation de collusion entre pègre, ministère des transports, grandes entreprises de travaux publics et caisses électorales de partis politiques municipaux et provinciaux. Le premier ministre du Québec, Jean Charest, met alors sur pieds, le 19 octobre 2011 une commission d’enquête aux pouvoirs limités (qu’on surnommera alors la patente à gosse), dont il confiera la direction à la juge Louise Charbonneau. Le 9 novembre 2011, Jean Charest cédant ensuite à un autre ensemble, toujours croissant, de pressions publiques, retire les restrictions des pouvoirs de cette commission d’enquête et la rend pleinement opérationnelle. Je vous remémore ici un échantillon représentatif des pressions s’étant exercées pour que la Commission Charbonneau devienne de plain pied une commission d’enquête au sens régulier et ordinaire du terme. Le terme patente à gosse, est une expression québécoise péjorative (amplement utilisé par les groupes de pressions impliqués sur cette question et les médias) pour désigner une machinerie compliquée, alambiquée, tarabustée qui fait semblant de bien marcher mais qui en fait est toute croche et risque de ne pas vraiment remplir sa fonction ou ses promesses, même si elle a un petit côté spectaculaire qui pourrait faire illusion. La première mouture da la Commission Charbonneau était, selon ses principaux critiques, une patente à gosse, la seconde mouture (la version actuelle) ne le serait plus. Notre chronologie restreinte se formule donc comme suit:

  • 15 septembre 2011: Fuite du rapport Duchesneau et début de l’intensification des pressions pour obtenir une commission d’enquête sur les collusions entre le secteur de la construction et les partis politiques au Québec
  • 19 octobre 2011: Mise sur pied de la Commission Charbonneau dans sa version dite «patente à gosse»
  • 9 novembre 2011: à la demande de la juge Charbonneau, et sous la pression collective, assignation des pleins pouvoirs à sa commission d’enquête

Il est important de garder à l’esprit que le gouvernement du Québec, comme corps administratif provincial, a une longue tradition de corruption. On peut évoquer les scandales de constructions ferroviaires du 19ième siècle et de concessions forestières abusives au tout début du 20ième  siècle, ayant fait tomber des gouvernements, notamment ceux de Simon-Napoléon Parent en 1905 et de Louis-Alexandre Taschereau en 1936. Des abus durables du système de ristournes du duplessisme entre 1945 et 1960 jusqu’aux malversations mises en lumière par la Commission Cliche en 1975, la collusion et la corruption sont un héritage lourd et ancien au Québec et, au fil du temps, il s’avère que tous les partis politiques sans exception sont compromis et qu’on a, en fait, affaire à une caractéristique profonde et récurrente de cet appareil gouvernemental spécifique.

Au pouvoir, dans des gouvernements minoritaires ou majoritaires, depuis 2003, le Parti Libéral du Québec du Premier Ministre Jean Charest est bien installé aux commandes de l’état québécois. Depuis 2009, on assiste à une intensification des «affaires» de népotisme et de collusion de différentes natures concernant la gestion actuelle de l’état québécois par ce parti spécifique. Son ancien ministre de la justice Marc Bellemare a accusé ce gouvernement d’obtenir des contributions politiques en échange de la nomination de juges (cela a déclenché la mise sur pied de la Commission Bastarache). Son ancien ministre de la famille Tony Tomassi a du démissionner pour avoir utilisé la carte de crédit d’une entreprise disposant de contrats gouvernementaux. Et plus récemment, c’est la présidente du Conseil du trésor, madame Michelle Courchesne qui est accusée d’avoir, lorsqu’elle était Ministre de la Famille, alloué des contrats de lancement de garderies privées et des places en garderies à des contributeurs de la caisse électorale du Parti Libéral du Québec. On peut donc dire que la crédibilité politique de ce gouvernement n’est pas très forte en ce moment. Jacques Duchesneau est un officier de police ayant trente ans de carrière. Il a été chef de la police de Montréal de 1994 à 1998 et candidat malheureux à la mairie de Montréal en 1998. Patron de l’Unité permanente anti-corruption depuis février 2011, il dépose un percutant rapport en septembre 2011. «L’ancien chef de police conclut que le ministère des Transports est impuissant face à la collusion et que le crime organisé et les entreprises de construction sont responsables des coûts très élevés payés par l’État pour ses projets de construction. Une partie du magot serait ensuite transférée vers les caisses électorales des partis politiques, affirme le rapport Duchesneau.» (La presse Canadienne).

