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Les cancres – Réponse à Claude Picher

 
 

Cette semaine, le chroniqueur financier de La Presse, Claude Picher, y est allé d’une tirade à l’intention des détracteurs du sacro-saint modèle québécois en faisant une analyse de données de l’Institut de la Statistique du Québec prouvant, selon lui, que la perception que le Québec n’est qu’une province de quêteux est un mythe. Pour ceci, il base son analyse surtout sur une comparaison des montants de transferts fédéraux reçus par chaque province par rapport à leurs revenus respectifs, pour en conclure que nous ne sommes pas vraiment plus quêteux que les autres.

De la fumisterie malhonnête

Puisque tout le modèle québécois n’a jamais été autre chose qu’une illusion, nous ne devrions guère nous surprendre de voir ses défenseurs user de fumisterie pour aider à perpétuer l’illusion. Ainsi l’analyse de Claude Picher est passablement malhonnête en considérant que la seule part des transferts fédéraux dans les revenus d’une province par rapport aux autres, prouve que cette province ne vit pas au dépends des autres. Les transferts fédéraux aux provinces englobent plusieurs programmes de partage de dépenses qui sont presque tous évalués en proportion avec la population de la province. La seule composante de ces transferts qui soit une véritable redistribution de richesse des provinces riches aux provinces pauvres est la péréquation. Cette donnée est évidemment absente de l’analyse de M. Picher, tout autant que dans la publication de l’ISQ. Est-ce un oubli? Toujours est-il qu’on peut facilement l’obtenir du ministère des finances. Ainsi, si on compare les montants de péréquation reçus par rapport aux revenus, le portrait n’est certainement plus le même.

Péréquation par rapport aux revenus - Cliquez pour agrandir

Le Québec n’est certainement pas la province la plus dépendante envers les paiement de péréquation, mais je vois difficilement comment on pourrait se bomber le torse en se comparant à l’Île du Prince Édouard ou le Nouveau Brunswick. Par ailleurs on voit que la comparaison que M. Picher faisait avec l’Ontario ne tient plus la route. Mais il y a pire. Les transferts fédéraux aux gouvernements provinciaux ne sont qu’une fraction de ce que le gouvernement fédéral dépense dans une province, si on inclue toutes les dépenses fédérales faites dans chaque province, moins les recettes fédérales perçues dans cette province, on voit un portait encore plus différent.

Recettes Fédérales moins dépenses de programmes - Cliquez pour agrandir

Ce graphique démontre sans équivoque que le Québec est le plus grand bénéficiaire net de toutes les dépenses fédérales et donc le plus dépendant des programmes fédéraux. Et contrairement à ce que M. Picher peut penser, les ontariens ont toutes les raisons de ne pas nous tenir en haute estime, sans parler de nos compatriotes d’Alberta et de Colombie Britannique. Contrairement à ce que les souverainistes voudraient vous faire croire, nous ne donnons pas au fédéral plus que nous en recevons, c’est plutôt le contraire et un Québec souverain se retrouverait avec un manque à gagner considérable.

Tchick tchick

Comme si ce n’était pas suffisament honteux de vivre ainsi au dépends des autres provinces, nous ajoutons insulte à injure en nous donnant des programmes sociaux comme les garderies subventionnées, les congés parentaux les plus généreux, un programme d’assurance-médicament, des fécondations in-vitro et un amphithéatre payé entièrement par des fonds publics. Rien de trop beau! Même si nous ne sommes pas les pires dépendants des paiements de péréquation, au moins les autres provinces ont la décence de vivre selon leurs moyens. En attendant, ce que nous ne pouvons pas nous payer avec les impôts et taxes les plus oppressives au Canada, nous le mettons sur le dos des générations futures.

Dette nette par habitant - Cliquez pour agrandir

Et fort naturellement, nous voulons maintenir ce train de vie frivole tout en travaillant le moins possible.

PIB par habitant - Cliquez pour agrandir

Encore une fois, peut-être que nous ne sommes pas les pires, mais il n’y a pas de quoi se péter les bretelles. Non M. Picher, nous ne sommes pas des quêteux, nous sommes bien pires: nous sommes des cancres. Nous sommes des ados irresponsables qui croient pouvoir se payer une auto et une télé à écran géant et tout les loisirs et les gadgets qu’on désire, tout en tenant un emploi à temps partiel et en accumulant les dettes pendant que nous vivons encore sous le toit de nos parents. Telle est la grande fiction qu’est le modèle québécois. Certains diront que c’est un choix de société, mois je dis que nous devrions aspirer à mieux, et soit dit en passant, rien de ce qu’a proposé François Legault jusqu’ici ne viendrait changer la donne, sauf peut-être nous rendre encore plus dépendants.

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Classé dans Actualité, économie, Philippe David

Des tests d’urine pour recevoir son chèque de B.S.?

 

NDLR: ARTICLE PUBLIÉ LE 22 JUILLET 2010.

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J’ai reçu ce « témoignage » par courriel la semaine dernière :

LETTRE D’UN TRAVAILLEUR

Cette lettre a été écrite par un travailleur de la construction à Fort MacMurray.

Très bon sujet.

Je travaille, je suis payé.

Je paie mes impôts et le gouvernement distribue mes impôts comme il se doit.

