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L’accès au pouvoir

« Sous les fleurs, qui représentent l’image fausse derrière laquelle nos dirigeants se cachent, on trouve plein de serpents, qui correspondent à toute cette corruption qui nous entoure, au manque d’éthique et au copinage politique » – Yann Perreau

Par lutopium – Je suis toujours persuadé que le scandale des commandites est directement responsable du désintéressement des québécois face à la politique. Cet événement a enfoncé le dernier clou dans le cercueil du cynisme politique. À mon avis, l’écoeurement des citoyens face au pouvoir politique explique en grande partie le pourcentage élevé d’abstention aux dernières élections provinciales. Les gens sont désabusés des politiciens. Après avoir douté de leur honnêteté et leur authenticité, un grand nombre de québécois sont maintenant convaincus que, peu importe ce que le citoyen peut penser, le monde politique fera toujours à sa guise, selon ses propres intérêts et ceux de ses proches amis. On croyait qu’ils auraient compris suite aux conclusions de la commission Gomery mais ils se font encore et toujours prendre la main dans le sac: les compteurs d’eau, l’asphalte de Whisseltown, les règles d’éthique modifiées pour le député Pierre Arcand, etc. Pas surprenant que nous soyons désillusionnés…

« Il ne faut pas faire l’autruche. (L)es dons (politiques) ne sont pas gratuits et lient les conseils de ville aux créanciers des partis au pouvoir. Les administrations municipales se menottent elles-mêmes, puis se font dicter la ligne à suivre. En 2003, un élu me révéla avoir été menacé par un entrepreneur, qui l’intima de cesser ses démarches visant à faire modifier les règles d’attribution de contrats, reliés au recyclage des déchets. Quelle fut sa réaction ? Il prit son trou et se tut. L’avenir et la destinée de nos villes échappent aux citoyens et à leurs élus. On ne peut tolérer que la démocratie et la liberté d’expression se fassent bafouer. » – Michel Bédard, Scandales et éthique

On peut le voir à Montréal, à Québec et dans quelques autres grandes villes québécoises, la machine politique professionnelle est très active et semble plus préoccuppée par la profitabilité des membres de la chambre de commerce que les aspirations de monsieur et madame tout-le-monde. Mais ça ne devrait pas empêcher les citoyens de s’impliquer dans les prochaines élections municipales qui auront lieu l’automne prochain. Voilà un palier de gouvernement qui est beaucoup plus accessible aux citoyens que ces mirages de la démocratie que sont l’Assemblée nationale et la Chambre des communes. Le monde ordinaire peut y influencer les décisions qui ont un impact majeur dans sa qualité de vie et sur le genre de « développement » qu’il veut associer à son quotidien. Une ville de Lévis branchée sur ses citoyens et préoccupée par l’environnement n’aurait probablement pas accepté un projet comme Rabaska…

« Chez nous, ce sont le quartier et la municipalité qui constituent les premiers lieux de la démocratie et de la solidarité, ce que j’appelle les premiers lieux identitaires… Redonner la vie municipale aux citoyens constitue le premier pas vers la démocratisation de la démocratie. » – Gil Courtemanche, La Seconde Révolution tranquille

Certaines administrations municipales adhèrent déjà à des idées de « développement durable ». Les décisions prises par les conseils municipaux au cours des prochaines années auront une influence majeure sur la protection de l’environnement, les investissments en transport collectif, la qualité de l’eau, la gestion des déchets, etc… Et il sera beaucoup plus facile d’établir un dialogue permanent entre le conseil de ville et les citoyens. Voilà un bon endroit où nous pouvons enfin tester l’efficience de la démocratie participative.

Peut-être y’a-t-il une organisation politique dans votre municipalité qui a conçu un programme qui rejoint vos préoccupations et qui propose des solutions auxquelles vous adhérez. Les initiatives citoyennes comptent souvent sur de modestes moyens. Donnez un coup de main, elle en a sûrement besoin! Soyez quand même vigilants envers les candidats de la chambre de commerce ou des partis provinciaux…  Et si vous habitez Montréal, ne vous laisser pas décourager par l’arrivée de Louise Harel!