Le bras de fer argumentatif se met alors en place…

(À suivre)

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Démission de Normandeau : même pas une tempête dans un verre d’eau…

Par Renart Léveillé

La démission de Nathalie Normandeau… Tout d’abord, il me faut pointer le billet de la blogueuse Marilène Pilon : « Deux poids deux mesures : désinformation d’une crise ». Elle y fait le triste constat du traitement très différent de la nouvelle quand il s’agit du PQ ou du PLQ. Elle a bien raison : pourquoi la nouvelle du départ de la vice première ministre du Québec ne signifierait pas que le PLQ est en crise, comme on l’a ressassé à toutes les sauces pour les démissions au PQ? Parce qu’il ne faut pas se leurrer, le terme « crise » n’est pas neutre du tout, surtout dans l’imaginaire collectif.

C’est certain qu’il y a une différence entre une démission et des démissions, mais, comme le soulève Marilène, le PLQ a eu son lot de démissions, quand même assez récemment. Et encore plus récemment, comment ne pas faire le lien avec la démission d’Alexis St-Gelais, président du PLQ dans Jonquière?

Je ne pourrais le renier, il y a effectivement une crise au PQ, mais elle me semble bien nourrie : pourrais-je dire… par sensationnalisme? Et, serait-ce de l’exagération de dire qu’il y a aussi une crise au PLQ?

Passons là-dessus.

De son côté, le blogueur Daniel Lalonde revient sur le fait que Nathalie Normandeau, dans son discours, « en a profité pour dénoncer le cynisme de la population envers la classe politique. » Son excellente question à l’ancienne vice première ministre :

déplorerait-elle le cynisme d’une femme envers les hommes après qu’elle se soit fait tromper à répétition?

Pour la suite de son propos, un dénommé @EspritTordu l’a bien synthétisé par ce message, publié sur Twitter :

Nathalie Normandeau: une prime de départ de $150,000 après sa démission. Essayez seulement de demander du chômage si vous démissionnez!

Sans oublier que « son départ en plein milieu de mandat force une élection partielle qui, si l’ont se fie à l’élection partielle de 2009 dans Rousseau, ne coûtera pas moins de 500 000 $. »

Et, bien sûr, comme je l’avais soulevé aussi sur Twitter :

Faudrait organiser un « pool » sous le thème : Dans combien de temps Nathalie Normandeau aura son retour d’ascenseur pour services rendus.

Démission de Normandeau : « la volonté de se consacrer un peu plus à sa vie privée. » – Un peu plus à sa vie « au privé »?

En plus de cultiver le cynisme citoyen, toute cette histoire est un terreau très fertile pour le sarcasme.

Et je pourrais m’arrêter ici.

Le pouvoir

Mais à la lecture du billet de Cécile Gladel à ce sujet, dans la section où elle parle de l’avis de Josée Blanchette, j’ai une petite veine dans le front qui s’est mise à sursauter! Cette phrase en particulier :

Il faut beaucoup de lucidité ou être parvenu au point de non retour (sic) pour renoncer au pouvoir ainsi, aussi ouvertement, en baissant les bras, tout simplement.

Je ne sais pas si c’est juste moi, mais je n’aime pas du tout l’utilisation du terme « pouvoir » dans ce contexte. J’aurais préféré plutôt quelque chose pointant un poste de haut niveau ou quelque chose du genre. Parce qu’être parvenu au point de non-retour pour renoncer au pouvoir, ça donne l’impression que le pouvoir est en soi un joyau… Pour ceux qui ont lu et/ou vu la série « Le Seigneur des anneaux », nous ne sommes pas très loin de Gollum et de son « précieux »…

Et, si je ne m’abuse, le pouvoir de Nathalie Normandeau était assujetti au citoyen, contrairement au pouvoir du domaine privé. Et des politiciens qui visent la tête du gouvernement expressément pour goûter à l’étourdissement du pouvoir, le moins possible s’il vous plaît. Cela participe au cynisme ambiant. Le pouvoir, dans le contexte politique, ça devrait principalement concerner la possibilité de faire quelque chose pour les autres, et très accessoirement pouvoir s’appliquer à l’égo de la personne qui en a. D’autant plus qu’il ne manque pas d’argent à la clé. Ouin, le pouvoir et l’argent, le pouvoir de l’argent…

Et de voir cette formule de la plume d’une chroniqueuse très connue et appréciée, ça me donne des frissons.