Afin de gagner mon chèque de paie, je travaille sur une plateforme flottante pour le projet de Fort MacMurray Construction.

Je suis tenu de passer un test d’urine, sans avertissement soit au hasard, avec lequel je n’ai aucun problème.

La chose avec laquelle j’ai un problème est la distribution de mes impôts aux gens qui n’ont pas à passer de test d’urine.

Ces gens ne devraient-ils pas avoir à passer un test d’urine pour avoir leur chèque de bien-être parce que moi je dois en passer un pour le gagner pour eux.

Veuillez comprendre que je n’ai aucun problème à aider les gens qui sont dans le besoin à se prendre en main.

Par contre, j’ai un problème à aider quelqu’un assis sur son cul – buvant de la bière et fumant de la dope.

Pouvez-vous imaginer combien d’argent les Provinces sauveraient si les personnes qui reçoivent de l’aide gouvernementale devaient elles aussi, passer un test d’urine ?

S’il vous plaît,  faites circuler ce courriel si vous êtes d’accord ou supprimez-le si vous n’êtes pas d’accord.

J’espère que vous le ferez circuler, parce que les choses doivent changer dans ce pays et ça presse !!!!

Un travailleur tanné de travailler pour faire vivre les autres qui ne font rien !!!

Ça me fait beaucoup penser à une petite réflexion que j’ai élaborée dans un court billet, nommé : « Être à la remorque de sa vie ». Qui va comme suit :

Être à la remorque de sa vie, c’est se construire en réaction. C’est réagir en animal blessé, c’est se bâtir une armure avec nos blessures, petites ou grandes, tout en pensant utiliser du solide.

C’est regarder les événements fâcheux, qui sont souvent seulement des petites broutilles que l’on a le choix de considérer sérieusement ou non, et en faire des preuves, des arguments de notre colère dirigée.

Je ne peux pas écrire que j’en suis totalement vierge, mais je tends, ouvertement, à fuir ce réflexe. C’est un filtre sur la conscience au monde, un empêcheur de tourner autour des problématiques pour en extraire le plus large possible.

C’est le contraire d’être ouvert au point de vue des autres, même si cela ne veut pas dire d’accepter tout facilement.

Quelque chose comme tenir en équilibre.

Ce travailleur croit avoir trouvé par son exemple du test d’urine un argument solide, mais il ne fait qu’éclabousser son propre mal-être. S’il était heureux dans son travail et dans sa vie, il ne sentirait pas le besoin de jalouser le peu de bonheur que sont capables de se payer les « B.S. » avec sa mince contribution à l’impôt, parce qu’en fait le pourcentage de son impôt qui sert à ça, c’est tellement pas grand chose! (Pour s’étourdir, il devrait plutôt calculer le pourcentage qui va à l’armée et considérer combien sont d’accord avec ça!) Et en plus, si ça se trouve, c’est seulement une mince minorité des « B.S. » qui boivent et se droguent. Et même si c’était la majorité! Si j’en suis réduit un jour à attendre un chèque du gouvernement pour survivre, je n’ai même pas de doute que l’alcool et la drogue seront un baume sur ma peine… Toute autre réaction serait héroïque, et les héros ne vivent pas de l’aide sociale!

Pouvez-vous imaginer combien d’argent les Provinces sauveraient si les personnes qui reçoivent de l’aide gouvernementale devaient elles aussi, passer un test d’urine ?

C’est drôle, mais moi je m’imagine plus le nombre de personnes de plus à la rue et l’augmentation de la criminalité qui irait avec. Puisque ce n’est pas parce qu’un « génie » a trouvé une manière de faire économiser « les Provinces » que ces gens-là vont arrêter du jour au lendemain de faire tout en leur pouvoir pour survivre! Et quand tu es en mode « survie », dans la rue ou sur le « B.S. », c’est bien difficile de penser plus loin que son nez! C’est bien beau le concept de « se prendre en main », mais c’est tellement facile de se prendre pour un génie de l’analyse sociale quand tu vis dans le luxe, bien que tu travailles fort fort fort pour te le payer! Et ce génie-là sera le premier à chialer — après que son idée se soit retrouvée récupérée par le Parti Conservateur ou un autre avec une vue tout aussi basse — qu’il y a trop de quêteux dans les rues quand il sera en vacances de sa plateforme…

Et il reste les autres, ceux qui n’ont pas le choix, pour plusieurs raisons : est-ce qu’eux aussi passeraient le test d’urine? Une autre question : combien ça coûterait faire ces tests?

C’est bien ça qui m’énerve avec ce raisonnement : ça semble se tenir au premier abord (et je suis généreux!), mais ça s’écroule aussitôt qu’on en fait le tour. Parlez-moi de créativité pour aider ces gens à se sortir de ce cercle vicieux, parlez-moi de tout sauf de profiteurs, parce que pour trouver des profiteurs, c’est beaucoup plus facile en pointant n’importe où ailleurs! Parlez-moi d’améliorer la société pour amoindrir la possibilité que des gens préfèrent se laisser mourir plutôt que de participer. Parlez-moi intelligemment, et de grâce, débarrassez-vous de vos frustrations avant de vouloir refaire le monde!

 

(Photo : Monyart)

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