« À la fin de mes jours, j’aimerais partir en sachant que j’aurais fait partie de ceux qui ont semé un peu de beauté et d’espoir, pas juste avec des mots, mais aussi avec des gestes. » – Yann Perreau

Illustration: GeoNando – Flickr. Les citations de Yann Perreau sont tirées d’une entrevue qu’il a accordé au magazine L’Itinéraire.

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L’eau Desmarais

Par lutopium – Un peu avant le déclenchement des dernières élections provinciales, je me demandais si l’entêtement de Jean Charest à former un gouvernement majoritaire était relié directement ou indirectement aux pressions des lobbies économiques qui lui font la cour afin d’influencer les orientations budgétaires de l’état. Pas facile pour un gouvernement minoritaire de faire passer ses idées, rappelons-nous la saga du Mont-Orford ou les nombreuses oppositions au projet Rabaska. Rien de mieux que d’avoir les deux mains sur le volant pour prendre le virage qu’on veut.

Il m’arrive parfois de plonger dans une atmosphère un peu parano et de m’imaginer que les grands de ce monde cherchent à manipuler nos gouvernements afin de leur imposer certains projets. Je ne sais pas. Je n’arrive toujours pas à comprendre pourquoi le Québec a décidé de se doter d’un port méthanier alors que l’utilisation du gaz naturel ne semble pas grimper en popularité. J’ai cru un moment que les promoteurs du projet – Gaz Métropolitain, Enbridge, Suez-GDF et la russe Gazprom, avaient conclu que la construction d’un port méthanier dans la région de Québec en faciliterait le transport vers les États-Unis, grand consommateur du gaz bleu. Je vous l’ai dit, j’ai cette tendance à voir des complots partout…

Les libéraux sont de grands disciples des partenariats public-privé. Ils fondent de grands espoirs dans cette approche pour le respect des budgets et des échéanciers dans les projets du CHUM, du prolongement de l’autoroute 25, de l’échangeur Turcot, et j’en passe… Le maire de Montréal, Gérald Tremblay, lui-même libéral de carrière, semble également fort inspiré par une étroite collaboration avec l’entreprise privée afin de gérer le quotidien de sa ville. Je vous accorde que ça ne va pas très bien de ce côté ces jours-ci, mais l’approche demeure la même. Ne sautons pas trop vite aux conclusions. Peut-être, comme le souligne Pierre Dubuc, que la réouverture de la soumission des compteurs d’eau permettra à Suez-GDF de finalement présenter sa proposition. Si j’étais sceptique, je croirais que certains journalistes sont complices pour redonner une chance à Suez. Non, je fabule. Comment d’honnêtes journalistes pourraient-ils influencer l’octroi d’un contrat afin de favoriser une compagnie-soeur? Non, oubliez ça. En passant, pour ceux qui ne seraient pas encore au courant, la famille Desmarais, propriétaire de La Presse, possède une importante participation dans Suez-GDF.

Si je continue encore sur cette lancée paranoiaque, je serais tenté de croire que les libéraux opteront pour un partenariat public-privé pour gérer le projet hydroélectrique La Romaine. Pourrait-on croire que Thierry Vandal, un autre libéral du temps de Robert Bourassa, appuiera Jean Charest dans une démarche PPP pour la construction et la gestion du sixième plus important barrage au Québec? Et si je vous disais que Suez a récemment remporté le contrat de construction et d’exploitation du barrage de Jirau au Brésil, est-ce que vous me traiteriez encore de paraneau?

Photo: Jarod 81 – Flickr

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La santé publique n’est-elle qu’un vœu pieux au Québec ?