Mais c’est sans doute juste moi.

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La Bourse et/ou la vie!?

 

Par Renart Léveillé

Les récents soubresauts de la Bourse donnent des sueurs froides à certains plus qu’à d’autres, mais au final le risque reste somme toute assez généralisé. Si le château de cartes s’effondre, les répercussions se feront sentir partout.

C’est pourquoi il serait intéressant de regarder la dynamique sociétale qu’accompagne le système de la spéculation boursière. Puisque justement ce jeu est plus qu’un simple jeu. On pourrait aller jusqu’à dire que la santé de la société en dépend : dans l’optique où l’économie y compte pour beaucoup, étant donné qu’elle est liée à la satisfaction des besoins essentiels. L’économie est bien sûr aussi très liée aux autres besoins (ceux qui ont entre autres été créés pour l’alimenter dans la fuite en avant de la croissance rapide) mais nous nous entendrons pour pointer l’importance de la survie (ou le confort) du plus grand nombre. Et avec en tête qu’une crise financière importante ne fait jamais en sorte que « les derniers seront les premiers »…

Alors, il est très facile de faire une ligne directe entre la spéculation boursière et l’équilibre sociétal, pour ne pas dire le bonheur social (selon le contexte actuel, sans pour autant occulter son imperfection et ses problèmes). Il serait donc honnête d’affirmer que la pérennité du bonheur social n’est pas entre les mains de tous, mais bien entre les mains d’une élite ayant les moyens financiers de mettre son poids dans la balance (de la Bourse). Parce qu’il faut se le dire franchement, ce qu’on pointe comme étant « la confiance dans les marchés » a tout à voir avec l’individualité, rien avec la collectivité.

À la base, les choix d’un investisseur ne concernent que son propre investissement. Il n’a pas de lien avec la causalité externe dans son cheminement décisionnel. Son but n’est que de préserver ou de faire fructifier son portefeuille, ce qui semble tout à fait légitime d’un point de vue individualiste. Pourtant, c’est l’addition de décisions de non-confiance dans les marchés qui est dangereuse pour le château de cartes (l’externalité que le spéculateur n’a pas en tête lors de sa prise de décision transactionnelle). Beau paradoxe.

Dans la possibilité d’un krach, suite à un effet domino, c’est là où la multiplication d’individualités ne va pas dans un sens positif pour le plus grand nombre : c’est par conséquent l’individu contre la collectivité. Devant ce paradoxe, serait-il utile de se poser la question à savoir pourquoi un pouvoir décisionnel aussi important est laissé à des individus qui n’ont qu’un intérêt individuel, et qui en plus n’ont aucunement conscience de son hypothétique portée collective? Sans oublier l’intrinsèque absence de coupables! (C’est à dire que le point de départ d’un effet domino ne pourrait être pointé, ni même accusé s’il pouvait être pointé; donc, aucune imputabilité possible.)

Mis à part la possibilité de faire de l’« investissement socialement responsable », il semble que l’éthique échappe tout à fait à cette activité. Et la morale de même. Il est toujours seulement question de profitabilité pure sans calcul de responsabilité. C’est pourquoi il serait bien difficile de culpabiliser qui que ce soit. Cependant, la question reste la même : sommes-nous à la merci d’un pouvoir extérieur à la société, puisque ce pouvoir n’a jamais en tête le bien de son ensemble (même si le système financier participe quand même à faire « rouler l’économie »)?

Toute cette analyse donne à penser que le système actuel n’a jamais pris en compte dans sa construction ses incohérences. C’est comme si le château de cartes avait un système d’autodestruction activé par un levier que personne ne voit, mais que quiconque peut accrocher par inadvertance (l’inadvertance étant ici la peur de tout perdre). Nous pouvons sérieusement nous demander si ce système est déjà désuet dans son évolution quand même récente. Au lieu d’un système d’autodestruction, il lui faudrait un système d’autorégulation. L’on pourrait pointer comme solution l’État ou son absence, mais cela serait beaucoup trop facile…

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Les partis politiques comme freins à la démocratie

Par Renart Léveillé

Ce que la crise au Parti Québécois a bien fait ressortir, ce sont les problèmes qui viennent avec les partis politiques et la question de la ligne du parti. Encore plus avec un parti comme le PQ où ce qui cimente les membres est le parti-pris pour la souveraineté du Québec. Alors, il est bien normal qu’à tous les autres sujets ils ne fassent pas bloc (sans jeu de mots…).

Parce qu’un parti, quel qu’il soit, reste une difficile tentative d’équilibre entre des individus dissemblables, malgré les points de convergences. Et le fait de son système hiérarchique n’est pas sans ajouter au problème. L’opinion d’un chef de parti est toujours possiblement discutable et c’est à sa discrétion d’en discuter ouvertement, voilà dans quoi se plongent ces femmes et ces hommes chez qui l’opinion est aussi importante (cela va de soi).

Alors, amusons-nous à détruire les partis politiques pour qu’il ne reste que des députés indépendants. À la place des partis, il pourrait y avoir des coalitions, destinées surtout à afficher les couleurs des candidats lors des élections. Ensuite, les députés seraient évidemment libres de voter lors des travaux et de se regrouper à leur guise selon leurs affinités, selon les questions soulevées.

Et j’y pense, pourquoi ne pas aussi abolir le poste de chef du gouvernement? De toute façon, comme partout, il y aura des députés qui réussiront à se démarquer pour être des meneurs pendant de courtes ou de longues périodes, selon les sujets. Et les élections se tiendraient à date fixe, bien sûr. Sans oublier qu’il faudrait que les coûts qui touchent à tout le processus démocratique soient partagés par tous, donc du domaine public.

Pour ce qui est de la finalité du processus de votation des lois, c’est là où la démocratie directe entrerait en jeu. Le peuple ferait office de Sénat. Chaque loi à adopter aurait à passer par un référendum. Et bien sûr, le processus devrait reposer sur une utilisation judicieuse, rapide, peu coûteuse et sécuritaire de la technologie (et tout citoyen devrait pouvoir exercer son droit de vote; donc, le gouvernement devrait aider le plus possible les analphabètes du numérique). Le pourcentage de participation ne serait pas important dans le sens où la décision appartiendrait à ceux qui se sont donné la peine d’y participer (et donc de s’y intéresser assez pour vouloir y participer — il n’y a pas très loin aussi l’idée du permis de voter). Ce qui de toute façon devrait être la même chose pour ce qui est des élections…

Je n’entrerai pas dans les détails du fonctionnement d’un tel gouvernement, cela donnerait un bouquin et le temps me manque, mais je crois que les talents des députés élus pourraient être mis à contribution de la meilleure manière possible par un processus hautement démocratique. Il me semble qu’un gouvernement de la sorte travaillerait pour (et avec) le peuple. Il me semble aussi que l’opportunisme n’y ferait pas son nid, comme on le voit actuellement.

Si la politique est le royaume du possible et n’a pas toute évacué sa part de créativité, il devrait être concevable de faire évoluer le système qui supporte la pratique, et ce, en phase avec les perspectives actuelles. La crise au Parti Québécois n’est qu’un symptôme du cynisme qui est aussi une crise en soi. C’est la preuve qu’il faut que les choses changent radicalement.

Je ne veux lire personne me dire que c’est impossible, puisque l’impossible est le dernier retranchement du cynisme.

(Photo : mcgraths)

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Les aventures d’Amir Khadir contre les parasites de la royauté

Par Renart Léveillé

De voir ainsi Amir Khadir se faire varloper pour ses opinions contre les parasites de la royauté est une belle représentation du pouvoir de la langue de bois et de la sclérose sociale dans laquelle nous sommes encore empêtrés.

Qu’est-ce que la royauté peut bien encore représenter? Oui, il y a sûrement quelques citoyens assez vieux pour être nostalgiques d’un respectueux consensus envers cette institution désuète. S’il y a un lien aujourd’hui entre les citoyens et la monarchie britannique, il tourne amplement autour du simple potinage. Rien de bien transcendant. Beaucoup comme avec les vedettes, mais tout à fait gratuitement, puisque le prince William et sa famille n’ont rien fait d’autre que de naître pour obtenir tout cet argent et toute cette attention. Pour utiliser une expression qui fera mal à quelques oreilles, ce sont des « BS de luxe », les premiers au palmarès.