On parle beaucoup de santé publique ces temps-ci. Or, qui sait que le Québec s’est doté, en 2001, d’une loi qui oblige les ministères à évaluer les impacts sur la santé publique d’une loi, d’un règlement ou de toute autre mesure qu’ils envisagent mettre en application? Sept ans plus tard, l’Observatoire de l’administration publique constate que dans les faits très peu d’évaluations ont été réalisées, et que dans le cas des ministères à vocation économique c’est encore pire (Télescope, volume 14, numéro 2, page 79).

Deux exemples, qui sont venus jeter des bâtons dans les roues de projets mis de l’avant par le gouvernement, aident à comprendre cette réticence. Le premier est la tentative avortée du déménagement du Casino à Pointe-Saint-Charles, la Direction de la santé publique de Montréal n’avait pas hésité à mettre en lumière les dangers inhérents au déménagement du casino en 2006.

Le second exemple est plus récent. Deux directions régionales de santé publique (celle de Chau­diè­re-Ap­pa­la­ches et celle de la Ca­pi­ta­le-Na­tio­na­le) exprimaient de sérieuses réserves à propos du projet de port méthanier Rabaska, auquel le ministère de la Santé et des Services sociaux a néanmoins donné le feu vert.

Curieusement, les ministères semblent plus sensibles aux impacts environnementaux qu’aux impacts sur la santé publique que peuvent avoir leurs décisions.

Ce ne sont pourtant pas les outils qui manquent pour évaluer les impacts sur la santé publique: outre les directions régionales de santé publique, le Québec dispose d’une direction générale de santé publique et d’un Institut national de santé publique.

Où est le problème?

Alors que l’environnement est devenu un incontournable, la santé publique est toujours loin d’être une priorité, en dehors du ministère de la Santé et des Services sociaux et du réseau de la santé. Cela est normal: ce n’est pas non plus perçu comme un sérieux problème par «l’opinion publique».

Lorsque des crises surviennent, comme la contamination des fromages par des bactéries listeria, tout le monde s’émeut et c’est le branle-bas de combat dans le ou les ministères concernés. Le ministre est sur la sellette.

Pour ce qui concerne les impacts à plus long terme de décisions sur la santé publique, cela devient beaucoup plus nébuleux.

Une possible solution serait de renforcer le rôle du Commissaire à la santé et au bien-être.

Ah ! Ah ! Je vous ai bien eu. Vous ne saviez pas qu’il y a un Commissaire à la santé et au bien-être au Québec. Vous avez par contre sûrement entendu parler du Commissaire au développement durable, Harvey Mead. Son premier rapport a été assez médiatisé, merci.

Mead a des dents, enfin pas vraiment lui, mais la Loi qui a instauré son poste. Comme il l’expliquait lors d’une conférence en avril 2007, son rôle est de «signifier les défaillances [des ministères et organismes à l’égard des principes du développement durable] directement aux parlementaires».

Dans le cas du Commissaire à la santé et au bien-être, qui s’appelle Robert Salois en passant, son mandat se limite au système de santé et de services sociaux. Il n’a donc pas, contrairement à Mead, à examiner ce que font les autres ministères et organismes du gouvernement pour assurer une meilleure santé publique, notamment l’analyse ou non qu’ils font des impacts des lois, règlements ou toute autre mesure qu’ils envisagent de mettre en application.

Bref, que l’on me pardonne cette image, le Commissaire à la santé publique et au bien-être est complètement édenté dès qu’il sort du périmètre du ministère de la santé et des services sociaux.

L’ironie veut que monsieur Salois a fait un brillante carrière en médecine dentaire avant d’être nommé Commissaire à la santé et au bien-être en 2006.

Post scriptum

Je n’ai pas abordé ce qui se passe du côté d’Ottawa, mais sachez qu’il y a un Administrateur en chef de la santé publique. Je n’ai rien vu concernant l’impact des décisions des autres ministères et organismes fédéraux sur la santé publique.

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Classé dans Actualité, Michel Monette