Les ultras partisans Nathalie Normandeau et Gérard Deltell ont bien sûr sauté dans la mêlée pour se faire du capital auprès des amants de la rectitude politique, mais il semble que c’est plutôt Amir Khadir qui passe pour celui qui calcule ses coups… C’est à n’y rien comprendre. Franchement, n’y a-t-il pas au moins une mince frange de la population qui n’en a rien à foutre d’Élisabeth II et de ce qu’elle représente? Oui, et j’en suis. Le député de Mercier ne pourrait-il pas être simplement le représentant de cette opinion parmi les politiciens sans avoir à subir des charges de la sorte?

Ça revient encore et toujours à la notion de respect. Pourquoi la famille royale et tout ce qu’elle représente devraient-ils être respectés à tout prix, mais pas l’opinion de ceux qui sont contre? À cette question, je gage que le seul argument possible pour Normandeau et consorts c’est :

— Parce que.

*******

 

À propos de la photo : http://www.ssaft.com/Blog/dotclear/index.php?post/2009/01/28/Donner-sa-langue-au-crustacé…

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Quand la Boussole électorale ne va pas dans le même sens pour le Québec et le Canada…

Par Renart Léveillé

Lors de la dernière élection fédérale, la Boussole électorale ne semblait pas faire l’unanimité. Quoi qu’il en soit, les résultats sont maintenant en ligne, et « plus d’un million de Canadiens ont répondu » à ce sondage, ce qui semble un échantillonnage assez important. Il faut quand même regarder ces résultats avec prudence, mais il y a tout de même des tendances importantes qui en ressortent.

Ce qui ressort le plus, c’est que le Québec est sans conteste une société distincte. Chaque question est illustrée par une carte du Canada où les couleurs de chaque région démontrent dans quel sens vont les opinions. Et dans la majorité des cartes, on voit que les Québécois pensent différemment du ROC, cela dit en ne dissimulant pas la diversité d’opinion des Québécois eux-mêmes. Je le répète, il est bien sûr question de tendances.

Là où les Québécois sont vraiment différents de la majorité des Canadiens, il n’y a pas d’équivoque. Ils sont beaucoup plus contre la mission afghane, contre la présence militaire en Arctique, contre les dépenses militaires tout court. Aussi, ils sont pas mal les seuls à vouloir d’avantage de relations économiques avec les États-Unis et à vouloir se doter d’une taxe sur le carbone. Pour continuer dans les enjeux environnementaux, le Québec est vraiment plus du côté de croire que l’industrie des sables bitumineux d’Alberta cause des dommages, contrairement au ROC qui pense plus que c’est de l’exagération. Encore, le Québec partage avec une infime partie du Canada un désir plus grand de normes environnementales plus sévères, « même si elles entraînent une augmentation des prix pour les consommateurs ».

Pour ce qui est de la question de la place du secteur privé dans le système de santé, le Québec partage une préférence minoritaire pour davantage de place avec certaines autres régions. Pour ce qui est de l’immigration, le Québec est le plus favorable avec le fait d’exiger l’anglais ou le français comme condition d’admission pour les immigrants. Encore à ce sujet, et ce n’est pas très surprenant, ce sont les Québécois qui ont le plus, et de beaucoup, répondus « Préférence pour moins » à la question : « Combien d’efforts devrait-on faire pour accommoder les minorités religieuses au Canada? »

Encore, ils sont les plus modérés quant à juger comme des adultes les « jeunes délinquants qui commettent des crimes violents », les moins d’accord avec l’abolition du registre des armes à feu et plus en accord avec « le droit de mettre fin à leur vie avec l’aide d’un médecin » des « patients en phase terminale ». Du côté politique, ils sont le plus contre le Sénat, les moins d’accord avec des coupures au niveau du financement public des partis politiques et, la différence est extrême, pour que seules les personnes bilingues (anglais et français) puissent être nommées à la Cour suprême.

Pour ce qui est des questions constitutionnelles et du rapport entre le Québec et le Canada, à contrario du Québec, le ROC pense que « Le gouvernement fédéral devrait avoir son mot à dire dans les décisions concernant la culture au Québec », n’est franchement pas favorable à ce que « Le Québec [soit] formellement reconnu en tant que nation dans la Constitution » et, bien sûr, à ce que « Le Québec [devienne] un État indépendant ».

Et, pour terminer, les Québécois sont plus amplement d’accord que « Les travailleurs devraient contribuer davantage à leur régime de pension (RPC/RRQ) pour avoir des pensions plus généreuses », et que les plus riches devraient payer plus d’impôt, idem pour les entreprises.

À la lumière de tout cela, et avec les résultats de la dernière élection fédérale où le Québec a placé le NPD comme opposition officielle, il n’y a pas de doute que le Québec fait cavalier seul et ne se retrouve pas dans cette fédération centralisatrice, qui sera menée par un gouvernement conservateur, ce parti très impopulaire dans la belle province. Est-ce que les Québécois pourront continuer de faire du déni alors que le ROC est farouchement contre le caractère particulier du Québec? La quintessence de cette hypocrisie étant, pour les Canadiens hors Québec, le total refus de reconnaître la nation québécoise alors que le parti qu’ils ont porté au pouvoir se vante de l’avoir reconnu (bien que ce soit en réalité de la poudre aux yeux!).

Dans ces conditions, le statu quo qui prévaut encore en ce moment est une insulte à l’intelligence. Si le Québec était un individu, franchement, comment peut-il se regarder dans le miroir? L’amour-propre, cela veut-il encore dire quelque chose?

(Photo : topsteph53)

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Question de tirer au fusil sur les subventions publiques aux partis…

Durant cette campagne électorale, il y a deux thèmes chers aux conservateurs qui me font tiquer : la promesse de Stephen Harper d’abolir une grande partie du registre des armes à feu et son voeu de couper les subventions publiques aux partis politiques.

Pour ce qui est des armes à feu, il y a quelque chose qui me semble contradictoire. N’est-il pas celui qui donne beaucoup d’importance à la lutte contre la criminalité (à sa manière) en allongeant « les peines minimales pour les crimes graves commis avec des armes à feu »? N’est-il pas celui qui a fait augmenter les dépenses dans les services correctionnels « de près de 80 % »?

Il ne veut pas améliorer le registre, mais bien l’abolir, enfin, « abolir l’obligation d’enregistrer les armes longues, comme les fusils de chasse » (lire : faire plaisir aux chasseurs). Ça dépasse l’entendement quand on ne comprend pas ce que cela signifie entre les lignes. ll y a un lien à faire avec ce satané désir de liberté calqué sur nos voisins du sud, comme quoi l’État ne va pas nous dire quoi faire (je suis d’accord en partie avec ça, mais il y a des limites : posséder une arme n’est pas la même chose que faire ce qu’on veut dans notre chambre à coucher). Pourtant, ça prend un permis pour conduire une voiture et il faut qu’elle soit enregistrée (même que le coût de tout ça n’est jamais remis en question). On parle d’armes, pas de jouets pour les enfants. Et quand on sait que les « corps de police canadiens, dont la SQ et la GRC, sont contre l’abolition », c’est encore plus absurde.

D’un côté, on amplifie la répression alors que le taux de criminalité baisse (au Canada — et aux États-Unis, où « on incarcère cinq fois plus qu’au Canada »). Et de l’autre on veut laisser libre court à la liberté des armes de chasse, celles-là mêmes qui peuvent autant tuer des humains que les autres. C’est là où le bât blesse. Parce qu’en soi, une arme, c’est un condensé de possibilités de meurtres. Le seul fait qu’elle existe crée un danger qu’il faut au moins baliser. C’est la moindre des choses. Et puis, je ne comprends tout simplement pas ce qu’il y a de si excitant pour les chasseurs et agriculteurs dans cette promesse électorale. Est-ce vraiment une si grande insulte à leur intelligence que de leur demander d’inscrire leurs armes dans un registre? À moins que cette obligation ne soit prise comme une injure, l’injure d’être mis dans le même panier que les membres des clubs de tirs…

Pour ce qui est de la question de couper les subventions publiques aux partis politiques, elle est très certainement partisane. C’est bien connu, le parti conservateur n’a pas trop de problèmes, comparativement aux autres partis, à remplir ses coffres. Il ferait ainsi une pierre deux coups! Couper l’herbe sous le pied de ses adversaires et, pour l’avenir, s’installer comme nouveau parti naturel de gouvernance du Canada « (Natural Governing Party) ». Mais, globalement, le plus grave dans tout ça, c’est que ce possible abandon des subventions aux partis ouvre toute grande la porte à une augmentation du pouvoir des plus riches, à une ploutocratie. Déjà que la démocratie comme on la vit est déjà bien malmenée.

Dans le fond, il n’y a rien de plus simple comme calcul. Ce ne sont pas les pauvres ni même la classe moyenne qui ont les moyens d’encourager les partis politiques. Quel que soit le parti qui donnera le plus de bonbons à la classe riche, il obtiendra le plus d’argent. Oublions alors l’idée même d’équité en politique et quelque chose qui ressemblerait un peu à l’équilibre des chances. Encore plus loin, imaginons tous les partis tentant de séduire la classe riche dans le but de simplement survivre. Pour contrer cela, il faudrait un puissant mouvement populaire qui ne semble pas près de poindre à l’horizon.

Certains argueront qu’il est question de liberté individuelle versus de la mainmise de l’État, mais ils oublieront de dire qu’au final cette idée de liberté se monnaye. Dans ce cas, peut-on encore parler de liberté?

 

(Photo : roel1943)

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La pollution visuelle et mentale des pancartes électorales

 

En 2008, lors de la campagne électorale fédérale qui a mené Stephen Harper au pouvoir, j’ai fait à ma façon et à mon humble niveau la promotion de l’absence de pancartes électorales dans les rues. Comme je l’écrivais autrement, ces pancartes sont une grosse nuisance à l’esthétisme de l’environnement urbain et rural, en plus d’être un gaspillage de ressources. Ça ne s’arrêtait pas là :

Et question marketing, je me disais qu’un parti qui aurait eu le courage de me pas embarquer dans cette pollution visuelle aurait pu utiliser cet argent pour faire un beau coup de pub. Imaginez combien l’absence de pancarte d’un parti politique dans le paysage aurait eu d’impact si une pub avait réussi à lier fortement cette absence et ce parti.

Ce parti se serait retrouvé nulle part et partout à la fois.

Sans faire de lien de causalité, il s’est avéré qu’en 2009 Union Montréal et Vision Montréal ont décidé de ne pas s’afficher dans la ville pendant la campagne électorale municipale. On arguait que la raison principale était les coûts énormes de ce genre de campagne publicitaire. Question de mononcliser, dans mon livre à moi, c’est une autre bonne raison d’abandonner cette pratique.

Malgré cet exemple, il semble que tous les partis fédéraux vont placarder nos horizons de leurs slogans et autres sourires en plastique quand même. À notre grand dam. Alors, j’aimerais trouver une autre bonne raison de plus pour que l’avenir nous réserve un ciel plus monochrome…

Parce qu’il faut se le dire franchement, les pancartes électorales titillent tout sauf l’intelligence des gens. Elles ont peu à voir avec l’essence même de la démocratie représentative. On y présente les couleurs des partis, des slogans (l’antithèse du développement d’une idée) ainsi que des gueules figées dans le sens du plan de marketing choisi (même si la plupart du temps c’est d’un sourire plus ou moins réussi dont il s’agit). En gros, nous sommes dans le royaume des apparences, de la représentation. Ce qui est juste bon pour voter pour les mauvaises raisons.

Donc, voilà, j’accuse les pancartes électorales d’encourager la paresse intellectuelle auprès de ceux qui sont paresseux de nature. Pour qui va voter pour un candidat surtout parce qu’il a un air rassurant, nonobstant de ce qu’il prône réellement. Pour qui va voter pour cet autre parce qu’il le conforte dans ses préjugés physionomiques, avec tout ce qui vient avec : genre, origine. Sans oublier ceux qui n’iront pas voter en réaction de cette agression visuelle, quand c’est tout ce qu’ils peuvent retenir de la politique (contrairement à mes amis anarchistes abstentionnistes).

Dans ces conditions, la politique devrait se tenir aussi loin que possible de ces techniques publicitaires, qui sont par nature tapageuses, racoleuses, parfois même mensongères (et je ne me pencherai pas ici sur les messages publicitaires télé et radio). Puisqu’il n’est pas question de « vendre » quelque chose, mais bien de se choisir un moyen d’avancer. Et la meilleure façon de faire un choix de véhicule éclairé est sans conteste de faire fi des apparences et d’aller creuser, même si ça demande un effort. Qui achète une voiture en se basant seulement sur le design de la carrosserie?

Je pourrais continuer sur cette lancée en tentant de détruire aussi le traditionnel serrage de mains et même l’idée du porte-à-porte, mais bon, une chose à la fois…

(Photo : sashamd)

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